- il y a 2 jours
 
La légende veut que pendant l'Occupation, les grands terroirs viticoles français aient été pillés par l'Allemagne nazie. Des travaux récents d'historiens montrent une autre réalité. L'occupation allemande a en effet permis aux milieux d'affaires et aux grands commerçants d'amasser des fortunes considérables. Au-delà de l'exploration de ce visage méconnu de la collaboration économique et de la France des terroirs, ce film retrace l'histoire de la lutte entre cupidité et solidarité humaine. A la recherche d'une mémoire volontairement occultée, le documentaire mêle des images d'archives, interviews d'experts et interventions de vignerons.  Année de Production :
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00:00:00La première fois depuis la tragique année 1940 approchera et unira tous les enfants de la France renaissante
00:00:08des deux zones et de l'Empire.
00:00:30Entre 1940 et 1945, la France a connu une des périodes les plus sombres de son histoire,
00:00:55avec l'occupation du pays par l'armée allemande.
00:00:58Résistants contre Collabo, des fractures qui ont marqué des générations entières, jusqu'à aujourd'hui.
00:01:05Ce film voudrait proposer un récit en partage, celui de cette période dramatique, complexe, telle que l'a vécu le monde du vin.
00:01:14Un petit bout de France qui, à l'image du pays tout entier, a eu ses héros, ses salauds et aussi beaucoup d'autres qui n'étaient ni l'un ni l'autre,
00:01:23mais des femmes et des hommes qui ont tenté de survivre en traversant la tourmente, chacun à leur manière.
00:01:29Notre histoire commence quelque part en Europe orientale, de nos jours, en Moldavie précisément.
00:01:41A quelques kilomètres de la capitale, dans la ville de Krikova, se trouve une des plus vastes caves à vin au monde, avec plus d'un million de bouteilles.
00:01:53Des kilomètres de galeries souterraines que l'on parcourt en voiture, le long de rues qui portent chacune le nom d'un grand cépage.
00:02:00Dans l'une de ces salles, se trouvent environ 600 bouteilles qui ont une histoire étonnante.
00:02:07Rien que des grands crus classés, dont beaucoup datent de la période d'avant ou pendant la seconde guerre mondiale.
00:02:14La quasi-totalité de ces bouteilles, d'une valeur inestimable, proviennent des vignobles français.
00:02:22Pour comprendre comment ce trésor repose tranquillement au fond de cette cave moldave, il faut reconstituer son itinéraire mouvementé.
00:02:34Pendant la seconde guerre mondiale, les dignitaires nazis avaient accumulé des fortunes considérables, amassées à force de spoliation à travers toute l'Europe occupée.
00:02:44Hitler possédait un certain nombre de ses grands crus, qu'il entreposait dans les sous-sols de son nid d'aigle, dans les Alpes bavaroises.
00:02:53Hermann Göring, lui, en avait accumulé plusieurs milliers dans les caves de son palais de Karin Hall, près de Berlin.
00:03:041945, la défaite allemande.
00:03:10Dans les montagnes bavaroises, les troupes alliées font la prise du nid d'aigle.
00:03:22C'est là, dans les caves, qu'ils découvrent une partie du butin de guerre nazie.
00:03:29L'histoire ne dit pas comment Français, Américains et Soviétiques ont partagé le trésor.
00:03:35Mais une partie des grands crus a directement pris la route de Moscou, sur ordre de Staline, où beaucoup ont été rapidement engloutis.
00:03:44Les bouteilles retrouvées à Grécova sont celles qui ont échappé au petit père des peuples.
00:03:53En France, on fête aussi la victoire.
00:03:56C'est alors qu'on ressort les bouteilles, celles qu'on a réussi à cacher aux Allemands, raconte l'histoire.
00:04:03C'est toujours ça que les boches n'auront pas, a-t-on désormais pris l'habitude de dire.
00:04:20Voilà pour la légende.
00:04:24La légende, car en réalité, les choses sont moins glorieuses, plus complexes en tout cas.
00:04:31Il est clair qu'il y a une légende, il y a un mythe durable, d'ailleurs, qui prend corps de nos jours toujours.
00:04:37C'est celui qu'à l'arrivée des Allemands, on a caché le vin, on a emmuré les caves, etc.
00:04:42Si ça a pu exister, mais c'est de manière vraiment singulière et fortuite,
00:04:47la plupart du temps, il fallait bien vivre, il fallait bien continuer, tout simplement, de vendre son vin, d'avoir une vie économique.
00:04:54Sinon, les entreprises en elles-mêmes disparaissaient, soit le petit viticulteur ou soit le négoce.
00:05:01C'est plutôt dans le monde du négoce où on a fait le plus d'affaires avec l'occupant que le monde viticulteur.
00:05:06Mais ça ne veut pas dire pour autant que certains viticulteurs n'ont pas aidé des réseaux de résistance,
00:05:10n'ont pas caché les gens, etc. C'est à l'image de la société française.
00:05:15Les archives de l'épuration, et notamment les archives fiscales, révèlent que les négociants en vin
00:05:32sont probablement ceux qui vont être les plus touchés par l'épuration.
00:05:37Pourquoi ? Parce que c'est eux qui ont beaucoup commercé avec l'Allemagne.
00:05:42C'est-à-dire, à une période de pénurie, de difficultés, les négociants en vin ont pu vendre du vin.
00:05:50Et en plus, ont pu le vendre à des prix assez élevés.
00:05:53On sait par exemple qu'entre 1944 et septembre 1945, c'est près de 299 condamnations à des amendes très importantes,
00:06:06et qui révèlent des profits particulièrement élevés.
00:06:12Cette réalité historique, celle des profits réalisés grâce au commerce avec l'occupant allemand, a longtemps été tue.
00:06:20Aujourd'hui encore, elle a du mal à être admise par une partie des acteurs concernés,
00:06:24notamment par les maisons, nombreuses, sanctionnées à la libération.
00:06:28Au mois de mars 1946, les négociants en vin vont demander au commissaire de la République un arrangement.
00:06:38Le monde du vin va finalement, après-guerre, obtenir un aménagement, un arrangement,
00:06:45entre, finalement, taire les sanctions qui leur sont faites,
00:06:52et en échange de quoi ils s'engagent à payer les amendes auxquelles ils sont, on va dire, soumis.
00:07:01Ça, c'est important.
00:07:02Qu'est-ce que ça explique la gêne qu'on perçoit encore aujourd'hui, ça ?
00:07:06Bien sûr.
00:07:07Aujourd'hui, avec un recul de près de 80 ans, de voir ressurgir des affaires,
00:07:14de voir ressurgir un commerce,
00:07:17peut nuire à certaines maisons qui sont toujours très présentes sur la place.
00:07:22Est-ce qu'on peut les citer ?
00:07:27Non.
00:07:28Non, parce que...
00:07:35Disons que vous, vous ne préférez pas les citer.
00:07:37Il est compliqué de citer ces maisons,
00:07:40parce qu'elles pourraient très bien aujourd'hui se retourner contre l'historien,
00:07:46et même si l'historien, avec tout un outillage archivistique,
00:07:52pourrait se voir rétorquer d'une mise en diffamation de ces maisons de négoce.
00:08:01C'est là où est la complexité, finalement, du dossier.
00:08:0780 ans après les faits, il reste difficile de parler d'un certain nombre de dossiers à Bordeaux.
00:08:14C'est difficile d'en reparler, à partir du moment où on n'a pas le courage de le faire.
00:08:26Pourquoi on ne l'assume pas ?
00:08:28Pas de vagues, pas de vagues, pas de vagues, pas de vagues, pas de vagues.
00:08:31Celui-là, il a collaboré, on ne va pas le dire.
00:08:33Il a collaboré, il a collaboré, et puis voilà.
00:08:35La collaboration a donc atteint à la fois la totalité du négoce,
00:08:40la totalité des grands crus,
00:08:43une grande partie aussi du vigneron de base,
00:08:47et même ceux qui transportaient le vin, par exemple.
00:08:50On n'a pas purgé l'abcès.
00:08:55Pour comprendre cette compromission d'une partie du monde viticole,
00:08:58il faut remonter dans l'histoire.
00:09:00Juin 1940, les Allemands entrent dans Paris.
00:09:06Depuis plusieurs semaines, l'exode a commencé.
00:09:09Des millions de réfugiés affluent sur les routes,
00:09:12parfois pris sous le feu des avions allemands qui mitraillent la foule.
00:09:16Ils tentent de rejoindre la zone sud,
00:09:19qui, au terme de l'armistice signé avec l'Allemagne,
00:09:22reste sous le contrôle du nouveau gouvernement français dirigé par Philippe Pétain.
00:09:26Ce qui reste de l'appareil d'État français se replie sur Bordeaux,
00:09:32désormais occupé par les troupes allemandes.
00:09:36Là-bas, c'est la confusion générale.
00:09:38La ville passe de 400 000 à près d'un million et demi de personnes en quelques jours.
00:09:45Le maire de la ville, Adrien Marquet,
00:09:47fait partie du premier cercle autour de Philippe Pétain,
00:09:50dont il devient le ministre de l'Intérieur.
00:09:52Très rapidement, il organise une véritable purge,
00:09:56limogeant de l'administration tout ce qui ne semble pas favorable au nouveau régime.
00:10:03Il fait des déclarations extrêmement explicites sur l'adhésion à l'Europe allemande, très très tôt.
00:10:13devant le conseil municipal, il déclare qu'on est face à un ordre nouveau.
00:10:18Pour lui, c'est la nouvelle réalité.
00:10:20Elle est allemande et il faut faire avec et il faut se plier à cette nouvelle réalité.
00:10:26Donc il fait partie de ce camp-là et c'est le nid de la collaboration qui se met en place avec ses choix.
00:10:33Bordeaux, la capitale du vin, sera profondément marquée par toutes les compromissions du mandat d'Adrien Marquet.
00:10:41Elle est par exemple l'une des trois seules villes du pays à accueillir l'exposition
00:10:45Le Juif et la France, concentré des clichés antisémites les plus violents.
00:10:4960 000 entrées, c'est un vrai succès qui attire la population bordelaise.
00:10:57Il y a une omerta, une longue et lente omerta sur ces questions-là, bien sûr.
00:11:08À Bordeaux, les grandes maisons de négoces s'adaptent rapidement à la Nouvelle-Donne.
00:11:13Une grande partie d'entre elles sont regroupées dans le quartier des Chartrons, sur la rive gauche de la Garonne.
00:11:20C'est le quartier historique des grands négociants, à l'époque le cœur du commerce de la ville.
00:11:29Ce monde des Chartrons, ce monde du vin a toujours voulu être présent sur la place,
00:11:35a toujours voulu être proche du pouvoir.
00:11:38On les retrouve notamment dans l'entourage d'Adrien Marquet.
00:11:44L'un des personnages les plus en vue de ce monde des Chartrons s'appelle Louis Echnauer.
00:11:48C'est le plus gros négociant de la ville.
00:11:51Un personnage charismatique, issu d'une grande famille protestante d'Alsace,
00:11:56que tout le monde surnomme l'empereur des Chartrons.
00:12:00Oncle Louis, pour ses proches.
00:12:02À la tête d'une fortune colossale, il possède plusieurs grands domaines prestigieux,
00:12:08dont le château Camponac ou encore le château Olivier.
00:12:14La famille de Florence Mott était très proche des Echnauer.
00:12:18Son grand-père, Edmond Mangou, était l'homme de confiance du grand négociant.
00:12:22Alors ça, c'est mon grand-père, Louis Echnauer et Georges Tessandier,
00:12:30dans leur bureau de l'avenue Émile Counor.
00:12:33Voilà. Et là, vous avez les portraits, alors, de tous les Echnauer
00:12:37qui, avant Louis, avaient fondé la maison de négoce.
00:12:40Louis Echnauer avait une vision très particulière du métier de négociant.
00:12:44Il agissait au fond en collectionneur.
00:12:47Et donc, il achetait et il vendait les vins qu'il aimait.
00:12:53D'ailleurs, là, c'est les vins qu'il servait, par exemple, à Camponac.
00:12:59Alors, Margaux, Laffite, Margaux, Aubryon, Margaux, Château Ikem.
00:13:05C'est pas mal, quand même.
00:13:07Oui, oui, oui. On devait les sortir en bon état.
00:13:09Ça, si vous avez, là, l'union chrétienne de jeunes gens et de jeunes filles en excursion.
00:13:16C'est toute la gentrie protestante bordelaise
00:13:21qui allait régulièrement se bagnoder dans les propriétés alentours.
00:13:27Il faut bien comprendre que le milieu protestant de Bordeaux,
00:13:31c'est au fond un tout petit milieu.
00:13:33C'est à peine une quinzaine de familles.
00:13:34Et ces quinze familles sont pour des raisons de religion,
00:13:41de manière de vivre, de statut social.
00:13:45J'allais dire de quartier, parce qu'ils habitaient tous dans le quartier des Chartrons.
00:13:50Et ces gens-là ont toujours vécu entre eux, ont été mariés entre eux.
00:13:52se sont appelés mon oncle, mon cousin, tante, tante, elle.
00:13:58Puis en même temps, un vrai luxe qui était un luxe quotidien, si vous voulez.
00:14:06Et donc, ils étaient entre eux, entre eux, entre eux, entre eux.
00:14:09Cette petite communauté est issue de familles qui avaient fui les persécutions des guerres de religion,
00:14:19et trouvées refuge dans les principautés allemandes.
00:14:22Par la suite, une partie d'entre elles sont revenues s'installer dans le sud-ouest.
00:14:26Ces familles sont restées liées de part et d'autre de la frontière,
00:14:30tissant des liens d'affaires de génération en génération,
00:14:32notamment dans le négoce du vin.
00:14:39C'est très compliqué, parce qu'on voit arriver des gens qu'on connaît, qu'on tutoie.
00:14:44Bon, ils ont une forme vert de gris, mais qu'est-ce qu'on va leur dire ?
00:14:48Est-ce que c'est pour autant qu'on ne va pas les saluer ?
00:14:53Alors évidemment, certains ont pris une attitude un peu distante.
00:14:57Les Cressmann ont affecté de ne pas savoir parler allemand.
00:15:00Ça faisait rigoler tout le monde, parce qu'ils parlaient allemand comme des Allemands.
00:15:04Mais bon, ils faisaient semblant.
00:15:06Et puis d'autres, alors, se sont vautrés dans le copinage,
00:15:09et ont accueilli à bras ouverts des gens qu'ils considéraient comme des amis.
00:15:19Et c'est le cas de Louis Schneuer ?
00:15:21C'est le cas de Louis Schneuer.
00:15:22Il y a beaucoup de gens qui lui ont dit qu'il exagérait, qu'il fallait pas que ce soit aussi ostensible,
00:15:29que se promener ras-dessus-bras-dessous avec un officier allemand sur le champ de course du Bousca,
00:15:35alors que le type était en tenue, ça tenait pas la route.
00:15:37Ma grand-mère elle-même lui disait, écoutez, vous les aimez, vous les fréquentez, vous les connaissez,
00:15:43mais vous les recevez en civil quand vous les invitez à dîner chez vous,
00:15:47vous les faites pas arriver avec leur motard et leur Mercedes à Croix-Gammé.
00:15:52Enfin, ça rime à rien du tout.
00:15:53Et ça, rien n'explique pourquoi il a agi comme ça.
00:16:00Rien ne l'explique.
00:16:02En dehors du fait qu'il était Louis Schneuer, l'empereur des Chartrons et que tout lui était permis.
00:16:10Pour Schneuer, comme pour l'ensemble des négociants des Chartrons,
00:16:13l'arrivée des Allemands est une véritable aubaine.
00:16:16Lorsque débute l'occupation, le monde viticole est en crise.
00:16:19L'économie française ne se remet toujours pas de la grande dépression des années 30.
00:16:24Les négociants ont des stocks importants d'invendus dont ils ne savent comment se débarrasser.
00:16:30L'arrivée des Allemands signifie la possibilité d'écouler ces stocks.
00:16:34D'autant que l'Allemagne est demandeuse d'importantes quantités.
00:16:39Sur cette photo, Louis Schneuer pose avec l'un de ses partenaires commerciaux traditionnels,
00:16:44l'Allemand Heinz Böhmers.
00:16:46Les deux hommes se connaissent depuis des années.
00:16:49Le père de Böhmers était lui-même déjà en affaire avec la maison Schneuer.
00:16:54Coup de chance pour oncle Louis, Böhmers, désormais officier supérieur de la Wehrmacht,
00:16:59vient d'être nommé responsable de tous les achats de Bordeaux pour l'Allemagne.
00:17:02Böhmers, c'était table ouverte d'abord à son domicile, mais en même temps, avenue Humilk ou Nord, les Allemands y étaient complètement chez eux.
00:17:12L'attitude des négociants bordelais, ça a été de ne pas cracher dans la soupe à partir du moment où les Allemands achetaient très bien, et je dirais presque n'importe quoi.
00:17:23Parce qu'il y a ça aussi, c'est que vous aviez une partie des vins qui étaient contingentés, qui étaient donc des vins qui dépendaient du ravitaillement, et puis vous aviez les grands crus qui étaient libres.
00:17:35Alors, bon, il fallait les vendre. On les a vendus.
00:17:42L'Allemagne considère le vin français comme une ressource stratégique.
00:17:47Aussi bien les vins de consommation courante, dont elle veut s'assurer de l'approvisionnement en continu, essentiel au moral de ses troupes,
00:17:54que pour les vins classés, à destination des dignitaires du régime.
00:17:58Mais contrairement à l'idée longtemps répandue, non seulement les Allemands n'ont pas volé la production viticole française,
00:18:04mis à part quelques affaires de pillage, notamment par Göring, mais cette production a été achetée, et plutôt à bon prix.
00:18:15Pour organiser ces achats, l'armée allemande a nommé trois responsables, promus au rang d'officier supérieur de la Wehrmacht.
00:18:22Ce sont les Weinführers. Adolf Segnitz est le responsable des achats pour le Bourgogne,
00:18:29Otto Klebisch pour le Champagne et Hans Bömers pour le Bordeaux.
00:18:34Bömers bénéficie pour sa part d'un statut particulièrement avantageux, qui lui permet en parallèle de poursuivre ses affaires à travers sa propre société.
00:18:42L'arrivée de Bömers a plutôt été très bien accueillie. Elle a été très bien accueillie par le monde des Chartrons.
00:18:52Elle a été très bien accueillie par la filière du vin bordelais. Parce que finalement, c'était quelqu'un qui était très connu.
00:18:59On s'inscrivait dans la continuité. C'est une belle opportunité pour un certain nombre de négociants.
00:19:06La société de négoces d'Heinz Bömers, le Weinführer pour la région de Bordeaux, existe toujours aujourd'hui.
00:19:11Elle a son siège à Brême, dans le nord de l'Allemagne.
00:19:17Michael Bömers est le fils d'Heinz Bömers.
00:19:20A la mort de son père, il a repris la maison familiale avec ses frères.
00:19:23Il y a quelques années, ils ont décidé de confier à la municipalité les archives de la société.
00:19:34Alors ça, c'est une note où il décrit exactement sa fonction.
00:19:39Là, il explique les règles suivantes, les quantités et les prix, etc.
00:19:48C'est très minutieusement réglé.
00:19:51Mais c'est-à-dire que ce n'est pas les Allemands qui décidaient d'autorité le prix ?
00:19:58C'était une discussion avec les Français ?
00:20:01Oui, oui, oui.
00:20:03Et c'était...
00:20:05Mais ils payaient plutôt bien ou plutôt pas bien ?
00:20:11Qu'est-ce que vous pensez ?
00:20:13Alors, à mon avis, c'était bien payé.
00:20:16Autrement, mon père aurait eu d'énormes difficultés avec les Français.
00:20:22Les prix étaient donc fixés sur le niveau à peu près officiel ou bien au-dessus.
00:20:29Au-dessus.
00:20:31Au-dessus des prix ?
00:20:32Au-dessus. Au-dessus des prix officiels.
00:20:35Il y avait une certaine marge, paraît-il, de négociation.
00:20:39C'est ce que mon père dit ici et c'est mon expérience à moi quand je suis venu à Bordeaux.
00:20:46Dans les années 60, je n'ai jamais trouvé quelqu'un qui m'a fait des remords ou critiqué.
00:20:53Ils étaient polis peut-être, d'accord, mais je n'ai pas trouvé ça.
00:21:01Ils ont peut-être aussi gagné beaucoup d'argent.
00:21:04Ça, c'est tout à fait possible.
00:21:06Au début de la guerre, j'avais un an et il y a un petit film familial où on a célébré notre premier anniversaire ensemble avec ma soeur jumelle.
00:21:28Et ça, c'était deux jours avant le commencement de cette terrible guerre.
00:21:35Oui, deux jours.
00:21:42Mes parents n'étaient absolument pas nazis, mais mon père, il a quand même collaboré avec eux.
00:21:49C'était nécessaire pour sa entreprise.
00:21:51Ça, il a toujours dit, j'ai dû essayer de travailler et de protéger ma famille et faire ma fonction à Bordeaux, d'accord, d'une façon aussi civile que possible.
00:22:05Mais il n'a pas fait la résistance.
00:22:08Autrement, vraisemblablement, il n'aurait pas eu ce poste à Bordeaux.
00:22:13Professionnellement, c'était une très belle période pour lui et pour les Français, certainement pas, parce que c'était quand même qu'ils étaient occupés.
00:22:25Mais pour les affaires, à mon avis, ils ont pu être contents.
00:22:33C'était la continuation sur un niveau un peu différent, parce que maintenant, c'était des quantités beaucoup plus importantes.
00:22:43Heinz Bombers a procédé à 11 appels d'offres pendant l'occupation.
00:22:5011 appels d'offres globaux pour des quantités importantes de vin, payés d'ailleurs grâce à l'indemnité quotidienne versée par le régime de Vichy à l'occupant allemand pour rembourser les frais d'occupation.
00:23:0411 appels d'offres dont deux solutions se posent aux négociants.
00:23:10Est-ce que je réponds à l'appel d'offres ou est-ce que je m'abstiens ?
00:23:14Si je m'abstiens, je garde mon vin, je n'ai pas d'argent, ma trentaine de salariés, je ne les paye plus.
00:23:22Donc je ne m'apitoie pas, je résume une situation réelle.
00:23:28La réalité, c'est qu'il faut vider les chaises, il faut faire tourner le vignoble, il faut obtenir des rentrées d'argent.
00:23:37Et là, il y a une opportunité alléchante.
00:23:39Toutes les grandes familles et d'autres participent à la réponse à ces appels d'offres.
00:23:49Et on ne connaît pas, à ma connaissance, de commerçants, de négociants résistants,
00:23:56enfin, ou qui auraient montré un esprit de résistance à ce système.
00:24:01Depuis l'armistice de juin 1940, la France est coupée en deux.
00:24:08Une ligne de démarcation a été tracée, délimitant la zone nord occupée par l'Allemagne,
00:24:13de la zone sud dite libre, sur laquelle le gouvernement de Vichy exerce sa propre autorité.
00:24:19On a une frontière qui part de la Suisse et qui arrive jusqu'à l'Espagne,
00:24:26avec un grand arc à 90 degrés au niveau de la Touraine.
00:24:40Tous les grands vignobles français passent sous le contrôle allemand.
00:24:44Que ce soit en Bourgogne, toute une partie de la Bourgogne est en zone occupée.
00:24:49Bien sûr, le Champagne est en zone occupée, une partie également des vins du centre-ouest sont en zone occupée.
00:24:55Et ici, en Bordelais, on va constater que les grandes appellations passent sous la tête allemande.
00:25:06La ligne de démarcation est passée sur la route.
00:25:09Et cette ligne de démarcation, elle constitue une véritable frontière intérieure,
00:25:13une frontière artificielle, qui a vu des régions être divisées en deux.
00:25:17Dans la définition juridique de l'occupant, ce n'est pas en fait une simple ligne, c'est une zone.
00:25:24Une zone de quelques centaines de mètres que les Allemands peuvent faire fluctuer un petit peu comme bon leur semble.
00:25:29La sauf terre de Guyenne, c'est un petit village qui, en juin 1940, se retrouve sur la ligne de démarcation.
00:25:38Elle est partagée par cette frontière intérieure, par cette frontière artificielle.
00:25:41Et justement, cette frontière, au départ, la coopérative que l'on voit là, va se retrouver en zone occupée.
00:25:50Mais quelques semaines, quelques mois après l'arrivée des Allemands, cette ligne de démarcation, elle va se déplacer.
00:25:58Et cette coopérative va se retrouver en zone occupée.
00:26:04C'est un petit vin de qualité. On est sur du vignoble de Bordeaux.
00:26:09Donc, c'est un vignoble qui peut tout à fait être intéressant pour les Allemands.
00:26:13En suivant le tracé de la ligne de démarcation vers le nord,
00:26:28on arrive bientôt au-dessus d'une autre grande région viticole, la Bourgogne.
00:26:46Elle aussi, opportunément placée par les Allemands, dans la zone qu'ils occupent désormais.
00:26:51Mon grand-père me disait, mais les Allemands, ils étaient au paradis ici.
00:27:04Ils étaient moins emballés à l'idée de prendre le Larzac.
00:27:07Ils sont arrivés ici, Meursault, Pommard, la Côte de Nuit.
00:27:12Il y en a sans doute qui venaient parmi les gradés. Il y en a sûrement qui étaient déjà venus ici en touriste.
00:27:16À partir des souvenirs de son grand-père viticulteur, l'auteur de bandes dessinées Fred Bernard a publié cet album.
00:27:27La chronique de l'occupation allemande telle qu'elle a été vécue dans les vignes de Bourgogne.
00:27:35Il était traumatisé par cette période. Il ne supportait pas d'être occupé en fait.
00:27:39Il connaissait des gens qui commençaient à faire un peu de résistance. Lui, ça le branchait beaucoup, mais ma grand-mère ne voulait absolument pas.
00:27:49Il trouvait que c'était trop dangereux. Et donc, en fait, je crois qu'il n'a pas dû lui laisser le choix. Il lui a dit, écoute, ok, mais je m'engage parce que je veux, il faut faire quelque chose.
00:27:57Enfin, il faut faire quelque chose, quoi.
00:28:00Mais il y a eu de la collaboration dans la région ?
00:28:04Oui, oui, alors il ne donnait jamais de nom.
00:28:06Enfin, ou très peu, quoi.
00:28:08Mais, oui, il y a tout de suite des gens qui ont fait des affaires avec les Allemands.
00:28:13C'est les pragmatiques, j'ai envie de dire.
00:28:15Parce qu'il y en a plein qui se sont dit, ils ont gagné, ils ont gagné.
00:28:18Voilà, on va apprendre l'allemand.
00:28:19On va apprendre l'allemand.
00:28:29En vérité, il y avait très peu de résistants et la majorité des gens subissaient...
00:28:36Et ces fractures-là, elles sont encore vivantes ?
00:28:40Bah oui, parce que comme je me disais, souvent les cons, ils font des cons.
00:28:43C'est souvent de génération en génération.
00:28:45Et pour que la malédiction s'arrête, il faut vraiment qu'il se passe quelque chose.
00:28:50Et puis qu'il faut que quelqu'un s'échappe, quitte, casse la malédiction.
00:28:54Mais...
00:28:56Et est-ce que parler de tout ça, c'est pas une manière de casser la malédiction ?
00:29:00Bah, en tout cas, c'est bien de dire les choses, c'est bien de les nommer.
00:29:03Enfin, il tenait à ce qu'on sache.
00:29:05C'était hyper important pour lui qu'on sache ce qu'il s'était passé, quoi.
00:29:09Et il pleurait à chaque fois, systématiquement, il pleurait.
00:29:12Et d'ailleurs, c'est pour ça que ma grand-mère et ses filles disaient, mais arrête, tu vas encore pleurer.
00:29:17Il fait, mais c'est pas grave, pleurer.
00:29:19Je raconte.
00:29:20L'un des hauts lieux du vin de Bourgogne se trouve ici, aux Hospices de Beaune.
00:29:32Fondé au XVe siècle par les époux Rollins, cet hospice pour les nécessiteux est resté en activité jusque dans les années 60, date à laquelle il a été transformé en musée.
00:29:42Depuis sa création, l'établissement a régulièrement reçu des dons de vignobles de la part des seigneurs bourguignons.
00:29:49Aujourd'hui, les Hospices possèdent 60 hectares de vignes, dont plusieurs parcelles de renommée internationale classées en premier ou grand cru.
00:29:58L'une de ces parcelles, sur la colline de Beaune, illustre à sa façon la période de l'occupation allemande et du régime de Vichy,
00:30:05qui accordait une place centrale au travail de la terre, de la vigne en particulier.
00:30:11En 1943, cette parcelle, l'une des plus prestigieuses de Bourgogne, a été prélevée sur les terres appartenant aux Hospices pour être offerte au Maréchal Pétain.
00:30:22Rebaptisée à l'époque Clos du Maréchal, son histoire est largement méconnue.
00:30:27Elle a été redécouverte récemment par l'historien bourguignon Jean Vigreux.
00:30:35C'est un bout de quelque chose, ça ?
00:30:38Ça pourrait être un morceau de borne à l'envers, retourné, puisqu'il y avait eu trois bornes qui avaient été mises en 1943, un an après le don.
00:30:49Et ça a été tout cassé à la libération.
00:30:51Pour retrouver le Clos du Maréchal Pétain, c'est parti d'une histoire ancienne.
00:30:55Mon père m'avait donné une étiquette Clos du Maréchal Pétain, leur étiquette de vin,
00:30:59où on voit le mariage entre les symboles des Hospices de Beaune et PHP Philippe Pétain.
00:31:05De cette étiquette, un jour j'ai dit j'en ferai quelque chose, et puis en allant de fil en aiguille aux archives,
00:31:10eh bien on a pu restituer, reconstituer cette histoire.
00:31:14Une histoire qui touche vraiment à tous les aspects de la Révolution nationale.
00:31:19Celle du culte du chef, du culte du sauveur.
00:31:21Donc les Beaunois, le maire de Beaune, est très fier que le Maréchal Pétain possède un morceau de la montagne de Beaune et est présent ici à Beaune.
00:31:32Et puis l'autre aspect que j'ai découvert plus tardivement, c'est l'antisémitisme.
00:31:38Parce qu'en 1942, pour pouvoir recevoir cette vigne, eh bien une enquête est faite pour savoir si Pétain n'avait pas d'ascendance juive.
00:31:46Il y avait un doute ?
00:31:47Il y avait pas de doute, mais c'est le zèle d'un fonctionnaire de l'époque.
00:31:52Alors, on peut le dire peut-être que c'était un zèle extrême et peut-être un acte de résistance, c'est pas le cas.
00:32:00C'est plutôt la norme dans laquelle on était et la logique dans laquelle on se trouvait.
00:32:08Aujourd'hui, ça a repris le nom d'avant-guerre, les dames hospitalières.
00:32:10Les dames hospitalières, les dames hospitalières sont les hospices de Beaune, toutes ces infirmières qui ont soigné pendant longtemps les Beauneois et qu'on a dans notre imaginaire collectif, dans la Grande Vadrouille.
00:32:23Peu de gens savent que c'est l'ancien parcelle de Pétain ?
00:32:27Non, non. Très peu, très peu le savent. Quand on achète une QVD dame hospitalière de Beaune, c'est une QVD dame hospitalière. Pour ceux qui peuvent peut-être le savoir et qui sont intéressés à cette histoire, ils vont dire « Ah, l'exclos du maréchal Pétain ». Mais c'est totalement oublié, refoulé.
00:32:41Refoulé, comme l'est aussi la réelle ferveur populaire dont bénéficie alors Philippe Pétain.
00:32:49Lorsqu'il accède à la tête de l'État, beaucoup voient en lui l'homme providentiel qui va sauver la France après la débâcle de 1940.
00:32:56Les Français conservent de lui l'image d'un chef militaire valeureux et soucieux de ses troupes qu'il a réussi à se forger durant la guerre de 1914.
00:33:04À 84 ans, il entame une nouvelle carrière de dictateur en instaurant un régime autoritaire à la solde des Allemands.
00:33:13Son programme se résume à trois mots, travail, famille, patrie. La devise de la révolution nationale qu'il entend imposer au pays.
00:33:24Alors ça, c'est un monument de 1942 taillé en pierre de Bourgogne par l'artiste qui s'appelait Pierre Vigoureux.
00:33:31où on voit le travail sous Vichy dans la logique tout simplement du travail ne ment pas, la terre ne ment pas.
00:33:39En plus, avec les armes bourguignonnes et tout. Et puis bien sûr, en haut, cette déesse cultée qui représente le vin.
00:33:46Il avait été commandé à cet artiste en 1942 par le ministère sous Vichy.
00:33:51Il est installé à Beaune en 1942 au centre-ville, participant en fin de compte à la révolution nationale dans une petite ville.
00:33:57Après guerre, il a été déplacé du centre-ville ici. On l'a gardé parce que ça participe à l'histoire de Beaune, mais elle est quand même refoulée sur la montagne de Beaune.
00:34:07Ce n'est pas la période, on va dire, 40-44 qui est la plus consacrée.
00:34:11Là, il n'y a rien sur le monument lui-même. Donc là, sur la présentation des vignes, c'est très intéressant parce qu'il n'y a rien sur la période de la seconde guerre mondiale, sur la révolution nationale.
00:34:24Là encore, on est dans une histoire aseptisée, sans souci idéologique ou de présentation de la période.
00:34:32À Beaune, il y aurait pourtant beaucoup de choses à raconter sur cette période, de belles choses même.
00:34:40Aux hospices, les sœurs de la congrégation des dames hospitalières vont avoir une conduite héroïque.
00:34:46À partir de l'été 1940, les Allemands occupent l'ensemble de la Bourgogne.
00:34:51Les sœurs soignent désormais sous la surveillance constante des soldats allemands.
00:34:57Quand le maire de Beaune a voulu, à un moment donné, honorer le maréchal Pétain, en prenant une parcelle et en la dédiant au maréchal,
00:35:07ce n'était pas du tout dans leurs idées et qu'elles étaient assez contrariées de cette décision.
00:35:14Les sœurs, elles étaient aussi patriotes et il s'avère qu'un jour, elles devaient faire partir deux personnes, mais c'était difficile.
00:35:27Les Allemands étaient très présents.
00:35:30Donc, avec la complicité de l'aumônier, elles ont organisé un enterrement fictif.
00:35:36Elles ont pris un cercueil qu'elles ont lesté de sable.
00:35:39Elles ont fait une messe d'enterrement dans cette chapelle tout à fait officielle.
00:35:46Ensuite, il a été porté en terre.
00:35:48Et pendant ce temps-là, les autres sœurs ont fait partir les résistants.
00:35:52Dites 33. 33. 33. 33.
00:36:07Oui, oui, oui, oui, oui, oui.
00:36:12C'est moi qui ai pu entrer ces deux urgences, docteur.
00:36:15Celui-ci et l'autre à côté.
00:36:17Je ne vois qu'un remède, changement d'air immédiat.
00:36:19Je m'en occupe tout de suite, docteur.
00:36:23Dites-moi, mon ami, il faudra quand même me surveiller ce foie.
00:36:27À deux pas de la grande salle des hospices, immortalisée par la grande vadrouille, se tient chaque dernier dimanche de novembre une grande vente aux enchères.
00:36:40Depuis cinq siècles, les bénéfices de cette vente sont consacrés au fonctionnement des hospices et des autres hôpitaux de la région.
00:36:49La vente est scrutée par tous les professionnels, car elle fixe la tendance des cours des grands crus de Bourgogne pour l'année.
00:36:57Frédéric Drouin est à la tête de la maison familiale du même nom.
00:37:01Fondée à la fin du 19e siècle par son arrière-grand-père, c'est l'une des principales maisons de propriétaires négociants de Bourgogne.
00:37:09La série.
00:37:10La série entière.
00:37:11La série, oui.
00:37:12Chaque année, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les membres du clan Drouin se sont fixés la mission d'acheter les premières séries de l'un des grands crus qu'ils produisent.
00:37:25Cette cuvée porte le nom de Maurice Drouin, le grand-père de Frédéric, que les Allemands soupçonnaient d'appartenir à la Résistance.
00:37:33Traqué par la Gestapo, il réussit à l'époque à s'échapper via le formidable réseau de caves qui tapissent le sous-sol de la ville.
00:37:43Les Allemands avaient le plan des caves, mais ne connaissaient pas forcément les connexions entre tous les différents caveaux.
00:37:52Et c'est ce qui a permis à Maurice, il est passé par ici, avec sa bougie.
00:37:59Il faut imaginer le 7 juin à 1944, Maurice Drouin est encerclé, il a son beluchon, il a préparé son évasion, il descend en pyjama avec sa bougie.
00:38:11L'escalier qui est derrière cette porte et ouvre la porte, s'habille et le coeur battant va sortir par porte sur l'extérieur, la seule que la Gestapo ne connaissait pas.
00:38:26Et fait les dernières dizaines de mètres jusqu'aux Hospices de Beaune et rentre dans les Hospices et monte ensuite se réfugier dans une toute petite pièce au premier étage des Hospices.
00:38:40Il y avait une soeur qui était au courant pour Monsieur Drouin et personne d'autre parce qu'autrement un secret est vite trahi.
00:38:54Il y avait quand même des soldats allemands dans la maison. Il est resté dans l'établissement Monsieur Drouin plusieurs mois.
00:39:02La soeur concernée a pris beaucoup de risques en cachant Monsieur Drouin parce que si elle avait été découverte, si on avait découvert Monsieur Drouin ici à l'Hôtel-Dieu, je ne donne pas cher de la vie des soeurs, pas uniquement d'une, mais des soeurs.
00:39:19Ah oui.
00:39:25Cap au nord-est, sur la Champagne, vers les vignobles des alentours d'Epernay et de Reims.
00:39:30Ces terres étaient elles aussi en zone nord. Les Allemands avaient bien pris soin de les intégrer à la zone occupée lors du tracé de la ligne de démarcation.
00:39:43Comme pour les autres grandes régions viticoles, les autorités allemandes nomment un Weinführer, un responsable des achats pour toute la région.
00:39:53Il s'agit d'Otto Klebisch.
00:39:55Là encore, les Allemands ont pris soin de nommer un fin connaisseur du marché français, parfaitement francophone puisqu'il est né à Cognac où son père possédait un vignoble.
00:40:04Mais ce n'est pas la seule raison du choix de Klebisch. Son beau-frère n'est autre que le ministre des Affaires étrangères d'Hitler, Otto von Ribbentrop.
00:40:15Celui-ci connaît parfaitement le secteur des vins de Champagne.
00:40:19Avant de devenir le ministre nazi, puis le criminel de guerre qui sera exécuté à Nuremberg, Ribbentrop était représentant pour l'Allemagne des maisons de Champagne Moum et Pommerie.
00:40:29C'est donc directement auprès du ministre des Affaires étrangères que Klebisch prend les consignes avant son départ pour Reims.
00:40:39Ce qui lui est demandé, c'est d'être extrêmement diplomate et d'avoir véritablement la capacité d'expliquer à ses interlocuteurs que s'ils fournissent la quantité de bouteilles demandées,
00:40:53« Eh bien, dans ce cas-là, tout se passera bien. En revanche, s'il venait à y avoir des dérapages, s'il venait à y avoir une rupture de la parole donnée,
00:41:03il faudrait s'attendre, effectivement, à ce qu'il y ait des formes de représailles qui soient mises en place,
00:41:10d'où aussi l'intérêt, bien sûr, partagé à ce moment-là de se dire, si on peut trouver un modus vivendi qui évite de nouveaux drames et de nouvelles difficultés,
00:41:22cela pourrait être quelque chose de tout à fait intéressant.
00:41:27Mais la notion même d'intérêt partagé dont vous parlez, elle est quand même problématique avec les Allemands.
00:41:34L'intérêt tel qu'il est vécu, au moins ici, c'est de considérer que le fait d'avoir un commerce qui fonctionne
00:41:44et fera que la population sera tranquille et fera que le personnel qui travaille dans les maisons aura un salaire et pourra aussi nourrir ses familles.
00:41:56Ça peut être dur à entendre quelquefois, mais c'est aussi cela, c'est éviter de nouveaux drames tels qu'ils ont été vécus.
00:42:04Personne n'a refusé ?
00:42:06Je ne vois pas comment ils auraient eu véritablement la possibilité de refuser.
00:42:11Conformément aux consignes de Berlin, très rapidement, Klebisch, le Weinführer du Champagne, commence donc par amadouer la profession en passant d'importantes commandes pour l'Allemagne.
00:42:23Ces commandes sont d'autant plus les bienvenues que le secteur traverse une importante crise de surproduction,
00:42:28comme les autres grands vignobles du pays à la même époque.
00:42:32Au siège du comité interprofessionnel du vin de Champagne, l'organisme qui régit la profession,
00:42:37la plupart des documents d'archives concernant ces années noires ont disparu.
00:42:42Mais grâce à l'intervention d'un archiviste consciencieux, trois cartons ont bien été conservés.
00:42:49Sur ces documents, les preuves des affaires réalisées avec l'occupant par la quasi-totalité des maisons de Champagne.
00:42:57Parmi ces archives, un document retient l'attention. Il a été rédigé de la main du patron du CIVC, Robert-Jean de Voguier,
00:43:04et pointe les maisons qui ont vendu bien plus que les autres aux Allemands.
00:43:09De Voguier tenait en effet à ce que toutes les maisons se partagent équitablement les nouvelles opportunités offertes par l'occupant.
00:43:16Il faut dire que la demande est forte. Il faut satisfaire les commandes pour le marché allemand,
00:43:22arroser les soldats déployés à travers toute l'Europe, mais aussi alimenter les mondanités des hauts responsables du Reich,
00:43:28pour qui le Champagne français a désormais le goût de la victoire.
00:43:33A Paris, au Ritz, se retrouvent régulièrement officiers allemands et grandes figures de la collaboration,
00:43:39comme le marquis Melchior de Polignac, le patron de Pommerie.
00:43:45Polignac est alors l'un des responsables du groupe Collaboration, qui milite ouvertement pour une Europe allemande.
00:43:55A Épernay, on a choisi d'effacer cette mémoire douloureuse.
00:43:59L'ancien parc de la maison Pommerie est aujourd'hui devenu un jardin public,
00:44:04et le buste à la gloire de son ancien patron a opportunément disparu.
00:44:11Ici, comme à Beaune ou à Bordeaux, on préfère ne pas conserver les traces de ce passé bien encombrant.
00:44:19Si l'attitude d'un Polignac ne peut refléter celle de l'ensemble des maisons,
00:44:22un autre personnage, bien encombrant lui aussi, vient ternir l'histoire du Champagne sous l'occupation.
00:44:29C'est René Bousquet.
00:44:31Celui qui sera le principal organisateur de la rafle du Veldiv de 1942, est alors préfet de la Marne.
00:44:40C'est sous son parrainage, un an avant la rafle, qu'est créé le CIVC, le Comité interprofessionnel des vins de Champagne.
00:44:47Le raccourci, une imposture, une falsification de l'histoire, ce serait de dire que le CIVC a été créé par le gouvernement de Vichy.
00:45:00C'est complètement faux. Ce CIVC est créé en 1941 et le prolongement, l'aboutissement de relations interprofessionnelles, d'expériences relationnelles entre les vignerons et les négociants.
00:45:16Ces deux professions se sont rapprochées à partir de la fin du 19ème siècle.
00:45:21Quel a été le rôle de René Bousquet dans cette affaire ?
00:45:24Alors, je vous l'ai dit, le préfet de la Marne a toujours été l'interlocuteur des vignerons et des négociants qui le surnommait le préfet du Champagne.
00:45:32Et donc, le préfet de la Marne est l'interlocuteur direct et même l'avocat des professionnels auprès du gouvernement.
00:45:41Bousquet est resté très peu de temps à Champagne. Il a été nommé en 1940 et ensuite il est parti dans les sphères nationales. Il a disparu.
00:45:50Bousquet défendait les intérêts de Champagne contre les prétentions et les prérogatives des autorités d'occupation.
00:46:02Mais est-ce qu'on peut extraire ça de l'image plus générale du personnage ?
00:46:07Ça n'a rien à voir. C'est deux périodes de vie différentes.
00:46:11C'est pas parce que Bousquet est devenu ensuite ce qu'il a été que ça entache la création du CIVC. Ça n'a rien à voir.
00:46:27La Champagne illustre bien les ambiguïtés du monde viticole à l'égard de l'occupant.
00:46:32D'un côté, la profession s'accommode aisément de la présence allemande, en profite même.
00:46:37De l'autre, elle compte un certain nombre de résistants dans ses rangs.
00:46:41Et, profitant de ses bonnes relations avec la Wehrmacht, en protège d'autres.
00:46:46Certains de ces résistants l'ont été dès 1940.
00:46:49D'autres, tout d'abord partisans de Vichy, ont peu à peu changé de camp.
00:46:54Notamment lorsque les exigences allemandes sont devenues trop importantes.
00:46:59C'est le cas de Robert-Jean de Vauguay, le principal représentant de la profession.
00:47:04A partir de 1943, il y a un réel raidissement du côté allemand.
00:47:11Les arrangements passés entre De Vauguay et le Weinfuhrer Klebisch ne tiennent plus.
00:47:16Les Allemands semblent désormais vouloir épuiser tout le stock des vins de Champagne.
00:47:20Sur ce compte rendu d'une réunion à l'Hôtel Majestique, le siège des forces allemandes, on comprend que la partie française use de tous les arguments possibles pour tenter de réduire les livraisons.
00:47:34Un mois plus tard, au beau milieu d'une réunion avec Klebisch, Robert-Jean de Vauguay est arrêté par la Gestapo.
00:47:43Condamné à mort, il sera finalement gracié sur l'intervention de Vichy.
00:47:47Et passera le reste de la guerre en détention dans différentes présons allemandes, jusqu'à l'arrivée des Alliés.
00:47:57D'autres dirigeants ont également été arrêtés pour faits de résistance.
00:48:03Mais malgré ces faits d'armes, à l'honneur de la profession, il reste aujourd'hui encore très difficile d'aborder cette époque de notre histoire.
00:48:11Aucune grande maison de Champagne n'a accepté de participer à ce film.
00:48:16L'une des plus célèbres d'entre elles, Tétinger, avait initialement accepté avant de se raviser.
00:48:21Sous prétexte que la maison n'existait pratiquement pas en tant qu'acteur significatif sous l'occupation allemande, selon ses propres termes.
00:48:31Pourquoi cette réponse alors que ces documents prouvent que Tétinger a bien commercé avec les Allemands durant toute la guerre ?
00:48:38Dans les mêmes proportions que la majorité des maisons de Champagne.
00:48:43La société est alors présidée par Pierre Tétinger, ardent défenseur du régime de Vichy et dirigeant de la ligue d'extrême droite, les Jeunesses Patriotes.
00:48:52C'est resté un sujet sensible dont on ne parle pas beaucoup.
00:48:57Est-ce que la question des réputations des grandes maisons joue ?
00:49:02Alors les maisons ont toujours soigné effectivement leur réputation, mais je crois que toute société, toute grande entreprise a ce souci-là.
00:49:12Il n'y a pas eu justement peut-être une lecture complète de ce qui s'est passé.
00:49:19On a essayé de passer à autre chose à l'issue de la libération.
00:49:23Retour à Bordeaux, où le monde du vin n'aime pas trop non plus aborder la période de l'occupation allemande.
00:49:34L'histoire de la maison Kruse illustre assez bien ce malaise.
00:49:38Originaire du nord de l'Allemagne, les Kruse font partie de cette quinzaine de familles qui composent l'aristocratie bordelaise du Bouchon.
00:49:47C'est Hermann Kruse qui fonde la maison familiale au début du XIXe siècle.
00:49:52La maison s'étend au fil des générations, jusqu'à devenir aujourd'hui l'une des plus importantes sociétés de négoce du Bordelais.
00:50:02Cette famille est représentative de cette ambiguïté.
00:50:06On a plusieurs gammes de Kruse.
00:50:09Des Kruse qui sont intéressés par le vichysme, le pétainisme, comme Roger Kruse, l'un des dirigeants de la société.
00:50:15Se situant dans le courant d'une droite relativement autoritaire et on a les Kruse qui font leurs affaires.
00:50:24Ils ne sont pas engagés dans la vie de la collaboration économique, mais ils sont partie prenante du système.
00:50:36Pendant la guerre, Roger Kruse a plutôt bien profité du commerce avec l'occupant.
00:50:41C'est un proche d'Adrien Marquet dont on distingue le portrait au coin de cette photo.
00:50:48Mais son fils, lui, Hubert, s'engage à la même période pour la France libre.
00:50:55En 1944, il est parachuté dans le Vercors pour mener l'assaut contre les forces allemandes.
00:51:01Gravement blessé, il refuse d'être évacué pour poursuivre le combat. Un héros.
00:51:10L'histoire exemplaire d'Hubert Kruse fut pourtant longtemps tue au sein de la famille.
00:51:17Elle n'est ressurgie que récemment lorsque son fils, le journaliste Jean-Paul Kruse, a entrepris des recherches personnelles.
00:51:24C'est complexe. Je ne m'explique pas tout d'ailleurs, mais c'est complexe parce que je ne comprends pas pourquoi on ne m'a pas élevé dans le culte finalement et dans le respect de cette histoire qui est vraiment très noble, qui est magnifique.
00:51:38Et j'en discute d'ailleurs avec des témoins de l'époque, c'est-à-dire avec des vieilles tantes ou des vieux ongles qui sont toujours vivants, donc des frères et sœurs de mon père, qu'il est possible que ce soit pour protéger Roger Kruse, c'est-à-dire mon grand-père, qu'on ait caché la véritable histoire de Hubert Kruse.
00:52:02Et ce qui a amené que c'est seulement très longtemps après, donc il y a un an ou deux, qu'avec plusieurs de mes cousins, j'ai proposé de déposer une plaque ici même, en l'honneur de Hubert Kruse, mais également en l'honneur de deux autres Kruse qui se sont conduits d'une façon brillante pendant la guerre.
00:52:21Ça doit faire un ou deux ans que la plaque a été posée et on n'a pas pu pour le moment faire un vin d'honneur ou quelque chose, moi j'aurais bien facilement vu ça, ou une petite cérémonie, enfin en invitant le maire bien sûr de Bordeaux et tout ça.
00:52:34Pour le moment on n'a rien pu faire parce que mes cousins m'ont fait observer que ça risquait de créer des difficultés dans une partie de la famille.
00:52:43Ça m'a permis, toutes ces recherches, de comprendre quelque chose, c'est que l'histoire de la bourgeoisie, c'est pas tout blanc ou tout noir.
00:52:52À toutes les époques, c'est plus nuancé que ça.
00:52:56D'ailleurs dans le monde, il n'y a rien qui soit tout blanc ou tout noir, la nuance est partout.
00:53:00Et donc il est certain que dans cette famille, il y a eu des gens qui ont fait des imprudences avec les Allemands, notamment dans le commerce du vin.
00:53:13Il est certain aussi qu'il y en a d'autres qui ont été résistants.
00:53:16L'ombre de cette période plane toujours sur les vignes françaises.
00:53:31Si certaines familles ont parfois une mémoire sélective, d'autres découvrent sur le tard l'histoire mouvementée de leur domaine.
00:53:39C'est le cas de Florence et Daniel Catiard.
00:53:41En 1991, ils ont fait l'acquisition de l'un des plus célèbres domaines du Bordelais, le château Smith-aux-Lafites.
00:53:51Ce n'est que quelques années plus tard qu'ils ont découvert une partie de l'histoire de la propriété qui leur avait été cachée,
00:53:56en faisant appel à une archiviste de la région.
00:54:02Il y a cette dame là qui me dit, le château a été acheté autour de 1905 par la maison de négoce implantée à Brême,
00:54:10un radin master Indulrich.
00:54:11Cette entreprise travaillait beaucoup avec les Bordelais.
00:54:13C'était alors la propriété des familles Bomers Indulrich.
00:54:17Le Bomers en question était le père de Heinz Bomers,
00:54:20qui est devenu à la Seconde Guerre mondiale le Weinfuhrer pour les vignes de Bordelais.
00:54:26Heinz Bomers, l'officier qui régnait sur le Bordeaux pour le comte du Reich,
00:54:30a donc possédé grâce à son père le château Smith-aux-Lafites.
00:54:33Mais un autre nom est réapparu au fil des recherches de Florence Catiard.
00:54:39Celui de l'incontournable Louis Eschnauer, le négociant le plus compromis avec l'occupant allemand,
00:54:45qui était le gestionnaire du domaine pour Bomers, avant de le racheter quelques années plus tard.
00:54:49On n'avait pas d'historique, puisqu'on n'était pas nés d'une famille de Bordeaux.
00:54:59Et si vous regardez mes archives, j'en ai quand même des jolis paquets.
00:55:03On a trouvé deux feuilles qui en parlent, c'est tout.
00:55:06C'était une surprise.
00:55:07Et alors après, quand on a commencé à restaurer la chartreuse, ça je pourrais vous les montrer,
00:55:10il y a des impacts de balles dans la ferronnerie.
00:55:14Mais je ne comprenais pas, je disais, oh, ils ont dû se battre avec les résistants.
00:55:19Vous allez voir, c'est là.
00:55:22C'est là, c'est vraiment une fusion du métal très dur, par exemple,
00:55:26qui est, on le voit d'ici, on a appris qu'en fait c'était des fiestas,
00:55:30avec Bomers et Eschnauer, qui buvaient bon, qui buvaient bien,
00:55:36avec pas mal de Bordelais présents.
00:55:39On a découvert ça, parce qu'à Bordeaux, c'était un peu l'Omerta à l'époque.
00:55:43On est vite un peu dans les conversations bordelaises.
00:55:45Les conversations bordelaises, en tout cas celles que je connais,
00:55:48avec l'aristocratie du Bouchon, dont je peux dire que je fais partie,
00:55:52il fait partie Smith-Soleffite aujourd'hui.
00:55:54On n'a pas ce genre de conversations.
00:55:58On n'est pas dans le devoir mémoriel, non.
00:56:04Les quelques autres grands propriétaires que nous avons sollicités
00:56:07n'ont pas souhaité s'exprimer dans ce film.
00:56:09Ni même le groupement professionnel qui les représente, le CIVB.
00:56:16À Bordeaux, on est tourné vers l'avenir, en tentant souvent ici.
00:56:22Regarder vers le passé, c'est effectivement se confronter par exemple
00:56:26à l'épisode peu glorieux de l'association entre Heinz Bömers,
00:56:29le Weinführer de Bordeaux,
00:56:31et Louis Eschnauer, l'empereur des Chartrons.
00:56:35Dès l'invasion allemande,
00:56:37dès le mois de juin 1940,
00:56:41Eschnauer a fait une société avec Bömers.
00:56:44Alors ça, c'est extravagant.
00:56:47Parce qu'il aurait pu attendre trois mois, six mois, un an, je veux dire.
00:56:51Et là, le lendemain, il court chez le notaire
00:56:54pour faire une société commune.
00:56:57Donc, pour moi, ça c'est impardonnable.
00:57:01Le problème aussi qu'on peut reprocher à Louis Eschnauer,
00:57:05c'est d'avoir acquis des biarchés farialisés,
00:57:11en particulier le château Lestage,
00:57:13qui appartenait à la famille Nathan.
00:57:15Alors ça, évidemment, c'est d'avoir profité de la situation
00:57:20pour acquérir ce cru du Médoc,
00:57:24qui est d'ailleurs un assez bon vin.
00:57:26C'est pas non plus tout à fait, évidemment, en sa faveur.
00:57:31A partir de l'automne 1940,
00:57:36l'Allemagne entreprend la spoliation organisée
00:57:38des biens appartenant aux Juifs,
00:57:40situés dans la zone occupée,
00:57:41comme ils le feront dans toute l'Europe.
00:57:44Cette politique est reprise à son compte
00:57:46par le gouvernement de Vichy,
00:57:47qui met en place, dès 1941,
00:57:50un commissariat général aux questions juives.
00:57:52Les Allemands lorgnent sur certains domaines réputés,
00:57:58comme ceux de la famille Rothschild.
00:58:00Mais c'est finalement Vichy qui s'empare de leur vigne,
00:58:03tandis que les propriétaires sont déchus
00:58:05de leur nationalité française.
00:58:08Quant à Louis Eschnauer et Hans Böhmers,
00:58:11ils sont à l'affût.
00:58:13Un voisin vient de dénoncer au commissariat,
00:58:15l'israélite Nathan,
00:58:17alors propriétaire du domaine du château Lestage.
00:58:19Apprenant que la propriété est sur le point d'être confisquée,
00:58:24Eschnauer et Böhmers proposent aux Nathan
00:58:26de la racheter à bas prix avant la saisie.
00:58:29Contraints de fuir,
00:58:30les Nathan ne peuvent refuser leur offre.
00:58:43En parcourant les archives de la maison familiale,
00:58:46Michael Böhmers a retrouvé la trace
00:58:48de cette transaction douteuse au profit de son père
00:58:51et de Louis Eschnauer.
00:58:53Le document confirme la vente,
00:58:55sans en mentionner les conditions discutables.
00:58:57« Après la guerre, j'ai rendu visite à Lestage
00:59:02au propriétaire actuel.
00:59:04Ils n'ont rien dit de ce cas-là,
00:59:09dans ce sens qu'éventuellement,
00:59:11ça aurait été exproprié ou je ne sais pas quoi.
00:59:16Donc, alors, j'ignore complètement
00:59:20comment mon père était devenu propriétaire du château Lestage. »
00:59:26« Et connaissant votre père,
00:59:28est-ce que ça leur est dérangé
00:59:30de profiter d'achats de propriétés pas chères
00:59:33à des familles juives ? »
00:59:36« Je pense que mon père n'était pas,
00:59:40disons, quelqu'un qui aurait sacrifié
00:59:45une bonne occasion
00:59:47s'il aurait dû croire que sinon,
00:59:51lui, un autre prendrait cette occasion.
00:59:56ça, je pourrais m'imaginer
00:59:59qu'il aurait réagi un peu comme ça.
01:00:07Alors, évidemment, ça ne m'est pas du tout agréable
01:00:11de penser que mon père aurait agi de cette façon,
01:00:18mais je ne peux pas l'exclure. »
01:00:25Cette propriété viticole du Beaujolais appartenait à une autre famille juive,
01:00:48les Worms.
01:00:50En 1941, René Worms reçoit un courrier du commissariat aux questions juives
01:00:55lui annonçant la mise sous séquestre de son domaine.
01:01:00Ancien combattant de la guerre de 1914,
01:01:02officier de la Légion d'honneur,
01:01:04Worms a confiance dans les autorités françaises.
01:01:07Dans un geste assez rare,
01:01:08il décide de contester devant les tribunaux
01:01:10la saisie de sa propriété
01:01:11et écrit dans le même temps
01:01:13au directeur régional de questions juives
01:01:15pour le faire revenir sur sa décision.
01:01:18« J'ai été convoqué par maître Cauzon
01:01:20pour être interrogé de la part du commissariat
01:01:23au sujet de ma propriété de pommiers.
01:01:26Je demande qu'on prenne en considération
01:01:28ma situation française et militaire.
01:01:30Un de mes aïeux avait été soldat de Napoléon.
01:01:33Mon père a fait la grande guerre.
01:01:35Quant à moi, capitaine du génie de 1914 à 1918,
01:01:39quatre années au front, quatre citations,
01:01:41Légion d'honneur, juillet 1917.
01:01:45Mon frère, tué au feu à Capi.
01:01:47Période 1939-40.
01:01:49Lieutenant-colonel du génie
01:01:50au front de la 4e armée.
01:01:53Mon fils s'est engagé pour la durée de la guerre.
01:01:55Aspirant.
01:01:57Prisonnier au stalag 1A.
01:02:00Je pense, monsieur le directeur,
01:02:02vous avoir fourni assez d'arguments
01:02:03pour vous permettre de renoncer à l'idée
01:02:05qui a présidé à l'enquête
01:02:07dont vous avez chargé maître Cauzon.
01:02:09Une telle nomination serait contraire
01:02:11aux idées du maréchal
01:02:12qui demande le retour à l'agriculture
01:02:14et qui, quand apparu le statut
01:02:16qui nous a frappés,
01:02:18a affirmé
01:02:18« Je n'en veux ni à leurs biens
01:02:20ni à leurs personnes. »
01:02:22J'ai donc confiance en vous, monsieur le directeur
01:02:24et vous présente l'assurance
01:02:26de toute ma considération.
01:02:28René Worms.
01:02:32La lettre de René Worms ne changera rien.
01:02:36Ultime ironie,
01:02:37l'administration lui reproche
01:02:38de ne pas vivre sur place
01:02:40et de ne pas cultiver lui-même ses vignes.
01:02:43Lui qui, entre-temps,
01:02:44a dû quitter le pays
01:02:45pour fuir les persécutions
01:02:46contre les Juifs.
01:02:50De retour d'exil après la guerre,
01:02:52les Worms parviendront
01:02:53à récupérer leurs propriétés.
01:02:59Quelques jours après la lettre
01:03:00de René Worms,
01:03:01à l'autre bout de l'Europe,
01:03:03les troupes allemandes
01:03:04connaissent leur première
01:03:05grande défaite à Stalingrad.
01:03:08La guerre bascule peu à peu
01:03:09en faveur des alliés.
01:03:17En France,
01:03:18une partie de la noblesse du bouchon
01:03:19continue à vivre grand train.
01:03:22Elle ne voit pas
01:03:22que le vent est en train de tourner.
01:03:32Il faudra encore
01:03:33de longs mois de bataille
01:03:34pour voir les premières villes françaises
01:03:36prendre les armes
01:03:37contre l'occupant
01:03:38au fil de la progression
01:03:39des alliés
01:03:40et des troupes
01:03:41du général de l'âtre de Tassigny.
01:03:48Après une semaine de combat,
01:03:50Paris est libéré
01:03:50le 25 août 1944.
01:03:52Reims et la Champagne
01:04:03le sont quelques jours plus tard.
01:04:07Le 8 septembre,
01:04:08De l'âtre de Tassigny
01:04:09est à Beaune
01:04:10pour célébrer la libération
01:04:11de la Bourgogne
01:04:12après plusieurs jours
01:04:13d'intenses combats.
01:04:14quant à Bordeaux,
01:04:17la ville est libre
01:04:18depuis la fin août.
01:04:20Mais pas de combat à Bordeaux
01:04:21qui doit sa libération
01:04:22à un accord passé
01:04:23entre les autorités allemandes
01:04:25et les forces de la résistance.
01:04:27Le maire de la ville,
01:04:29Adrien Marquet,
01:04:30ainsi que Louis Eschnauer
01:04:31semblent avoir joué
01:04:32un rôle important
01:04:33dans cet accord.
01:04:35Notamment grâce
01:04:36à la proximité
01:04:36entre Eschnauer
01:04:37et l'un des officiers
01:04:38supérieurs allemands,
01:04:39Ernst Kuhnmann,
01:04:41lui-même négociant
01:04:42en vain dans le civil.
01:04:43Même au moment
01:04:46de la libération,
01:04:47finalement,
01:04:49le monde du vin
01:04:49va encore jouer un rôle
01:04:51mais qui...
01:04:55La Russie
01:04:56lourdement pesait
01:04:58sur la mémoire.
01:05:00Parce que finalement,
01:05:01qu'est-ce qu'on retient aujourd'hui ?
01:05:02C'est l'action
01:05:03d'Andrien Marquet,
01:05:04c'est l'action
01:05:05de Louis Eschnauer
01:05:06parce que finalement,
01:05:07la libération de Bordeaux,
01:05:09ça se résume
01:05:10à deux étapes.
01:05:11Le départ des Allemands,
01:05:12puis l'arrivée
01:05:15des FFI.
01:05:16Il n'y a pas eu
01:05:16de contact
01:05:17entre eux.
01:05:18Et du coup,
01:05:19est-ce que ça expliquerait
01:05:20aussi que
01:05:20aussi bien Marquet
01:05:22que Eschnauer
01:05:22relèvement
01:05:24et s'estimé ?
01:05:25Effectivement,
01:05:26c'est finalement
01:05:26une libération pacifiée.
01:05:31Les différents acteurs
01:05:33présents à Bordeaux,
01:05:35eh bien,
01:05:36que ce soit
01:05:36le monde du vin
01:05:37mais aussi
01:05:38Adrien Marquet
01:05:40étaient déjà en train
01:05:41de préparer leurs arrières
01:05:42et étaient déjà en train
01:05:43de préparer la suite.
01:05:52Les Allemands ayant déserté
01:05:53la ville
01:05:54lors des contas sonnés,
01:05:57l'étau se resserre
01:05:57autour des profiteurs
01:05:58de guerre en tout genre,
01:06:00autour des collabos,
01:06:01suspectés
01:06:02ou avérés.
01:06:04Dans le monde du vin,
01:06:06ils sont un certain nombre
01:06:07à se préparer
01:06:08à affronter
01:06:08des heures difficiles.
01:06:12Louis Eschnauer
01:06:13est rapidement arrêté
01:06:14par les forces de libération
01:06:15et placé en détention
01:06:17au fort du A
01:06:18sur les lieux même
01:06:19où les Allemands
01:06:20internaient les résistants.
01:06:23Quand il a été arrêté,
01:06:25il a partagé
01:06:26la cellule de Marquet
01:06:27et il a eu une chance
01:06:28inaspérée
01:06:29d'être arrêté
01:06:30de ne pas les FFI
01:06:30au cours d'une arrestation
01:06:33qui pourrait prêter
01:06:35aussi un controverse
01:06:37parce qu'il n'a pas pris
01:06:39la fuite
01:06:39au moment de la libération.
01:06:41Il est resté
01:06:42dans son hôtel particulier
01:06:44et il a attendu
01:06:45au fond
01:06:46de voir comment ça allait
01:06:47se passer
01:06:47et il a vu
01:06:48débarquer au Zest
01:06:49le négocier en Porto
01:06:52qui était avec son
01:06:53brassard FFI
01:06:55et qui est venu l'arrêter
01:06:56et qui l'a conduit
01:06:57direct au fort du A
01:06:58et en quelque sorte
01:06:59l'a sauvé
01:06:59parce qu'il aurait été
01:07:01arrêté par les FTP
01:07:02et il partait
01:07:03pour le château
01:07:03de Cadeau-Jacques
01:07:04où il aurait été
01:07:04torturé comme les autres
01:07:06par le groupe Soleil
01:07:07et il n'en serait pas
01:07:08ressorti.
01:07:09Et l'indulgence
01:07:10des FFI
01:07:11elle s'explique comment ?
01:07:13Parce que de toute façon
01:07:14il fallait sauver
01:07:15l'économie bordelaise.
01:07:16On ménageait aussi
01:07:17l'après-guerre
01:07:17et d'ailleurs
01:07:18l'après-guerre
01:07:19a été complètement
01:07:20ménagée
01:07:21du point de vue viticole
01:07:23par la création
01:07:24du CIVB
01:07:25qui a été une duplication
01:07:27de ce qu'on avait installé
01:07:28de ce que Bousquet
01:07:29avait été installé en Champagne
01:07:30et donc ça s'est arrangé
01:07:31comme ça a pu s'arranger
01:07:32parce que les condamnations
01:07:34sur les bénéfices de guerre
01:07:35au lieu d'être
01:07:36versées au trésor
01:07:37l'ont été dans un fonds
01:07:39qui a servi
01:07:40à la création du CIVB.
01:07:42Un arrangement
01:07:43à la Bordelaise ?
01:07:44Un arrangement
01:07:44à la Bordelaise,
01:07:45exactement.
01:07:46Été 1945.
01:07:52L'Allemagne a capitulé.
01:07:55Comme une bonne partie
01:07:55des officiers allemands
01:07:56présents à Bordeaux,
01:07:58Heinz Böhmers
01:07:58a réussi à quitter
01:07:59le pays sans encombre.
01:08:02Brême,
01:08:03sa ville natale,
01:08:04a été pilonnée
01:08:04par les alliés.
01:08:05Mon père,
01:08:08il a toujours cru
01:08:09à la défaite
01:08:10de l'Allemagne.
01:08:11Ce n'était pas
01:08:13une surprise pour lui.
01:08:15Il a dit
01:08:15c'est absolument
01:08:16la folie
01:08:17parce que cette guerre
01:08:18sera perdue,
01:08:20ça c'est sûr.
01:08:22De toute façon,
01:08:22c'était absolument
01:08:23une erreur formidable
01:08:27dans toutes les directions.
01:08:29Alors,
01:08:35il y a un dossier
01:08:37où il y a
01:08:38toute une liste
01:08:40des collaborateurs
01:08:42ou des connaissances
01:08:44de mon père
01:08:45et qui étaient accusés
01:08:46de collaboration.
01:08:49Et ça,
01:08:50c'est écrit,
01:08:50à mon avis,
01:08:51par Madame Eschnoer
01:08:53et ça doit être
01:08:54en 1947.
01:08:56À mon avis,
01:08:58c'est une autre
01:08:59que mon père
01:09:00avait demandé
01:09:01pour savoir
01:09:03quel était
01:09:04le sort
01:09:04de ses amis
01:09:05et ses connaissances
01:09:07à Bandeau.
01:09:08Eschnoer,
01:09:09resté 18 mois
01:09:10en prison,
01:09:12condamné à 4 ans,
01:09:13mais libéré
01:09:14après les 18 mois.
01:09:17En principe,
01:09:18confiscation
01:09:19de ses biens
01:09:20a épousé Jeanne.
01:09:23En bonne santé,
01:09:24se repose
01:09:25actuellement
01:09:26à Paris.
01:09:26descasse 13 mois
01:09:29dans un camp
01:09:30d'internement,
01:09:31s'occupe maintenant
01:09:33de ses affaires
01:09:33d'une façon normale.
01:09:36Pétrier,
01:09:37marty,
01:09:37je crois qu'il fait
01:09:39connaissance
01:09:39de ce monsieur,
01:09:40grosse amende,
01:09:42peu d'ennui.
01:09:45Alors,
01:09:45grosse amende,
01:09:46c'est quand même
01:09:46un ennui.
01:09:49En fait,
01:09:49tous les amis
01:09:50de votre père
01:09:51ont eu des problèmes
01:09:52après la guerre ?
01:09:53Oui,
01:09:54alors ce n'est pas tous,
01:09:55mais c'est quand même
01:09:56un certain nombre.
01:10:02Sur les archives
01:10:02de la maison
01:10:03Bomers
01:10:03apparaît le nom
01:10:04d'une femme,
01:10:05Gertrude Kircher,
01:10:07Wilhunt,
01:10:07de son nom
01:10:08de jeune fille.
01:10:10Elle était
01:10:11l'assistante
01:10:11de Heinz Bomers
01:10:12à Bordeaux.
01:10:14Contrairement à Bomers
01:10:15qui a pu regagner
01:10:16l'Allemagne,
01:10:17Gertrude Kircher
01:10:18a été arrêtée
01:10:19au moment
01:10:19de la libération
01:10:20de Bordeaux.
01:10:23Interrogée
01:10:23par les services
01:10:24de renseignement
01:10:24de la France Libre,
01:10:26elle affirme
01:10:27être en possession
01:10:27d'archives précieuses
01:10:29qui concernent
01:10:30les personnalités
01:10:30les plus en vue
01:10:31du vin de Bordeaux.
01:10:34Il m'a dit
01:10:35qu'il a fait
01:10:36détruire
01:10:37tous les documents.
01:10:39Alors,
01:10:39il a peut-être
01:10:40donné l'ordre
01:10:41de le faire,
01:10:42mais ça n'a pas été fait.
01:10:43Peut-être,
01:10:44je ne sais pas.
01:10:46Nous avons retrouvé
01:10:47le PV de l'audition
01:10:48de Gertrude Kircher.
01:10:49Il est édifiant.
01:10:51Gilbert Roy,
01:10:537 rue Henri Collignon,
01:10:55grande sympathie
01:10:56pour l'Allemagne.
01:10:57Flouche,
01:10:58avenue Émile Counor,
01:11:00germanophile.
01:11:02Calvet Père,
01:11:04nombreuses propositions
01:11:04de vente,
01:11:05relations amicales
01:11:06avec Bomers,
01:11:07réception à son domicile.
01:11:10Eschnauer,
01:11:12germanophile,
01:11:13recevait à sa table
01:11:14les généraux allemands.
01:11:16Kruse,
01:11:17germanophile,
01:11:18entretenait des relations
01:11:19très amicales
01:11:20avec Bomers.
01:11:22Descasse,
01:11:23renseignait Bomers
01:11:24sur les personnalités
01:11:25qui contrecaraient
01:11:26les accords économiques
01:11:27franco-allemands,
01:11:29allant jusqu'à dicter
01:11:30lui-même
01:11:30les termes des courriers
01:11:31à envoyer
01:11:32aux services officiels.
01:11:33En échange de ces renseignements,
01:11:38véritable wouz-wou
01:11:39des réseaux
01:11:39de la collaboration
01:11:40bordelaise,
01:11:42Gertrude Kircher
01:11:42se voit proposer
01:11:44par les services
01:11:44de renseignement français
01:11:45une nouvelle identité
01:11:47sous laquelle
01:11:48elle sera assignée
01:11:49à résidence
01:11:49quelque temps
01:11:50avant de disparaître
01:11:51sans laisser de traces
01:11:53à ce jour.
01:11:53Louis-Echnauer
01:12:02écope d'une amende
01:12:03de 105 millions de francs,
01:12:05l'équivalent
01:12:05de 10 millions d'euros.
01:12:08Ses biens sont confisqués.
01:12:10D'autres grands noms
01:12:10de Bordeaux
01:12:11sont condamnés
01:12:12comme les maisons Kruse,
01:12:13Descasse,
01:12:14Labéry,
01:12:15Tastet et Lautonne,
01:12:17Borderie,
01:12:18Delors.
01:12:18Mais l'accord passé
01:12:21avec la nouvelle administration,
01:12:23paiement rapide
01:12:24des amendes
01:12:24contre non-publicité
01:12:26des sanctions,
01:12:27a si bien été respecté
01:12:28que 80 ans plus tard,
01:12:30le secret est toujours
01:12:31jalousement conservé.
01:12:35En Champagne,
01:12:37un rapport rédigé
01:12:38dès septembre 1944
01:12:39qualifie de scandaleuse
01:12:41certaines fortunes
01:12:42constituées grâce
01:12:42au commerce
01:12:43avec l'occupant.
01:12:45Mais un an plus tard,
01:12:46le bilan est maigre.
01:12:48Seules deux figures
01:12:48du Champagne
01:12:49sont condamnées,
01:12:50Lucien Douvier
01:12:51et Melchior de Polignac,
01:12:53le patron de Pomerie.
01:12:58À Beaune,
01:12:59le maire de la ville,
01:13:01Roger Duchet,
01:13:02l'homme qui a offert
01:13:03la parcelle de vignes
01:13:03au maréchal Pétain,
01:13:05est réélu
01:13:05dès 1945.
01:13:08Les réseaux de notables
01:13:09se reconstituent
01:13:10rapidement après la guerre,
01:13:12contribuant à enterrer
01:13:13un certain nombre
01:13:13d'enquêtes.
01:13:15La grande majorité
01:13:16des maisons
01:13:16peuvent ainsi reprendre
01:13:17tranquillement leurs affaires.
01:13:21Qu'est-ce qui s'est passé
01:13:22après la guerre ?
01:13:23Votre père,
01:13:24il a fini par retourner
01:13:25en France,
01:13:26si j'ai bien compris,
01:13:28pour suivre les affaires
01:13:29avec les mêmes personnes.
01:13:31Les mêmes personnes.
01:13:32Avec pratiquement
01:13:33les mêmes vendeurs
01:13:35et acheteurs,
01:13:36etc.,
01:13:37oui.
01:13:39Je sais que mon frère aîné,
01:13:40qui a 12 ans
01:13:41de plus que moi,
01:13:43en 1950,
01:13:47il a fait un grand voyage
01:13:48où il a rendu visite
01:13:50à toutes les connaissances
01:13:53à France,
01:13:55pas seulement en France,
01:13:57pas seulement à Bordeaux.
01:13:58et il a été reçu
01:14:01par tous ces gens-là
01:14:03bras ouverts.
01:14:09Les affaires continuent.
01:14:13Aujourd'hui,
01:14:14plusieurs maisons
01:14:15mises en cause
01:14:15dans ce film
01:14:16existent toujours.
01:14:17A de rares exceptions près,
01:14:20elles refusent à ce jour
01:14:21d'aborder la période
01:14:22de l'occupation allemande,
01:14:23d'ouvrir leurs archives
01:14:25sans restriction,
01:14:26privant les historiens
01:14:27de précieuses informations
01:14:28pour continuer
01:14:29à réfléchir
01:14:30sur cette période cruciale
01:14:31de notre histoire collective.
01:14:38L'image est négative
01:14:40quand vous êtes
01:14:41à la tête
01:14:41d'une entreprise
01:14:43commerciale
01:14:44de renom.
01:14:45Donc on n'a pas envie
01:14:46d'avoir une publicité négative
01:14:49quand on est à la tête
01:14:50d'une telle entreprise.
01:14:52Ça se conçoit aisément.
01:14:55Mais cette affaire
01:14:56de la Seconde Guerre mondiale
01:14:57est quand même très...
01:15:00Oui, ça reste en l'état.
01:15:02On n'a pas encore
01:15:04tout expurgé.
01:15:07En fait,
01:15:07on n'y fait plus attention.
01:15:09On n'y fait plus attention,
01:15:10mais le problème
01:15:10est toujours là.
01:15:12Donc ça remontera
01:15:13à la surface.
01:15:15Ça remontera à la surface.
01:15:16Notre voyage
01:15:22se termine
01:15:22sur la colline de Beaune,
01:15:24à l'endroit même
01:15:25où se tient
01:15:25l'ancienne parcelle
01:15:26du Clos du Maréchal.
01:15:29On raconte
01:15:30que certaines pierres
01:15:31portent encore
01:15:32des inscriptions gravées
01:15:33en l'honneur
01:15:33de Philippe Pétain.
01:15:35Mais aucune trace
01:15:36de ces inscriptions.
01:15:38Elles ont été
01:15:39soigneusement dissimulées
01:15:40au moment de la Libération,
01:15:42comme pour effacer
01:15:42cette page d'histoire honteuse.
01:15:44Alors,
01:15:46avec l'historien
01:15:47Jean Vigreux,
01:15:48nous avons voulu
01:15:48en avoir le cœur net.
01:15:53Au milieu des vignes,
01:15:54une pierre à fleurs
01:15:55parmi d'autres.
01:15:57Là,
01:15:58gravées dans la pierre,
01:15:59parfaitement intactes,
01:16:01les insignes
01:16:02du Maréchal.
01:16:03Elle est impeccable.
01:16:20Elle n'a pas bougé
01:16:20depuis 1944.
01:16:23Elle n'a pas été martelée
01:16:24à la Libération
01:16:25comme d'autres.
01:16:26Elle a juste été retournée,
01:16:28mise comme seuil
01:16:29le long du mur.
01:16:31En retournant cette pierre,
01:16:37l'histoire est désormais
01:16:38remontée à la surface.
01:16:39de l'histoire.
01:16:41L'histoire est désormais.
01:16:42Sous-titrage MFP.
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