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00:00Il est 14h30 à Paris, bienvenue pour votre ultime rendez-vous.
00:04C'est l'heure de derrière l'image.
00:05On va prendre le temps de décrypter l'info à partir d'une photo qui fait sens en compagnie de Stéphanie Trouillard.
00:10Bonjour Stéphanie.
00:11Bonjour Isabelle.
00:12Et on prend à vos côtés un peu d'avance sur le calendrier
00:14parce qu'on va vous parler de la panthéonisation de Robert Ballinter qu'on va apercevoir à l'écran.
00:18Le cliché que vous avez sélectionné pour nous aujourd'hui, ce sera donc demain.
00:22Et c'est l'occasion de revenir à vos côtés sur les grandes étapes de la vie de l'ancien ministre de la Justice.
00:27Oui, c'est une photo qui a été prise le 24 juin 1981.
00:31On peut y voir Robert Ballinter qui marche sur le perron de l'Elysée.
00:34Il vient d'être nommé garde des Sceaux et il participe pour la première fois au Conseil des ministres.
00:39Donc j'ai choisi cette photo parce que c'est un moment important dans sa vie.
00:42Il devient ministre de la Justice et quelques semaines plus tard, il va porter la loi pour l'abolition de la peine de mort.
00:48Mais j'ai aussi choisi cette photo parce qu'au moment où il marche sur le perron de l'Elysée,
00:52il pense surtout à une personne, à son père.
00:54Simon, il l'a raconté plus tard.
00:56Donc cette photo, ça symbolise cet ancien enfant caché d'une famille juive originaire de Bessarabi.
01:03Cet homme qui a perdu son père au cours de la Shoah et qui, ce jour-là, fait son entrée sous les ordres de la République.
01:09C'est vraiment tout un symbole.
01:11Parce que ce que vous nous dites aujourd'hui, Stéphanie, c'est que pour comprendre qui était Robert Ballinter,
01:16il faut comprendre cette blessure originelle, celle de la perte de son papa.
01:19Oui, j'ai intitulé un de mes articles sur Robert Ballinter, l'éternel orphelin.
01:25Donc il faut remonter à 1943.
01:27Robert Ballinter a alors 14 ans.
01:29Alors c'est un jeune homme qui a grandi à Paris.
01:31Mais en ce début d'année 1943, il est réfugié à Lyon avec ses parents et son frère
01:35pour tenter d'échapper aux arrestations qui touchent la communauté juive.
01:39Et à ce moment-là, ce n'est plus la zone libre.
01:42Les Allemands occupent aussi la zone non occupée depuis novembre 1942.
01:46Et la chasse aux Juifs est vraiment lancée aussi à Lyon.
01:49C'est le SS Klaus Barbie qui a pris la tête de la Gestapo.
01:54Et donc le 9 février 1943, Simon Ballinter, le père de Robert Ballinter,
01:58se rend rue Sainte-Catherine à Lyon, à l'Union Générale des Israélites.
02:02C'est l'UGIF.
02:03Alors c'était une institution qui avait été créée par Vichy pour assurer la représentation des Juifs auprès des autorités.
02:08Et là, le piège se referme autour du père de Robert Ballinter.
02:12Il y a une dizaine d'hommes qui rentrent, des hommes sous les ordres de la Gestapo, sous les ordres de Klaus Barbie.
02:17Et 86 personnes sont arrêtées ce jour-là, dont Simon Ballinter.
02:21Et au même moment, la mère de Robert Ballinter lui dit
02:23« Va voir, ton père n'est pas rentré, je m'inquiète. »
02:26Et donc Robert Ballinter se rend sur place.
02:29Et il a eu extrêmement de la chance ce jour-là parce qu'il a pu échapper aux personnes qui étaient là pour arrêter les Juifs.
02:36Il a pu s'échapper juste à temps.
02:39Mais il est resté profondément marqué par l'arrestation de son père.
02:42Et j'ai retrouvé un portrait d'envoyé spécial de 2011 dans lequel il en parle.
02:47On lui demande de parler de son père.
02:50Mais on sent qu'il a encore toujours beaucoup de mal à parler de Simon.
02:53Je vous propose de l'écouter.
02:54Il n'avait que 14 ans lorsque son père a été raflé pendant l'occupation, un soir de février à Lyon.
03:18Peut-être devant ses yeux, il ne se souvient pas, il a fui cette nuit-là pour échapper aux soldats.
03:26C'était le 9 février 1943, il y a presque 70 ans déjà.
03:32Ce n'est qu'à la libération devant les images des camps que le jeune garçon a compris que son père ne reviendrait pas.
03:45Vous disiez avoir grandi très vite.
03:54Oui, on grandit très vite pendant ces époques.
03:59En 41, j'étais encore, je ne dis pas un petit garçon, mais un jeune garçon.
04:06À la fin de l'occupation, j'étais un homme.
04:09Vraiment.
04:10Je n'ai pas beaucoup changé depuis cette époque, je pense.
04:14Mon caractère avait été structuré par ces temps-là.
04:21Voilà, on sent cette souffrance dans ce témoignage.
04:24Il aura souffert toute sa vie d'être orphelin.
04:26Robert Malinter, il ne parlait pas de cette cicatrice.
04:28Mais il y a un autre moment où cette douleur, elle s'est exprimée dans sa vie.
04:32Oui, on est en 1992, c'est le 50e anniversaire de la Rave du Veldiv,
04:35au cours de laquelle près de 13 000 juifs ont été arrêtés à Paris, en région parisienne.
04:39Et ce jour-là, le président François Mitterrand est présent lors de cette cérémonie.
04:46Et quelques jours plus tôt, il s'était exprimé sur le fait que la République n'était pas responsable de cette arrestation,
04:52que le régime de Fichy ne représentait pas la France.
04:55Et on avait aussi appris que chaque année, il remettait un bouquet sur la tombe du maréchal Pétain.
04:59Donc voilà, il y avait beaucoup de critiques.
05:01Et il se fait huer à l'occasion de cette cérémonie.
05:04Et là, Robert Badinter, il perd vraiment son sang-froid.
05:08Il s'adresse à la foule.
05:09Il est très en colère parce que pour lui, il n'y a pas à avoir de manifestation ce jour-là.
05:13Mais c'est aussi finalement l'orphelin aussi qui s'exprime.
05:17Pour lui, on doit respecter le silence des morts.
05:19Donc je vous invite à écouter cet archive qui est vraiment très très forte de Robert Badinter.
05:24Je me serais attendu à tout éprouver, sauf le sentiment que j'ai ressenti il y a un instant
05:33et que je vous livre avec toute ma force d'homme.
05:37Vous m'avez fait honte.
05:39Vous m'avez fait honte en pensant à ce qui s'est passé là.
05:44Vous m'avez fait honte.
05:45Il y a des moments où il est dit dans la parole
05:50« Les morts vous écoutent ».
05:53Croyez-vous qu'ils écoutent ?
05:55Voilà, c'est effectivement puissant.
06:00Ce passé l'a aussi rattrapé alors qu'il était ministre de la Justice.
06:03Il est en poste quand Klaus Barbie, responsable de l'arrestation de son père,
06:07est expulsé vers la France pour y être jugé.
06:09Oui, c'est assez incroyable quand on y pense.
06:11Donc il est ministre de la Justice au moment où la personne qui est responsable
06:14de l'arrestation et de la déportation, donc de la mort de son père, va être jugée.
06:19C'est d'ailleurs lui, pour l'anecdote, qui décide de faire dormir Klaus Barbie
06:22lorsqu'il est arrivé en France dans le fort de Montluc,
06:24dans la prison où il a fait interner les personnes avant la déportation.
06:28Il les a fait torturer.
06:29Donc ça aussi, c'est très fort.
06:31Mais ce qui est fort aussi à ce moment-là, c'est qu'il apprend des détails
06:33sur la déportation de son père.
06:35Jusque-là, il pensait qu'il avait été assassiné à Auschwitz.
06:37En fait, il apprend, grâce au procès, qu'il a été déporté à Sobibor.
06:41Et il apprend que c'est bien Klaus Barbie.
06:43On a un document sur lequel il a signé, à l'issue de cette rave,
06:46que c'est bien Klaus Barbie, qui est responsable de la mort de son père.
06:49Et donc, il a parlé de cette découverte dans un documentaire de 13h15 le samedi,
06:53qui était sur le procès de Klaus Barbie.
07:00J'ignorais ce document.
07:03Je l'ai envoyé, je l'ai photographié à mon frère, Claude.
07:17Et je lui ai dit, je ne vais pas le montrer à ma mère,
07:22qui vivait encore trop douloureux.
07:25Je ne me suis pas constitué partie civile, mon frère non plus.
07:32Parce que, s'agissant du garde des Sceaux,
07:39il n'a pas, et il ne doit pas,
07:44se constituer partie civile.
07:47Il doit, par définition, faire confiance à la justice.
07:53Voilà, on le sent et on l'aura senti jusqu'au bout,
07:56Robert Malinter, qui était un homme de conviction.
07:59Il est surtout connu pour avoir mené ce combat,
08:02celui pour l'abolition de la peine de mort.
08:04Oui, c'est vraiment l'homme de l'abolition,
08:06mais c'est un combat, un engagement qui s'est fait étape par étape.
08:09Donc, c'est quelqu'un qui a été viscéralement opposé à la peine capitale.
08:12C'était un grand admirateur de Victor Hugo qui a mené aussi ce combat.
08:16Mais cet engagement a pris un tournant radical au matin du 28 novembre 1972.
08:21C'est vraiment un tournant dans la vie de Robert Malinter.
08:23Alors, à ce moment-là, il était avocat d'un homme qui s'appelait Roger Bontemps,
08:27qui avait été condamné à mort après avoir participé à la prise d'otages meurtrières
08:31d'un surveillant et d'une infirmière à la centrale de Clairvaux.
08:35Et Robert Malinter était présent lors de son exécution.
08:39Comme lui avait dit son mentor, Henri Torres,
08:41un avocat assez célèbre dans les années 50,
08:44un avocat ne peut prétendre être avocat que s'il a assisté à la peine de mort.
08:49C'est là qu'il est confronté pour de vrai à la peine de mort,
08:52qu'il devient vraiment avocat.
08:54Et voilà, ça a été le cas pour Robert Malinter ce jour-là,
08:56qui assistait son client jusque dans les derniers instants.
08:58Et en 1985, donc quelques années après cette exécution,
09:02il était revenu sur cette affaire dans une émission de FR3 à l'époque.
09:06Votre pire souvenir d'avocat ?
09:11C'est celui que vous avez évoqué.
09:14D'accord.
09:15Oui.
09:16Oui, parce que Bontemps n'avait pas tué.
09:19Les Jeux ont dit qu'il n'a pas tué.
09:22Ils l'ont condamné à mort.
09:24Et il a été exécuté.
09:26Et c'est à partir de ce moment-là que je suis devenu,
09:29pas seulement comme je l'étais avant,
09:31un parmi d'autres qui étaient l'adversaire de la peine de mort.
09:36J'ai dit, tant que je vivrai, je combattrai la peine de mort.
09:40Voilà, ça a été le déclic pour lui, il le dit très bien.
09:43D'opposant à la peine de mort, l'avocat devient militant.
09:46Pendant dix ans, il va se consacrer à la cause.
09:49Et en 1976, il accepte de défendre Patrick Henry,
09:52accusé d'avoir enlevé puis tué le petit Philippe Bertrand,
09:56âgé seulement de huit ans.
09:57Oui, alors là, le procès est vraiment mal parti,
09:59parce que tout accable Patrick Henry.
10:01Il a reconnu qu'il avait tué le petit Philippe Bertrand.
10:03Il est haï par la France entière.
10:05Donc, Robert Bannater a été persuadé qu'il allait perdre ce procès.
10:08Donc, il décide d'adopter une stratégie différente.
10:10Il décide d'en faire le procès contre la peine de mort.
10:13Et donc, lors vraiment de ce procès,
10:17il s'adresse à la fin lors des plaidoiries aux jurés
10:20et il leur dit, dans quelques années,
10:22en fait, il n'y aura plus la peine de mort.
10:23À un moment, on va abolir la peine de mort.
10:25Et qu'est-ce que vous direz à vos enfants ?
10:26Vous direz que vous avez condamné un homme
10:28à se faire couper en deux.
10:30Et ça fonctionne, en fait.
10:31Les jurés, finalement, condamnent Patrick Henry
10:33à la réclusion à perpétuité.
10:36Donc, il a finalement gagné, en quelque sorte, ce procès.
10:40Et donc, dans les années qu'il suit,
10:42il permet à cinq autres personnes d'échapper à la guillotine.
10:44Et puis, finalement, on arrive à 1981.
10:46Lui, il est proche de François Mitterrand.
10:48Et il sait qu'il espère le voir emporter
10:50les élections présidentielles.
10:52Son vœu est exaucé.
10:53Il est nommé garde des Sceaux.
10:55Et donc, il porte le projet de loi
10:57pour l'abolition de la peine de mort.
11:00Et donc, le 17 septembre 1981,
11:02il est devant l'Assemblée nationale
11:03et il fait ce discours qui est vraiment rentré dans l'histoire.
11:06Donc, je vous propose d'écouter la fin de ce discours
11:08parce que c'est très long.
11:09C'est deux heures de discours devant l'Assemblée nationale.
11:11Ce discours qui est resté célèbre
11:13et qui a mené à l'abolition de la peine de mort.
11:16Demain, voyez-vous,
11:19demain, grâce à vous,
11:23la justice française
11:25ne sera plus une justice qui tue.
11:31Demain, grâce à vous,
11:33il n'y aura plus
11:35pour notre honte commune
11:38des exécutions furtiles
11:40à l'aube
11:42sous le dénoir
11:43dans les prisons françaises.
11:46Demain,
11:48les pages sanglantes
11:50de notre justice
11:51seront tournées.
11:53Voilà, cette séquence évidemment
11:56qui fera date dans l'histoire
11:58et que tout le monde connaît
11:59qui fait son entrée dans les livres d'histoire.
12:00Demain, il se trouve que Robert Vaninter
12:02va être panthéonisé,
12:03une journée
12:04qui va marquer l'histoire
12:05encore.
12:07À quoi est-ce qu'on doit s'attendre ?
12:09Qu'est-ce qui est prévu exactement ?
12:10Alors, ce début, déjà ce soir,
12:11il y a une veillée funèbre
12:12au Conseil constitutionnel
12:14qu'il a présidée.
12:15Donc, les Français sont invités
12:16à se recueillir
12:16devant le cercueil
12:17de Robert Vaninter.
12:19Et demain, il y aura
12:19une cérémonie
12:20à partir de 18h,
12:22donc en fin de journée,
12:23qui se veut
12:23sobre et solennelle,
12:26qui devrait durer une heure.
12:27Donc, c'est classique.
12:28Il y a la remontée
12:29du cercueil rue Soufflot.
12:30Il va y avoir un discours
12:31du président de la République,
12:34des temps de lecture de textes,
12:35notamment de Victor Hugo.
12:36Aussi, un moment musical
12:37avec Julien Clerc
12:38qui va chanter son titre
12:39« L'assassin assassiné ».
12:41Et puis, Robert Vaninter
12:43fera son entrée au Panthéon.
12:44Il va être accueilli.
12:45Il est installé
12:46dans le caveau
12:47des révolutionnaires
12:48de 1789.
12:50Et il sera parmi,
12:51notamment,
12:51à côté du cercueil
12:52de Condorcet
12:53qui était l'une
12:53de ses autres idoles.
12:56Et beaucoup de jeunes
12:57sont invités
12:57à participer à cette cérémonie.
12:58Des enfants
12:59qui sont dans des écoles
13:00qui portent aujourd'hui
13:01le nom de Robert Vaninter.
13:02Et qu'on vous fera vivre
13:03évidemment sur France 24.
13:05En attendant,
13:05pour tout savoir
13:06sur la vie
13:07et le combat
13:07de Robert Vaninter,
13:09je vous renvoie aux articles
13:09de Stéphanie Trouillard.
13:10Ça se passe sur le site
13:11de France 24.
13:12www.france24.com
13:14Merci beaucoup Stéphanie.
13:15A demain donc.
13:16Merci de nous suivre.
13:17L'info se poursuit
13:18sur France 24.
13:19Paris Direct
13:19qui continue
13:21avec un grand format.
13:21C'est le focus du jour.
13:22Regardez.
13:22Sous-titrage Société Radio-Canada
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