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  • il y a 23 heures
C'est l'un des meilleurs ultra-traileurs du monde. S'il est adepte du sport en conditions extrêmes, il ne connaît rien à la navigation. Et pourtant, son prochain défi est de traverser l'Atlantique à la voile. Pourquoi ce challenge ? Comment appréhende-t-il cette nouvelle aventure ? À deux jours de son départ sur la Transat Café L'Or, Mathieu Blanchard se confie au micro de Marc-Olivier Fogiel, dans RTL. Matin.
Regardez Face à Fogiel du 24 octobre 2025.

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Transcription
00:00À covoiturer, RTL Matin, Thomas Soto.
00:06Il est 8h18, face à Fogiel, l'interview de Marc-Olivier Fogiel, et ce matin vous recevez Mathieu Blanchard.
00:11C'est un aventurier aux multiples casquettes, puisqu'il va passer des ultra-trails à une transatlantique en bateau,
00:17départ prévu dimanche au Havre, avec quand même une précision Marc-Olivier, il n'a jamais navigué.
00:22Bonjour Mathieu Blanchard, bonjour.
00:24Une vingtaine de médailles d'or de course ultra-trails, vainqueur de la Diagonale du Fou, vainqueur de la Yukon-Arctique Ultra,
00:31600 km à pied dans le froid glacial canadien en moins de 8 jours, aventurier à Koh-Lanta, mort du sport extrême.
00:39Et maintenant donc, à 37 ans, vous partez traverser l'Atlantique à la voile.
00:43Vous êtes un peu dingue, non Mathieu ?
00:45Oui, on me caractérise souvent d'un petit peu fou, mais voilà, c'est ce qui caractérise aussi ce que j'aime faire dans la vie.
00:51Oui, la folie, c'est aussi un référentiel par rapport à d'autres.
00:55Et puis voilà, je ne suis pas le premier à traverser l'océan, mais c'est sûr que ce qui est particulier dans le projet,
00:59c'est que je n'ai jamais fait de voile.
01:00Alors effectivement, là au moment où on se parle, il y a des conditions costaudes ici au Havre.
01:05Vous allez avoir beaucoup de peur avant le départ dimanche.
01:07De la peur, il faut dire que donc vous n'avez jamais fait de voile avant, on va y venir.
01:11Et avant même tout ça, vous étiez ingénieur au Canada, avant l'ultra-trail.
01:16Vous avez tout arrêté, vous êtes devenu un spécialiste de l'ultra-trail, les conditions extrêmes.
01:20Vous courez dans la jungle, dans le désert, en montagne et même sous le froid polaire.
01:24Qu'est-ce qui fait courir Mathieu Blanchard ?
01:26Il y a beaucoup de raisons qui me font courir.
01:28Mais aujourd'hui, j'ai arrêté d'hyper-intellectualiser mes raisons profondes.
01:33Ça me fait tout simplement plaisir.
01:35Et puis quand on regarde un petit peu plus, c'est même vital pour moi.
01:37Et je crois que c'est même vital pour l'humanité de s'activer physiquement, de se bouger.
01:41Et qui plus est, en milieu naturel, c'est un besoin qui est vraiment essentiel pour nous.
01:45Moi, j'en ai fait mon métier.
01:47Voilà, c'était un rêve.
01:48Et aujourd'hui, c'est sûr que j'ai une interaction un petit peu plus extrême, on va dire.
01:52Puisque je pousse un petit peu mon corps.
01:54Mais c'est ça aussi, c'est de l'expérimentation.
01:56C'est d'aller voir jusqu'où on peut aller et ressentir aussi un peu cet instinct primaire
02:00qu'on a en nous, quelque part, imprimé.
02:02Qui nous permet de nous révéler, de survivre dans des milieux où on imaginait que c'était impossible.
02:07Vous me dites vital.
02:08On va parler évidemment de la course dans un instant.
02:10La peur que vous avez avant de prendre la mer.
02:13Mais vital, pourquoi ?
02:14Vous aviez une vie pépère et vous aviez besoin de vous mettre en danger ?
02:17Alors justement, je vivais dans une vie très conventionnelle d'ingénieur de bureau.
02:23Je ne me sentais pas super bien sur le plan physique.
02:26Être assis toute la journée dans une vie que je peux qualifier de sédentaire,
02:29je ne me sentais pas super bien au niveau aussi sur le plan psychologique, mental.
02:33Et c'est vrai que le jour où j'ai commencé à aller m'activer physiquement en milieu naturel,
02:37tout d'un coup, j'ai vu mon corps évoluer.
02:39Et alors que je vieillissais, je me suis vu rajeunir dans mon corps.
02:43Ça allait beaucoup mieux dans ma tête.
02:44Le statu quo, la sédentarité est finalement le plus gros mal de la société moderne.
02:50Et je ne voulais pas rester dans cette dynamique-là.
02:52Vous prenez donc la mer dimanche.
02:54Vous le disiez pour démarrer, c'est tout nouveau pour vous.
02:57Qu'est-ce qui a fait qu'à un moment donné, vous vous êtes dit
02:58« Allez, j'ai envie d'en partir comme ça, traverser l'Atlantique sur une Formule 1 des mers ».
03:04Pour déjà être monté plusieurs fois sur ces bateaux, c'est très impressionnant.
03:07Qu'est-ce qui a fait qu'à un moment donné, vous vous êtes dit
03:09« Allez, j'ai envie de me lancer dans cette aventure ».
03:11Il s'avère que je me suis retrouvé au départ du Vendée Globe l'année dernière,
03:14une course mythique aussi.
03:15Quand j'ai vu tous ces navigateurs et navigatrices passer devant nous
03:18sur le chenal de Sable d'Olonne,
03:20j'étais vraiment sidéré avec des yeux d'enfant.
03:22Et je me suis dit « Mais je rêverais de faire ça un jour ».
03:24Et plutôt que de le faire sur un voilier plutôt classique, confortable,
03:28je me suis dit « Mais pourquoi pas le faire dans le cadre d'une course ? »
03:30Sur effectivement, comme vous l'avez cité, une Formule 1 des mers.
03:33Alors je peux le confirmer, il n'y a rien de confortable là-dessus.
03:36C'est hyper inconfortable.
03:37Mais quand on aime le sport, quand on aime l'aventure,
03:40quand on aime l'extrême aussi,
03:41je pense que c'est la bonne manière de traverser un océan.
03:44Alors c'est un skipper américano néo-zélandais qui vous a tendu la main,
03:47Conrad Coleman, lui, il est expérimenté.
03:49Vous, pas du tout, vous serez son apprenti.
03:52Vous allez avoir au moins une dizaine de jours en condition extrême.
03:55Comment vous vous êtes préparé ?
03:56Vous êtes sorti en mer plusieurs fois avant.
03:58Vous avez un petit apprentissage quand même ?
04:00Oui, très concrètement, j'ai dû passer quelques étapes obligatoires aussi
04:02pour participer à la course,
04:04comme par exemple un stage de survie,
04:05pour apprendre à gérer un radeau de survie,
04:07pour apprendre à se faire des points sur un bateau si on se coupe.
04:09Quelque chose d'assez intense.
04:11J'ai aussi navigué avec Conrad.
04:12Par exemple, on a dû faire, pour faire la course,
04:141000-1000 nautiques,
04:15donc environ 2000 kilomètres en mer sans escale.
04:17Et là, j'ai beaucoup appris.
04:19Donc voilà, c'est sûr que Conrad ne pourra pas me transférer
04:2220 ans d'expérience en quelques petites journées de navigation.
04:25Mais voilà, je suis quelqu'un qui est assez autodidacte.
04:27J'aime apprendre, j'aime poser des questions.
04:29Et aujourd'hui, je pense être un bon petit mousse,
04:31un bon assistant.
04:32Donc voilà, je n'ai pas la prétention de dire
04:34que je peux manœuvrer le bateau tout seul,
04:35mais en tout cas, je peux faire un très, très bon assistant.
04:37Vous dites, j'ai beaucoup appris, là, donc,
04:39dans ces 1000 nautiques.
04:40Vous avez beaucoup souffert, surtout, non ?
04:42J'ai lu que vous disiez, j'avais eu envie de mourir.
04:43Oui, c'est vrai qu'on doit l'avouer.
04:46Moi, je trouve qu'il y a plus de souffrance que de plaisir sur ce bateau-là.
04:49Mais bon, en même temps, c'est ce que je vais chercher aussi,
04:51parce que je peux trouver une certaine forme de plaisir aussi
04:53dans la souffrance, dans l'inconfort.
04:55Mais effectivement, c'est très difficile.
04:58On dort très peu.
04:59Le mal de mer, c'est très, très douloureux.
05:01On est toujours mouillé.
05:02C'est humide.
05:03Il n'y a pas de lit, pas de toilette.
05:04Donc oui, effectivement, on souffre beaucoup sur ces embarcations.
05:08Et sur les quelques 80 bateaux participons,
05:10vous êtes le seul binôme où l'un des deux skippers
05:12n'est pas un navigateur professionnel.
05:14Vous n'allez pas être un boulet, Mathieu Blanchard ?
05:16J'espère pas.
05:17J'espère pas que je serai un boulet.
05:18Mais en tout cas, c'est sûr qu'on ne part pas avec les mêmes armes
05:20que les autres embarcations.
05:23Voilà, je vais être un petit peu un handicap aussi dans le projet.
05:26Mais nous, ce qu'on veut raconter aussi,
05:28ce n'est pas uniquement une histoire de performance.
05:30On peut raconter de très, très belles histoires en mer,
05:32sur des relations humaines, sur des émotions,
05:34sur ce qu'on vit, sur ce qu'on voit.
05:35Et puis, pour moi, la performance ne doit pas être le seul prisme,
05:38même si on est dans le cadre d'une course,
05:39de ce que l'on souhaite raconter.
05:41Il paraît que vous êtes un gros dormeur pour avoir dormi sur ces bateaux.
05:43Enfin, dormi, c'est...
05:45Il faut le dire rapidement.
05:46On a fait ça avec Louis Baudin une fois.
05:47Vous savez que ça va être compliqué, les bannettes,
05:49où vous allez somneler pendant une heure
05:51et puis, à un moment donné, devoir être debout.
05:53Oui, effectivement, pour l'avoir vécu dans la qualification
05:55de 1000-1000 nautiques et pour les autres navigations
05:57qu'on a pu faire avec Conrad,
05:58comme le convoyage entre Lorient et Le Havre,
06:00effectivement, on dort très, très peu.
06:02C'est à coups de 20-30 minutes de sieste par-ci, par-là.
06:04Et puis, c'est aussi très, très, très bruyant.
06:06Moi, je suis un gros dormeur parce que mon activité physique,
06:08mon métier me le demande.
06:09C'est 9-10 heures par nuit.
06:11Je ne sais pas comment je vais gérer ça.
06:12Déjà, quelques jours en mer, je suis revenu vraiment épuisé.
06:15Donc, une dizaine de jours, enfin, je dirais même,
06:17on m'a dit plutôt 15 jours pour traverser l'océan.
06:20Je ne suis pas sûr que je vais arriver dans un super état de l'autre côté.
06:23Qu'est-ce qui vous fait le plus peur, là,
06:24avant de partir dans deux jours,
06:25donc, c'est de traverser Le Havre, Fort-de-France ?
06:28Tout simplement, la mer, l'océan, le milieu naturel.
06:31Moi, j'ai acquis une grande, grande humilité face à la nature.
06:34Elle est beaucoup plus forte que nous.
06:35Et j'ai eu des expériences assez traumatisantes en montagne.
06:40Quand on ne s'est pas trop renseigné sur des effets météorologiques.
06:43Et là, c'est sûr qu'au moment où on se parle,
06:45la mer est démontée.
06:46Et puis, je ne sais pas à quoi ça va ressembler au milieu de l'océan
06:48avec des vagues de 3, 4, 5 mètres de haut.
06:50Voilà, j'ai vu des films aussi extrêmes en pleine tempête.
06:53Et puis, moi, ça me fait peur quand je vois une vague de 10 mètres nous arriver dessus.
06:57Donc, la mer me fait peur.
06:57J'espère réussir à dompter cette peur grâce au réconfort que pourra m'apporter Conrad
07:02et grâce à mon expérience aussi.
07:04Abandonner en cours de route, ça, c'est impossible pour un type comme vous, j'imagine ?
07:07Non, l'abandon fait rarement partie des options.
07:11Maintenant, on est sur un sport mécanique.
07:13C'est des bateaux qui sont poussés à leur maximum.
07:16C'est des bateaux qui sont gros, mais qui restent fragiles,
07:18beaucoup de carbone et qui sont surtout surdimensionnés.
07:20Les voiles sont immenses par rapport à la capacité du bateau de les encaisser.
07:23Et donc, un mauvais réglage, un mauvais vent, une mauvaise vague,
07:26ça arrive, on peut démater, casser un mât, casser une partie du bateau.
07:30Et donc, l'abandon peut arriver aussi, non pas parce que nous, on veut abandonner,
07:34mais parce que le matériel ne peut plus suivre.
07:36Vous dites, Mathieu, je ne sais pas dans quel état je vais arriver en Martinique.
07:39J'espère en bon état parce que quand vous arrivez sur place,
07:41vous allez y rester pour faire la Trans-Martinique avec Conrad,
07:44une course d'ultra-trail qui traverse toute l'île.
07:46Vous n'aurez que trois semaines pour vous entraîner.
07:48Vous n'avez pas peur d'être rincé après la Trans-Ed qu'a fait l'or ?
07:51Ça, c'est une grosse peur aussi d'arriver sur place, d'être explosé
07:54parce que Conrad m'a parlé de son expérience d'être fatigué des mois et des mois
07:58après le retour de leur Vendée Globe.
08:00Donc, effectivement, ça peut faire très, très mal.
08:02Maintenant, c'est aussi encore une fois une histoire qu'on veut raconter,
08:05une histoire de partage.
08:06Conrad qui me partage son univers, moi qui lui partage mon univers.
08:09Et on n'est pas obligé de viser, encore une fois, de la pure performance là-bas sur place.
08:14On va déjà avant tout redécouvrir nos sensations, nos corps sur Terre
08:17et faire le meilleur de ce qu'on peut donner sur les sentiers martiniquais, sur le volcan local.
08:23134 km pour vous, 54 pour lui.
08:26Cette course, vous l'avez remportée en 2017 en un peu moins de 20 heures.
08:29Là, ce n'est pas le sujet, donc pas de performance,
08:32mais c'est l'histoire que vous voulez raconter, que vous nous partagez ce matin.
08:34Pour conclure, c'est quoi la philosophie de tout ça ?
08:36On le comprend bien à travers ce que vous nous dites.
08:38Mais si vous deviez la résumer, la philosophie de ce que vous êtes en train de vivre ?
08:42C'est tout simplement de vivre d'aventure.
08:45Et moi, la définition que j'en donne de l'aventure,
08:47c'est tout simplement de se mettre volontairement dans des situations d'inconfort physique,
08:52d'inconfort émotionnel, d'inconfort psychologique.
08:55Tout à l'heure, on utilisait le terme folie pour me décrire,
08:59mais en fait, c'est volontaire de se retrouver ici.
09:01Personne ne nous force.
09:02Et en fait, ce qu'on apprend quand on se met dans ces situations d'inconfort,
09:05c'est qu'on progresse, on progresse sur le plan physique.
09:07Notre corps s'adapte, donc on devient plus fort, on rajeunit.
09:09Et on progresse aussi sur le plan psychologique.
09:11On parle souvent de la force du mental.
09:13Et c'est en se mettant volontairement dans ces situations-là
09:16qu'on devient plus fort mentalement.
09:17Et ensuite, quand on revient auprès de la société normale,
09:20on est plus fort, plus épanoui.
09:22Et donc, c'est tout simplement vivre plus fort grâce à l'aventure.
09:25Vous avez une famille, Mathieu ?
09:26Oui, j'ai une famille, mes parents vont venir me voir ce week-end
09:29et je les ai invités pour me voir partir.
09:31Et ils sont très inquiets, mais ils commencent à avoir un petit peu l'habitude.
09:35Eh bien, écoutez, bonne chance, bonne transat à vous.
09:38J'espère que ça se passera bien avec Conrad, évidemment.
09:41On vous souhaite donc une belle transat Café Laure.
09:43Et merci à Fred Veil, notre correspondant,
09:45qui a assuré la liaison directe du Havre.
09:47Merci.
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