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Jeudi, l'un des plus gros narco-trafiquants de France a été arrêté dans les embouteillages à Paris. Vendredi, deux personnes sont mortes lors d'une fusillade près d'un point de deal à Nice. Chaque jour, le trafic de drogue fait la Une de l'actualité. Comment sortir de la spirale du narcobanditisme ? Dimitri Zoulas, chef de l'Office antistupéfiants, est l'invité de Marc-Olivier Fogiel dans RTL Matin.
Regardez Face à Fogiel du 06 octobre 2025.
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00:00Et plus, RTL Matin, Thomas Soto.
00:03Il est 8h17, face à Fogiel, l'interview de Marc-Olivier Fogiel après un week-end meurtrier sur fond de narcotrafic à Nice.
00:10Vous recevez ce matin l'homme fort de la lutte contre la drogue en France.
00:13Il parle très rarement, c'est Dimitri Zoulas, chef de l'OFAST, autrement dit de l'office anti-stupéfiant.
00:19Merci d'être là Dimitri Zoulas sur RTL ce matin.
00:21Bonjour à vous.
00:22Après donc ce qui s'est passé notamment vendredi soir, fusillade à Nice dans le quartier des Moulins, près d'un point de deal.
00:28Deux personnes tuées, cinq blessés, certains d'ailleurs sans lien avec le trafic de drogue.
00:34Toutes les semaines des règlements de comptes à Clermont-Ferrand, Avignon, Grenoble, autour de Lyon.
00:38Déjà pour qu'on comprenne bien de quoi il s'agit, qu'est-ce qui se passe derrière ces règlements de comptes ? Il y a qui ?
00:45Effectivement, le trafic de stupéfiants engendre de façon très claire une guerre de territoire, une guerre, une lutte armée entre, on pourrait dire, factions rivales.
00:56En réalité ce sont des groupes criminels organisés.
00:59Donc c'est des concurrents des réseaux ?
01:01Absolument. Ce qu'il faut comprendre c'est qu'il y a un marché criminel à se partager de 7 milliards d'euros.
01:067 milliards d'euros en France ?
01:07C'est le marché criminel lié au trafic de stupéfiants en France, en tout cas son évaluation.
01:12Et en conséquence de quoi ? Ça attise des convoitises pour conquérir de nouvelles parts de marché un peu partout ou supplanter des adversaires qui tiennent un point de deal ou un réseau de vente.
01:237 milliards, ça veut dire qu'il y a combien de personnes qui vivent de la drogue aujourd'hui ?
01:27J'ai lu qu'on estime à 100 le nombre de grands importateurs, à 5000 le nombre de gros bonnets chefs de réseau et ensuite toute une armée de dealers.
01:34Combien de personnes vivent de la drogue en France ?
01:35Les estimations à ce sujet montrent qu'au moins 200 000 personnes en vivent directement.
01:39200 000 personnes ?
01:40Directement, absolument. Il faut imaginer une pyramide avec un haut du spectre, comme vous le dites, qui est composé, le haut du spectre, d'importateurs, de gens qui savent organiser la logistique internationale pour acheminer principalement la résine, qui est le produit le plus consommé en France, et la cocaïne dont les importations explosent.
01:58Ensuite, vous avez une sorte de milieu du spectre, qui sont les semi-grossistes, qui sont les gens qui achètent en grande quantité pour redistribuer, et le bas du spectre, qui est la vente, que ce soit sur des points de deal, sur la voie publique, avec toutes les violences qui peuvent être associées, ou alors de façon dématérialisée par Internet.
02:16Et en gros, combien gagne chacun, là, du haut de la pyramide au bas de la pyramide ?
02:20À le haut de la pyramide, ce sont des fortunes colossales, ce sont les logisticiens internationaux, ce sont des personnes qui se sont associées, souvent depuis l'étranger, ou même depuis le fin fond de leur maison d'arrêt, pour...
02:31Depuis le fin fond de leur maison d'arrêt ?
02:33Pour acheminer, ou faire acheminer, des quantités astronomiques de cocaïne.
02:36Des fortunes, c'est quoi des fortunes ?
02:37Des fortunes, c'est des centaines de millions d'euros qui sont disséminés sous différentes formes, notamment à l'étranger.
02:45Et le petit dealer ?
02:46Le petit dealer, le bas du spectre, c'est le chauffeur, celui qui est souvent mineur et qui gagne 50 euros par jour, rien que pour être assis et regarder.
02:56Vous avez des charbonneurs qui gagnent plusieurs centaines d'euros par jour, vous avez des gens qui conduisent des véhicules, des gens qui protègent, des gens armés, des gens qui comptent les billets.
03:05Vous avez une échelle de salaire qui permet, en tout cas, ou qui fait croire à une certaine partie de la jeunesse, qu'on a un avenir économique et financier en travaillant dans les fortunes.
03:15C'est quoi le charbonneur, pardon ?
03:16C'est ceux qui préparent les produits à la vente.
03:20Je disais qu'il y avait une grille tarifaire pour cette violence qui est totalement désinhibée, de 2000 à 10 000 euros pour violenter un mauvais payeur, de 5000 à 10 000 euros pour éliminer une tête de réseau.
03:28C'est face à ça que vous devez lutter, on va voir comment. On a l'impression de temps en temps que vous avez une petite cuillère pour écoper la mer, mais vous allez nous raconter.
03:34Effectivement, l'usage des nouvelles technologies a permis aux malfaiteurs, ou en tout cas aux têtes de réseau, de recruter des gens à distance, y compris des gens qui ne connaissent rien à leur organisation,
03:46et en échange de sommes relativement modiques, de leur faire commettre des actions criminelles, des actions violentes.
03:52Mais vous, face à ça, vous faites quoi ? Parce que ces règlements de compte, aujourd'hui dans l'actualité, on les raconte quasiment chaque semaine,
03:59on pense bien que vous luttez face à ça, mais on a un peu l'impression que vous n'avez pas les moyens.
04:03Alors, c'est toujours une question de moyens, et le rapport annuel produit par l'OFAST en 2025, pointe l'un des risques et l'une des conséquences de l'augmentation des flux,
04:16qui est la saturation des services, et pas seulement la police ou la gendarmerie, mais également la justice.
04:21Et ce besoin, cette menace...
04:23Donc, sous la table, vous réclamez des moyens ?
04:25Cette menace est parfaitement identifiée, et le directeur général de la police nationale et le ministre de l'Intérieur en ont parfaitement conscience.
04:31Ils ont, notamment, et très récemment, en août dernier, renforcé considérablement les moyens humains et matériels aux Antilles.
04:40Mais ça veut dire que ce n'est pas inéluctable ?
04:42Parce qu'aujourd'hui, on a l'impression, à vous entendre, que la France est devenue un narco-État, ou est en passe de le devenir ?
04:48L'expression est un peu exagérée, et ce n'est pas seulement une question de moyens, c'est aussi une question d'organisation,
04:54parce qu'il faut attaquer les trois niveaux.
04:56La violence dont vous parlez, c'est une violence qu'on constate au niveau de ce qu'on appelle, nous, le bas du spectre.
05:01C'est-à-dire dans les territoires de revente.
05:04Mais cette physionomie-là est expliquée par le ruissellement, par le haut, de quantités de produits stupéfiants.
05:11Il est aussi économique, pour lutter contre ce phénomène-là, d'interrompre les chaînes d'approvisionnement en amont du territoire national,
05:19et de viser, de cibler les organisations criminelles intermédiaires, celles qui achètent en grande quantité et qui revendent.
05:26Ça vient d'où, d'ailleurs, cette drogue ?
05:27Ça dépend des drogues, mais celle dont on parle le plus en ce moment, la cocaïne, est produite en Amérique latine.
05:33Jamais la production mondiale n'a été aussi forte, elle avoisine 4000 tonnes,
05:38et jamais la vitesse de circulation et d'acheminement vers l'Europe n'a été aussi intense.
05:42Vous dites vers l'Europe, ça arrive directement en France.
05:44Aujourd'hui, notamment au Havre, 64 kilos de cocaïne saisis, deux dockers arrêtés.
05:48Absolument, par l'OFAS.
05:49Par l'OFAS, ça arrive directement en France.
05:51Avant, c'était dans les ports européens, maintenant, c'est dans les ports français.
05:54Alors, ça continue à arriver par les ports d'Europe du Nord,
05:58avec un déport vers les ports français, effectivement, constaté à partir de 2024.
06:03Mais ça arrive aussi massivement par le sud de l'Espagne et par le Portugal.
06:08J'y étais la semaine dernière.
06:09Les Espagnols nous décrivaient une situation apocalyptique,
06:13avec des narcolanchas de 25 mètres, avec quatre moteurs de 300 chevaux,
06:17qui vont jusqu'à mille, mille nautiques de l'Espagne,
06:19pour récupérer des cargaisons entre deux et six tonnes de cocaïne en pleine mer,
06:24pour le ramener vers l'Espagne.
06:25Mais à vous écouter, on a l'impression d'un tsunami,
06:27et qu'on n'arrive pas à lutter contre ce tsunami,
06:29et on va être ensevelis.
06:32S'agissant de la cocaïne, nous vivons, effectivement, depuis 2024,
06:36et avec plus d'acuité encore en 2025,
06:39quelque chose qui peut s'apparaître à une crise.
06:42À une crise de l'accélération des flux importants,
06:45et effectivement, tous les vecteurs, les camions, les voitures,
06:48les drones, les semi-submersibles,
06:50tout est utilisé pour acheminer de la cocaïne en Europe.
06:53La France est aussi un territoire de transit.
06:55Pour la première fois, on voit de la drogue arriver en France,
06:58par le littoral notamment,
07:00pour être expédié ensuite vers la Belgique et les Pays-Bas,
07:03par une inversion d'un paradigme
07:04qui consistait à s'attendre à ce que la drogue vienne du Nord.
07:09Et aujourd'hui, vous êtes face aussi à des tentatives de corruption dans vos équipes ?
07:13Là, on parlait tout à l'heure des deux dockers arrêtés au Havre,
07:16donc manifestement, il y a de la corruption déjà là,
07:19mais dans vos équipes, par exemple, est-ce que vous êtes face à ça ?
07:21C'est un sujet qui est particulièrement suivi par l'Université de l'Intérieur et par la justice,
07:25et on en parle évidemment beaucoup, et c'est sain,
07:28c'est quand même très très marginal,
07:29il y a quelques dizaines de cas,
07:32toute infraction de corruption confondue sur une dizaine d'années quand même.
07:36Et ça va du policier qui consulte des fichiers alors qu'il n'aurait pas dû,
07:40des choses comme ça, c'est quand même extrêmement rare.
07:42Le risque existe, ceci dit, puisque les narcotrafiquants aujourd'hui enrichis
07:46et se permettent même de faire des propositions,
07:49même pendant une garde à vue,
07:51en essayant de montrer aux agents qui l'interrogent
07:56qu'il y a une autre possibilité.
07:58Vous savez, la corruption, c'est pas seulement offrir de l'argent,
08:00c'est aussi menacer.
08:01Les narcotrafiquants aujourd'hui n'hésitent plus à menacer,
08:04y compris le personnel judiciaire et les magistrats.
08:06Le gars que vous avez arrêté la semaine dernière,
08:08l'un des plus gros narcos de France,
08:09arrêté dans les bouchons provoqués par la BRI,
08:11il s'appelle Hammer Mansouri,
08:13c'est qui un peu ?
08:15Alors, l'OFAST, justement,
08:17qu'est-ce qu'on peut faire pour lutter contre ce phénomène ?
08:21C'est cibler les organisations,
08:23c'est-à-dire substituer la culture historique des services
08:26qui consistent à aller chercher le produit là où il est,
08:28c'est-à-dire attraper des quantités importantes de stupéfiants,
08:32substituer cette technique-là
08:34et la remplacer par un ciblage des organisations.
08:38Très précis.
08:38C'est l'approche par les personnes.
08:39Notamment la fameuse DZ Mafia,
08:41vous allez les cibler comme ça ?
08:42Parce qu'on a l'impression, il y a 150 enquêtes,
08:44on le disait tout à l'heure,
08:45il y a eu une réunion jeudi à Beauvau,
08:46vous les ciblez personnellement ?
08:48Alors, ils sont répertoriés,
08:50et ce qu'il faut savoir quand même sur la DZ Mafia,
08:52c'est que la police judiciaire,
08:53dans le cadre de plusieurs centaines d'enquêtes
08:56qui existent depuis deux ou trois ans,
08:58et même un peu plus,
08:59on a déjà incarcéré près de 380.
09:02Sauf que dans les 380,
09:04depuis leur prison,
09:05ils continuent à gérer le réseau, vous dites ?
09:06Certains, ceux qui peuvent,
09:08dans ce nombre d'écrous,
09:10comme on appelle ça,
09:11vous avez aussi beaucoup de petites mains
09:13qui agissent ou qui ont indiqué agir
09:15pour le contre de la DZ Mafia,
09:17mais tout ça pour illustrer
09:18que l'activité judiciaire
09:19sur cette organisation criminelle,
09:21qui est un agrégat,
09:23à l'origine,
09:24un agrégat de narcotrafiquants marseillais,
09:27la lutte ne faiblit en aucun cas,
09:30et des gens sont incarcérés chaque semaine.
09:32Et pour conclure,
09:33le gars là que vous avez...
09:34Amor Mansouri fait partie des cibles d'intérêts prioritaires,
09:38qui sont donc désignés par l'OFAST
09:40après un travail méthodologique,
09:42qui est d'ailleurs inspiré d'Europol,
09:44et qui classent dans une liste
09:46les narcotrafiquants dont l'activité impacte le plus
09:49la sécurité nationale,
09:50et en général,
09:51ce sont donc des gens
09:52qui sont spécialistes
09:54des acheminements massifs,
09:56soit de résine de cannabis,
09:57soit de cocaïne,
09:57sur le territoire national.
09:58Il fait partie du top 10 ?
09:59Il fait partie du top 50.
10:02Du top 50.
10:03Du top 50,
10:04mais si vous voulez,
10:04c'est très important d'arrêter ces figures-là,
10:06même sans produit,
10:08parce que c'est eux qui détiennent
10:09la capacité de l'organisation.
10:11Et c'est donc agir en amont
10:13du bas du spectre et des trafics
10:15que de démanteler les organisations criminelles
10:18qui sont à l'origine du phénomène
10:20et de toutes ses conséquences,
10:21dont les violences.
10:22C'était passionnant.
10:23Merci Dimitri Zoulas,
10:24le patron de l'OFAST,
10:25l'amphice anti-stupéfiant.
10:26Merci d'être venu ce matin en direct sur RTL.
10:28Merci à vous.
10:28Merci beaucoup.
10:29Merci à vous.
10:30200 000 personnes qui vivent de la drogue en France.
10:32On vous écoute et on est scotchés.
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