Ce matin, France Inter vous donne la parole : d'abord à 6h20 avec notre invité Olivier Rouquan, politologue, enseignant-chercheur en sciences politiques et chercheur associé au CERSA. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-13-octobre-2025-1639247
00:00La parole est à vous maintenant, France Inter vous ouvre son antenne, journée spéciale pour recueillir vos témoignages, vos idées, vos sentiments sur la crise politique que traverse la France.
00:09A mes côtés en studio, Olivier Roucan, bonjour.
00:11Bonjour.
00:12Vous êtes politologue, enseignant-chercheur en sciences politiques, chercheur associé au CERSA, c'est le centre d'études et de recherche de sciences administratives et politiques.
00:19Et tout de suite, un premier auditeur. Bonjour Thomas.
00:23Bonjour.
00:23Alors, comment traversez-vous la crise politique actuelle ? Quel est votre ressenti ?
00:28Bon, écoutez, je suis un peu inquiet, évidemment, comme beaucoup de monde, mais surtout ce que je constate, c'est qu'il y a eu une des solutions, donc il y a plus d'un an, en 2024,
00:41on a eu plusieurs premiers ministres, et en fait, j'ai l'impression qu'il n'y a jamais eu de réelle négociation de la part de Macron.
00:50Donc il n'y a pas eu de compromis entre la droite et la gauche.
00:53Or, pour rappel, quand même, la Belgique, il y a quelques années, a mis plus d'un an pour former un gouvernement.
01:01L'Allemagne, citée en exemple, peut mettre jusqu'à trois mois pour en former un.
01:07Donc je me demande pourquoi en France, j'ai envie de dire, de la population, en passant par les journalistes, les politiques,
01:16on ne veut pas accepter qu'il y ait justement des compromis et des négociations.
01:22Il faudrait prendre plus de temps, selon vous, il n'y a pas besoin de se précipiter, c'est ça ?
01:26Alors, moi, je ne suis pas un spécialiste des problèmes divers et variés, mais enfin, je pense qu'effectivement, qu'est-ce qui vaut mieux ?
01:35Un an et demi, à peu près, où c'est le bazar total, où, maintenant, on ne peut pas revenir en arrière, mais prendre son temps,
01:45et puis ensuite, mettre le temps qu'il faut pour savoir qui va être ministre de l'Éducation, qui va être ministre des Armées, etc.
01:55Prendre son temps et savoir ce qu'on fait.
01:59Et puis, si rien ne marche, si au bout de... On ne va peut-être pas attendre, comme en Belgique, un an sans rien faire,
02:06mais si au bout de trois, quatre mois, il n'y a pas de solution, d'abord, le président, il peut démissionner.
02:12Il n'a pas fait de faute grave dans le sens... Je ne pense pas qu'une destitution, je ne vois pas le rapport,
02:18mais bon, il y a des présidents dans la Ve République qui ont démissionné après une défaite aux élections.
02:26Restez avec nous, Thomas. Je vais m'adresser à Olivier Roucan, qui va rebondir à votre propos.
02:31Olivier Roucan, on va trop vite en France ? On ne prend pas assez le temps de discuter ?
02:36On va plus vite que notre voisin européen ? Pour constituer un gouvernement ? Il y a une précipitation ?
02:40Il y a une question de temps, mais il y a aussi une question, je dirais, de dynamique.
02:44C'est-à-dire que nous sommes toujours, et ce gouvernement l'indique à nouveau, une nouvelle fois, dans une logique descendante,
02:51c'est-à-dire qu'il vient de l'Elysée.
02:53Or, si l'on veut avoir une chance de trouver des accords et de passer des compromis,
02:59je dirais qu'il faut partir du bas, c'est-à-dire ici de l'Assemblée nationale.
03:02Parce que le gouvernement, s'il a une chance de tenir, c'est face aux députés.
03:07Et donc, nous, nous sommes restés sur une pratique présidentialiste
03:10où l'on pense que le Premier ministre et le gouvernement,
03:13leur responsabilité, finalement, ils la doivent plus devant le Président que devant l'Assemblée.
03:19Mais ça, ça prendrait plus de temps, du coup ?
03:21Alors, ça prendrait sans doute plus de temps, parce qu'en plus, nos partis politiques sont peu habitués,
03:26sous la Ve République, dans tous les cas, à ce genre de négociations,
03:30même s'ils commencent, à mon avis, à s'y faire, mais ça prend du temps.
03:34Ensuite, l'idée de rester un moment sans gouvernement,
03:37ou avec un gouvernement démissionnaire,
03:40alors il est vrai qu'un an, c'est beaucoup pour la France,
03:42mais on peut envisager cette hypothèse.
03:45Mais là encore, à condition que la société s'adapte.
03:48C'est-à-dire que, quand vous n'avez pas un gouvernement politique,
03:51ou tel qu'il vient d'être nommé,
03:54vous avez les acteurs du milieu économique qui disent,
03:57« Oh là là, c'est la catastrophe, tout va s'effondrer, l'économie ne va plus tourner ».
04:01Comme ce monsieur l'a indiqué, dans d'autres pays, cela se passe et l'économie tient.
04:07Et nous, sous la IVe République, il y avait des gouvernements très fréquents qui changeaient,
04:11en tout cas très fréquemment, et ça, l'économie tenait.
04:14Donc voilà, il faut que notre société s'adapte à cette nouvelle réalité politique,
04:18qui traduit d'ailleurs une fracturation de notre société.
04:20Merci beaucoup pour vos explications, Olivier Roucourt,
04:23et merci pour votre appel, Thomas.
04:24Nous sommes en ligne maintenant avec un autre auditeur, Christophe.
04:28Christophe, vous êtes à Atismons.
04:31Quel est votre sentiment sur la situation politique actuelle ?
04:34Est-ce qu'elle vous inquiète, comme le précédent auditeur ?
04:36Est-ce qu'elle vous navre ? Est-ce qu'elle vous met en colère ?
04:39Alors, moi, bonjour.
04:41Bonjour à tous les auditeurs.
04:43Moi, j'ai une vision très détachée,
04:46que j'ai appris à avoir beaucoup de recul à travers le temps.
04:49J'arrive à la soixantaine,
04:51donc j'ai connu la politique depuis les années Mitterrand.
04:55Et en fait, tout ce que je me rends compte,
04:58c'est qu'au fil des élections,
05:01que ce soit de droite ou de gauche,
05:03on élit plus un bouc émissaire ou un souffre-douleur
05:06plutôt qu'un président.
05:08Très vite, le président élu devient très vite impopulaire.
05:11On est dans une violence politique pas possible.
05:14Et donc, moi, j'ai pris du recul par rapport à ça.
05:17Et par exemple, aux jeunes que j'ai au boulot, au travail,
05:22je leur apprends à avoir ce recul
05:26pour être plus ou moins modéré,
05:29pour mieux apprécier la situation
05:30plutôt que de se jeter dans un corps ou dans un autre.
05:33Mais parce que cette crise ne pèse pas dans votre vie de tous les jours ?
05:35Il n'y a pas d'incidence directe ?
05:37En fait, moi, je la vois à travers la violence qu'il y a dans la vie publique aujourd'hui
05:45qu'on n'avait pas forcément avant.
05:47On a la violence politique et on a la violence quotidienne de tous les jours.
05:52C'est tout le temps des insultes dans les transports en commun.
05:54C'est tout le temps des gens qui passent très vite à une certaine forme de violence.
06:00Et j'ai l'impression que c'est un peu entraîné aussi par le monde politique
06:04où, effectivement, on ne voyait pas ça avant de demander très vite
06:09des destitutions ou des démissions ou tout ça.
06:13Donc, moi, personnellement, non, je reste avec un regard assez détaché
06:17de par mon rôle aussi extra-professionnel
06:22où, effectivement, je prends beaucoup de recul
06:27et je regarde un peu comment marche la civilisation.
06:30Olivier Roucan, je rappelle que vous êtes politologue.
06:32Vous aussi, vous trouvez que la vie politique est plus violente qu'avant ?
06:34Oui, mais comme ce monsieur l'indiquait,
06:37la société, sans doute, il y a plus d'agressivité,
06:40plus de tensions dans l'air.
06:41Alors, c'est dû à beaucoup de choses.
06:43Mais sur le plan culturel, cela est alimenté, on le sait bien,
06:47par cette façon que nous avons aujourd'hui de communiquer dans l'instant
06:51avec la volonté de clasher, notamment, sur les réseaux sociaux.
06:55Maintenant, cette logique des réseaux sociaux et de l'instantanéité,
07:00ce monsieur indique bien que la société apprend à la tempérer.
07:04Il ne faut pas...
07:06Ça se passe encore relativement bien dans les relations sociales.
07:09C'est vrai qu'il y a de l'agressivité, mais enfin, quand même,
07:11nous ne vivons pas dans les réseaux sociaux.
07:15Et puis, alors, cette tempérance dont ce monsieur parle,
07:18les Français en font preuve.
07:21Il y a des éléments positifs.
07:23L'an dernier, ils sont massivement allés voter aux élections.
07:26C'est plutôt un signe de vitalité démocratique,
07:28même si ensuite, le résultat pose quelques soucis
07:31de cohérence et d'ordre politique.
07:34On est dans une période de travail des repères.
07:37Il faut faire preuve, sans doute, de cette sorte de philosophie.
07:41Bon, il y a plus d'agressivité, c'est vrai,
07:43mais malgré tout, nous pouvons essayer de mettre en place
07:47un nouvel ordre politique dans les années qui viennent.
07:50Le problème, c'est de reposer des repères.
07:53On a l'impression que c'est une époque où il faut refonder
07:55un certain nombre de repères, et notamment, je dirais, idéologiques.
08:00Olivier Roucan, on a le temps de prendre un troisième auditeur en ligne.
08:03C'est Xavier, c'est vous.
08:04Vous êtes en direct d'Aubagne.
08:06Alors, comment vous vivez ce moment politique ?
08:08Le fait qu'on ait renommé, en l'espace d'une semaine,
08:11le même Premier ministre, avec un nouveau gouvernement annoncé hier soir.
08:14Comment vous le vivez, Xavier, vous, ce moment ?
08:16Alors, moi, ce que je vois, c'est des gens qui sont plein de bonne volonté.
08:22Certaines personnes, donc, qui sont justement aux responsabilités.
08:25D'autres font preuve, effectivement, plus d'ambition personnelle
08:31pour les prochaines présidentielles ou autres.
08:34Mais, en fait, on a les hommes politiques qu'on mérite.
08:38Et moi, je vois mes concitoyens qui sont bien souvent motivés
08:42pour la défense de leurs intérêts personnels
08:45plutôt que pour la défense de l'intérêt général,
08:48plutôt que pour une France plus juste, plus équitable.
08:51Donc, effectivement, on a des hommes politiques
08:55qu'on pourrait qualifier d'égoïs,
08:57mais nous, électeurs, avons-nous le sens de l'intérêt général
09:00lorsque nous votons ?
09:01Donc, la classe politique ne serait que le reflet de nous-mêmes,
09:04des citoyens que nous sommes, c'est ça ?
09:06C'est ce que je veux dire, oui.
09:08Olivier Roucan.
09:10Oui, alors, ce qui vient d'être dit est reproché
09:12aux femmes et aux hommes politiques depuis assez longtemps.
09:15Et les indicateurs sont très négatifs.
09:17Il y a une perception très négative depuis longtemps
09:19de la politique et du personnel politique.
09:21À tort, d'ailleurs, en partie.
09:23Simplement, il se passe quelque chose.
09:25C'est qu'il est vrai qu'on avait constaté ça aux Etats-Unis
09:28il y a quelques années.
09:29C'est que le monde politique clive davantage pour exister.
09:35Du fait de ce système de communication qu'on a évoqué.
09:37Et ça, cette polarisation souhaitée
09:39qui est beaucoup due aussi à l'influence des communicants
09:43dans le monde politique,
09:44cela a des conséquences démocratiques assez néfastes et négatives.
09:48D'où la volonté de renouveler,
09:50comme l'a dit Sébastien Lecornu, son gouvernement
09:53en incluant des personnes de la société civile
09:55parmi les ministres.
09:56Il y en a huit, cette fois-ci.
09:57Huit, voilà.
09:58Bon, il faudra voir si cela tient face aux députés.
10:01Il y avait déjà eu une expérimentation de cette affaire
10:03sous Michel Rocard.
10:04Ça n'avait pas été très durable.
10:08Il faudra voir cette fois-ci.
10:09Merci Olivier Roucan, enseignant-chercheur en sciences politiques.
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