00:00Enfin lui, il a dit oui à Marseille avant même qu'on ait réservé le train.
00:03On lui a dit Fiesta des Sud, il a entendu Fiesta tout court depuis.
00:06Il est partout, sur le port, dans les loges, dans le quartier de Noailles.
00:09Voici le seul chroniqueur que même la bonne mère n'arrive plus à suivre, Ahmed Sparrow.
00:14Eh oui.
00:16Alors je vais vous le dire, quand Mathieu m'a dit on fait les michos à Marseille, t'es chaud,
00:20j'ai dit oui direct, j'aime trop Marseille.
00:21Voilà, je vous le dis, j'aime trop Marseille.
00:23Après je me suis...
00:24Non c'est vrai, après je me suis renseigné, on est ici pour la Fiesta des Sud.
00:27La Fiesta des Sud.
00:29J'ai entendu le nom, je me suis dit il va y avoir des danseuses brésiliennes, du rosé qui coule à flot.
00:33Mon cul c'est le multiverse ici.
00:35T'arrives, il fait 1000 degrés, il y a des stands de merguez, des blancs qui ont des dreadlocks en liberté,
00:39des mecs en jogging Dortmund qui crient allez l'OM, t'as rien compris.
00:43Tu viens voir un concert, au bout de 10 minutes t'es dans un pogo avec des vegans qui chantent du reggae avec l'accent marseillais, c'est chelou.
00:49Et le line-up, il n'a aucun sens.
00:50Le mec qui fait la DA du festival, il n'a qu'une devise.
00:52T'es dispo, viens.
00:54Non.
00:54Du rap, du zouk, du rail, de l'électro, de l'alternative, bref, il y a tout, il manque que des comptines pour enfants.
01:00Ça passe du rap engagé à du zouk.
01:01Tu sors de là, tu ne sais plus si tu veux ken une meuf ou l'extrême droite.
01:04Dans l'émission aussi, des beaux invités, moi j'arrive, ils sont partis, mais on a eu Yusufa, seul rappeur qui peut faire des dreadlocks sur la tête et sur la langue.
01:13Celle-là, elle est très technique.
01:15Yusufa, c'est un rappeur avec une plume, il t'ambiance, mais en même temps, t'as envie de t'engager politiquement.
01:20C'est bizarre comme sensation, t'es là, tu bouges la tête, mais en même temps, tu dis, putain, le programme de la gauche, c'est pas ouf.
01:25Jocelyne Berroir, de Kassav, respect éternel, ouais, ouais, la chanson, zouk la cesselle médicament nous nie, peu importe le moment, les gens s'ambiancent.
01:34Même à un enterrement, mets le son, fais le test.
01:37Je te jure, même le mort, il va se réveiller une dernière fois, il va dire, on nous aille.
01:41Benjamin Pavard, le héros de 2018, le seul français qui a transformé un but en CDI médiatique.
01:47Depuis 6 ans, il vit de ce but.
01:49Je crois que dans son contrat, il a marqué, marquer une fois et profiter à vie.
01:53Non, c'est le Stromae du foot.
01:54Après, on a eu Nicolas Pagnol, petit-fils du grand Marcel.
01:57Si Marcel Pagnol, il voyait à quoi ressemble Marseille aujourd'hui.
02:01S'il arrivait à Porte d'Aix, aujourd'hui, il n'y aurait eu ni la gloire de mon père, ni le château de ma mère.
02:07Il y aurait eu le crédit de mon père sur la cannebière et la gloire de Témor sur le vieux port.
02:13Eh ouais, ils connaissent.
02:14Et Manon Dessour, ça aurait été une influenceuse TikTok, je vous le dis.
02:18Mathilda Dematéo, qui sort un roman qui s'appelle Bonne Mère.
02:20Alors ici, il faut arrêter, mais tout s'appelle Bonne Mère.
02:22Un bar qui s'appelle Bonne Mère Mojito, un kebab qui s'appelle Bonne Mère Grill, une salle de sport Bonne Mère Fitness.
02:29C'est quoi l'étape d'après ? Des prostituées qui vont s'appeler Bonne Mère Archibon Service ?
02:33Non, tu rentres pêcheur, tu ressors pardonné.
02:35Non, il faut arrêter.
02:36On a une chef aussi, l'idéal, le nom du resto.
02:39Alors ici, à Marseille, la modestie, c'est une rumeur, je ne sais pas pour vous.
02:42Non, à Marseille, tu as l'idéal, le suprême, le goût du soleil.
02:45Nous, à Paris, on n'est plus modesté, le petit creux chez Ginette.
02:48À Marseille, j'ai bu un kebab dégueulasse qui s'appelait le goût du paradis.
02:51Il ne faut pas abuser.
02:52Non, tu comprends que Marseille, c'est un autre monde.
02:54Ici, tout est différent, ce n'est pas une ville que tu peux comprendre, mais une ville que tu ressens.
02:57C'est le seul endroit où les gens t'engueulent pour t'aider.
02:59À Paris, on te râle dessus parce que tu demandes ton chemin.
03:01À Marseille, tu n'as rien demandé, on te crie dessus.
03:04Non, c'est vrai qu'ils sont là, tu es perdu.
03:05Mais dis-le, couillant, c'est à droite.
03:07Les expressions, elles sont différentes ici.
03:09Ça va, le sang ?
03:10Ça va, le sang !
03:12Donc, pour dire bonjour, il faut faire médecine ici.
03:14Même le soleil, il est différent, tout est différent.
03:16Mais j'aime Marseille.
03:17En tant qu'Algérien, j'ai un rapport particulier avec Marseille.
03:19C'est vrai, parce que c'est ici, quand on partait au bled, on passait chaque année par Marseille.
03:22C'est vrai, des millions d'Algériens qui débarquaient en Renault 21 Nevada,
03:26chargés des bâches bleues sur la Joliette.
03:28Tu imagines la frustration du raciste qui pensait chaque année se débarrasser de dizaines de milliers d'arabes
03:33et ils nous voyèrent venir deux mois après avec des pastèques et des melons.
03:37Et ouais, mon gars, c'est vrai.
03:43Donc, conclusion, franchement, Marseille, je vous jure, c'est pas une ville, c'est une émotion.
03:46Tu la comprends pas, tu la ressens.
03:48Et moi, je crois que c'est pour ça qu'on partait d'ici pour aller au bled.
03:50Parce que Marseille, c'est la dernière escale avant la vérité.
03:54T'arrives ici, t'as plus besoin de GPS, c'est ton instinct qui conduit.
03:56Alors, ouais, je suis pas né à Marseille, mais je pense que Marseille m'a adopté.
03:59Parce que ce matin, il y a un mec qui m'a insulté et je me suis senti aimé.
04:02Merci, Ahmed Sparrow.
