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  • il y a 1 jour
Transcription
00:00J'ai été forcé à prendre des stups sur moi.
00:02C'est-à-dire qu'aujourd'hui, vous nous expliquez que vous avez été contraint,
00:05mais que vous apprêtiez à voler 61 grammes de résine de cannabis
00:08et 15 grammes de cocaïne à un réseau de trafic de stupéfiants.
00:12À Marseille, ça se résout d'une façon très simple, monsieur, ça.
00:14Ça se résout dans un coffre de voiture, un homicide et un incendie de la voiture par la suite.
00:18On s'est dit que ce qui se passait dans les comparutions immédiates,
00:23et que c'était sans doute pour ça que c'était quand même intéressant d'être là,
00:26c'est que ce qu'on filmait là, c'était les esclaves des stups.
00:30C'est-à-dire les petites mains, les ouvriers, la classe vraiment, on va dire,
00:33la classe prolétaire du milieu des stups, qui est un milieu, les stups illégales bien sûr,
00:39mais hyper capitaliste, hyper puissant en termes économiques,
00:44hyper organisé, très compétitif, etc.
00:46Donc on s'est dit qu'on voulait essayer de filmer, de saisir ces gens-là,
00:49qui sont au fond jugés pour les fautes sociales qu'ils ont commises
00:53en étant dans les réseaux de stups, mais en même temps qui sont les victimes
00:57des réseaux de stups qui sont des machines, des organisations beaucoup plus grosses qu'eux.
01:02C'est vous qui avez remis tout ce qu'on trouve dans l'appartement,
01:05donc les refaisons un point exact, madame, 8 kilos de résine de cannabis,
01:10900 grammes d'herbes et 487 grammes de cocaïne, c'est vous ?
01:12Non, c'est pas bon. Je sais pas.
01:16Pendant que Jean-Robert est en haut dans la salle d'audience,
01:19moi je suis en bas.
01:20Quand les gens arrivent, ils viennent des Beaumet, de Luyne ou d'ailleurs,
01:25ils arrivent en fourgon avec la pénitentiaire,
01:28et moi j'ai quelques instants pour leur parler,
01:32dans les jôles du tribunal,
01:33mais je veux avoir suffisamment de temps quand même
01:36pour qu'ils sachent qui on est, pourquoi on le fait.
01:38Ils ont envie d'y participer
01:40parce qu'ils ont envie de se raconter autrement.
01:44Et je sais qu'il y a toujours un risque, en fait,
01:47à filmer une population à l'écart de l'éducation,
01:51d'origine immigrée,
01:53là où on attend qu'ils soient, en fait, en prison ou devant le tribunal.
01:57Mais c'est ça que doit nous permettre le cinéma, en fait,
01:59de dépasser des stéréotypes sociaux.
02:01Et ce qu'on voulait raconter dans ce film,
02:04c'est le vide des décennies d'abandon politique
02:07de certains quartiers de la ville,
02:11des quartiers périphériques
02:12où il n'y a pratiquement pas de transport,
02:15où les écoles sont moins préfabriquées.
02:18Et c'est là qu'ils ont grandi.
02:19Ceux qui sont jugés là,
02:21ils ont toujours vu le point de stup' en bas de leur immeuble
02:24parce qu'il n'y a aucune économie formelle
02:28qui a été suffisamment construite dans ces quartiers-là.
02:31pour qu'ils puissent bosser sans sortir.
02:34Donc le stup', c'est devenu une sorte d'ANPE.
02:37Il n'y a pas d'entretien d'embauche et l'ascension sociale.
02:41Le rêve, c'est de devenir gérant de jour, gérant de nuit.
02:43Ça ne vous choque pas que des tout jeunes comme ça,
02:46de 13 ans, soient sur les points ?
02:48Pas autant que ça.
02:49Pas autant que ça. Pourquoi ? Parce qu'il y en a beaucoup à Marseille.
02:52Eh bien, vous le savez très bien, madame.
02:53Vous le savez.
02:54Je le sais, mais moi, ce qui m'intéresse, c'est ce que vous pensez, vous.
02:56Moi, je ne dis pas autant que ça.
02:58Parce qu'il y en a de partout où vous allez,
02:59des jeunes de 13, 14 ans qui vendent.
03:01Mais comment ça se fait, ça ?
03:02Je ne sais pas, moi, comment ça se fait ?
03:03Celui qui est auditionné pendant l'audition,
03:08quand il parle, c'est une solitude.
03:09Même s'il a un avocat pour le défendre, etc.
03:11Mais là, il faut voir de qui on parle.
03:13On parle de gens qui ont un bagage d'éducation
03:15qui est peu important
03:18et qui se retrouvent devant des gens qui vont les juger
03:21et qui sont, eux, des gens extrêmement éduqués.
03:23Donc, on a deux classes sociales extrêmement distinctes.
03:25Donc, pour celui qui est auditionné,
03:27c'est assez, j'imagine, impressionnant.
03:30Et puis, l'avocat, il le connaît à peine.
03:32Ils arrivent de garde à vue.
03:33Donc, ils ont passé 48 heures en garde à vue
03:35ou ils ont été déférés de prison,
03:36ou ils étaient en attente.
03:39Et donc, ils vont être jugés.
03:40Et donc, c'est une solitude.
03:41Et le juge, c'est aussi une solitude, d'une certaine manière.
03:43Même s'il a ses assesseurs, même s'il a le procureur, etc.
03:46Mais le juge, c'est une solitude dans la mesure où
03:47il est là pour juger et il doit juger vite
03:50puisqu'on est dans les comparisions immédiates.
03:52Les affaires s'enchaînent dans la journée.
03:54Et il doit juger bien, ne pas se tromper.
03:57Il doit chercher la vérité judiciaire.
03:58Donc, c'est aussi assez compliqué.
04:00Pourquoi vous avez fait le choix de travailler pour le réseau de trafic de stupéfiants
04:05plutôt que d'aller reprendre un travail de serveuse ?
04:08Je ne sais pas. J'ai été bête sur le coup.
04:11J'avais besoin d'argent.
04:12Comme je vous ai dit, j'étais en galère.
04:13Vraiment, vraiment.
04:15Et sur le coup, j'ai...
04:16L'argent, ça peut se gagner honnêtement, madame ?
04:18Oui, bien sûr. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
04:20Bien sûr, monsieur le juge.
04:22Je suis tout à fait d'accord.
04:23Je préférerais travailler à l'heure d'aujourd'hui.
04:25Je regrette.
04:25Comme je vous ai dit, j'ai fait une erreur.
04:27J'en suis constante.
04:28Moi, ma place, elle n'est pas en détention, monsieur.
04:30Je suis une jeune fille.
04:30Ce temps dans les jôles, même s'il est court,
04:34on est dans une interaction qui est assez forte.
04:37Dès le début, j'étais avec des accusés
04:40qui pouvaient se mettre à pleurer ou à stresser.
04:44Beaucoup, avant l'audience, ils sont en état de choc.
04:46Donc, c'est un temps aussi où je leur raconte
04:48aussi qui est en haut, comment ça va se passer.
04:53Ils ont très peu de temps pour voir leur avocat commis d'office.
04:56Je ne pense pas qu'on ait été perçus comme une menace
04:58et puis on reste neutre.
05:00En fait, on est là pour rendre compte de ce qui se passe.
05:04Absolument pas pour prendre parti.
05:08On a eu le même regard, je pense,
05:11sur les juges qui jugeaient
05:13que sur les accusés qui se défendaient.
05:17Le sujet, il n'est pas de savoir
05:18si les juges jugent bien ou mal.
05:22Je pense qu'ils font vraiment le maximum
05:25avec le plein de moyens qui leur sont attribués.
05:29Le but du jeu, c'est de comprendre
05:31d'où ils viennent, ces hommes-là, en fait,
05:35ces hommes et ces femmes,
05:35parce qu'il y a des femmes aussi,
05:38mais de comprendre la solitude
05:40dans laquelle on les a laissées grandir
05:43et de venir.
05:44Est-ce que vous souhaitez rajouter quelque chose ?
05:48Elle va arrêter, non.
05:50D'accord, madame.
05:51Le tribunal va se retirer
05:51pour délibérer sur ce dossier
05:53et le précédent.
05:54Levez-vous !
05:56Sous-titrage Société Radio-Canada
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