- il y a 3 mois
En juin dernier, une surveillante de collège est tuée par un adolescent... En janvier, Elias, 14 ans est assassiné à la machette par deux mineurs multirécidivistes... Nous le constatons régulièrement les enfants et les adolescents sont malheureusement exposés aux violences dont ils sont parfois eux-mêmes les auteurs.
Comment ces affaires qui concernent les mineurs, victimes ou agresseurs sont-elles gérées notamment par les procureurs¿? Comment travaillent ces magistrats¿?
Et la loi, que certains souhaitent modifier, est-elle bien adaptée aux réalités que rencontrent ceux qui la font appliquer ? Les mineurs sont-ils suffisamment protégés de la violence des adultes ? Comment expliquer que des mineurs se livrent à des actes de plus en plus violents ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :
Comment ces affaires qui concernent les mineurs, victimes ou agresseurs sont-elles gérées notamment par les procureurs¿? Comment travaillent ces magistrats¿?
Et la loi, que certains souhaitent modifier, est-elle bien adaptée aux réalités que rencontrent ceux qui la font appliquer ? Les mineurs sont-ils suffisamment protégés de la violence des adultes ? Comment expliquer que des mineurs se livrent à des actes de plus en plus violents ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :
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00:01Mineurs en peine des procureurs en première ligne documentaire d'Emmanuel Guionnet.
00:07Immersion saisissante dans le quotidien d'une unité spéciale créée à Bobigny, la Diffage, Division Famille Jeunesse.
00:13Plein de questions sur le métier de procureur et la spécificité de l'exposition à la violence concernant les jeunes.
00:19Plein de questions aussi sur la violence des jeunes eux-mêmes qui fait régulièrement la une de l'actualité.
00:24Double questionnement donc aujourd'hui, questionnement que l'on va se poser avec nos invités.
00:28Dominique Perben, bienvenue. Ancien garde des Sceaux, ministre de la Justice dans le gouvernement Raffarin entre 2002 et 2005.
00:35Vous avez aussi été maire pendant près de 20 ans de Chalon-sur-Saône en Saône-et-Loire.
00:39Et aujourd'hui, vous collaborez à Simon Associé, un cabinet d'avocats d'affaires.
00:43Aurélien Martini, bienvenue à vous également. Procureur de la République adjoint au tribunal judiciaire de Maud.
00:49Secrétaire général adjoint de l'USM, Union Syndicale des Magistrats.
00:52Béatrice Brugère, bienvenue. Secrétaire générale du syndicat Unité Magistrat et autrice de Justice.
00:59La colère qui monte, plaidoyer pour une refondation complète parue aux éditions de l'Observatoire.
01:05Séverine Cacpeau, bienvenue à vous également.
01:07Enseignante, chercheuse en sciences de l'éducation, spécialiste des questions scolaires, des relations entre école et famille.
01:12Assesseur au tribunal pour enfants de Bobigny et autrice du podcast Daily Mineur, chronique d'audience au tribunal pour enfants diffusée sur Arte Radio.
01:21Merci à tous les quatre d'être ici.
01:23Parmi les éléments frappants que l'on retiendra peut-être du film, il y a ce quotidien méconnu d'une fonction souvent caricaturée,
01:31celle de procureur, fonction dont on ne perçoit souvent que le caractère accusatoire ou répressif.
01:37Est-ce que les protagonistes de ce film ne montrent pas un autre visage, Béatrice Brugère ?
01:42On est quand même assez frappés de voir qu'il y a de la nuance aussi dans ce métier.
01:46Oui, alors moi ce que j'ai beaucoup aimé dans ce documentaire, justement c'est cette espèce de rentrée dans le quotidien de cette équipe
01:53qui est quand même assez atypique, Bobigny n'étant pas représentatif à mon avis de tous les parquets mineurs,
01:59puisque c'est une très grosse équipe et le collectif n'existe malheureusement pas comme ça nécessairement ailleurs.
02:07La jeunesse aussi des protagonistes et l'engagement qu'ils ont.
02:11C'est vrai que c'est intéressant parce qu'on a une vision très difficile et très critique de la justice,
02:17et notamment de la justice des mineurs.
02:18Donc ça c'était intéressant de voir un petit peu le quotidien, comment ça pouvait se passer avec cette réserve,
02:24que je pense que c'est assez spécifique à Bobigny aussi, avec les côtés positifs et négatifs d'ailleurs de l'équipe,
02:32mais on en reparlera peut-être après.
02:33Bien sûr, et leur humanité aussi, Aurélien Martini, c'est vrai qu'on le caricature un peu, ce métier de procureur,
02:37on le connaît mal, on parle souvent des juges, des avocats, mais procureur, on connaît assez peu ce documentaire,
02:41nous permet de mieux les connaître.
02:42Oui, vous avez raison, c'est un métier qui est assez méconnu et qu'on résume souvent à l'audience,
02:46à la phase d'audience où le procureur se lève pour prendre des réquisitions,
02:49et on se rend compte avec ce reportage qu'en fait c'est la phase émergée de l'iceberg,
02:53et donc ce qui est en dessous est beaucoup plus important en termes de volume, de quantité de travail,
02:57de charge aussi, à la fois émotionnelle, et au fond qu'on voit que le procureur est une vigie en quelque sorte
03:05de la protection de l'enfance dans ce pays, que c'est lui qui est en première ligne
03:08pour prendre ce qu'on a appelé les OPP, les ordonnances de placement provisoire par exemple,
03:13mais qui a un rôle de protection de l'enfance, qui n'est pas que dans un rôle de répression.
03:17C'est vraiment la force de ce documentaire, Dominique Perben, de montrer le procureur sous un autre visage.
03:21– Oui, c'est le visage de la réalité, ce qui est très frappant aussi,
03:26c'est la nécessité de décider très vite, ce qui nécessite à mon avis de l'expérience,
03:32une capacité de jugement assez sûre, ce n'est pas évident,
03:37et puis ce qui est frappant dans le film, dans l'ensemble du film,
03:41c'est de montrer que la justice est en bout de course,
03:45et qu'avant il y a toutes les défaillances de la société,
03:48et que bien souvent on demande à la justice de tout refaire.
03:53Elle en est évidemment incapable, et il y a beaucoup d'autres questions qui se posent avant,
03:58en particulier tout ce qui est assistance à l'enfance en danger,
04:02qui à mon avis est un problème considérable aujourd'hui dans ce pays,
04:05et qui n'est pas suffisamment, je dirais, au cœur des débats.
04:08– Séverine Cacpeau, comment avez-vous perçu cette galerie de portraits de procureurs ?
04:13Est-ce que ça ressemble de près ou de loin à ce que vous vivez en tant qu'assesseur ?
04:16– Alors, plus que ça, c'est que comme je suis assesseure au tribunal de Bobigny,
04:20c'est une fonction qui est très mal connue, peut-être dire un mot ?
04:22– Oui, allez-y bien sûr, elle aussi.
04:24– C'est un citoyen qui siège aux côtés du juge des enfants en audience pénale,
04:30et en audience pénale, il y a deux assesseurs et un juge des enfants,
04:34et donc nous, nous participons au débat, nous pouvons poser des questions,
04:37les assesseurs, et nous contribuons à la construction de la décision délibérée,
04:42notre voix, enfin, on a chacun une voix, et la décision se prend à trois.
04:46– D'accord.
04:47– Donc c'est vraiment, je suis une citoyenne qui porte un regard sur la justice des mineurs.
04:52– Donc vous n'avez pas forcément été surprise par l'humanité de ces procureurs ?
04:56– Non seulement pas surprise, mais parce qu'en fait,
04:57je connais chacun des protagonistes du documentaire, quasiment tous,
05:01je les ai siégés avec eux, enfin voilà, je les ai vus en audience,
05:05je les ai vus se lever pour requérir, et je connais leur engagement,
05:10et je trouve que le film rend très bien compte de cet engagement très fort,
05:16sans doute aussi des petits moments où on perçoit aussi que le travail est aussi dur,
05:20et peut sans doute générer des formes de souffrance professionnelle,
05:23enfin je crois, le documentaire le montre,
05:25et je trouve que c'est une très belle fonction, la fonction de procureur,
05:29et ce sont des gens qui prennent des réquisitions mesurées, construites, intelligentes,
05:35et je trouve qu'en audience, c'est très intéressant.
05:38– Et on a l'avenir de jeunes, de mineurs, d'enfants, d'adolescents,
05:41entre les mains quand même, Aurélien Martini ?
05:43– Oui absolument, et comme vous l'avez dit, monsieur le ministre,
05:45c'est des décisions qui sont prises très rapidement,
05:47avec un flot d'appels très important,
05:49quand vous êtes à la permanence, que ce soit une permanence mineure,
05:52on est à Bobigny, c'est un peu un cas particulier,
05:54mais c'est reproductible finalement en beaucoup de juridictions en France,
05:57vous avez un flot d'appels pour traiter toutes sortes d'affaires,
06:01il faut décider vite, il faut décider bien,
06:03ce qui met une charge sur les épaules de mes collègues très forte,
06:06parce que toute erreur, vous voyez, à un moment donné,
06:09on se questionne sur l'échec de l'institution,
06:11toute erreur peut avoir des conséquences dramatiques,
06:14parce qu'on parle de mineurs, encore plus,
06:15et collègues disaient dans le reportage, j'étais frappé par ça,
06:19il ne faut peut-être pas faire ça trop longtemps,
06:21c'est donc que ce travail abîme aussi ceux qui le font,
06:24d'être confrontés à cette violence en permanence,
06:25et d'avoir cette pression de la décision à prendre.
06:29– Il y a plein de scènes qui sont marquantes dans ce film,
06:30on va en revoir quelques-unes, d'abord je voudrais vous parler d'une en particulier,
06:34qui reflète peut-être un vrai dysfonctionnement,
06:36c'est lorsqu'une jeune fille de 16 ans s'est fait violenter par ses parents,
06:39et se pose la question de la mettre ou non dans un foyer,
06:42et l'une des réactions c'est de dire,
06:43oh non, surtout pas, ça va être encore pire,
06:45les foyers sont remplis de viols, de violences,
06:48pardon, qu'est-ce qui se passe dans ces foyers, Béatrice Brugère ?
06:50Comment est-il possible que ce soit plus protecteur
06:52de laisser peut-être une jeune fille de 16 ans
06:54entre les mains de parents qui l'a violente, que dans un foyer ?
06:56– Oui, c'est-à-dire que la France place énormément,
07:00en vrai on est un des pays européens qui place le plus les mineurs,
07:05et avec ça, le paradoxe, c'est que d'une part,
07:08on est en total emboli, on manque de place,
07:11et quand on place, on a une difficulté aujourd'hui supplémentaire,
07:15c'est qu'il y a un risque supplémentaire,
07:17donc ça fait quand même beaucoup d'éléments à prendre en compte
07:20dans la question du discernement et de la prise de décision,
07:24c'est-à-dire que, et là on voit bien que sur le placement,
07:27ses collègues lui disent, non, peut-être pas,
07:29parce qu'à la fois c'est pas adapté et c'est dangereux.
07:32Moi ce qui m'interpelle, c'est justement la difficulté du placement en France,
07:38peut-être le manque aussi d'analyse, de formation
07:41par rapport à d'autres pays européens sur les risques du placement,
07:44et puis surtout la faillite de l'État,
07:47puisque ça fait plusieurs années,
07:49et d'ailleurs notre garde des Sceaux s'en est emparé récemment
07:52après le rapport Santiago, on en parlera peut-être,
07:55de la carence de l'État,
07:57puisque en plaçant des enfants,
07:59ils sont repris pour certains dans des réseaux de prostitution,
08:04et ça devient un sujet qui n'est pas du tout marginal,
08:07puisqu'il y a eu des rapports là-dessus,
08:09il y a eu des alertes, notamment d'avocats,
08:10d'ailleurs aussi dans le sud de la France,
08:12c'est-à-dire que ces mineurs, qui sont déjà extrêmement fragilisés,
08:16sont repérés,
08:17et sont, j'allais dire,
08:19récupérés par des réseaux, parfois d'ailleurs criminels,
08:22de prostitution.
08:23– Ça paraît fou Dominique Perbel ?
08:24– Oui, sur la protection de l'enfance,
08:27je pense qu'il y a beaucoup à refaire.
08:29Alors il y a eu une part de décentralisation,
08:32ce qui n'a pas forcément,
08:33on a confié au département une partie de la tâche,
08:35si je puis dire.
08:36– En tout cas, moi je m'interroge,
08:39je ne suis pas sûr que ça ait été une très bonne chose,
08:42parce que d'abord il y a des traitements très différents
08:45selon les départements de ces sujets,
08:48et puis l'articulation entre la partie judiciaire
08:53et la partie non judiciaire est parfois difficile à gérer,
08:57enfin tout ça est un peu technique,
08:59mais en tous les cas, là il y a un vrai effort à faire,
09:01parce qu'on voit bien que les magistrats sont devant des situations impossibles,
09:07et ça n'est pas du fait directement de la justice,
09:09là il y a un accompagnement à renforcer considérablement
09:14en termes de protection de l'enfance.
09:16– Oulia Martinier ?
09:17– Oui, et pour ajouter à cela,
09:18on peut dire aussi que quand des magistrats prennent des décisions,
09:22qu'ils soient au parquet ou au juge des enfants,
09:24elles mettent un certain temps à être appliquées,
09:27c'est-à-dire que même des placements ordonnés par un juge des enfants,
09:29je mets de côté le cas de l'ordonnance de placement provisional,
09:31mais sont exécutés six mois, un an plus tard.
09:35Donc vous voyez qu'il y a une vraie discussion aussi
09:37sur le moment de la décision et son effectivité, son application.
09:42Le pédopsychiatre disait dans le reportage,
09:44le temps pour un enfant, il s'étire à l'infini.
09:46Moi j'étais chef d'une section des mineurs,
09:47si vous voulez quand vous prenez une décision
09:49et qu'elle n'est pas appliquée dans les six mois
09:50concernant un enfant de cinq ans,
09:53six mois pour un enfant de cinq ans, c'est gigantesque,
09:55et il se passe beaucoup de choses en six mois.
09:57Donc on a une vraie question sur le temps judiciaire bien sûr,
10:00mais aussi sur l'effectivité de la décision de justice.
10:03– Et tout cela on l'a en tête, Séverine Cacbo,
10:05quand on doit décider, qu'on doit participer à la décision
10:08de l'avenir à court terme ou à moyen terme d'un jeune ?
10:11– Oui bien sûr, une grande partie des mineurs
10:14qu'on voit au tribunal pour enfants,
10:16ce sont des mineurs qui ont été pris en charge aussi
10:20dans le cadre de l'assistance éducative.
10:22Donc ce sont des mineurs dits dangereux,
10:25en tout cas c'est comme ça que dans la société on les désigne,
10:28ils génèrent beaucoup d'inquiétudes,
10:30mais ils ont été et continuent à être des mineurs en danger,
10:34insuffisamment protégés.
10:37Quand on met à l'abri dans des hôtels sociaux
10:40où il n'y a pas d'éducateurs,
10:42où les jeunes sont exposés à toute forme de réseau,
10:47que ce soit prostitution, criminalité, trafic, etc.,
10:51on ne peut s'y résoudre.
10:54– La question des moyens est centrale,
10:56est-ce que la justice a vraiment les moyens de protéger les mineurs ?
10:59Plusieurs séquences, là encore dans ce film,
11:00nous montrent le manque cruel de moyens
11:02pour gérer toujours plus de dossiers,
11:04c'est vraiment l'un des axes forts de ce documentaire,
11:07j'avais le choix des séquences,
11:08j'en ai choisi une qui peut-être est la plus parlante, regardez.
11:12– En fait je suis à la permanence,
11:13j'ai 15 personnes qui essayent de m'appeler en même temps,
11:15je perds déjà beaucoup de temps à gérer cette situation,
11:17donc j'aurais bien aimé avoir quelqu'un rapidement là, s'il vous plaît.
11:20– Oui, sauf qu'elle n'est pas là, la chef de service.
11:22– Eh bien vous pouvez peut-être la prévenir
11:23et lui dire de m'appeler ou quelque chose.
11:27– C'est bien pour ça que je vous demande de lui envoyer.
11:29– J'ai envie de crever.
11:36– Oh putain !
11:38– Oh là là !
11:40– Oh putain !
11:42– T'as vu le téléphone ?
11:44– Non, non, tout est coupé, j'étais en communication.
11:46– Deux fois en deux semaines.
11:49– Bienvenue à Roubigny ?
11:50– Oui, quand t'es que le Roubigny, ça compte.
11:52– Oh là là, quelle journée de merde.
11:54– Putain, j'espère que ça enregistrait mes réquisitions, sinon c'est crevé.
11:57– Non, j'ai crevé.
11:59– Oh là là !
12:01– Attends, mais ce tribunal, il va avoir notre peau.
12:04– Ça peut paraître anecdotique, presque drôle, Dominique Perben,
12:07mais ça ne l'est pas du tout.
12:08– Ah non, ce n'est pas drôle du tout.
12:10Même si on en rit, parce que là, ça a été tourné de cette façon-là.
12:14Mais non, non, tu voulais, quand on est en flux tendu,
12:17forcément, à un moment, ça pète.
12:19C'est ça le problème.
12:20Et c'est sûr que Bobigny, en courbe,
12:23moi je me souviens déjà, en 2004,
12:25on avait fait un plan pour Bobigny,
12:27on avait nommé beaucoup de magistrats,
12:30beaucoup de policiers, c'était Villepin qui était à l'intérieur à ce moment-là.
12:33Et puis je vois que 20 ans après, on est toujours en train de courir.
12:37Manifestement, il y a un problème de moyens.
12:38Alors je crois qu'il y a des rattrapages budgétaires
12:40qui ont été lancés ces dernières années,
12:42mais de toute façon, il faut se mettre à niveau.
12:45Et je pense que notre pays n'est pas à niveau.
12:50– Mais le budget de la justice n'a-t-il pas augmenté
12:52sur plusieurs années d'affilée ?
12:53– Il y avait beaucoup à faire.
12:55– On partait trop loin.
12:56– C'est-à-dire qu'on regarde l'augmentation,
12:57il faut regarder d'où on part.
12:59La France a 4 fois moins de procureurs que la moyenne européenne
13:01et 2 fois moins de juges.
13:02Donc là, mes collègues que vous voyez,
13:03ils devraient être 4 fois plus nombreux
13:04si on était à la moyenne européenne.
13:06Ça change tout, ça change tout évidemment.
13:08Donc ça impacte aussi le travail de mes collègues
13:11et ça impacte aussi la vie des gens,
13:12puisque derrière mes collègues,
13:14il y a des décisions qu'ils prennent
13:15qui vont avoir un impact fort.
13:17Et donc ça, ça pose effectivement la question des moyens.
13:19Est-ce qu'on est prêt à mettre pour que la justice fonctionne ?
13:21La hisse est au niveau, non pas d'une justice idéale,
13:24juste au moins des standards européens
13:27ou des pays qui nous sont proches
13:28et qui déploient beaucoup plus de moyens pour leur justice.
13:31On en a besoin, alors vous avez raison,
13:33il y a eu des augmentations.
13:34– Oui, est-ce qu'il n'y a pas une amélioration quand même,
13:36d'année en année ?
13:36– En fait, la difficulté, si vous voulez,
13:37c'est qu'on s'est focalisé sur l'amélioration.
13:39Il y a eu un effort de la nation et il faut le reconnaître.
13:42Il y a eu un effort de la nation pour sa justice.
13:44Mais il faut regarder d'où on part et où on doit arriver.
13:47Quand je dis qu'il y a quatre fois moins de procureurs
13:48que la moyenne européenne et deux fois moins de juges,
13:50ça implique évidemment un effort important.
13:52Alors évidemment, si on n'arrivera pas,
13:55il y a aujourd'hui 9000 magistrats en France, disons,
13:57on n'arrivera pas à 20 000 magistrats,
13:58ce qu'il faudrait, ce qui est un chiffre cible,
13:59d'ailleurs reconnu, y compris par la chancellerie,
14:03on n'y arrivera pas demain.
14:04Mais on doit tendre vers ça.
14:05Parce que sinon, toutes les mesures qu'on peut prendre,
14:09il y a des mesures où on peut gagner du temps,
14:11on peut simplifier des procédures,
14:12mais les ordres de grandeur en cause ne sont pas ceux-là.
14:16Les ordres de grandeur en cause,
14:17c'est qu'il nous faut deux fois plus de magistrats en France.
14:19Plus de moyens, mais peut-être aussi plus d'affaires.
14:20Et ce n'est pas uniquement l'indicateur magistrat
14:23qu'il faut prendre en compte.
14:24Parce que le magistrat tout seul,
14:25il ne fonctionnera pas mieux s'il reste tout seul.
14:30Il y a tout le reste, il y a tous les collaborateurs.
14:32Il y a les services adjacents.
14:34Et là, on voit bien qu'une des difficultés,
14:37c'est la médiocrité de tout ce qui est assistance
14:39aux mineurs en danger.
14:41Et donc là, il y a aussi des moyens considérables
14:44à mettre en place.
14:46Et puis peut-être aussi des réflexions à avoir
14:49sur qu'est-ce qu'on fait, comment on le fait.
14:52– La trésorerie et ensuite Céline Cacot.
14:54– Oui, moi je suis tout à fait d'accord avec vous,
14:56monsieur le ministre.
14:56C'est-à-dire que la question des moyens,
14:58elle est spécifique quand même à Bobigny.
15:01Je le rappelle quand même,
15:02il y a beaucoup de tribunaux,
15:03vous avez un magistrat au parquet mineur,
15:05un seul.
15:06Donc il ne fonctionne pas du tout comme ça.
15:07Et j'espère pour eux qu'ils n'ont pas des pannes électriques
15:10à la Cour d'appel de Paris,
15:13où je suis régulièrement.
15:15Nous avons aussi des pannes électriques.
15:16Mais bon, parfois les enjeux sont différents.
15:18Tout simplement pour dire qu'il y a la question du pilotage.
15:21Et là, je vous rejoins tout à fait, monsieur le ministre.
15:24On a vraiment une question de modernisation du pilotage.
15:27C'est-à-dire qu'on manque de greffiers,
15:29alors que c'est une obligation légale,
15:31notamment pour les juges des enfants.
15:32Vous disiez à juste titre qu'on manque de magistrats du parquet
15:35au niveau européen,
15:37qu'on est quatre fois moins nombreux.
15:39Mais il faut ajouter à cela
15:41qu'on leur demande dix fois plus de tâches aussi
15:43que dans les autres pays européens.
15:45Vous voyez bien, le magistrat, il fait tout.
15:47Il va se lever, il va faire la photocopie.
15:49Il n'est pas à staffer.
15:51Ce qui impacte la prise de décision.
15:54Parce qu'on a parlé...
15:56Et l'usure et la fatigue.
15:57Mais bien sûr, parce que ce sont des journées extrêmement longues
16:00où il faut prendre des décisions très rapides,
16:03très graves, parfois très impactantes.
16:05Et donc, si vous êtes là en train d'essayer
16:07de faire marcher votre ordinateur
16:08et ne pas réfléchir,
16:10ça impacte la prise de décision.
16:11Donc, c'est tout un pilotage qui est, à mon avis, défaillant.
16:15Mais encore une fois, qu'il faut relativiser.
16:17La Seine-Saint-Denis, c'est aussi un des départements
16:20les plus criminogènes sur la justice des mineurs.
16:23Donc, doublement impacté par rapport à ça
16:26et par rapport aux conditions de travail.
16:27– Séverine Cacot ?
16:28– Oui, le manque de moyens, il est frappant.
16:31Dès qu'on entre dans le tribunal judiciaire d'Aubobini,
16:35et notamment le tribunal pour enfants,
16:37j'insisterai sur le manque de moyens éducatifs.
16:40C'est vraiment très important de le redire.
16:44On prend des décisions au tribunal pour enfants,
16:47les juges prononcent des mesures éducatives
16:50qui sont trop souvent des mesures fantômes,
16:56parce que derrière, les services éducatifs ne peuvent pas,
16:59les éducateurs ne sont pas assez nombreux,
17:01travaillent avec trop de mineurs,
17:03n'ont pas le temps, les moyens de mettre en œuvre
17:06un travail éducatif approfondi, de qualité.
17:09Et ça, c'est vraiment terrible.
17:12– Et ça crée un cercle vicieux.
17:13– Oui, bien sûr.
17:14Et on le voit dans le documentaire.
17:17Manque de moyens de la justice,
17:19manque de moyens aussi dans la police.
17:20On a des extraits très intéressants dans le documentaire là-dessus.
17:24Manque de moyens éducatifs.
17:26Et puis, continuum dans la société,
17:28deux services publics sous-financés,
17:33qui ne sont pas suffisamment là pour répondre à l'urgence.
17:36J'aimerais dire aussi que la santé,
17:39les services de psychiatrie,
17:40les services de soins en Seine-Saint-Denis,
17:44voilà, sont…
17:45– Eux aussi, ils sont en souffrance.
17:46– Bien sûr.
17:47– Alors, il n'y a pas que la violence que les mineurs subissent,
17:49il y a celle, évidemment, qu'ils provoquent.
17:51Cette violence des mineurs fait régulièrement la une de l'actualité.
17:54Je vous rappelle qu'en juin dernier,
17:55une surveillante de collège a été tuée à Nogent,
17:58à coups de couteau, par un ado de 14 ans.
18:00Le 24 janvier dernier, dans le 14e arrondissement de Paris,
18:03Elias, 14 ans, était assassiné à la machette
18:06par deux mineurs multirécidivistes.
18:08Cela aussi, il faut que nous en parlions.
18:11Avons-nous un problème avec cette violence des mineurs ?
18:13Avant d'en parler avec vous,
18:14je voudrais que l'on revoie ce débat entre procureurs
18:16sur les poursuites à engager contre des jeunes
18:19qui se sont livrés à un lynchage sur un autre adolescent.
18:23La scène est assez violente, attention, mais elle est intéressante.
18:25Il a des marques dans le dos, effectivement,
18:28et ils lui ont coupé ses dreads
18:30et ils lui ont en partie brûlé les cheveux.
18:32Mais ça va.
18:34Mais Cécile, il ne faut pas qu'elle me les remette dehors.
18:37Les autres filles sont hyper graves aussi.
18:39Oui, c'est clair, parce que la vidéo,
18:40elle est quand même un peu violente.
18:41Je ne sais pas Cécile, inquiète pas.
18:44Oui, Denis ?
18:46Moi, je trouve ça hyper vieux.
18:48Oui, mais moi, je crois que je suis complètement insensibilisée.
18:51Je ne laisse pas sortir ces gamins en disant
18:54qu'on vous reconvoquera plus tard.
18:57Ce n'est pas possible.
18:57Non, mais plus tard, la semaine prochaine,
18:59le temps qu'on identifie tout le monde lundi.
19:01Ok, ok.
19:03Béatrice Brugère, je me mets à la place des téléspectateurs
19:05qui voient comme nous aussi l'actualité,
19:08qui voient une violence des mineurs
19:09qui semble être de plus en plus forte.
19:11Qu'est-ce qui se passe avec ces mineurs ?
19:13Je crois que la jeune substitue ou procureure
19:16donne elle-même la réponse à votre question.
19:19Elle dit, je crois que je deviens un peu insensibilisée.
19:21C'est ce que vous disiez.
19:22Il ne faut pas rester trop longtemps sur ces fonctions
19:24parce qu'il y a une intensité de la violence qui est réelle,
19:29en tout cas sur certains secteurs du territoire.
19:32Alors, il y a des débats sur les statistiques.
19:34Est-ce que c'est plus violent, moins violent ?
19:35Oui, j'ai des chiffres.
19:36Je vais vous les montrer.
19:37Tout à fait.
19:37Alors, ils sont difficiles à commenter, d'abord, ces chiffres
19:41parce qu'ils sont souvent incomplets.
19:43Ce n'est pas moi qui le dis.
19:43C'est un rapport du Sénat qui explique qu'on a un problème
19:49de cartographie de la réalité de la violence
19:51à la différence d'autres pays.
19:53Je pense, par exemple, au Canada
19:55ou ces pays qui ont investi davantage sur une analyse de la violence.
20:00Mais toujours est-il que là où tout le monde est à peu près d'accord,
20:03c'est qu'on s'aperçoit qu'il y a un rajeunissement, parfois,
20:05d'une violence très intense.
20:07Ça, c'est quelque chose que tout le monde partage.
20:10En tout cas, que nous, nos acteurs, les magistrats
20:12avec qui nous, on partage ça, nous font remonter.
20:16Je pense que c'est assez vrai.
20:18Alors, c'est vrai que cette scène, elle est terrible
20:20parce qu'une vidéo, c'est toujours d'une violence extrême.
20:24Et elle interroge aussi le grand public.
20:27Aujourd'hui, il y a une critique sur la justice des mineurs
20:31dont on dit qu'elle est laxiste ou pas assez répressive.
20:34Pas assez répressive.
20:35Exactement.
20:35Ça, on ne peut pas faire l'impasse, en tout cas, sur ce sentiment
20:38et sur la vision que les citoyens ont de la justice.
20:42Il est certain que dans l'échelle de la progressivité des horreurs,
20:46parce que dans le document, on voit aussi après des faits criminels,
20:50notamment sur une affaire d'Assise,
20:52qui fait que peut-être que quand on est trop longtemps, très jeune,
20:55on a une tendance à relativiser.
20:57Ce qui est intéressant à Bobigny
20:58et ce que je trouve vraiment important dans votre documentaire,
21:01c'est qu'en fait, c'est un collectif.
21:03Et il y a une hiérarchie.
21:04Et il y a ce travail où on peut échanger.
21:07Il n'y a rien de pire, et je le redis,
21:10qu'un substitut mineur qui est tout seul dans un petit tribunal
21:14et qui, lui, n'a pas cette capacité d'échange,
21:17parce que moi, je crois vraiment au travail collectif,
21:20où l'autre vous dit non, alors, attention, là, tu te trompes.
21:23Parce que la question, en fait, c'est la question du discernement
21:26de la prise de décision.
21:27Et ça interroge également la jeunesse, parfois, des praticiens,
21:32qui, alors ça, c'est toute la RH aussi,
21:35qui ne sont pas, j'allais dire, sous un mentorat ou staffé
21:39ou avec une direction qui les aide.
21:41Donc, là, c'est intéressant, c'est qu'il lui dit,
21:43ah non, là, il faut y aller parce que tu vas mettre en péril
21:48l'enquête, peut-être, etc.
21:49Alors, quelques chiffres avant de poursuivre.
21:51Les violences n'augmentent pas forcément,
21:53mais les actes sont de plus en plus violents.
21:55Depuis 2016, le nombre de mineurs poursuivis par la justice
21:57a baissé de 25%, mais le nombre d'adolescents poursuivis
22:00pour assassinats, meurtres, coups mortels ou violences aggravées
22:03a quasiment doublé depuis 2017, passant de 1207 à 2095 en 2023.
22:09Est-ce qu'il faut des lois ?
22:11Est-ce qu'il faut une justice plus répressive, Aurélien Martini ?
22:13– Alors, la justice, on a parlé de laxisme,
22:17de caractère trop répressif de la justice française.
22:19La justice française, elle est répressive comme les autres justices européennes.
22:23Il faut tordre le coup à cette idée que la justice française
22:25ne serait plus laxiste, serait laxiste.
22:27C'est faux. Au global, c'est faux.
22:29Alors, après, on peut toujours isoler une affaire pour dire
22:31dans telle situation, il y a eu un manque de discernement,
22:33une mauvaise décision de justice.
22:34On peut toujours le faire.
22:35Mais au global, si on regarde globalement,
22:37la justice française, elle est répressive comme ses voisines.
22:40Et d'ailleurs, les peines prononcées ont cru de 25% ces cinq dernières années.
22:43Donc, on a un taux moyen de peine qui est fort.
22:46Si on fait, si on braque le projecteur maintenant
22:47sur la justice des mineurs,
22:49il faut bien comprendre que mes collègues travaillent
22:53dans une sorte d'exercice sous contrainte.
22:55C'est-à-dire qu'on a une capacité à enquêter,
22:58qui dépend des forces de police disponibles,
23:00une capacité à poursuivre,
23:01qui dépend des forces qu'on peut mobiliser au parquet,
23:04une capacité à juger et à faire exécuter.
23:06Et ce système-là est un entonnoir.
23:08C'est-à-dire que vous partez du plus large,
23:09qui n'est déjà pas si large que ça,
23:10et vous arrivez à une capacité de traitement qui est plus faible.
23:14Donc, vous êtes obligés de prioriser.
23:15Et vous priorisez parfois entre des dossiers
23:19qui sont très délicats et graves.
23:21Quand cette collègue dit,
23:23est-ce qu'on poursuit, c'est un peu technique,
23:24mais est-ce que je lève les gardes à vue,
23:25je poursuis en préliminaire,
23:27parce que je n'ai pas tous les auteurs d'interpeller.
23:29Ce qu'elle veut, c'est au fond,
23:31avoir tout le monde en garde à vue pour déférer,
23:33c'est-à-dire se faire présenter tout le monde.
23:35Au lieu de ça, on dit,
23:36le trouble public est tel qu'il vaut mieux
23:37ouvrir une information judiciaire.
23:39Mais si vous ouvrez une information judiciaire,
23:41vous entrez dans un cadre procédural
23:43qui va saisir un juge d'instruction
23:44qui est lui-même surchargé de dossier.
23:45Donc, vous êtes tout ça pour dire
23:46que quand vous prenez une décision,
23:47vous ne vous posez pas simplement la question
23:49de la meilleure décision à prendre,
23:51mais c'est un exercice sous contrainte,
23:52c'est quelle est la moins mauvaise décision
23:54que je peux prendre avec les moyens dont je dispose.
23:56On en est là, Dominique Perben.
23:57Il y a un sujet.
23:58– Le sujet, c'est le calendrier, c'est le rythme.
24:03C'est-à-dire que je suis convaincu
24:05qu'il ne s'agit pas d'augmenter la gravité des peines, etc.
24:11La question, c'est comment on exécute.
24:14C'est trop lent.
24:16– Pour vous, c'est la clé du problème ?
24:17– Je suis absolument convaincu.
24:20Beaucoup est dans l'exécution de la peine
24:22et même avant, comment dérouler le processus avant la peine.
24:28Et en particulier, si on veut avoir une attitude pédagogique
24:32avec des mineurs, s'il s'agit d'eux,
24:35il faut encore plus faire attention à cela.
24:37Le mineur qui est convoqué six mois après l'exécution d'un fait…
24:41– C'est trop tard.
24:42– Mais ça ne sert à rien.
24:43D'ici à six mois, il en aura fait deux ou trois.
24:46– Parce que vous avez vu, ça bouge quand même au niveau politique.
24:48On a deux textes sur la justice des mineurs
24:51dont je voudrais juste parler avec vous,
24:52celui de Gabriel Attal, adopté au Parlement
24:54et puis largement censuré par le Conseil constitutionnel
24:57qui rappelle la primauté de l'éducatif sur le répressif
25:00et une proposition de loi constitutionnelle aussi
25:02de la sénatrice LR qu'on connaît ici,
25:04Marie-Claire Carrerger,
25:05qui plaide pour une justice des mineurs plus réactives,
25:07Dominique Perbène.
25:08Donc on voit qu'au niveau politique, les choses bougent.
25:10– Oui, il y a une question qui se pose
25:12qui est très complexe, qu'on ne va pas traiter
25:15dans le cadre de cette émission,
25:16qui est la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
25:20Moi, je suis assez critique.
25:21Je pense que le Conseil constitutionnel va trop loin
25:24dans ce qu'il appelle la protection des grands principes, etc.
25:27– D'accord.
25:28– Je pense que la liberté du juge,
25:30la liberté du législateur doit être davantage respectée.
25:33Ce sera, j'en suis convaincu,
25:35un débat de la prochaine présidentielle.
25:38On n'y coupera pas parce que là,
25:39on a un vrai, un équilibre à trouver
25:43entre la volonté démocratique du législateur
25:46et puis ce que le Conseil constitutionnel
25:50a progressivement, s'est progressivement saisi
25:53d'un rôle qui n'était pas le sien il y a 20 ou 30 ans.
25:56Et donc là, il y aura un débat.
25:57Mais pour revenir à notre débat d'aujourd'hui,
26:00c'est vraiment la question du rythme
26:02qui, à mon avis, pose problème,
26:04donc la question des moyens,
26:05mais probablement de corriger un certain nombre de textes
26:08et puis il faut s'interroger d'une manière générale
26:11sur l'exécution de la peine, ce n'est pas possible.
26:14On ne peut pas avoir un système, comme vous le disiez,
26:15en forme d'entonnoir et à la fin, finalement,
26:18il n'y a rien qui sort.
26:20– Sébastien Cacou.
26:21– Sur la question du rythme, il faut rappeler
26:22que la justice des mineurs a fait l'objet
26:24d'un complet changement de paradigme
26:27avec l'entrée en vigueur du CJPM,
26:29du Code pénal de la justice des mineurs,
26:31qui a remplacé l'ordonnance de 45.
26:32– Oui.
26:33– Un des grands atouts de cette réforme,
26:35c'est de faire qu'aujourd'hui,
26:37on juge les mineurs relativement rapidement.
26:40– Ah bon ?
26:41– Et ce n'était pas le cas avant avec l'ordonnance de 45,
26:43notamment à Bobigny,
26:44où il pouvait y avoir des délais d'audience…
26:47– Donc vous voulez dire que ça va mieux quand même
26:48de ce point de vue-là, en termes de rythme d'exécution ?
26:50– Aujourd'hui, les mineurs, on les voit très rapidement
26:52pour une audience de culpabilité.
26:57Une audience où on va débattre de leur culpabilité.
26:59Mais ils sont ensuite…
27:02On les revoit pour une audience de sanctions,
27:05environ 6 mois, 6 à 9 mois plus tard.
27:07– C'est un peu la question que pose la loi, ça.
27:10– Et ça permet…
27:11– Moi, je suis assez critique avec cette formule.
27:13– D'apporter une réponse assez rapidement.
27:17Et aujourd'hui, un mineur qui a commis une infraction,
27:19il peut être présenté à un juge très rapidement.
27:22– Alors où est le problème ?
27:23Alors selon vous, quelle est votre analyse ?
27:24– Moi, je trouve que déjà, la justice des mineurs,
27:27elle est mal connue.
27:27C'est aussi une des raisons pour lesquelles
27:29j'ai voulu écrire ce podcast.
27:30C'est qu'elle se tient à un guichet fermé.
27:32Elle préoccupe beaucoup la société à juste titre.
27:34Mais on la connaît très mal.
27:37Et on est quand même dans une société un peu schizophrénique
27:40qui s'émeut de tous ces faits divers, terribles
27:43dont vous avez parlé.
27:45Et qui, en même temps, accepte qu'en fait,
27:51on ne travaille pas sur le plus important
27:53qui est la prévention de la délinquance.
27:55Il faut travailler en amont,
27:57pas seulement être toujours dans la fermeté, etc.
28:00Et c'est une justice qui est ferme.
28:02Aujourd'hui, elle manque de moyens éducatifs, je l'ai dit,
28:05parce que la fermeté sans l'éducation, ça n'a aucun sens.
28:08– Donc pour vous, s'il y a des moyens à mettre,
28:10c'est plutôt en amont que vous sois que…
28:12Bien sûr, Miatrice Brugère.
28:13– Oui, je me permets de réagir,
28:15parce que sur les projets de loi que vous avez évoqués,
28:17notre syndicat est très en pointe.
28:19Et je rejoins tout à fait la question du temps,
28:23du temps judiciaire et de l'intérêt d'une réponse.
28:28Ce n'est pas tellement le contenu,
28:29c'est à quel moment elle intervient.
28:32Et nous, nous sommes assez favorables, justement.
28:35Nous, on était opposés à la césure,
28:36parce qu'on pense qu'on confond le temps judiciaire
28:38et le temps éducatif,
28:39qui sont deux temps totalement différents.
28:41Et on était totalement opposés à la césure,
28:44parce que justement, vous avez totalement raison,
28:46que ça raccourcit le temps au départ,
28:49mais ça ne le raccourcit pas à l'arrivée.
28:52Or, le mineur est dans un temps complètement différent.
28:56Six mois, c'est très, très long pour lui.
28:58Ça n'a rien à voir avec un adulte.
29:00Et on a aussi des failles dans notre système.
29:04Pendant ce temps-là, qu'est-ce qui se passe ?
29:06C'est un peu l'affaire d'Elias que vous avez justement évoquée.
29:10C'est-à-dire qu'en effet, c'est plus rapide au début,
29:12mais après, les mesures de protection ou les mesures de contraintes
29:15qui peuvent être mises sur certains faits avec un certain âge
29:19ne sont pas assez fortes.
29:21Le ministre, d'ailleurs, le garde des Sceaux, Gérald Darmanin,
29:23l'avait pointé aussi en disant
29:25« Mais même si on ne respecte pas ces mesures éducatives judiciaires,
29:29il n'y a pas de sanctions. »
29:31Donc là, il y a des failles.
29:32Donc en fait, la loi, elle doit être modifiée.
29:34En tout cas, elle doit être confortée.
29:35Pour vous, elle doit être modifiée.
29:36Bien sûr, au moins sur ces failles.
29:37Il y a des choses, en tout cas, à consolider.
29:40À consolider, ça, c'est pour nous une évidence.
29:43Mais c'est surtout que le temps du jugement
29:46et le temps de l'exécution est beaucoup trop long.
29:48Et parfois, en tout cas, c'est notre position
29:50et celle de notre syndicat,
29:52ce n'est pas une question de répression,
29:53c'est vraiment une question de temporalité.
29:56Et c'est une question d'exécution
29:57sur une petite frange de mineurs
29:59qui, eux, sont ultra-violents.
30:01Et les victimes de ces mineurs,
30:02c'est d'autres mineurs, ne l'oublions pas.
30:04Donc dans le terme de la protection,
30:06c'est aussi d'autres mineurs
30:07qu'il faut protéger de la violence de mineurs
30:09qui ne sont peut-être pas été assez pris en compte,
30:13ça, je suis d'accord avec vous,
30:14en termes de prévention avant,
30:16puisque 40% des mineurs délinquants
30:19sont des mineurs qui font l'objet
30:22d'une mesure éducative
30:24qui n'a peut-être pas eu lieu d'ailleurs
30:25et de manière correcte.
30:27Et on arrive, malheureusement,
30:28à la fin de ce débat.
30:29Donc je vais vous demander à vous tous
30:30un mot de conclusion,
30:32peut-être un appel à lancer, Aurélien Martigny.
30:34– Oui, je crois qu'il faut se méfier
30:35de la loi magique.
30:38Parce que, par exemple,
30:39on parlait de rythme judiciaire.
30:40Moi, je finirai là-dessus
30:41parce que je crois que c'est très important,
30:42le rythme judiciaire.
30:43Vous savez, c'est comme au piano.
30:44Il ne faut pas que la main droite
30:44joue beaucoup plus vite que la main gauche
30:46ou inversement.
30:47Et à quoi sert-il de juger vite
30:49d'avoir des décisions de justice rapides
30:51si derrière, vous n'êtes pas capables
30:52d'exécuter ces décisions de justice ?
30:54Que ça soit de l'incarcération,
30:56avec la surpopulation carcérale,
30:57que ce soit la mise en place
30:58de mesures éducatives
31:00s'il n'y avait pas d'éducateurs pour suivre.
31:01Donc, il faut bien faire attention
31:03parce qu'on peut se donner bonne conscience
31:05en se disant,
31:06on va accélérer le temps judiciaire.
31:09Oui, c'est bien d'accélérer le temps judiciaire.
31:11Encore qu'il faut trouver la juste mesure.
31:13Mais pour quoi faire ?
31:14Ce qui est important,
31:15c'est que quand une décision de justice
31:17tranche quelque chose
31:18et qu'elle ordonne quelque chose,
31:19ça soit exécuté.
31:20Sinon, on décrédibilise
31:21l'institution judiciaire,
31:23on n'a plus foi dans les décisions de justice
31:25et on laisse ceux
31:26qui ont besoin de la justice
31:27pour être secourus
31:28sans aide.
31:29Et ça, c'est un enjeu majeur
31:31pour les années à venir.
31:32– Sébène Kaku ?
31:33– Moi, je tiens à rappeler,
31:35il est important
31:36qu'on tienne des discours
31:37mesurés, tempérés,
31:39nuancés sur la justice
31:41parce qu'aujourd'hui,
31:43on est dans un monde
31:44extrêmement polarisé
31:45et je crois qu'il faut aider
31:47les citoyens
31:48à comprendre la justice,
31:50ses difficultés,
31:51ses fonctionnements
31:52et aussi à comprendre
31:53ses mineurs,
31:54à ne pas les ostraciser,
31:55à vouloir les exfiltrer
31:56de la communauté nationale,
31:57etc.
31:58Ils sont les enfants
32:00de la République,
32:01il faut qu'on se demande
32:03aujourd'hui
32:03comment faire en sorte
32:05que ses mineurs
32:06trouvent leur place
32:07dans la société.
32:08– Béatrice Brugère ?
32:09– Oui, non mais
32:10la question de la temporalité
32:13va évidemment pour nous
32:14avec celle de son exécution
32:16et ce n'est pas une question
32:17de répression,
32:18c'est une question
32:18justement de mesure.
32:21Et nous, on était favorables
32:22par exemple,
32:23ce qui n'est justement
32:23pas de la répression,
32:25j'allais dire folle,
32:26à des ultra-courtes peines
32:27justement.
32:28On a travaillé
32:29avec des pédopsychiatres
32:31pour stopper justement
32:32des parcours de délinquance.
32:34Et une justice
32:35qui est dans une bonne temporalité,
32:36dans une bonne mesure,
32:38elle protège à la fois
32:39le, j'allais dire,
32:41primo-délinquant
32:41dans des parcours
32:42de délinquance
32:43et les mineurs,
32:44c'est très particulier,
32:45c'est pour ça
32:45qu'il faut aller vite
32:46et qu'il faut être
32:46très pédagogue.
32:47– Elle évite d'entrer
32:48dans un engrenage.
32:49– Évidemment,
32:50les délais,
32:51on ne les a pas vraiment évoqués,
32:52mais ils sont incroyablement longs,
32:55par beaucoup plus longs d'ailleurs
32:56que ce que la loi avait prévu.
32:58Et ils sont inefficaces
32:59parce qu'ils arrivent tout le temps,
33:00parce qu'on voit qu'en fait,
33:01les mineurs,
33:02c'est une spécificité des mineurs,
33:03quand ils commencent
33:04à rentrer dans un parcours
33:05de délinquance,
33:06il est souvent multiréitérant
33:08si on ne met pas de stop.
33:09Et la question,
33:10ce n'est pas de mettre
33:10un stop violent,
33:11au contraire,
33:12parce qu'après,
33:12il arrive ce stop violent.
33:14C'est au contraire
33:14de tout de suite
33:15pouvoir comprendre
33:17ce qui se passe.
33:17Et nous,
33:18on était favorables
33:18à ces ultra-courtes peines,
33:20d'ailleurs,
33:20qui ont été reprises
33:21et qui n'existent pas en France,
33:24sur lesquelles il faut réfléchir
33:25aussi sur des modalités
33:26d'exécution,
33:28qui seraient des modalités
33:28d'exécution assez intéressantes
33:30ou qui seraient pluridisciplinaires,
33:33avec une évaluation
33:33des addictions,
33:35des difficultés,
33:36du milieu familial,
33:38tout ce qui n'existe pas aujourd'hui.
33:39Donc, c'est à créer
33:40et c'est à imaginer.
33:41– Dominique Perben,
33:42pour conclure.
33:42– Oui, je voudrais dire
33:43que cette montée de la violence
33:46est une violence
33:47de plus en plus violente,
33:48si je puis dire.
33:50C'est un problème de société
33:51qui ne se résume pas
33:52aux questions de justice.
33:54Et je voudrais vraiment
33:54insister sur le fait
33:55que nous devons avoir
33:57une réflexion sérieuse,
33:59au-delà des tabous,
34:01sur le principe d'autorité
34:03à l'éducation nationale,
34:05sur le principe d'autorité
34:06dans les clubs sportifs,
34:08dans le monde associatif.
34:09Le jeune, si on veut éviter
34:12qu'il devienne délinquant,
34:13il faut que, dès le départ,
34:16il y ait une prise en compte
34:18de la nécessité de l'autorité,
34:21du respect, des règles.
34:22– Jusque dans les foyers, alors ?
34:23– Jusque dans les familles ?
34:25– Vous savez, moi,
34:26je ne supporte pas l'idée
34:27que chaque fois qu'un professeur
34:29dit quelque chose à un élève,
34:31les parents viennent voir le professeur,
34:32voire, bon, le menacent.
34:35Ça, si on accepte ça,
34:37il ne faut pas se plaindre à la fin
34:38de ce qui se passe au niveau judiciaire.
34:41C'est là le nœud de la question.
34:43Donc, c'est un problème de société
34:45au sens large.
34:46Qu'est-ce que c'est que l'autorité ?
34:47Qu'est-ce que c'est que le respect de la règle ?
34:49Chacun doit être dans son rôle.
34:52Il faut que les éducateurs
34:54soient renforcés dans leur autorité.
34:57Sinon, les procureurs,
35:00on a vu leur travail.
35:01Je veux dire, il faudra en nommer
35:03quatre fois plus,
35:04et puis il y aura de plus en plus
35:05de difficultés.
35:06Bon, mais c'est avant que ça se passe.
35:08Vraiment, je crois qu'il faut l'autorité.
35:10Ça démarre à l'école.
35:12Voilà qui ouvre une réflexion
35:13encore plus globale
35:14que nous aurons peut-être
35:14sur ce plateau un jour.
35:16Merci en tout cas à tous les quatre
35:17d'avoir participé à cet échange.
35:18Merci à vous de nous avoir suivis.
35:20Comme chaque semaine,
35:21documentaires et émissions
35:22à retrouver en replay
35:23sur notre plateforme
35:24publicsénat.fr.
35:25à très vite.
35:25Merci.
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