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Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Article L. 741-7

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00:00La question prioritaire de constitutionnalité, numéro 2025, 1172 QPC,
00:28portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L.741-1 et L.741-7 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
00:44Madame la Gréfière va d'abord retracer les étapes de la procédure d'instruction pour ces questions, instruction qui précède cette audience de plaidoiries. Nous vous écoutons.
00:52Je vous remercie, M. le Président.
00:55Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 juillet 2025 par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation,
01:00d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Chakib Gendouz, portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit,
01:08des articles L.741-1 et L.741-7 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
01:16dans leur rédaction résultant de la loi numéro 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
01:24Cette question relative à la réitération du placement en rétention administrative d'un étranger a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2025-1172 QPC.
01:37M. Isabelle Sribri, M. Marie Milly, Alice Bataglia, Léo Boxellé et Nina Galmo ont produit des observations dans l'intérêt de la partie requérante les 6 et 20 août 2025.
01:48M. Emilia Ionidou a produit des observations dans l'intérêt du préfet de police de Paris, parti à l'instance le 20 août 2025.
01:56Le Premier ministre a produit des observations le 5 août 2025.
02:00M. Henri Broun a demandé à intervenir dans l'intérêt de l'association SOS Soutien au sans-papier et a produit à cette fin des observations le 4 août 2025.
02:09M. Alice Bataglia et Léo Boxellé ont demandé à intervenir dans l'intérêt de M. Farid Attaouloff
02:15et ont produit à cette fin des observations le 6 août 2025.
02:19La SCP Anne Seveau et Paul Matonnet a demandé à intervenir dans l'intérêt du syndicat des avocats de France et a produit à cette fin des observations le 6 août 2025.
02:28Seront entendus aujourd'hui les avocats de la partie requérante, les avocats des parties intervenantes et le représentant du Premier ministre.
02:34Merci Mme la Gréfière. M. Isabelle Sriby, vous êtes avocate au Conseil.
02:40M. Nina Gallemot, vous êtes avocate au barreau de Paris.
02:43M. Marie Milly, vous êtes avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis.
02:47Et vous représentez M. Chakib Guendouz, partie requérante. Nous vous écoutons.
02:51Je vous remercie M. le Président.
03:00J'axerai mes observations sur le grief tiré de l'atteinte excessive à la liberté individuelle.
03:05La présente QPC fait grief aux articles L741-1 et L741-7 du CZA de ne prévoir aucune limite à la réitération du placement en rétention administrative fondée sur une même décision d'éloignement.
03:21En l'état de la loi, une personne peut donc être placée en rétention administrative, être libérée par le juge judiciaire, placée à nouveau en rétention, à condition de prévoir un délai de carence de 7 jours, être libérée, puis retenue, et ainsi de suite, indéfiniment.
03:38L'inconstitutionnalité de la loi résulte tout d'abord de votre décision du 22 avril 1997 d'essai, qui conserve toute sa portée aujourd'hui.
03:46Ensuite, les garanties de la loi ne sont pas suffisantes.
03:49Une inconstitutionnalité qui résulte d'abord de votre décision du 22 avril 1997.
03:55Dans votre décision du 22 avril 1997, vous étiez saisi d'une question identique à celle de la présente QPC,
04:01à savoir celle de l'absence de limites quantitatives fixées à la répétition de la rétention sur une seule mesure d'éloignement.
04:10Pour assurer la conformité de cette disposition à la Constitution, vous avez posé, vous le savez, une réserve d'interprétation,
04:15suivant laquelle la réitération n'est possible qu'une seule fois.
04:20Rien ne justifierait un abandon de cette solution, bien au contraire.
04:25En effet, les durées maximales de placement en rétention administrative ont considérablement augmenté depuis 1997.
04:32En 1997, la durée maximale de la rétention était de 10 jours.
04:37Actuellement, vous le savez, elle est de 90 jours.
04:39Les conséquences de l'absence de limites de la loi sont donc plus graves encore aujourd'hui.
04:45Votre décision du 22 avril 1997 trouve d'autant plus à s'appliquer,
04:50mise en perspective avec votre jurisprudence protectrice de la liberté individuelle,
04:55particulièrement vigilante sur les durées maximales de rétention.
04:58Je pense à vos décisions du 9 juin 2011 d'essai ou de votre décision d'essai du 7 août dernier.
05:03Si on peut répéter inlassablement le placement sur une même mesure en laissant passer un délai de 7 jours,
05:09l'idée même de durée maximale est vidée de sa substance.
05:13Cette durée maximale ne peut donc pas permettre de contrebalancer l'absence de limites à la réitération de la rétention sur une même mesure,
05:21puisque précisément et à l'inverse, cette garantie tombe de fait.
05:25Déjà, dans les débats ayant donné lieu à votre décision du 22 avril 1997,
05:31M. Robert estimait que ce renouvellement indéfini revenait à contourner votre jurisprudence sur la durée de la rétention,
05:39analyse qui est toujours d'actualité.
05:42Par ailleurs, le fait soulevé par le représentant de Premier ministre et par le préfet
05:48que le législateur ait décidé d'allonger à 3 ans la durée pendant laquelle une OQTF peut être exécutée
05:53ne change absolument rien.
05:56Le préfet et le représentant du Premier ministre évoquent les faits utiles de cette loi.
06:00Mais d'abord, de manière classique, l'objectif de défense de l'ordre public,
06:04à supposer que ce soit l'intérêt invoqué, doit se concilier avec les droits fondamentaux.
06:09Surtout, la rétention administrative n'est pas la seule voie pour assurer l'exécution d'une mesure d'éloignement.
06:15Souvenons-nous que la privation de liberté n'est pas le principe, mais l'exception.
06:19Une assignation en résidence peut toujours être prononcée.
06:22Enfin, lors du premier placement en rétention administrative,
06:25l'administration aurait déjà pu faire exécuter la décision d'éloignement.
06:30Si notamment la personne est libérée en l'absence de diligence suffisante de l'administration,
06:34rien ne justifie qu'elle dispose indéfiniment d'un temps complémentaire pour les accomplir,
06:40au détriment de la liberté individuelle.
06:43En second lieu, j'en terminerai par cela,
06:46les garanties prévues par la loi ne permettent pas d'écarter ce grief.
06:50Plus particulièrement, l'intervention du juge ne peut pas suffire à exclure toute atteinte à la liberté individuelle.
06:57Sinon, vous ne censureriez jamais des dispositions allongeant les durées maximales de rétention.
07:02De plus, c'est l'autorité administrative qui décide de replacer la personne en rétention.
07:06L'intervention du juge n'est pas immédiate.
07:09Il sera saisi dans le délai de 4 jours de la notification de la décision de placement en rétention.
07:14Et le juge disposera alors d'un délai de 48 heures,
07:17à compter, et c'est une nouveauté de la loi assez étonnante,
07:19de l'expiration de ce délai, de l'expiration de 4 jours,
07:23et non pas à partir de la saisine, comme c'était le cas auparavant, pour statuer.
07:27La personne qui pourra faire l'objet d'une mise à disposition de la justice, par ailleurs, jusqu'à la décision,
07:31sera donc privée de liberté pendant 4 à 6 jours avant qu'une décision du juge intervienne,
07:38alors même qu'il aura été, dans la plupart des cas, d'ores et déjà libérée par une décision judiciaire.
07:44On est terminé, M. le Président.
07:46Merci, Maître.
07:49Maître Gallemont, nous vous écoutons.
07:55M. le Président, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
07:58vous le savez, et ma consoeur vous l'a rappelé, depuis 1997,
08:02la durée maximale de rétention est passée de 10 jours à 90 jours en droit commun.
08:08Mais cette durée de 90 jours peut être contournée par la réitération des placements en rétention.
08:13En matière d'obligation de quitter le territoire, qui sont exécutoires pendant 3 ans,
08:17c'est un enfermement possible d'une durée de 33 mois,
08:20si l'on alterne les placements en rétention de 90 jours avec un délai de carence de 7 jours.
08:25Et en matière d'arrêté d'expulsion, qu'il soit préfectoral ou ministériel,
08:29cette durée devient potentiellement illimitée.
08:33Alors bien sûr, ces durées d'enfermement sont vertigineuses.
08:36Prenez M. Chakip Gendouz, notre client, qui depuis 2023,
08:40sur le fondement d'un seul arrêté d'expulsion,
08:43a fait l'objet de 8 assignations à résidence, soit 232 jours,
08:48et 8 placements en centre de rétention, soit 480 jours d'enfermement.
08:52M. Gendouz, c'est 2 ans de mise à exécution sans discontinuer d'une mesure d'éloignement.
08:59Pour quel résultat ?
09:02Néant pour l'administration, et évidemment dévastateur pour M. Gendouz.
09:07Néant pour l'administration qui, pendant près de 2 ans,
09:10et 16 tentatives de mise à exécution de l'éloignement,
09:13n'a obtenu aucune réponse des autorités algériennes.
09:16La réitération illimitée des placements en rétention de ressortissants étrangers
09:21que l'on ne peut pas expulser revient finalement à accepter une forme de détention sans limite de temps,
09:27à des fins de peine, de pression diplomatique ou de sûreté d'État.
09:31Dévastateur pour M. Gendouz, bien sûr,
09:35déjà en proie à des troubles psychiatriques dont l'État psychique s'est aggravé
09:39pendant ses 16 mois de privation de liberté
09:41dans plusieurs centres de rétention administrative,
09:45et on le sait, dans des conditions d'enfermement très difficiles,
09:49notamment concernant l'accès aux soins.
09:51La question qui irrigue la présente QPC
09:56et qui, je l'espère, résonnera quand vous délibérerez, est la suivante.
09:59Pendant combien de temps et combien de fois
10:01peut-on priver un individu de ses libertés les plus essentielles
10:05à des fins d'un éloignement éminemment incertain,
10:10tant il dépend de l'évolution de relations diplomatiques
10:13ou de conflits géopolitiques ?
10:16Merci.
10:18Merci, Maître.
10:20Maître Milly.
10:21Nous vous écoutons.
10:24Je vous remercie, M. le Président.
10:26Mesdames, Messieurs du Conseil,
10:28la réponse que vous apporterez à la question
10:29qui vient de vous être posée par ma consoeur sera décisive.
10:33Elle sera décisive parce que la situation de M. Gendouz
10:35vient parfaitement illustrer les carences
10:37et l'inconstitutionnalité de l'article L741-7 du CZA
10:41en ce qu'il ne prévoit ni limite ni encadrement
10:44à la réitération de placements en rétention.
10:47Le huitième arrêté de placement pris à l'encontre de M. Gendouz
10:50ne faisait aucune mention.
10:51Ni des sept précédents placements,
10:53ni des sept précédentes assignations à résidence.
10:56Le même arrêté aurait pu concerner une personne placée en rétention
11:00pour la toute première fois.
11:02Et avant d'autres interventions avec M. Gendouz,
11:04M. Gendouz était défendu par des avocats commis d'office
11:06qui ne connaissaient pas l'historique de son dossier,
11:08qui ne disposaient pas des précédentes décisions prises à son encontre.
11:11Il nous a fallu effectuer de très nombreuses diligences
11:15pour réussir à établir un état de fait
11:18qu'il aurait dû appartenir à l'administration d'exposer et d'assumer.
11:24En l'état, le silence de la loi ne l'y oblige pas.
11:27L'administration ne faisait pas plus mention d'éléments nouveaux
11:31dans les démarches consulaires avec les autorités algériennes.
11:36Et pourtant, après 480 jours d'enfermement,
11:40la charge de la preuve d'une perspective raisonnable d'éloignement
11:43d'éléments nouveaux à ce sujet
11:44aurait là encore dû incomber à l'administration.
11:47Dans votre décision du 16 mai 2017
11:50sur la succession d'assignations à résidence
11:53dans le cadre de l'état d'urgence,
11:55vous avez rappelé qu'un renouvellement
11:56ne pouvait intervenir au-delà d'un an
11:58qu'à des conditions strictes
12:00et notamment une double obligation pour l'administration,
12:03faire état d'éléments complémentaires ou nouveaux
12:05et prendre en considération la durée totale
12:09de la période restrictive de liberté.
12:12A défaut, l'administration dispose d'informations
12:15qui ne sont pas communiquées aux juges,
12:17qui ne sont pas communiquées à la défense.
12:19Et donc le juge, dont le Premier ministre vous explique
12:22que le contrôle, après 4 jours,
12:24suffit à s'assurer du respect des libertés,
12:26n'est tout simplement pas mis en mesure
12:28d'exercer le moindre contrôle.
12:31C'est donc tout à la fois l'absence de limites temporelles,
12:35couplées à l'absence d'encadrement et de garantie
12:37encadrant la réitération de placements
12:40en rétention administrative,
12:42qui démontre l'inconstitutionnalité du dispositif
12:44qui vous est soumis aujourd'hui.
12:47Vous allez censurer ce dispositif.
12:49Vous allez le censurer en rappelant solennellement
12:52que les principes essentiels de l'État de droit
12:55doivent également s'appliquer aux ressortissants étrangers
12:58que la France entend expulser.
13:00Merci, Maître.
13:06Maître Henri Brun, vous êtes avocat au barreau de Paris.
13:09Vous représentez l'association SOS Soutien au sans-papier,
13:13partie intervenante.
13:14Nous vous écoutons, Maître.
13:15Monsieur le Président, mesdames et messieurs les membres
13:19du Conseil constitutionnel,
13:21mes consœurs ont parfaitement résumé les enjeux de cette affaire
13:25au travers du cas de leurs clients
13:28et au travers des principes qu'elles ont rappelés.
13:30Je pense que la présente question
13:34prioritaire de constitutionnalité est particulièrement importante,
13:38puisque là, c'est la liberté qui est touchée dans son essence même.
13:43Je voudrais commencer par revenir sur la principale disposition
13:46législative qui vous est soumise,
13:49à savoir l'article L741-7 du CZA.
13:53Que nous dit cet article ?
13:56Cet article nous dit, et c'est la seule encadrement,
14:00c'est la seule limite qui peut exister
14:02à l'empilement de ces mesures de privation de liberté.
14:06Il pose trois limites, cet article.
14:09La première, c'est l'expiration d'un délai de sept jours,
14:14c'est-à-dire qu'il peut y avoir sept jours de liberté
14:17entre deux mesures de rétention administrative.
14:20Et encore, cette garantie ne paraît-elle pas suffisante
14:24aux législateurs, suffisante pour l'administration,
14:29puisqu'on nous dit que, en cas de circonstances nouvelles
14:33de fait ou de droit, ce délai de sept jours
14:36peut être réduit à 48 heures.
14:39À 48 heures, c'est rien, ou presque rien.
14:42Et encore même, ce délai de 48 heures
14:44paraît-il encore exagéré, puisque la fin de l'article
14:49nous indique que si l'étranger a tenté de se soustraire
14:54aux mesures de séance dont il faisait l'objet,
14:57ce délai peut disparaître.
14:59Autant dire qu'il n'y a, dans l'état actuel du droit,
15:02aucun encadrement, et qu'il est manifeste
15:05que le législateur doit être censuré
15:08pour incompétence négative.
15:12Parce qu'évidemment, l'ensemble, un nombre très important
15:16de droits et libertés fondamentaux sont concernés
15:18par cette affaire, la liberté individuelle en tant que telle,
15:22la liberté d'aller et de venir,
15:25le droit au respect de la vie privée,
15:28le droit de mener une vie familiale normale.
15:31Parce qu'enfin, il faut savoir ce que c'est
15:33qu'un centre de rétention administrative.
15:36Il faut aller au Mille-Lamelot,
15:38près de l'aéroport de Roissy.
15:39Il faut aller à Vincennes, dans le bois de Vincennes,
15:43voir ce que sont ces locaux, et un peu partout en France,
15:46ces locaux, concrètement, ça ressemble beaucoup à des prisons.
15:51Alors, je l'entends bien que le régime juridique est différent,
15:53mais nous avons des lieux d'enfermement,
15:56avec des murs élevés, des barbelés,
15:59nous avons une privation de liberté.
16:02Alors, vous me direz, effectivement, il y a des différences.
16:04Il n'y a pas d'encellulement individuel,
16:08mais ce n'est pas forcément le cas de toutes les prisons non plus.
16:10Il y a effectivement une liberté de communication avec l'extérieur,
16:14mais qui peut également exister en prison.
16:18Ce que je veux vous dire, c'est que,
16:20même si on part de deux régimes juridiques différents,
16:22la réalité du centre de rétention tend,
16:26dans les faits, à se rapprocher de celle d'une prison.
16:30Et les durées, même,
16:31c'est quelque chose qui devient punitif.
16:35L'accroissement de la durée est vertigineux,
16:37ça a déjà été dit.
16:38On passe de 7 jours en 1981 à 10 jours,
16:44puis à 12 jours.
16:46Lorsque je suis devenu avocat,
16:47ça fait quelques années, pour moi, c'était hier,
16:49nous en étions à 12 jours de rétention.
16:52Après, nous sommes passés à 32 jours,
16:54puis à 45 jours,
16:55puis aujourd'hui à 90 jours,
16:57ou 210 jours en cas de terrorisme.
16:59Et demain, à combien ?
17:0190 jours, ça fait 3 mois.
17:05C'est-à-dire qu'il y a une...
17:06C'est plus, en termes d'enfermement,
17:09que beaucoup de peines qui sont prononcées
17:11en comparaison immédiate.
17:133 mois, c'est une véritable atteinte à la liberté.
17:17Et il faut rappeler le rôle,
17:19le but de la rétention administrative.
17:21La rétention administrative,
17:24elle a été créée simplement dans le but
17:29de permettre le réacheminement,
17:32dans son pays d'origine,
17:33d'un étranger qui doit être éloigné.
17:36Il n'est pas question de lutte contre la délinquance.
17:39Il n'est pas question de ce genre de choses.
17:40C'est simplement cela, la rétention.
17:43Et la durée actuelle de 90 jours
17:45constitue déjà une dérive extrêmement importante
17:49et extrêmement fâcheuse par rapport à ses principes.
17:55L'argument peut-être le plus fort,
18:00au-delà, évidemment, de toutes les atteintes à la liberté,
18:03c'est l'autorité de la chose jugée.
18:06Parce qu'en fait, en matière pénale,
18:08si vous êtes jugé et que vous êtes relaxé,
18:12vous ne pourrez plus être jugé pour les mêmes faits.
18:14Nous sommes bien d'accord.
18:14C'est un principe fondamental.
18:16En matière de rétention administrative,
18:18pour une même mesure,
18:21on peut avoir un nombre illimité de placements en rétention.
18:26Vous me direz, oui, mais ce placement en rétention
18:27est contrôlé par le juge.
18:29Mais si un juge judiciaire, gardien de la liberté,
18:33au terme même de la Constitution,
18:34a décidé que ce placement n'était pas justifié,
18:38est-il vraiment besoin d'y revenir ?
18:41Et d'ailleurs, le gouvernement, dans ses écritures,
18:43vous a tendu une perche que j'ai trouvée extrêmement intéressante.
18:46C'est dans le dernier paragraphe, page 4,
18:49du mémoire du gouvernement,
18:52qui nous dit qu'il peut arriver qu'en pratique,
18:54les perspectives raisonnables d'éloignement évoluent,
18:59que tout cela ne dépend pas de l'administration,
19:02qu'on peut imaginer une évolution.
19:04Et les exemples donnés par le gouvernement,
19:06ce sont la reprise de la coopération consulaire
19:08ou un changement dans la situation politique du pays.
19:11Donc, ça, effectivement, ce sont des choses qui peuvent arriver.
19:14Mais est-ce que ce sont des choses qui vont arriver
19:16en l'espace de 48 heures, en l'espace de 7 jours ?
19:20Est-ce que, dans le cas de M. Guendouze,
19:22la situation de la relation entre la France et l'Algérie
19:24a été modifiée de façon aussi substantielle,
19:27dans un délétant aussi bref ?
19:29Bien sûr que non.
19:30Donc, on devrait poser le principe de l'autorité
19:34de la chose jugée de la décision du juge judiciaire
19:39en admettant éventuellement une exception
19:42si on devait, effectivement, se rendre compte
19:45que la situation a évolué,
19:48la situation politique intérieure de tel pays
19:51ou bien l'état de la coopération consulaire.
19:55De la même façon, le gouvernement nous dit
19:57« Mais on a étendu de un an à trois ans
20:00la durée pendant laquelle l'obligation
20:03de quitter le territoire français
20:04peut entraîner une assignation de résidence
20:07ou un placement en rétention. »
20:09Mais, justement, le fait que l'obligation
20:13de quitter le territoire soit exécutoire
20:14pendant trois ans et plus pendant un an
20:17multiplie les possibilités d'enfermement
20:20d'une manière incontrôlée.
20:23Et c'est pour cela qu'il est particulièrement important
20:28que vous prononciez cette censure
20:31pour toutes ces raisons.
20:34Pour toutes ces raisons de principe.
20:37Pour toutes ces raisons qui tiennent à la réalité même
20:39d'un centre de rétention.
20:41Et pour une troisième raison, enfin,
20:43qui est plus fondamentale encore,
20:44c'est que nul ne sait comment ce genre d'instrument
20:48peut évoluer.
20:49Lorsque le décret-loi du 12 novembre 1938
20:54a été voté pour mettre en place
20:57un centre d'hébergement pour les étrangers indésirables,
21:01personne parmi ceux qui ont voulu ce texte
21:03n'imaginait un instant ce que serait
21:05quelques années après la réalité terrible
21:07de l'internement de notre pays.
21:09Donc, il faut garder cela présent à l'esprit
21:12à un moment où l'extrémisme est malheureusement
21:16le vent en poupe et il faut placer des garde-fous.
21:20Et c'est votre rôle.
21:23Je finirai en...
21:25J'ai regardé la télévision il y a quelques jours
21:27et j'ai vu un documentaire extrêmement intéressant
21:29sur la chaîne parlementaire.
21:30Ce documentaire s'appelait
21:32Sur un hangar à Marseille,
21:35à Arinque.
21:36Et ce documentaire faisait l'histoire...
21:37Et vraiment, je vous recommande de le voir.
21:38Ça dure 50 minutes, c'est tout à fait passionnant.
21:40Faisait l'histoire d'un centre de rétention clandestin.
21:43C'est-à-dire que depuis les années 50, jusqu'en 1975,
21:47il y avait ce hangar à Arinque
21:48où, de manière parfaitement illégale,
21:52étaient retenus des étrangers.
21:54On parlait tantôt de prison, tantôt de foyer,
21:57tantôt de centre d'hébergement, tantôt de camp.
22:01Et cette institution, je ne sais pas comment la nommer,
22:03a fonctionné pendant des années,
22:05y compris même d'ailleurs à l'époque
22:07où l'Algérie était encore française,
22:09où on refoulait en Algérie
22:10trois départements français à l'époque,
22:11de façon parfaitement illégale des personnes.
22:15Et cette institution a perduré.
22:19Et là, à ce moment-là,
22:20on était déjà dans les mêmes problématiques.
22:23On parlait déjà de délinquance.
22:27On faisait ce lien déjà complètement fallacieux
22:30entre l'immigration et la délinquance.
22:33Et c'est finalement le scandale
22:34qui a été révélé par des avocats marseillis en 1975,
22:37qui a amené à une plainte pour détention arbitraire,
22:40qui n'a pas abouti la Cour de cassation
22:42à considérer que la détention n'était pas arbitraire.
22:45Mais c'est ce scandale-là qui a fait
22:47que les centres de rétention ont été créés en 1981
22:52et sont développés de la façon qui a été décrite.
22:56Donc maintenant, il faut absolument en revenir au principe
23:02et limiter dans le temps,
23:05limiter les possibilités de réitération de la mesure de détention.
23:11D'autant que sur le plan de la lutte contre l'immigration dite irrégulière,
23:16en admettant qu'il s'agisse là d'un objectif politique majeur,
23:20c'est parfaitement inutile.
23:22Tous les rapports de la CIMAD le disent très clairement.
23:26La très grande majorité des reconduites à la frontière
23:29se fait dans les premiers jours de rétention.
23:32Donc nous avons en réalité là un instrument
23:34qui est entre les mains du ministère de l'Intérieur
23:36et qui permet d'enfermer,
23:39d'enfermer au sens propre des personnes de nationalité étrangère.
23:44Et l'inquiétude qu'on peut avoir,
23:46c'est qu'une fois qu'on a validé le principe même
23:51de la rétention pour une durée longue de trois mois
23:54de personnes qui n'ont commis aucun délit,
23:57eh bien pourquoi ne l'étendrait-on pas aux nationaux ?
24:01Pourquoi est-ce qu'on se limiterait aux étrangers ?
24:02Donc je veux dire, je voudrais vraiment là
24:05vous lancer un appel de façon forte
24:08et pour dire que vous avez entre vos mains
24:10la possibilité de marquer une limite
24:15et de dire que dans une démocratie,
24:19l'État de droit impose des limites
24:22et que l'action gouvernementale doit être limitée
24:25par les principes du droit,
24:28notamment lorsqu'on est face à des choses aussi importantes
24:30que la liberté individuelle.
24:32Merci, Maître.
24:36Maître Alice Bataglia, vous êtes avocate
24:39au barreau des Hauts-de-Seine
24:40et Maître Léo Boxelet, vous êtes avocat au barreau de Paris
24:43et vous représentez M. Farid Attaoulof,
24:47partie intervenante.
24:48Nous vous écoutons.
24:49Monsieur le Président, mesdames et messieurs
24:53les membres du Conseil constitutionnel,
24:56il vous sera probablement, très probablement d'ailleurs,
24:59soutenu dans un instant par le représentant du gouvernement
25:01que l'intervention du juge au cours de la rétention
25:04serait suffisante à garantir la constitutionnalité
25:07des dispositions qui vous sont déférées.
25:10Ce n'est pas le cas, et ce n'est pas le cas pour toutes les raisons
25:12que mes consoeurs et confrères ont rappelées auparavant,
25:15mais pour quatre raisons principales.
25:18Premièrement, il est utile de rappeler,
25:20il est important, je crois, que la rétention,
25:22c'est une mesure privative de liberté très spéciale.
25:25C'est l'administration qui décide de priver de sa liberté
25:27une personne, alors que la constitution le dit clairement,
25:31c'est à l'autorité judiciaire qu'il revient d'être
25:33la gardienne des libertés individuelles.
25:37Et le rôle qui est réservé au juge judiciaire
25:39dans le cadre de cette rétention est très tardif.
25:42La rétention est donc par nature et a priori
25:44constitutionnellement fragile.
25:47Ce que prévoient les textes, c'est une audience
25:49devant un juge des libertés de la détention
25:51entre le quatrième et le sixième jour
25:53après le placement.
25:55Et ce report de contrôle par l'autorité judiciaire
25:57d'une décision privative de liberté prise par l'administration
26:00apparaît déjà problématique pour un premier placement,
26:05mais il l'est d'autant plus dans le cadre
26:06d'une réitération de placement.
26:08Pourquoi ?
26:10Parce que ce que permet le dispositif
26:12qui est contesté aujourd'hui,
26:13c'est de multiplier de façon très rapprochée,
26:16puisque le texte dit entre deux et sept jours,
26:19des périodes de privation de liberté
26:20de quatre à six jours à chaque fois,
26:22qui sont dépourvues de tout contrôle
26:24de l'autorité judiciaire.
26:27Deuxièmement, en l'état actuel du droit,
26:29la préfecture peut, sans avoir à justifier
26:32d'aucun élément nouveau,
26:34ça vous a été dit mais je le répète,
26:35replacer en rétention une personne,
26:37et ce alors même que quelques jours auparavant,
26:40deux jours auparavant, sept jours auparavant,
26:42un juge judiciaire aurait mis fin à sa rétention.
26:47C'est une situation, mon confrère l'a dit très justement,
26:49qui est éminemment attentatoire
26:51au principe de l'autorité de la chose jugée,
26:54mais également au principe de séparation des pouvoirs.
26:56Ce que permet ce dispositif,
26:59c'est pour la préfecture et pour l'exécutif
27:02d'empiéter sur un domaine de compétences constitutionnelle
27:06qui est réservé, normalement, à l'autorité judiciaire.
27:09Troisièmement, la disposition contestée
27:12ne prévoit pas d'obligation pour la préfecture
27:14d'informer le juge judiciaire des précédents placements.
27:18Et l'expérience, tout comme d'ailleurs le dossier
27:21du requérant principal le montre,
27:23la préfecture n'informe jamais le juge
27:27de ce qu'une personne a fait l'objet
27:29d'une ou plusieurs rétentions antérieures.
27:30Je ne vois pas comment on peut considérer
27:33qu'un juge qui ne sait pas
27:35qu'il a apprécié une réitération de placement
27:37peut exercer un contrôle effectif
27:39précisément sur la réitération de ce placement.
27:43Quatrièmement, la disposition contestée,
27:46et ça rejoint ce que je viens de dire,
27:47elle ne permet pas au juge d'exercer un contrôle
27:49sur la réitération en tant que telle.
27:52Parce que même si le juge a la preuve
27:53de l'existence des précédents placements,
27:55dans la mesure où la loi permet à la préfecture
27:58de réitérer ses placements
27:59sans conditionner la réitération
28:01à aucun critère particulier,
28:03vous avez un juge qui n'a pas de critère à vérifier,
28:06vous avez donc un juge qui ne peut pas
28:08exercer son contrôle.
28:10La meilleure illustration à ce propos,
28:13c'est la situation du requérant principal.
28:15Cela vous a été dit,
28:16cette réitération de placement,
28:18lorsque mes consoeurs sont parvenus
28:19à démontrer au juge judiciaire
28:21qu'existaient de précédents placements,
28:23au-delà même des assignations à résidence,
28:25qu'existaient des précédentes mesures
28:26privatives de liberté, le juge judiciaire
28:29n'a pas remis en liberté leur client
28:30au motif que ces réitérations étaient illégales.
28:34Précisément parce que le dispositif contesté
28:36lui permet de ne pas le faire.
28:39C'est pour cela qu'il ne suffit pas
28:41de prévoir une intervention du juge judiciaire
28:44pour s'assurer de la constitutionnalité
28:45d'un dispositif privatif de liberté,
28:48mais il faut s'assurer que dans le cadre
28:49de cette intervention,
28:51le juge ait un réel contrôle à exercer.
28:52Et ce, d'autant plus que lorsqu'on observe
28:55comment a été construit le régime de la rétention,
28:59ce que le législateur a souhaité,
29:00c'est un renforcement progressif
29:02du contrôle du juge judiciaire.
29:03C'est-à-dire qu'à mesure que la rétention dure,
29:05la loi impose à l'administration
29:07des critères de plus en plus restrictifs,
29:10critères qui sont soumis au contrôle
29:11du juge judiciaire,
29:12pour justifier la nécessité de prolonger la rétention.
29:16Or, l'absence de critères prévus
29:17pour une réitération
29:18conduit le juge à traiter
29:21le placement réitéré comme un premier placement.
29:24Il n'a pas son mot à dire sur la réitération.
29:26Il se contente de contrôler
29:27les critères qui sont exigés
29:28pour un placement initial.
29:32Donc, en l'état du droit,
29:33la rétention, elle permet de contourner
29:35la progressivité souhaitée par le législateur.
29:37Elle permet au juge judiciaire
29:38d'ignorer totalement
29:40toutes les périodes privatives
29:41de liberté antérieure
29:42et remet à zéro
29:43le niveau de son contrôle.
29:47Enfin, dans une tentative d'illustration,
29:49j'imagine, de l'efficacité
29:50de l'intervention judiciaire,
29:52le gouvernement,
29:53dans ses observations écrites,
29:54ça vous sera également présenté,
29:55je le crois,
29:56excipe d'une statistique
29:58selon laquelle,
29:59sur les trois dernières années,
30:00plus d'un tiers des placements
30:01en centre de rétention
30:02auraient été interrompus
30:03par l'intervention du juge judiciaire.
30:06Je crois que vous ne vous y méprendrez pas
30:08et vous écarterez cette statistique
30:10qui échoue à démontrer quoi que ce soit.
30:13Elle ne nous dit pas,
30:14parmi la multitude de situations juridiques
30:17qui peuvent aboutir
30:17à la fin d'une rétention,
30:19quelle proportion de cette statistique
30:21concerne une remise en liberté
30:22en raison de réitération illégale ?
30:25Monsieur le Président,
30:27Mesdames et Messieurs les membres
30:27du Conseil constitutionnel,
30:29en l'état du dispositif actuel,
30:31l'intervention du juge
30:32n'est aucunement une garantie.
30:33Au contraire,
30:35son insuffisance est dangereuse
30:36pour les droits et libertés
30:37des personnes étrangères retenues
30:38et c'est pourquoi nous vous demandons
30:40de le censurer.
30:43Merci, Maître.
30:50Le 11 avril 1975,
30:52un ressortissant marocain,
30:53Mohamed Chérif,
30:55disparaît mystérieusement
30:56après une convocation
30:57par les services
30:58de la préfecture de police de Marseille.
31:01Quelques jours plus tard,
31:02son avocat défend en correctionnel
31:04un autre étranger,
31:05ressortissant algérien celui-là,
31:07dont il obtient la remise en liberté.
31:10Malgré cette décision,
31:11à peine quelques heures plus tard,
31:12l'avocat est appelé
31:13par les parents de son client
31:14depuis le téléphone du bistrot
31:16qui fait face à la prison des Beaumettes
31:18et les parents lui indiquent
31:19que contrairement à ce qu'a décidé le juge,
31:21leur fils n'est pas ressorti libre
31:22de la prison
31:23mais il a été embarqué
31:24dans un fourgon de police
31:25vers une destination inconnue.
31:28Maître Ugolini,
31:28c'est son nom,
31:29invite les parents à suivre le fourgon
31:31pour voir où leur fils est emmené
31:32et bientôt,
31:33ils arrivent sur le port de Marseille
31:35ou bloqués derrière les grilles
31:36de l'enceinte du port,
31:38ils voient leur fils menotté,
31:39monté de force entre deux policiers
31:41dans un hangar du Quai d'Arinque.
31:44Et c'est ainsi,
31:45Mesdames, Messieurs les membres
31:45du Conseil constitutionnel,
31:46Monsieur le Président,
31:47cela vous a été rappelé,
31:48que Maître Ugolini
31:49et toute la France avec lui
31:50découvrent l'existence
31:52de ce qui sera qualifié
31:53de prison clandestine
31:54où on enferme,
31:55où l'administration française
31:56a enfermé au secret,
31:58en dehors de tout cadre légal
31:59et hors de tout contrôle du juge,
32:02des étrangers sur le port de Marseille.
32:03Malgré de très vives critiques
32:07qui à l'époque voient dans la rétention
32:09et la tentative de légalisation
32:10le retour d'un internement administratif
32:12de sinistre mémoire,
32:14l'exécutif tente de légaliser
32:15la pratique jusque-là clandestine.
32:18Une circulaire est publiée,
32:20elle est annulée par le Conseil d'État.
32:22Une loi est adoptée,
32:24elle est censurée par votre Conseil
32:25qui voit dans le principe même
32:27de la rétention
32:27une atteinte excessive
32:28à la liberté individuelle.
32:291981, six ans après,
32:33une deuxième loi est adoptée.
32:35Cette fois,
32:36elle n'est pas déférée
32:37au Conseil constitutionnel
32:38et c'est donc par un premier contournement
32:40du contrôle du Conseil constitutionnel
32:42que la rétention administrative
32:44entre dans notre droit.
32:46Dans les années qui suivent,
32:47le débat se déplace non plus
32:48sur le principe
32:48mais sur la durée de la rétention.
32:50À nouveau,
32:51deux lois vont tenter
32:52de la faire passer
32:52de sept à dix jours.
32:54Deux fois,
32:55le Conseil constitutionnel
32:56va s'y opposer
32:57et censuré sous la présidence
32:58d'un certain Robert Banninter.
33:01De sorte qu'en 1997,
33:03lorsque votre Conseil
33:04a été saisi
33:04non plus de la question
33:05de la durée
33:06mais de la question
33:07de la réitération
33:08de mesures
33:09des rétentions administratives
33:10successives,
33:11vos prédécesseurs
33:12ne s'y sont pas trompés.
33:14Non seulement,
33:15la répétition,
33:16en quelque sorte,
33:17à l'infini
33:17de la rétention
33:18heurte un certain nombre
33:20de principes
33:20et porte une atteinte excessive
33:22à la liberté individuelle,
33:23peut-on lire
33:23dans le compte rendu
33:24des délibérations du Conseil,
33:26mais surtout,
33:27le rapporteur
33:28sur ce texte précis
33:29poursuivait,
33:30la réitération
33:31est une façon
33:33de contourner
33:34notre jurisprudence
33:36sur la durée
33:37de la rétention.
33:38Le résultat,
33:39vous avez été rappelé,
33:40le Conseil constitutionnel
33:41a encadré
33:42très strictement
33:43la réitération,
33:44une seule
33:45et unique réitération
33:46maximum,
33:46sept jours
33:47tout au plus.
33:49Monsieur le Président,
33:50mesdames, messieurs
33:50les membres
33:50du Conseil constitutionnel,
33:52l'enjeu aujourd'hui
33:53est exactement le même
33:55qu'en 1997.
33:57On essaye de contourner
33:58votre jurisprudence
33:59sur la durée
34:00de la rétention.
34:02Votre décision
34:03de cet été,
34:03du mois d'août dernier,
34:04est parfaitement claire.
34:05La rétention,
34:06c'est trois mois maximum,
34:07sauf exception très limitée.
34:09Mais cela vous a été expliqué,
34:10si vous laissez
34:11à l'administration
34:12la possibilité
34:13de contourner
34:14cette durée maximale
34:15en réitérant le placement
34:17à chaque fois
34:17que les 90 jours
34:19sont atteints,
34:19et bien votre décision
34:20de cet été
34:21est purement
34:21et simplement
34:22vidée de sa substance
34:23et privée
34:24de toute effectivité.
34:26La meilleure preuve
34:27de cette tentative
34:28de contournement
34:29dont je vous parle
34:30vient des écritures
34:31du gouvernement
34:31qui reprend exactement
34:33les mêmes arguments
34:34aujourd'hui
34:34que ceux
34:35qu'il avait cet été.
34:37Un,
34:37le contrôle du juge
34:38serait une garantie
34:39suffisante,
34:39le contraire vient
34:40de vous être démontré.
34:42Deux,
34:42la censure
34:43des dispositions contestées
34:44désarmerait
34:45l'administration
34:46qui n'aurait plus
34:47d'outils juridiques
34:48nécessaires pour procéder
34:49aux expulsions.
34:51C'est parfaitement faux
34:52puisque même
34:53après 90 jours
34:55de rétention,
34:56l'administration
34:57peut encore poursuivre
34:58la contrainte
34:58en imposant à l'étranger
34:59une assignation
35:00à résidence
35:01très stricte
35:01aux fins d'exécution
35:03de la décision
35:04d'éloignement.
35:05Et l'exemple
35:05du récurrent principal
35:06vous avez été
35:07effectivement rappelé
35:08sur l'enchaînement
35:09de ces mesures
35:10de contrainte.
35:11Et cette assignation
35:12est extrêmement stricte
35:13vous disais-je,
35:14elle peut durer
35:14135 jours
35:15qui s'ajoutent
35:16aux 90 précédents
35:17et inclure
35:19une obligation
35:19de pointer au commissariat
35:20jusqu'à 4 fois par jour,
35:22l'interdiction
35:23de sortir
35:24de son propre domicile
35:25jusqu'à une période
35:26de 10 heures consécutives
35:27et l'interdiction
35:29de sortir
35:30du périmètre
35:30de sa commune
35:31pour le reste
35:32du temps
35:32libre
35:33par 24 heures.
35:34Et encore une fois,
35:36celui qui méconnaît
35:37cette assignation
35:37à résidence
35:38en court
35:38jusqu'à 3 ans
35:39de prison.
35:40Donc à la suite
35:41de la rétention,
35:41il reste à l'administration
35:43des armes,
35:44si je puis dire,
35:44particulièrement stricte,
35:46particulièrement draconienne
35:47dont la méconnaissance
35:48est sanctionnée
35:49d'emprisonnement.
35:51Il est donc inexact
35:52et trompeur
35:52de soutenir
35:53que l'administration
35:53serait désarmée
35:54à l'issue
35:55des 90 jours
35:56de rétention,
35:56période, ça vous a été dit,
35:58qui est déjà particulièrement longue.
35:59Pour l'ensemble
36:00de ces raisons,
36:00M. le Président,
36:01Mesdames, Messieurs,
36:01les membres du Conseil constitutionnel,
36:03nous vous demandons
36:03de garantir
36:05que votre décision
36:06d'il y a à peine deux mois
36:07ne soit pas contournée
36:08en censurant
36:09les dispositions contestées.
36:13Merci, Maître.
36:15Maître Paul Matonnet,
36:17représentant le syndicat
36:18des avocats de France,
36:20partie intervenante,
36:21a fait savoir
36:22qu'ils sont rapportés
36:23à ces écritures.
36:25Nous allons maintenant
36:26écouter M. Thibaut Kessial,
36:27qui est chargé de mission
36:28au secrétariat général
36:30du gouvernement
36:30pour le Premier ministre.
36:33M. le Président,
36:34Mesdames et Messieurs
36:35du Conseil constitutionnel,
36:36je vais tenter
36:37de vous démontrer
36:37que les dispositions contestées
36:39du code de l'entrée
36:40et du séjour
36:40des étrangers
36:41et du droit d'asile
36:42n'ont pas grand-chose
36:43à voir avec le décret-loi
36:44du 12 novembre 1938,
36:46n'instaure pas
36:46de prison clandestine
36:48ni ne constitue
36:50un quelconque contournement
36:51de haute jurisprudence.
36:53Le placement initial
36:54en rétention
36:55est décidé
36:55par l'autorité administrative
36:56pour une durée
36:57de quatre jours.
36:58Le maintien,
36:59au-delà de ces quatre jours,
37:00est autorisé
37:00par le magistrat du siège
37:02du tribunal judiciaire
37:02pour une durée maximale
37:03de 30 jours.
37:05Ce même magistrat
37:05peut encore prolonger
37:07cette nouvelle durée
37:09de rétention
37:10pour 30 jours
37:11qui porte
37:11la durée maximale
37:1260 jours
37:13et à titre exceptionnel
37:14deux prolongations
37:15supplémentaires
37:15de 15 jours
37:16peuvent être
37:17à nouveau autorisées.
37:18La durée maximale
37:19n'excède alors pas
37:2090 jours.
37:22Cette durée maximale
37:23peut être portée
37:23à 180
37:24puis à 210 jours
37:25pour les étrangers
37:26condamnés
37:26à une peine
37:27à interdiction du territoire
37:28pour les actes
37:28de terrorisme
37:29ou faisant l'objet
37:30d'une décision
37:31d'expulsion
37:32et dictée
37:32pour un comportement
37:33lié à des activités
37:34terroristes pénalement constatées.
37:36Par ailleurs
37:37les dispositions contestées
37:39permettent
37:40lorsque la rétention
37:41administrative
37:42a pris fin
37:42que celle-ci
37:43puisse faire l'objet
37:43d'une réitération.
37:45La réitération
37:46d'une mesure
37:47de rétention administrative
37:48trouve son origine
37:49dans les dispositions
37:49de la lignée A5
37:50de l'article 35 bis
37:51de l'ordonnance
37:52du 2 novembre 1945
37:53dans sa rédaction
37:55issue de la loi
37:56du 24 avril 1997.
37:58Vous aviez
37:59en 1997
38:00déclaré
38:01ces dispositions
38:01conformes
38:02sous la réserve
38:03qu'une seule réitération
38:04était autorisée
38:05et dans les seuls cas
38:06dans lesquels
38:07l'intéressé
38:07s'est refusé
38:08à déférer
38:08à la mesure
38:09d'éloignement
38:10prise à son encontre.
38:11Ces dispositions
38:12ont par la suite
38:12évolué.
38:13Le législateur
38:14a fait le choix
38:15d'imposer
38:16un délai minimal
38:17entre deux placements
38:18en rétention
38:18sans en limiter
38:19le nombre.
38:21Les règles de réitération
38:22sont aujourd'hui
38:23prévues par l'article
38:24L741-7
38:25du CZA
38:26qui prévoit que
38:27d'une part
38:28la décision
38:29de placement
38:29en rétention
38:30ne peut être prise
38:30avant l'expiration
38:31de 7 jours
38:32à compter du terme
38:33d'un précédent placement
38:34et deuxièmement
38:35que ce délai
38:36est réduit
38:36à 48 heures
38:37en cas de circonstances
38:38nouvelles
38:38de fait ou de droit.
38:40Il résulte
38:41par conséquent
38:41de ces dispositions
38:42qu'un étranger
38:43peut être placé
38:43en rétention administrative
38:44sur le fondement
38:45d'une même décision
38:46d'éloignement
38:47par période successive
38:48dès lors que
38:49les délais de 7 jours
38:50ou de 48 heures
38:51entre deux placements
38:52prévus à cet article
38:53sont respectés.
38:54Il revient ensuite
38:55au magistrat du siège
38:56du tribunal judiciaire
38:57de statuer sur chaque placement
38:58sur demande de l'étranger
38:59ou en cas de prolongation.
39:01Alors il est principalement
39:02reproché aujourd'hui
39:03à ces dispositions
39:04de ne pas avoir prévu
39:05de limite
39:06à la réitération
39:07des mesures de rétention
39:07en exécution
39:08d'une même mesure
39:09d'éloignement.
39:10Il est soutenu
39:11que les dispositions contestées
39:12n'instaurent pas
39:13de garantie légale
39:14permettant de s'assurer
39:15que les atteintes
39:15principalement
39:16de la liberté individuelle
39:17sont adaptées,
39:19nécessaires et proportionnées.
39:22La réitération
39:23des mesures de rétention
39:24est adaptée
39:24à l'objectif poursuivi
39:25qui est l'exécution
39:26de la mesure d'éloignement
39:27prise en l'encontre
39:27de l'étranger.
39:29En l'espèce,
39:29le législateur
39:30a entendu poursuivre
39:30l'objectif de lutte
39:31contre l'immigration irrégulière
39:33qui, selon votre jurisprudence,
39:34participe à l'exigence
39:35constitutionnelle
39:36de sauvegarde
39:37de l'ordre public.
39:38Je vous renvoie
39:38à votre décision
39:39du 9 juin 2011.
39:41Le nouveau placement
39:41en rétention
39:42n'est possible
39:43qu'aux mêmes conditions
39:45que le placement initial.
39:47Il n'est possible
39:48que si aucune autre mesure
39:49n'est suffisante
39:50pour garantir efficacement
39:51l'exécution
39:52de la décision,
39:53l'article L741-3
39:55du CZA
39:56prévoit que l'étranger
39:57ne peut être placé
39:58ou maintenu en rétention
39:59que pour le temps
40:00strictement nécessaire
40:01à son départ
40:02et que l'administration
40:03exerce toute diligence
40:04à cet effet.
40:06Ces exigences
40:06permettent de s'assurer
40:07que la réitération
40:08des mesures de rétention
40:09sont strictement nécessaires
40:10pour accomplir
40:11les objectifs
40:12qu'elles poursuivent.
40:13Le législateur
40:14a également prévu
40:15des garanties
40:16tenant à l'intervention
40:17très fréquente
40:18de l'autorité judiciaire.
40:19Le procureur de la République
40:21est informé immédiatement
40:22de tout placement
40:22en rétention administrative
40:23et l'étranger
40:24est informé
40:24de ses droits.
40:25Deuxièmement,
40:26l'étranger placé
40:27en rétention
40:28peut contester
40:28sous quatre jours
40:29cette décision
40:30devant le juge judiciaire
40:31qui doit statuer
40:32dans un délai
40:32de 48 heures.
40:34Cette intervention
40:35du juge
40:36est également prévue
40:38pour apprécier
40:38la nécessité
40:39et la proportionnalité
40:40des décisions
40:41de prolongation
40:41de la rétention.
40:43Ainsi,
40:43le juge intervient
40:44à quatre reprises
40:45dans le régime
40:46de rétention
40:46de droit commun
40:47au bout de quatre jours,
40:48de 30 jours,
40:50de 60 puis de 75 jours
40:51et à huit reprises
40:52dans le régime dérogatoire
40:53dit terroriste.
40:55Au bout de quatre,
40:5630,
40:5760,
40:5890,
40:59120,
41:00150,
41:01180
41:01et 195 jours.
41:04En dehors
41:05de ces interventions
41:06qui sont fixées
41:07par le législateur
41:08et en dehors
41:09des audiences
41:09de prolongation
41:10de la rétention,
41:10il peut également
41:11être saisi
41:11par l'étranger
41:12à tout moment.
41:13et le juge judiciaire
41:14a le pouvoir
41:14de remettre en liberté
41:15lorsqu'il considère
41:16que les conditions légales
41:17ne sont pas réunies.
41:18Lors de chacune
41:19de ces interventions,
41:20il revient au juge judiciaire
41:21d'apprécier le caractère
41:22nécessaire et proportionné
41:23de la mesure
41:24en tenant en compte
41:25le cas échéant
41:26les précédentes rétentions
41:27dont l'étranger
41:28a déjà fait l'objet
41:29des raisons
41:30pour lesquelles
41:31elles n'ont pas permis
41:31son départ
41:32et des diligences
41:33exercées par l'administration
41:34pour y procéder à nouveau.
41:37Les dispositions contestées
41:38ne prévoient pas
41:39d'obligation
41:41pour l'administration
41:41d'informer, c'est vrai,
41:43les précédents placements
41:44en rétention.
41:45Mais il nous semble
41:45que c'est un moyen
41:46de défense relativement efficace
41:48et il revient
41:48à la personne placée
41:49en rétention
41:50de faire valoir
41:51qu'elle a, le cas échéant,
41:52fait l'objet
41:53de précédents placements
41:54en rétention administrative
41:55et d'informer le juge
41:57de ce que l'administration
41:58souhaite procéder à nouveau
42:00à un placement en rétention.
42:02L'exécution des décisions
42:04d'éloignement
42:05s'inscrit par ailleurs
42:05dans un contexte
42:06fortement évolutif.
42:08Il est nécessaire
42:09de rappeler qu'en pratique,
42:10les perspectives d'éloignement
42:11sont tributaires
42:12de considérations extérieures
42:13à l'administration,
42:14comme par exemple
42:15une reprise
42:16de la coopération consulaire
42:17ou un changement
42:17dans la situation politique
42:19du pays dont l'étranger
42:19concerné est le ressortissant.
42:21Par ailleurs,
42:22la réitération
42:23de la mesure de rétention
42:24peut être justifiée
42:25par le comportement
42:26de l'étranger lui-même.
42:27Il n'est pas contesté
42:28que l'assignation à résidence
42:30est une mesure
42:31particulièrement contraillante,
42:33mais l'étranger
42:33peut décider de s'y soustraire.
42:36En réalité,
42:36admettre la limitation
42:38des réitérations
42:39pour l'exécution
42:40d'une même décision
42:41non seulement est contraire
42:42à l'effet utile
42:43de cette décision,
42:44mais elle aurait aussi
42:45un caractère
42:45quelque peu factice
42:46puisqu'elle ne s'appliquerait pas
42:48aux nouvelles décisions
42:49d'éloignement
42:50prises en contre
42:50de la même personne.
42:52Parce qu'un placement
42:52en rétention
42:53fait l'objet
42:54d'un contrôle régulier
42:55du juge judiciaire,
42:56sa réitération
42:56sur le fondement
42:57d'une même mesure
42:58d'éloignement
42:58n'est pas disproportionnée
43:00au regard
43:01de l'objectif poursuivi.
43:02Les dispositions contestées
43:03prévoient ainsi
43:04une conciliation équilibrée
43:06entre l'objectif
43:07de protection
43:07de l'ordre public
43:08auquel concourt
43:09la lutte contre
43:10l'immigration irrégulière
43:11et la protection
43:11des droits et libertés
43:12constitutionnellement garantie.
43:15Enfin,
43:16il est également soutenu
43:17que la possibilité
43:17pour l'administration
43:18de réitérer
43:19un emplacement en rétention
43:20alors même
43:21qu'il a été mis fin
43:22à une précédente rétention
43:23du même étranger
43:24porte atteinte
43:25au principe de l'autorité
43:26de la chose jugée,
43:27je crois que vous pourrez
43:28écarter ce grief,
43:29la situation de fait
43:30peut évoluer
43:31et rendre légale
43:32une nouvelle décision
43:32de placement en rétention
43:33alors que la précédente
43:34ne l'était pas.
43:35Compte tenu
43:36de l'ensemble
43:36de ces éléments,
43:37je vous invite
43:38à déclarer l'article
43:39L741-7 du CZA
43:41conforme à la Constitution.
43:44Merci, monsieur.
43:45Nous avons entendu
43:46les observations
43:47des parties présentes.
43:49L'un des membres
43:49du Conseil
43:50souhaite-t-il poser
43:51une question
43:52à l'une des parties ?
43:53Cette question prioritaire
43:59de constitutionnalité
44:00est mise en délibéré.
44:02La décision sera publique
44:04le 17 octobre 2025.
44:07Vous pourrez en prendre connaissance
44:08en vous connectant
44:09sur notre site internet.
44:11L'audience est levée.
44:12Sous-titrage Société Radio-Canada
44:14...

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