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  • 10/03/2025
Découvrez l'histoire de la question prioritaire de constitutionnalité.
Un documentaire de Richard Berthollet (2020) coproduit par le Conseil constitutionnel

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Transcription
00:00Chers collègues, Mesdames et Messieurs,
00:05Monsieur le Président de l'Atlantique, le 1er mars 2010 restera comme une date importante
00:11celle de l'entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité
00:17qui va conférer à nos concitoyens des droits nouveaux.
00:25Monsieur le Président de l'Atlantique, sans votre engagement personnel
00:29pour vaincre certaines habitudes,
00:33pour contourner certaines pesanteurs,
00:37cette réforme n'aurait pas vu le jour
00:41et nous ferons en sorte que la question prioritaire de constitutionnalité
00:46permette de renforcer l'état de droit et de renforcer la protection des libertés.
00:52Permettre à un justiciable de contester la constitutionnalité d'une loi en vigueur,
00:57c'est cela le principe de la QPC.
01:00Un droit que de nombreux citoyens occidentaux peuvent exercer depuis longtemps,
01:04mais un droit qui n'existait pas en France avant la réforme constitutionnelle de 2008.
01:10L'introduction de la QPC, j'en suis persuadé,
01:13plus l'histoire va avancer, restera comme un tournant dans l'évolution de la Ve République.
01:18C'est un échelon supplémentaire dans la défense des droits et des libertés.
01:25C'est un progrès de civilisation.
01:28C'est l'équilibre de la constitution, tout l'équilibre, mais pas plus que ça.
01:32C'est 20 ans de perdus.
01:34Et 20 ans de perdus, pourquoi ? Parce que le Sénat ne voulait pas admettre ça.
01:49La conquête de la QPC a donné lieu à un long combat idéologique entre parlementaires et juristes,
01:54entre la gauche et la droite, et parfois même à l'intérieur de chaque camp.
01:59Pour en décrypter les principaux ressorts dramaturgiques,
02:02il faut rouvrir l'armoire de fer des archives nationales
02:06et replonger dans la sacro-sainte Bible de la Vème République,
02:10la constitution de 1958, celle du général de Gaulle et de Michel Debré.
02:16À l'origine, le texte fondateur de nos institutions était très restrictif sur le contrôle des lois.
02:22Seules quatre personnes pouvaient le déclencher.
02:25Le président de la République, le Premier ministre,
02:28le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.
02:32En 1974, dès son arrivée au pouvoir,
02:35Valéry Giscard d'Estaing engage un processus de réforme de la constitution
02:39pour un nouveau Sénat.
02:41Valéry Giscard d'Estaing engage un processus de réforme de la constitution
02:45pour ouvrir cette faculté aux parlementaires des deux chambres.
02:48Désormais, à la suite du vote de ce texte,
02:50soixante députés ou sénateurs pourront poser la question de savoir
02:55si une loi votée est bien conforme à la constitution
02:58et notamment si cette loi respecte bien certaines dispositions constitutionnelles.
03:04La saisine du Conseil constitutionnel par le Parlement,
03:07comme celle dédiée aux plus hautes autorités publiques depuis 1958,
03:11ne pouvait s'exercer qu'avant la promulgation d'une loi.
03:15Aucun dispositif ne permettait alors de contrôler
03:18si une loi en vigueur était conforme aux grands principes de notre constitution.
03:23La première personnalité politique à en promouvoir l'idée
03:26s'appelle Robert Badinter.
03:28Il n'est point d'homme en cette terre dont la culpabilité soit totale.
03:34En 1986, l'homme de l'abolition de la peine de mort
03:38est nommé président du Conseil constitutionnel par François Mitterrand.
03:42Il fait alors de la future QPC son cheval de bataille.
03:45Nous avions une situation absurde.
03:48Depuis 1981, les justiciables français avaient la possibilité de saisir
03:54la Cour européenne des droits de l'homme
03:57pour violation par la France de leurs droits fondamentaux
04:00et notamment par le législateur.
04:02Mais les mêmes justiciables ne pouvaient pas saisir
04:08une instance dans le Conseil constitutionnel
04:11pour dire « Attention, la loi que vous prétendez m'appliquer
04:15est contraire à la Constitution ».
04:18C'est un déséquilibre qui heurte, qui choque.
04:21C'était une conviction depuis longtemps.
04:23Ce n'était pas celle qui était communément partagée par la classe politique.
04:29En mars 1989, Robert Badinter passe à l'offensive
04:34et publie une tribune dans la presse.
04:38Le moment ne doit rien au hasard.
04:411989 est l'année du bicentenaire de la Révolution française.
04:45Dans ce contexte, offrir un nouveau droit aux citoyens
04:49permettrait à la gauche de laisser une trace indélébile
04:51dans l'histoire de la Vème République.
04:53D'abord sceptique, François Mitterrand se laisse convaincre.
04:57Ce serait un très grand progrès démocratique
05:00en retournant à la base et en permettant à chaque Français
05:03de ne pas s'adresser à des intermédiaires
05:05mais à dire lui-même « Mon droit fondamental,
05:08liberté, égalité, tout ce qui est contenu dans les grands principes
05:12inscrits dans la Constitution, il est méconnu, il est transgressé,
05:16eh bien je demande justice moi-même ».
05:19Le président Mitterrand n'était pas favorable
05:22à l'extension des pouvoirs du Conseil constitutionnel.
05:26Le président Mitterrand avait vraiment l'âme du parlementaire.
05:31Mais ce qui au fond a emporté sa conviction,
05:36c'est qu'il savait que le Sénat dirait non.
05:38Et donc que lui proposerait l'avancée
05:42mais que ses opposants au Sénat diraient non.
05:47Donc refuserait l'avancée des libertés que lui aurait proposées.
05:51Quatre ans plus tard, l'éminent professeur de droit public
05:54Georges Vedel remet à François Mitterrand
05:57un rapport de révision constitutionnelle
05:59dans lequel il défend à son tour
06:01le principe d'un contrôle des lois en vigueur.
06:06Le Sénat, majoritairement de droite,
06:09enterre une nouvelle fois le projet.
06:11Le Sénat avait une conception très différente
06:15du problème du contrôle de constitutionnalité.
06:18Il n'en était pas question.
06:20Pourquoi ? Parce que c'est un vieux principe
06:23qui a régné sous la troisième, même la quatrième,
06:26la loi étant l'expression de la volonté générale.
06:30Une fois que le législateur a légiféré,
06:32on ne remet pas en cause la loi.
06:35L'idée disparaît du débat public pendant une quinzaine d'années.
06:40Avant de refaire surface au printemps 2007,
06:44sous l'impulsion d'un homme de droite cette fois-ci.
06:47Je voulais ouvrir un nouveau chapitre
06:49des libertés fondamentales françaises.
06:54J'étais chargée d'élaborer le programme présidentiel
06:57de Nicolas Sarkozy.
06:59La surprise tout à fait inattendue, c'est qu'en 2005,
07:02il annonce qu'il souhaite limiter
07:04le nombre de mandats présidentiels.
07:06Je me dis chouette, il souhaite modifier la constitution.
07:09On organise une convention de l'UMP
07:11qu'on a appelée la convention institution,
07:13et on commence à formuler un certain nombre de propositions
07:16pour une éventuelle réforme constitutionnelle.
07:18Et j'introduis l'idée d'un contrôle à postériorité des lois,
07:21qui est une réforme à laquelle je suis personnellement
07:24extrêmement attachée.
07:29Deux mois après son élection,
07:31le nouveau chef de l'État se rend à Epinal.
07:34C'est dans ce haut lieu du gaullisme
07:36que Nicolas Sarkozy, qui souhaite inscrire son action
07:39dans les pas du fondateur de la Vème République,
07:42dévoile les principaux axes de son projet
07:44de réforme constitutionnelle.
07:47Il y a un paradoxe dans le fait que les citoyens français
07:50puissent contester les lois françaises
07:53devant les juridictions européennes,
07:55mais ne puissent pas contester leur constitutionnalité
07:58devant les tribunaux français.
08:00C'est extraordinaire.
08:02La légalité devrait être reconnue aux citoyens de notre pays
08:05et que ce soit un progrès pour les libertés.
08:07C'était une proposition de gauche,
08:09mais la gauche ne l'avait jamais mise en œuvre.
08:12Et je voulais une réforme constitutionnelle,
08:14pas simplement pour la QPC, mais pour d'autres choses.
08:17J'avais besoin du soutien de la gauche.
08:22Un ancien ministre de Jacques Chirac, Luc Ferry,
08:25quelques experts en droit constitutionnel,
08:29un ex-directeur de cabinet de Lionel Jospin
08:32ou encore Jacques Lang,
08:34qui a bien connu les ors de l'Elysée sous François Mitterrand.
08:37Voilà donc installé le comité de réflexion
08:40sur la Vème République dans toute sa diversité politique.
08:43Nicolas Sarkozy voulait que ce soit un comité pluraliste
08:46avec une représentation des différentes familles politiques.
08:49Il fallait des professeurs de droit,
08:51mais Edouard Balladur n'en voulait pas trop.
08:53Chaque fois qu'on ajoutait quelqu'un à la liste,
08:56il y avait quelqu'un qui était déjà sur la liste
08:58qui disait non, pas celui-là.
08:59Donc tout ça a été complexe,
09:01mais on a fini par avoir un comité.
09:10Quand on est professeur de droit
09:12et qu'on est sollicité pour participer à un comité
09:14qui va réfléchir à une révision de la Constitution,
09:17c'est forcément un très grand moment d'excitation intellectuelle
09:20parce qu'il n'y a pas plus grand rêve
09:23dans la vie d'un professeur de droit que celui-là.
09:25Chez les juristes universitaires purs,
09:27on était, je crois, à peu près tous d'accord
09:29sur l'idée qu'il fallait enfin réussir
09:31à instituer un contrôle de constitutionnalité a posteriori.
09:36Le comité de réflexion engage alors une série d'auditions
09:39avec les représentants des partis politiques,
09:41des parlementaires et des plus hautes juridictions.
09:44Une douzaine au total, dont deux marquent les esprits.
09:48La première est celle du député Jean-Luc Warsman,
09:50qui met en lumière les faiblesses du contrôle des lois
09:53avant promulgation telles que pratiquées jusqu'en 2007.
09:57Un certain nombre de dérives perversions au fil des années
10:01se sont introduites dans notre système
10:03qui font qu'aujourd'hui, nous avons un système
10:06qui produit des lois de qualité très imparfaite.
10:08J'étais intervenu en disant, vraiment,
10:10la pressure parlementaire est en train de se dégrader en France.
10:13Quand vous avez les textes qui passent au conséquentionnel,
10:16ça va très vite.
10:18Typiquement, vous êtes en fin d'été,
10:20le Parlement vote un grand nombre de lois,
10:22il peut arriver un grand nombre d'auditions conséquentionnelles.
10:25Il y a un peu un éléphant noire, très objectivement,
10:27un ennemis d'âge de bras.
10:29Et donc, le conseil constitutionnel ne peut pas tout embrasser.
10:33Il répond évidemment aux objections
10:35que lui font les parlementaires qu'ils saisissent.
10:38Il peut saisir d'office d'autres choses,
10:40mais il peut faire quelque chose d'exhaustif.
10:42Donc, on sentait bien qu'il y avait quelque chose d'inachevé en France
10:45sur le contrôle constitutionnel.
10:47Le second temps fort des auditions vient de Jean-Louis Debré.
10:51Le tout récent président du conseil constitutionnel
10:54propose que l'institution qu'il dirige
10:57contrôle la conformité des lois à la Constitution.
11:00J'ai alors proposé une extension de la saisine du conseil constitutionnel.
11:06Il y avait là, à l'exemple de ce qu'il y a dans certains pays étrangers,
11:11la possibilité de contrôler des lois
11:15et qu'en France,
11:18on avait besoin de cette certitude
11:21qu'une loi votée par les politiques
11:24qui ont la légitimité de la voter,
11:27malgré tout, ne portait pas atteinte aux droits et aux libertés.
11:31Mais Jean-Louis Debré ne s'arrête pas en si bon chemin.
11:34Il propose que le contrôle du conseil constitutionnel
11:37s'exerce également sur la compatibilité des lois
11:40avec les traités internationaux.
11:42Le conseil constitutionnel pourrait donc,
11:44lorsqu'il est saisi dans le cadre de l'article 61,
11:47contrôler la conformité de la loi à la Constitution,
11:50mais aussi la conformité de la loi
11:53à ses traités relatifs aux droits et libertés fondamentaux.
11:56C'est ce qu'on appelle le contrôle de conventionnalité.
12:00Or, jusque-là, c'était la chasse gardée du Conseil d'État
12:03et de la Cour de cassation.
12:05J'ai le souvenir de Jean-Louis Debré,
12:08très radical dans sa position,
12:10et disant que ce qu'on appelle dans le jargon juridique
12:13le contrôle de conventionnalité
12:16rentre dans le champ de compétence du Conseil constitutionnel.
12:19Ce qui aurait été une révolution puisque, depuis 1975,
12:23le Conseil constitutionnel dit systématiquement
12:26qu'il n'est pas compétent sur ce terrain.
12:29Et donc, comme Jean-Louis Debré a été auditionné chronologiquement
12:32avant les vice-présidents du Conseil d'État
12:35et premiers présidents de la Cour de cassation,
12:37l'audition des deux autres s'est faite en réponse
12:40à celle de Jean-Louis Debré.
12:43Et l'un et l'autre étaient évidemment très violemment hostiles
12:47à ce que le Conseil constitutionnel vole un contrôle qu'ils exercent.
12:51Et l'un et l'autre ont été amenés à dire que,
12:54s'ils tenaient à conserver le contrôle de conventionnalité,
12:57il n'était pas absurde que le Conseil constitutionnel
13:00s'occupe du contrôle de constitutionnalité.
13:04La commission Balladur a rendu hier sa copie
13:06au programme 77 propositions.
13:0877 propositions, et là encore,
13:11pas mal de réserves à gauche comme à droite.
13:13Dans les mains d'Edouard Balladur,
13:15le rapport du comité chargé de la réforme des institutions.
13:18Cette réforme ambitieuse...
13:20Sur la question prioritaire de constitutionnalité,
13:23le consensus, en tout cas au niveau des spécialistes,
13:26est assez facilement fait.
13:28Non, il y a des choses que j'ai écartées,
13:31comme l'introduction de la proportionnelle
13:33ou la suppression du poste de premier ministre,
13:35qui auraient pu être dans la réforme constitutionnelle,
13:37mais je n'ai pas souhaité les retenir.
13:41Consensus chez les juristes,
13:43mais désaccord dans l'entourage du chef de l'État.
13:46À l'Élysée, une fronde s'organise autour d'Henri Guaino,
13:51au point de faire sortir la QPC
13:53de l'avant-projet de loi constitutionnelle.
13:57Une situation qui préoccupe Emmanuel Mignon
14:00et déclenche un tête-à-tête avec Nicolas Sarkozy.
14:03Je comprends à ce moment-là qu'en fait, son problème,
14:05c'est qu'il sent beaucoup, beaucoup d'hostilité
14:07du côté de Henri Guaino.
14:09Et que ça, ça l'embête beaucoup,
14:11parce qu'il déteste avoir des contrariétés
14:13avec ses collaborateurs.
14:15Il me donne son accord pour qu'on remette ça
14:17dans le projet de réforme,
14:19et il me dit, on va limiter ce contrôle
14:21aux lois postérieures à 1958.
14:23On va entrer dans le débat comme ça,
14:25comme ça, ça va calmer les oppositions.
14:27Un homme comme Henri Guaino,
14:29pour qui j'ai beaucoup d'amitié,
14:31ne voulait pas entendre parler de la QPC
14:33parce qu'il considérait que cela revenait
14:36à donner aux juges qui ne bénéficiaient pas
14:39de la légitimité du suffrage universel
14:41un pouvoir qu'il ne fallait pas leur donner.
14:44Moi-même, j'ai hésité.
14:48Jusqu'où devais-je aller ?
14:50J'ai essayé de peser les arguments
14:52des uns et des autres.
14:54À l'arrivée, j'ai tranché pour la QPC,
14:56avec la limite des lois postérieures à 1958.
15:00Mais il y a eu cette tension.
15:07La QPC est aux portes du château de Versailles.
15:10C'est à l'intérieur de l'ancienne résidence
15:12des rois de France,
15:14dans la salle de délibération du Congrès,
15:16dont l'histoire est intimement liée
15:18à la Révolution française,
15:20que la 24e réforme constitutionnelle
15:22doit obtenir les 3 cinquièmes dévois du Parlement.
15:28Une dernière étape qui passe d'abord
15:30par les votes séparés de l'Assemblée nationale
15:32et du Sénat.
15:34Une formalité rendue possible
15:36grâce aux travaux de Jean-Luc Warsman,
15:38qui, au passage, fait sauter
15:40la limitation des lois postérieures à 1958.
15:43Nous vous proposons
15:45d'introduire la nouvelle procédure
15:47sur l'ensemble du droit
15:49et non pas sur le droit postérieur à 1958.
15:51Qui est pour ?
15:53Je rends hommage à Jean-Luc Warsman.
15:55Quand s'est sorti le texte de l'Assemblée,
15:58c'était un texte qui était
16:01Quand s'est sorti le texte de l'Assemblée,
16:04le travail était fait.
16:06On a apporté quelques précisions
16:08qui ont d'ailleurs été reçues
16:10par l'Assemblée en deuxième lecture
16:12et puis c'était terminé.
16:14Et on a été au Congrès.
16:16Ultime rebondissement
16:18dans la dernière ligne droite.
16:20Des députés d'Alsace-Moselle,
16:22appartenant à la majorité présidentielle,
16:24sollicitent une réunion d'urgence à Matignon.
16:27Depuis les votes des deux chambres,
16:29ils craignent que la future QPC
16:31remette en question leurs législations spécifiques,
16:34héritées de leurs annexions successives.
16:36Emmanuel Mignon est appelé à la rescousse.
16:39Les parlementaires d'Alsace-Moselle nous disent
16:41qu'on vient de s'apercevoir
16:43que s'il y a ce contrôle
16:45a posteriori des lois devant le Conseil constitutionnel,
16:48il y aura une demande de contrôle
16:50de la loi de 1921 et de la loi de 1924.
16:53Et nous, on est très attachés à ce régime particulier
16:56qui porte sur des points sensibles,
16:58le régime des cultes, bien sûr, c'est bien connu,
17:00mais pas seulement, il y a aussi des choses
17:02sur les libertés municipales, sur le régime associatif.
17:04Et donc, on ne peut pas accepter cette réforme.
17:06On est à 15 jours du Congrès
17:08et tout est par terre parce que c'est douze voix
17:10et que c'est impossible de remonter ces douze voix.
17:13Nous sommes efforcés de rassurer.
17:15Le problème, c'est que, vous le savez,
17:17quand il s'agit d'anticiper
17:19sur une décision jurisprudentielle,
17:22il y a toujours une part de pari.
17:24Et donc, l'exercice, ça consiste
17:26à trouver les bons arguments
17:28et après aussi à être suffisamment convaincant,
17:30c'est-à-dire à trouver la bonne communication.
17:32Finalement, les députés d'Alsace-Moselle
17:34se satisfont de notre argumentaire.
17:36Est-ce qu'ils ont été fermement convaincus ?
17:38Je ne suis pas totalement sûre,
17:40mais il y avait un habillage
17:42et au bout d'un moment, c'est quand même
17:44les fidélités politiques qui comptent
17:46et ils ont accepté de donner leur voix à la réforme.
17:48La séance est ouverte.
17:50L'ordre du jour appelle le vote
17:52sur le projet de loi constitutionnel
17:54de modernisation des institutions
17:56de la Vème République.
17:58J'ai exigé que le président
18:00de l'Assemblée nationale,
18:02Bernard Accoyer, vote lui-même
18:04parce que je savais
18:06que ce serait
18:08très difficile
18:10pour lui.
18:12J'ai demandé au président
18:14de l'Assemblée nationale
18:16que ce serait très court.
18:18Majorité requise pour l'adoption
18:20du projet de loi constitutionnel
18:22soient les 3 cinquièmes
18:24des suffrages exprimés
18:26538
18:28pour l'adoption
18:30539
18:32contre 357.
18:34Le Congrès a adopté
18:36le projet de loi constitutionnel
18:38de modernisation des institutions
18:40de la Vème République
18:42approuvé à la majorité
18:44les 3 cinquièmes des suffrages exprimés.
18:46Il sera transmis à monsieur
18:48le président de la République.
18:50La séance est levée.
18:54Un immense soulagement
18:56parce que cette réforme de 2008,
18:58il n'y a pas que la QPC,
19:00il y a aussi la moitié de l'ordre du jour
19:02qui est libre pour le Parlement.
19:04Bonsoir à tous.
19:06Vers une nouvelle cinquième République,
19:08la réforme des institutions
19:10a été adoptée en cette fin d'après-midi
19:13Le vote étant anonyme,
19:15nul ne peut savoir
19:17qui a fait basculer la réforme
19:19du bon côté de l'histoire.
19:21La légende raconte
19:23qu'il s'agit de Jacques Lang,
19:25ce que l'intéressé confirme
19:27dès le lendemain du verdict
19:29à la télévision.
19:31L'article 61-1
19:33vient de faire son entrée
19:35dans la Constitution.
19:37Désormais,
19:39une disposition législative
19:41qui porterait atteinte
19:43aux droits et libertés
19:45peut être contestée
19:47par tout justiciable.
19:49Mais ce n'est qu'un principe.
19:51Pour qu'il entre en vigueur,
19:53il doit maintenant être traduit
19:55dans un texte qui en fixe
19:57les modalités d'application.
19:59C'est tout l'enjeu
20:01de la loi organique.
20:03Une deuxième étape,
20:05très complexe,
20:07qui se noue autour du nouveau rôle
20:09de l'institution.
20:11Vous avez une institution,
20:13le Conseil constitutionnel,
20:15qui a été conçu au départ
20:17pour être un organe de régulateur
20:19du fonctionnement des pouvoirs publics.
20:21Cette même juridiction,
20:23du jour au lendemain,
20:25vous la prenez,
20:27vous la faites passer
20:29dans un système de justice
20:31au quotidien.
20:33C'est-à-dire qu'elle va juger
20:35non plus in abstracto,
20:37elle va former cette juridiction pour le faire.
20:39Est-ce que ces juges
20:41sont des personnalités
20:43qui ont été formées pour opérer
20:45ce type de contrôle ?
20:47À partir du moment où la QPC
20:49entre en œuvre,
20:51je sais et je l'assume
20:53que le Conseil constitutionnel
20:55à ce moment-là devient une Cour suprême
20:57ou une forme de Cour suprême.
20:59C'était écrit
21:01à partir du moment
21:03où les citoyens
21:05avaient un désir constitutionnel,
21:07certes avec le filtre de la contrassation
21:09et avec le filtre du Conseil d'État,
21:11ça installait le Conseil constitutionnel
21:13au sommet
21:15de la pyramide
21:17juridictionnelle française.
21:19Le débat, en fait,
21:21était moins entre les parlementaires
21:23qu'entre les parlementaires
21:25et les représentants
21:27de la Cour de cassation, monsieur Lamanda.
21:29C'était à la manière
21:31de ses hauts magistrats,
21:33il y avait une sourde hostilité
21:35feutrée,
21:37mais néanmoins réelle.
21:39Je crois que ça m'est arrivé une fois en commission
21:41de dire au premier président
21:43de la Cour de cassation,
21:45monsieur le premier président,
21:47on ne vous demande pas de critiquer la réforme constitutionnelle,
21:49mais de nous dire
21:51comment il vous paraît possible
21:53d'appliquer cette révision dans la loi organique.
21:57C'était la diminution capitis.
21:59Ils avaient peur qu'il y ait
22:01quelqu'un autre au-dessus d'eux.
22:03L'idée n'était pas
22:05de priver la Cour de cassation
22:07ou le Conseil d'état,
22:09ni d'ailleurs les juridictions judiciaires
22:11ou les juridictions administratives
22:13d'un contrôle.
22:15Il s'agissait d'inventer un contrôle
22:17qui n'existait pas auparavant
22:19et de décider qu'il serait
22:21réparti entre
22:23juges judiciaires et juges administratifs d'un côté
22:25et Conseil constitutionnel de l'autre.
22:27Et donc,
22:29l'inquiétude peut-être majeure
22:31que le Conseil constitutionnel pouvait avoir
22:33était de savoir
22:35si on allait effectivement laisser passer
22:37des questions de constitutionnalité
22:39jusqu'à lui
22:41ou est-ce que Cour de cassation
22:43et Conseil d'état allaient bloquer
22:45les affaires.
22:47Il reste un autre détail à régler
22:49et il est très politique.
22:51La question de constitutionnalité
22:53doit-elle devenir prioritaire
22:55sur la Convention européenne des droits de l'homme ?
22:57Il y a un point dont nous avions
22:59très peu discuté qui était celui
23:01de savoir dans quel ordre agencer
23:03le contrôle de constitutionnalité
23:05par rapport au contrôle
23:07dit de conventionnalité, c'est-à-dire de conformité
23:09des lois au traité.
23:11Il y avait une question de souveraineté qui se jouait
23:13et que, puisque nous étions dans l'idée
23:15de donner aux citoyens les moyens
23:17de s'approprier leur constitution,
23:19autant que ça soit
23:21effectif, rapide,
23:23présent, quotidien,
23:25il faut que le contrôle de constitutionnalité
23:27puisse se faire d'abord
23:29si tel était le souhait du justicial.
23:31Et c'est comme ça que la question
23:33est devenue prioritaire.
23:35Le prioritaire, c'est vraiment le choix
23:37de nos autorités politiques.
23:39Que nos autorités politiques demandent
23:41à des juristes d'écrire, de traduire
23:43en droit, dans un texte de droit,
23:45le choix qu'elles ont opéré, ça c'est possible.
23:47Mais l'idée profonde
23:49à la fois de donner ce droit aux citoyens
23:51et de faire en sorte que la constitution
23:53puisse être une norme partagée,
23:55ça c'était leur choix.
23:57L'entrée en vigueur de l'article
23:5961.1 de notre constitution
24:01ouvre à tout
24:03justiciable la possibilité
24:05de soulever l'exception
24:07d'unconstitutionnalité.
24:11Désormais,
24:13ce droit appartient au Conseil
24:15constitutionnel et aux citoyens.
24:17Je vous remercie.
24:23Après
24:25des premiers mois de tâtonnement,
24:27la QPC est entrée
24:29dans les mœurs.
24:31Chaque année, une centaine d'affaires
24:33arrivent au Conseil constitutionnel.
24:35Chaque QPC
24:37fait l'objet d'une audience publique
24:39retransmise sur le site internet
24:41du Conseil constitutionnel.
24:43D'un côté, les justiciables
24:45et leurs avocats.
24:47De l'autre,
24:49les neuf sages réunis autour
24:51du président du Conseil,
24:53Laurent Fabius, depuis 2016.
24:55Un vrai procès
24:57où l'on ne recherche qu'une vérité.
24:59La loi est-elle conforme ou non conforme
25:01à la Constitution ?
25:03Depuis 2010,
25:05près de 1000 QPC ont été posées.
25:07La durée moyenne de traitement
25:09est de 74 jours.
25:11Un cas sur deux a confirmé
25:13la conformité de la loi à la Constitution.
25:15Et un cas sur quatre
25:17a abouti à son inconstitutionnalité.
25:19Des chiffres
25:21qui montrent bien que la Constitution française
25:23est redevenue le premier garant
25:25des droits et libertés fondamentaux.
25:35Je considère pour ma part
25:37que c'est
25:39un indiscutable progrès
25:41et j'oublie les 20 années de perdus.
25:43Maintenant c'est fait.
25:45C'est une jurisprudence importante
25:47au service des libertés
25:49parce que ça n'est que ça.

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