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  • 24/07/2023
Les prix de l’électricité vont augmenter de 10% la semaine prochaine. "C’est vraiment une décision du gouvernement", explique Emmanuelle Wargon, présidente de la Commission de régulation de l'énergie.

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Transcription
00:00 Le 6/9, Alexis Morel sur France Inter.
00:08 Bonjour Emmanuelle Wargon, présidente de la commission de régulation de l'énergie,
00:12 l'autorité indépendante chargée de réguler, comme son nom l'indique, d'encadrer les marchés
00:17 du gaz et de l'électricité.
00:19 L'électricité dont les prix vont prendre 10% dans une semaine, annonce surprise du
00:23 gouvernement après les 15% de hausse de février.
00:26 C'est la sortie très progressive du bouclier tarifaire.
00:28 Est-ce que vous comprenez cette décision au regard de la réalité du marché aujourd'hui ?
00:32 D'abord c'est vraiment une décision du gouvernement, puisqu'en gros la question
00:36 c'est comment est-ce que le gouvernement protège les consommateurs.
00:39 Et la discussion à avoir c'est entre ce qui est payé par le consommateur ou ce qui
00:44 est payé par le contribuable.
00:45 Plus le bouclier est protecteur, plus c'est le contribuable qui paye.
00:49 Et en fait on paye encore le prix de la crise énergétique de l'année dernière, puisque
00:54 les fournisseurs qui ont fait des prix pour les contrats d'électricité pour l'année
00:59 2023, ont acheté leur électricité fin 2022 au moment où elle était extrêmement chère.
01:03 Donc il y a une forme de décalage et normalement les prix sont en train de baisser.
01:08 Ils sont plus bas qu'ils étaient l'année dernière.
01:11 Donc pour les contrats de 2024, les prix seront plus bas.
01:13 Mais là actuellement, sans le bouclier tarifaire, de combien les prix devraient-ils augmenter
01:18 naturellement ?
01:19 Alors la commission de régulation de l'énergie fait ces calculs là, c'est vraiment notre
01:23 rôle.
01:24 Et nous avons calculé qu'au 1er août, le prix théorique, avant aide de l'Etat,
01:28 ça serait 75% au-dessus du prix de février.
01:31 Et là, le gouvernement a décidé de répercuter 10% sur le consommateur.
01:37 Et vos prévisions, vous en avez un peu parlé là, pour la fin de 2023 et 2024.
01:41 Autrement dit, quand on sortira presque totalement du bouclier tarifaire, à quel niveau de
01:44 prix faudra-t-il s'attendre ? Est-ce qu'on le sait déjà ?
01:47 Alors c'est difficile de faire un calcul de prix pour février 2024, mais on sait
01:52 qu'on n'aura pas des augmentations comme celles qu'on a vécues.
01:55 Après, on continuera à avoir besoin d'un bouclier, parce que les prix sont encore
01:59 trop élevés pour que ce soit supportable, à la fois pour le consommateur particulier
02:04 et aussi avec les dispositifs d'aide pour les entreprises, qui s'appellent l'amortisseur.
02:08 C'est techniquement pas la même chose, mais c'est la même idée.
02:10 Parce que sinon, on répercute sur le consommateur final des augmentations qui sont insupportables.
02:15 Justement, est-ce que vous êtes favorable, vous, à la commission de régulation de l'énergie,
02:19 à des tarifs progressifs sur l'électricité, en fonction du revenu, en fonction de la consommation ?
02:25 Est-ce que ça pourrait être une idée, après le bouclier ?
02:28 D'abord, moi je suis vraiment favorable à ce qu'on continue à aider, parce qu'on
02:32 ne peut pas laisser les consommateurs exposer à des hausses de prix tellement importantes.
02:36 Après, soit on aide tout le monde, soit on essaye d'aider de façon plus sélective.
02:40 Un tarif progressif, c'est difficile à faire, parce que c'est pas la même chose
02:45 que l'eau.
02:46 Pour l'eau, vous savez à peu près combien de mètres cubes il faut pour une personne,
02:50 pour une famille de 4 personnes.
02:51 C'est la consommation courante.
02:52 Après, le reste, ça devient de l'arrosage, des piscines, enfin c'est autre chose.
02:56 Pour l'électricité, ça dépend de votre mode de chauffage.
02:59 Si vous êtes chauffé à l'électricité, et si votre logement est mal isolé, vous
03:03 allez vous retrouver avec une facture d'électricité importante, même si c'est pas Versailles.
03:08 Donc les plus précaires peuvent être de gros consommateurs.
03:12 Donc c'est pas très facile de faire quelque chose de juste en consommation progressive.
03:16 Par contre, il y a vraiment des choses à faire sur la maîtrise de la consommation.
03:19 Ne pas consommer à l'heure de pointe, par exemple, donc avoir des tarifs différenciés
03:24 entre les heures creuses et les heures pleines, là il y a quelque chose à faire.
03:28 Et après, pour aider, ce qui marche bien, ce sont les chèques énergie qui sont plus
03:31 ciblés, parce que ceux-là, vous pouvez les configurer en fonction du niveau de ressources.
03:37 Donc c'est plus juste.
03:38 - Sur le gaz, ça fait presque un mois qu'ont disparu les tarifs réglementés, qui concernaient
03:42 quand même 5 millions de foyers français.
03:44 Est-ce que vous avez un premier bilan ?
03:45 - Alors on n'a pas encore de chiffres, mais globalement ça se passe bien.
03:49 Nous ça fait un an qu'on travaille sur ce dossier, c'était une obligation communautaire
03:53 qui avait été redite par le Conseil d'Etat, par le juge administratif, donc on était
03:57 obligé de sortir des tarifs réglementés.
03:59 Et donc on a tout fait pour que ça se passe bien.
04:01 Les tarifs réglementés du gaz, en fait, ils changeaient tous les mois, donc ils n'étaient
04:04 pas spécialement protecteurs, parce que l'électricité, ça change deux fois par
04:08 an, le gaz, ça changeait tous les mois, donc ça montait, ça descendait tous les mois.
04:12 Et on s'est organisé, premièrement pour que ceux qui ne changent pas de tarif basculent
04:16 dans une offre qui s'appelle passerelle, qui ressemble beaucoup, et surtout pour aider
04:21 ceux qui changent de tarif à choisir avec un prix repère, les choses se passent bien.
04:24 - Est-ce que vous savez justement quelle proportion de foyers ont basculé automatiquement sur
04:28 l'offre passerelle, et quelle proportion ont fait jouer la concurrence ?
04:30 - C'est trop tôt, je pense qu'on aura des chiffres en septembre.
04:32 - On craignait des abus de la part de certains fournisseurs à l'occasion de ce passage,
04:36 vous êtes plutôt sereine là-dessus ?
04:37 - C'est pour ça qu'on a sorti un prix repère, pour aider les gens à faire leur
04:41 propre choix, et après, nous on sanctionnera tous les abus, le médiateur de l'énergie
04:45 regarde aussi ça très près, moi depuis le début de mon mandat à la commission de
04:49 régulation de l'énergie, j'ai mis le contrôle et la sanction des abus vraiment comme une
04:53 priorité.
04:54 - Vous le disiez, vous avez mis en place un prix repère, qui était d'ailleurs en
04:57 juin plus bas que les tarifs réglementés, vous l'avez un peu évoqué, il y avait une
05:02 sorte de mythe autour des tarifs réglementés protecteurs, il ne l'était pas tant que
05:05 ça finalement ?
05:06 - Oui, en fait c'est un sujet sur lequel on n'est pas d'accord avec certaines associations
05:10 de consommateurs, c'est pas le tarif réglementé qui protège, et d'ailleurs en 2021, tout
05:15 le monde l'a oublié parce que c'était loin, mais du 1er janvier au 1er octobre,
05:20 les tarifs réglementés du gaz, donc les tarifs fixés par nous, ils ont augmenté
05:24 de 51%, en moins d'un an, c'est beaucoup 51% d'augmentation en 10 mois, parce que
05:30 simplement les prix du marché augmentaient, donc ce qui est protecteur c'est le bouclier.
05:33 - Ça ne donnait pas de la visibilité les tarifs réglementés ?
05:36 - Pas du tout, ça changeait tous les mois, vous aviez un contrat indexé sur les tarifs
05:39 réglementés, mais simplement, en gros entre 2010 et 2020, les prix étaient très bas,
05:44 donc quand les prix sont très bas tout le temps, même si ça change tous les mois,
05:48 ça change tous les mois sur un prix très bas, ça ne change rien.
05:50 C'est quand les prix ont augmenté qu'on s'est rendu compte qu'en fait il y avait
05:53 une forme de spirale, et c'est le bouclier en gaz qui a protégé les consommateurs.
05:57 - Donc on n'a plus de bouclier tarifaire pour le gaz, les prix sont redescendus, est-ce
06:02 qu'ils vont continuer à redescendre ou est-ce qu'il faut s'attendre à une nouvelle flambée ?
06:06 Je vous demande un peu de lire dans une boute de cristal peut-être !
06:08 - On est toujours très prudent, parce que c'est difficile de répondre à la question,
06:12 mais pour l'instant il n'y a pas d'inquiétude sur les prix du gaz.
06:14 On aura suffisamment de gaz, les approvisionnements sont assez larges, et donc sauf nouvelle catastrophe,
06:20 qui est toujours possible, les prix du gaz pour l'instant se projettent à un niveau
06:24 relativement stable.
06:25 Pour l'électricité c'est plus difficile, parce que ça dépend pas que des prix du
06:28 gaz, ça dépend aussi de notre capacité collective à produire, et en particulier
06:32 la capacité d'EDF à produire.
06:34 - Et de nos centrales nucléaires.
06:35 - Et de nos centrales nucléaires.
06:36 Plus on est sûr qu'EDF va produire, mieux iront les prix de l'électricité.
06:41 - Sur l'approvisionnement, vous parliez du gaz, on a beaucoup parlé de ces risques
06:45 de coupure qui n'ont finalement pas eu lieu, grâce notamment aussi aux économies.
06:48 - Oui, grâce à la sobriété.
06:49 - Mais par tout le monde, sur l'hiver prochain, l'appareil, vous êtes plus sereine ou pas ?
06:53 - En fait, on est toujours vigilant.
06:55 D'abord, on a eu à peu près 10% de sobriété cette année, à la fois chez les particuliers
07:00 et chez les entreprises.
07:01 Et il faut vraiment que ça continue, c'est-à-dire que les comportements de « je fais attention,
07:07 j'éteins, je décale », etc. deviennent des comportements en routine.
07:11 Si on garde cette sobriété, et si l'hiver n'est pas trop froid, ça devrait bien se
07:15 passer.
07:16 Mais après, si on a une très grande vague de froid, rien n'est impossible.
07:19 - Alors, on évoquait le bouclier tarifaire, ce que l'on sait peut-être moins, c'est
07:22 qu'il est financé en grande partie par le contribuable, mais aussi par les énergies
07:26 renouvelables.
07:27 Et vous venez d'ailleurs, à la Commission de Régulation de l'énergie, de faire une
07:30 première estimation.
07:31 Le solaire et l'éolien rapportent de l'argent à l'État ?
07:34 - Oui, c'est très intéressant.
07:37 Le bouclier coûte en gros 28 milliards cette année d'euros.
07:40 Évidemment, c'est des chiffres, on a du mal à conceptualiser ce que c'est.
07:43 Mais les énergies renouvelables rapportent la moitié.
07:46 Comme l'État a des contrats fixes avec les énergies renouvelables, quand les prix s'envolent,
07:51 les énergéticiens vendent plus cher et rendent la différence à l'État.
07:55 Et c'est comme ça qu'on récupère 14 milliards d'euros, donc la moitié de la
07:59 dépense du bouclier.
08:00 Donc non seulement ça permet de lutter contre le dérèglement climatique, mais en prime,
08:07 ça rapporte de l'argent, en particulier l'éolien.
08:09 - Il y a une réforme en cours du marché de l'électricité au niveau européen.
08:12 Et la France a un peu de mal à faire valoir ses arguments, je dirais, pro-nucléaire,
08:16 avec d'ailleurs un revers.
08:17 La semaine dernière, c'était un peu technique, devant une commission du Parlement européen.
08:21 A quelles conditions aujourd'hui notre parc nucléaire peut-il encore être un atout
08:25 pour les prix ? Pour maintenir des prix corrects pour le consommateur ?
08:29 - En fait, toute l'idée de cette réforme, c'est qu'on arrive à avoir des prix de
08:33 détail sur le marché français qui soient plus liés au coût de production.
08:37 Parce que c'est pas normal d'avoir un coût de production à coût presque fixe, le nucléaire
08:42 c'est un coût presque fixe, et des prix de détail qui font du yo-yo.
08:45 Donc pour ça, il faut qu'on arrive à trouver des mécanismes de marché qui transfèrent
08:50 mieux le prix de production au consommateur.
08:52 Et pour ça, le nucléaire est une grande chance parce que les prix sont assez stables
08:55 et le nucléaire est assez largement amorti.
08:57 Alors c'est vrai qu'en ce moment, il y a un peu de bisbille à l'échelle européenne,
09:04 les Etats ne sont pas toujours d'accord.
09:05 Et d'une certaine manière, certains Etats membres ont peur de donner un avantage compétitif
09:10 trop grand à la France.
09:11 Mais la France, elle l'a gagné cet avantage compétitif en investissant.
09:14 Donc la discussion est en cours.
09:16 Je crois qu'il y a une nouvelle réunion technique cette semaine, donc on va attendre
09:19 de voir.
09:20 Merci beaucoup Emmanuelle Wargon, présidente de la commission de régulation de l'énergie.
09:24 Bonne journée.

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