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Karine Dusfour, co-réalisatrice du documentaire "De rockstar à tueur : le cas Cantat" sur Netflix, était l'invitée de Simon Le Baron jeudi 31 juillet. À la suite de la diffusion de ce documentaire, l'enquête sur le suicide de Krisztina Rady, ex-épouse de Bertrand Cantat, a été rouverte.

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Transcription
00:00Notre invitée est la co-réalisatrice d'un documentaire qui va peut-être faire avancer la justice.
00:06De rockstar à tueur, le cas Quanta, c'est cette série documentaire sur Netflix
00:11qui décortique le traitement médiatique ahurissant du meurtre de Marie Trintignant
00:15par le chanteur de Noir Désir en 2003 et qui apporte de nouveaux éléments sur la mort.
00:21Sept ans plus tard de l'ex-épouse de Bertrand Quanta, Christina Raddy.
00:24Des éléments dont la justice n'avait manifestement pas connaissance
00:28puisque le parquet de Bordeaux rouvre une enquête sur d'éventuels faits de violences volontaires.
00:33Les enquêtes à l'époque avaient conclu à un suicide.
00:35Parmi toutes celles et ceux qui ont travaillé sur ce documentaire,
00:38c'est vous qui avez enquêté sur la mort de Christina Raddy.
00:41Karine Dussfour, bonjour.
00:42Bonjour.
00:43Le procureur explique que plusieurs de ses proches lui avaient recommandé de regarder votre série
00:48et qu'il a pris sa décision après l'avoir vue.
00:50Est-ce que vous vous attendiez à ce qu'un film, une enquête journalistique puisse faire bouger la justice ?
00:55Non, mais alors pas du tout.
00:57Ça ne nous avait même jamais traversé l'esprit.
01:00Nous, on le faisait pour mettre en lumière la mort de ces deux femmes et analyser les violences conjugales.
01:06Que ça arrive, en fait, moi, je n'ai pas trop à le commenter.
01:08Parce que nous, ce qui nous a fait extrêmement plaisir et qui nous a interrogés, c'est le succès de la série.
01:14C'est qu'elle remporte un tel écho.
01:16Ça, c'était vraiment un marqueur que la société écoute aujourd'hui ces problématiques.
01:19On va parler de ce que ça dit de l'évolution de la société depuis une vingtaine d'années,
01:26simplement pour que les auditeurs comprennent bien.
01:28Il y a eu quatre enquêtes dans ce dossier, 2010, 2013, 2014, 2018, sur la mort de Christina Raddy.
01:35Toutes ces enquêtes ont été classées sans suite.
01:37Quels nouveaux éléments apporte votre documentaire ?
01:40Il y a plusieurs témoignages.
01:41Le témoignage de la personne qui travaille à l'hôpital et qui a vu par hasard le rapport médico-légal,
01:47qui n'est pas du suicide, c'était antérieur.
01:52Christina Raddy est venue aux urgences, a témoigné de violences conjugales,
01:56mais n'a pas donné suite, elle n'a pas porté plainte à cette époque.
01:58Et puis surtout aussi la nounou, qui était sur place, pas au moment du suicide, six mois avant.
02:03Elle gardait les enfants et elle a dû quitter précipitamment le domicile des Cantas,
02:07car l'ambiance était devenue trop délétère, trop dangereuse.
02:10Alors évidemment, au-delà, et vous l'avez dit, de la recherche de la vérité,
02:14qui est essentielle bien sûr pour les enfants, pour la famille, pour la société aussi,
02:18parce que la société a toujours intérêt à la vérité.
02:21Ce qui est important dans cette décision et dans le succès de ce documentaire,
02:25c'est ce que cela montre de notre évolution collective.
02:31On part désormais avec un regard critique sur ces années-là.
02:36C'est ce que montre votre documentaire ?
02:40Oui, comme on a revisité 2003, ce qui à l'époque était montré comme un crime passionnel,
02:45et qu'aujourd'hui c'est un féminicide, le suicide de Christina Raddy en 2010,
02:50d'abord il a été totalement passé sous silence.
02:52Or, un suicide, ça ne peut être qu'une histoire privée,
02:55mais là en l'occurrence il était sous contrôle judiciaire à l'époque.
02:58Donc ça interroge publiquement tout le monde.
03:01Et revenir 15 ans après sur cet épisode et regarder comment il a été traité,
03:06comment les enquêteurs se sont comportés, c'est intéressant.
03:09Et nous, on a fait un travail que la justice n'a pas fait à l'époque.
03:12C'est une très bonne nouvelle que la justice réouvre cette enquête,
03:14dans le sens que, en fait, ça montre aussi que la justice progresse
03:17dans la compréhension de ces problématiques.
03:19Concrètement, comment le monde judiciaire a évolué sur ces sujets de violences faites aux femmes,
03:26à la fois physiques et psychologiques ?
03:28C'est aussi sur les violences psychologiques qu'il y a un énorme progrès à faire,
03:31notamment avec la notion de contrôle coercitif.
03:33Il y a tout un débat autour de ça.
03:35Moi, je suis en train de faire un documentaire pour arrêter là-dessus.
03:37Et les procureurs, les magistrats sont très éveillés.
03:41Ils suivent des formations à l'École nationale de la magistrature.
03:44Et sur les violences psychologiques, sur le harcèlement moral dans le couple,
03:47parce que c'est ça qu'il y a derrière, je pense qu'il y a une énorme marge de progression.
03:50Et la justice, vraiment, elle fait un effort.
03:53Et donc, ça, c'est à saluer et à nous interroger, nous-mêmes tous,
03:55là-dessus aussi, nous-mêmes, comment on regarde les violences psychologiques.
03:58Et il y a une loi qui a été adoptée en 2020.
04:02Il existe désormais une loi en France, dite sur le suicide forcé,
04:05plus exactement le harcèlement par conjoint ou ex-conjoint
04:08ayant conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider.
04:11Ça, c'est une étape majeure aussi dans la reconnaissance de ces phénomènes d'emprise.
04:15C'est tout le travail de Yaël Mellul qui a permis que cette loi soit votée.
04:19Et c'est elle qui est à l'origine des réouvertures des enquêtes en 2013, 2014 et 2018,
04:25ce qu'on appelle le suicide forcé.
04:27Là, rétroactivement, ça ne pourra pas concerner...
04:31La loi n'est pas rétroactive.
04:34Voilà. Mais n'empêche que témoigner que Christina Raddy était victime de harcèlement moral de sa part,
04:42de long moins précédant sa mort, c'est important de le savoir aujourd'hui,
04:46pour nous-mêmes, comprendre dans nos histoires personnelles,
04:49qu'est-ce qu'on subit, qu'est-ce qu'on fait subir.
04:51C'est ça qui est intéressant, en fait.
04:52Justement, en quoi le cas Bertrand Cantat est-il si emblématique, est-il édifiant ?
04:58En quoi il permet de mieux comprendre, en fait, ces mécanismes de violence et d'emprise,
05:03non seulement au sein du couple, mais pour la société tout entière ?
05:06Mais édifiant, c'est exactement le terme.
05:08C'est édifiant.
05:09Nous, vraiment, on n'y croyait pas, par exemple, qu'en janvier 2010,
05:15il est sous contrôle judiciaire et il n'est même pas mis en examen.
05:18Enfin, il est juste interrogé comme témoin parce qu'à l'époque, on recherchait juste les causes de la mort.
05:23Donc, il s'agissait juste de savoir si Christina Raddy s'était suicidée.
05:26Lui, ce qui est en plus terrible, c'est qu'il est sous une forme de récidive,
05:30puisqu'il avait harcelé Marie Trintignant.
05:33Et donc là, le fait qu'il ait fait de la prison, qu'il n'ait pas compris ce qu'on lui avait reproché
05:37et qu'il récidive sur Christina Raddy, c'est vraiment édifiant.
05:42C'est vrai que moi, ce que j'ai appris dans cette enquête,
05:45c'est qu'en fait, déjà, la vie d'une femme, ça ne vaut pas grand-chose,
05:49mais la vie de deux femmes, ça vaut encore moins.
05:52C'est ça qu'on n'a pas...
05:54Moi, je ne comprends toujours pas où est le téléphone de Christina Raddy, son ordinateur.
05:58L'enquête, vraiment, reste à faire.
06:00Cette enquête que vous avez réalisée, enquête journalistique,
06:03qui a abouti à ce documentaire, a duré des années.
06:05Vous êtes une spécialiste dans votre travail de journaliste des violences faites aux fans.
06:11Vous dites, c'est l'enquête la plus difficile que j'ai jamais eu à faire. Pourquoi ?
06:15Parce que nous, on pensait, notamment avec Zoé Debussière, où on a commencé ensemble l'enquête,
06:21on pensait que comme on venait 15 ans après, 22 ans après les morts de ces deux femmes,
06:26on pensait que les langues se déliraient, que les gens auraient progressé.
06:31Et en fait, c'est encore pire.
06:32C'était le silence, vraiment.
06:33Les mâchoires du silence étaient...
06:36Enfin, tout le monde était braqué et personne n'a voulu nous parler.
06:39C'est vrai qu'on voit encore aujourd'hui,
06:42certains n'ont pas changé de regard, en fait, sur cette affaire-là.
06:47Certains des proches du groupe Noir Désir,
06:50certains cadres du monde de la musique.
06:53C'est tout le...
06:55Yael Melul, elle appelle ça les intouchables.
06:57C'est toute l'impunité des hommes puissants,
06:59des hommes idolâtrés,
07:00qui font qu'encore aujourd'hui, en 2025,
07:02on le voit avec d'autres affaires, notamment sur les violences sexuelles,
07:06il n'y a pas de carrière brisée.
07:08Ils reviennent, ils refont des films,
07:09ils sont réapplaudis à l'Assemblée nationale.
07:12Donc, cette problématique, elle court encore toujours.
07:14Et on doit tous s'interroger sur pourquoi on excuse autant les hommes célèbres.
07:19On a beau souvenir, c'est vrai, pour ceux qui sont en âge de souvenir,
07:21c'était en 2003, des expressions insupportables,
07:25enfin, qui nous apparaissent comme insupportables aujourd'hui.
07:28L'amour à mort, la passion qui a tué,
07:30la malédiction qu'a, l'ange déchu du roc,
07:33c'était lui la victime.
07:35On a beau s'en souvenir, votre documentaire montre,
07:37heureusement, que du chemin a été fait,
07:38mais que ce n'est pas, effectivement, une époque totalement révolue, loin de là.
07:42Ben oui, on le voit tous les jours, vraiment, dans l'actualité.
07:45Nous, ce qu'on attend...
07:46Enfin, moi, je pense que là,
07:48toutes les forces additionnées,
07:49médiatiques, politiques,
07:51enfin, vous voyez, de la justice,
07:52on va venir à bout de ce silence,
07:54de cette omerta qui entoure ces affaires
07:56qu'on croit privées alors qu'elles sont politiques.
07:58Je pense que là, c'est l'État,
08:00le pouvoir politique qui doit mettre plus d'argent.
08:03C'est les 2 milliards réclamés par les associations
08:05pour vraiment faire baisser le nombre de féminicides.
08:08L'Espagne l'a fait,
08:10de 200 à 130 femmes,
08:11en moyenne tuées par an.
08:12En Espagne, il n'y a plus qu'une trentaine de femmes.
08:14Je pense que nous,
08:15on est vraiment un très, très mauvais élève
08:17et il faut progresser là-dessus
08:18et notre série y participe.
08:20Vous êtes surprise des réactions du public,
08:24des gens qui vous disent
08:26« Mais moi-même, en fait,
08:28j'ai tellement évolué depuis ces années-là.
08:31Moi-même, j'ai pu penser
08:32certains fans de Noir Désir, par exemple.
08:35J'ai pu me lamenter d'abord pour Quanta
08:37avant de pleurer sur le sort de Marie Trintignant. »
08:41Plein, plein de gens.
08:42Les retours sont incroyables là-dessus.
08:44J'ai changé d'avis.
08:45Et notamment chez les hommes.
08:46Moi, c'est ça qui me marque.
08:47C'est que normalement,
08:48dans mon entourage,
08:49ce sont les femmes qui regardent mes documentaires
08:50et là, les maris, les copains,
08:52les compagnons l'ont regardé,
08:53ont changé d'avis.
08:54Ça suscite des dialogues entre les couples.
08:56Donc ça, c'est vraiment...
08:58C'est ça, c'est ce à quoi sert le documentaire aussi.
09:00C'est faire progresser toute une société
09:02dans sa psyché collective,
09:03dans son questionnement.
09:04Et c'est une série qui rappelle,
09:07et c'est peut-être le message principal,
09:08vous l'avez dit,
09:08vous avez utilisé ce mot d'Omerta,
09:11qui rappelle que le silence tue
09:13le silence au sein du couple,
09:16de celles qui n'osent pas parler
09:18et de ceux qui savent et qui ne disent rien.
09:20Oui, le silence a tué Christina Raddy
09:22parce que si autour d'elle,
09:24des gens lui avaient tendu la main,
09:25elle ne se serait peut-être pas suicidée
09:26et c'est là-dessus qu'on doit progresser.
09:28Vous êtes prête ?
09:29Peut-être que vous avez déjà été entendue par la justice ?
09:31Pas encore.
09:32Vous êtes prête à le faire ?
09:34Moi, je suis prête.
09:35Oui.
09:35En tout cas, cette enquête a été rouverte
09:38il y a quelques jours par le parquet de Bordeaux
09:41à la suite de la diffusion de ce documentaire
09:45qui vraiment nous met tous et toutes, je crois,
09:48face à ce que nous étions
09:50et face au travail qu'on a encore collectivement à faire.
09:54De Rockstar à Tueur,
09:55le cas quant à avoir sur la plateforme Netflix
09:58que vous avez co-réalisé, Karine Dussfour,
10:01avec Anne-Sophie Jeanne, Nicolas Lartig et Zoé Debussière.
10:06Merci beaucoup.
10:06Merci.
10:06Merci.

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