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  • il y a 19 heures

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00:00Le carrefour de l'info sur Arabel
00:04Je vous le disais dans les titres tout à l'heure, l'extrême droite progresse en Europe et la Belgique en offre un laboratoire particulièrement révélateur, marqué par de fortes disparités régionales.
00:19Avec Archibald Gustin, chercheur au CRISP et co-octeur avec Benjamin Billard de l'extrême droite en Belgique, nous allons décortiquer ensemble un petit peu les dynamiques, les acteurs et les stratégies qui façonnent ce paysage politique en mutation.
00:32Archibald Gustin qui est maître de conférences à l'université de Liège et à l'ULB, chercheur au CRISP, bonjour.
00:38Bonjour.
00:38Merci d'être avec nous sur Arabel, peut-être avant d'aller dans le détail du détail pour commencer.
00:42Qu'est-ce qui vous a poussé avec Benjamin Billard, je rappelle qu'il est docteur en sciences politiques et justement chercheur au CRISP, à consacrer un ouvrage collectif à l'extrême droite chez nous aujourd'hui ?
00:53Tout simplement pour deux raisons.
00:54La première, c'est que quand on a décidé avec mon collègue Benjamin Billard, que je salue s'il nous écoute, de développer ce projet, c'est qu'on était un peu à un moment décisif pour l'histoire de l'extrême droite en Belgique,
01:05puisque quand on a commencé le projet, c'était aux alentours de 2022-2023 et la question qui se posait, c'était de savoir si le Vlas Blanc allait devenir incontournable dans la formation du gouvernement fondement,
01:17notamment en Flandre et au niveau fédéral également, à la suite de ces élections.
01:23Et donc à partir de ce moment-là, c'était un peu un tournant, un moment assez important dans l'histoire de la politique belge.
01:31Et avec mon collègue Benjamin Billard, on a voulu un peu cartographier l'ensemble des savoirs qui avaient été construits et en produire de nouveau sur l'extrême droite en Belgique,
01:43afin de produire un ouvrage qui serait à la fois d'une rigueur scientifique, mais aussi accessible à tout le monde pour que l'ensemble de nos concitoyens puissent s'informer sur ce sujet.
01:53Alors on parle souvent d'un laboratoire belge en matière d'extrême droite. En quoi notre pays constitue, disons, un cas vraiment particulier en Europe ?
02:03La particularité en Belgique, c'est qu'on a deux grandes régions linguistiques et l'extrême droite y connaît un destin contrasté.
02:11Et à ma connaissance, alors bien sûr il y a toujours des disparités géographiques, géoélectorales on va dire, dans différents pays,
02:18mais en Belgique, on a vraiment deux régions où l'extrême droite connaît, on veut dire, des résultats assez différents.
02:25En Flandre, Loveland Svalang, qui est un parti qui a été créé à la fin des années 70, s'est structuré depuis des décennies
02:32et est un des partis politiques principaux de l'échiquier politique en Flandre, tandis qu'en Wallonie, en Belgique francophone plus largement,
02:39on a eu quelques expériences qui ont plus ou moins fonctionné, mais en tout cas qui n'ont pas perduré.
02:44C'est-à-dire qu'à ce stade, on n'a jamais eu de parti qui serait comparable au Loveland Svalang,
02:50qui aurait été capable de s'inscrire dans la durée et d'influencer véritablement le jeu politique en Belgique francophone.
02:57Alors, au fil des contributions, vous interrogez la notion même de l'extrême droite.
03:02Archibald Gustin, comment vous définissez un petit peu aujourd'hui cette extrême droite ?
03:07A-t-elle évolué, disons, au fil du XXIe siècle ?
03:09Si vous voulez, pour synthétiser un peu cette notion d'extrême droite et pour que vos auditeurs puissent se rappeler assez facilement de ce que c'est,
03:17simplement, il y a trois mots. Inégalitarisme, nationalisme et radicalisme.
03:22Le premier, c'est que l'inégalitarisme, l'extrême droite, est essentiellement inégalitaire.
03:26C'est-à-dire qu'elle conçoit le monde, elle se projette dans le monde comme un monde façonné par les inégalités,
03:31qui ne serait pas forcément à déconstruire, ou en tout cas, qu'il ne faudrait pas forcément réduire,
03:36puisque le monde est traversé par des inégalités. Des inégalités raciales, culturelles, ethniques, civilisationnelles.
03:42Donc voilà, on a premièrement cette idée d'inégalité.
03:46Ensuite, le deuxième mot important pour définir l'extrême droite, c'est celui de nationalisme.
03:49Les partis d'extrême droite, en tout cas en Europe occidentale, sont des partis qui insistent fortement sur cette idée de nation à défendre,
03:57à protéger. Et ces nations, comment elle est définie ?
04:00Souvent à travers des critères que je viens de mentionner, c'est-à-dire civilisationnels, culturels, ethniques, voire ratios.
04:07Enfin, il y a cette idée de radicalité politique.
04:10Contrairement à d'autres partis politiques, l'extrême droite, elle met en péril les piliers de nos démocraties libérales,
04:16que ce soit nos libertés, l'état de droit, ou l'ensemble des libertés sur lesquelles nos démocraties contemporaines fonctionnent.
04:24La liberté d'expression, la liberté de presse, etc.
04:27Alors, vous incitez aussi sur qui vote pour ces partis, qu'enseignent les données sociologiques et géographiques sur l'électorat de l'extrême droite en Belgique, en fait.
04:37Je veux un peu aller au-delà des banalités qui consistent à dire que l'extrême droite concerne un électorat plus masculin, moins éduqué et tout ça.
04:45Ce qui est intéressant aussi, c'est de voir quels sont les centres, on va dire, géographiques qui font prospérer l'extrême droite, ou en tout cas où l'extrême droite prospère.
04:52Et ce qu'on remarque dans les études, notamment dans une des contributions qui composent notre ouvrage,
04:58c'est que la géographie électorale, c'est-à-dire le soutien géoélectoral en faveur du Vlas Beling a fortement évolué.
05:06Si vous regardez dans les années 80 et 90, le Vlas Beling connaissait surtout son essor dans le centre urbain qui est inverse.
05:12C'est vraiment le cœur historique du parti.
05:14Maintenant, si on regarde aux dernières élections, et en ce compris les élections de 2024,
05:18on voit que l'électorat du Vlas Beling s'est un peu transféré aux autres périurbaines et rurales.
05:26Qu'est-ce qu'il faut entendre par périurbaines ?
05:28C'est-à-dire, si vous voulez, les régions qui ne sont pas des centres urbains importants, des villes importantes,
05:33mais plutôt qui vont graviter en périphérie de ces villes.
05:36Notamment la région de la Dendre, d'Enderleu par exemple, ou Ninove,
05:41qui sont directement en périphérie de Bruxelles, si vous voulez,
05:48et où le Vlas Beling connaît des résultats importants.
05:50On voit aussi que le Vlas Beling connaît des résultats importants dans les zones plus rurales.
05:55C'est-à-dire qu'ils ont un peu modulé leur discours pour plaire à un électorat qui est plus agricole,
06:00ou en tout cas qui habite dans des contrées un peu plus.
06:04Et justement, sur le plan de la communication politique, votre regard sur ces stratégies clés utilisées par l'extrême droite
06:10pour séduire ou fidéliser leur électorat, vous avez parlé du monde rural notamment.
06:14Voilà, ce qu'on constate avec l'extrême droite, c'est que, vous le savez comme moi,
06:18en Belgique, il y a la prévalence de ce qu'on appelle un cordon sanitaire
06:23qui empêche dans une large mesure les partis d'extrême droite, en tout cas en Belgique francophone, de s'exprimer.
06:29Les partis d'extrême droite, en général, ils sont un peu plus stigmatisés dans les médias,
06:32et donc ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont développé des stratégies de communication
06:36qui passent, pas uniquement, mais beaucoup par les réseaux sociaux.
06:42On peut voir que le Vlazbeling, par exemple, a été un des partis les plus présents,
06:45qui a dépensé aussi le plus d'argent pour les présents sur les réseaux sociaux.
06:48C'est une manière de contourner le biais des médias traditionnels.
06:52Et donc, on peut voir que le Vlazbeling est fortement actif sur des réseaux sociaux comme Facebook, Instagram, TikTok, etc.
06:59Alors, votre ouvrage s'intéresse aussi aux mouvements non-partisans.
07:02Disons, quel rôle jouent justement ces organisations dans la diffusion, je dirais, la normalisation, finalement, des idées d'extrême droite ?
07:10Je ne sais pas si vous vous rappelez, mais en Flandre, on avait eu cet épisode de Skildenvrinden,
07:15un mouvement d'extrême droite qui était dirigé par Trisvalingenov,
07:19qui a été, depuis qu'on allait judiciairement, en fait, ces groupes d'extrême droite-là,
07:24quand bien même il n'évolue pas, même si Trisvalingenov a été assiégé au sein du groupe Vlazbeling,
07:30même s'il n'était pas formellement membre à la Chambre des représentants.
07:34Ces groupes, ils constituent à la fois un vivier en termes de ressources humaines pour les partis,
07:40où ils vont venir piocher, pas forcément au stade des députés, mais des collaborateurs, etc.
07:43Mais aussi, si vous voulez, ils vont façonner une idée d'une société civile,
07:49des organisations non-partisanes d'extrême droite qui vont faire vivre ces idées.
07:53Par exemple, l'organisation des actions contre les migrants,
07:57contre, par exemple, des organisations organisées par des activistes de gauche, etc.
08:05On va dire que c'est le rapport plus concret, plus au terrain,
08:09qui concrétise un peu ces idées d'extrême droite au-delà de la sphère parlementaire,
08:12et souvent médiatique.
08:14Alors, il y a aussi des acteurs qui luttent contre ces courants.
08:17Aujourd'hui, est-ce qu'il y a des leviers plus efficaces que d'autres
08:20pour contrer l'extrême droite en Belgique ?
08:22J'en identifie principalement deux.
08:24Le premier, c'est, je vous en parlais, le cordon sanitaire,
08:27donc à la fois politique et médiatique,
08:28qui empêche la collaboration avec les partis d'extrême droite dans les yeux de pouvoir,
08:34mais aussi dans les médias, qui fait qu'en Belgique francophone,
08:37nous n'avons pas de retransmission directe des propos d'extrême droite.
08:42Et ça, c'est super important. Pourquoi ?
08:43Parce qu'une fois que les discours d'extrême droite se propagent,
08:46on les légitimise, ils deviennent plus audibles, si vous voulez.
08:51Et donc, avoir cette protection-là, cette espèce de repoussoir des idées d'extrême droite,
08:56c'est super important, parce que ça évite qu'ils façonnent nos idées, nos discours publics.
09:02Ensuite, il y a un mouvement qui est extrêmement important dans la lutte contre l'extrême droite,
09:05à la fois historiquement et dans ce qu'on connaît à l'heure actuelle,
09:08c'est les mouvements antifascistes.
09:11Alors, les mouvements antifascistes, il y a eu beaucoup de débats autour d'eux ces derniers temps,
09:15mais les mouvements antifascistes sont cruciaux.
09:17Pourquoi ? Parce qu'ils servent un peu de premier rempart.
09:20Ils sont au fond de la lutte contre l'extrême droite,
09:23en les empêchant de s'exprimer parfois, en les empêchant de tenir des réunions.
09:28Il y a un rapport très concret par rapport à ça,
09:30c'est le fait de ne pas simplement les empêcher parfois de se rassembler en toute sérénité, si vous voulez.
09:34Mais aussi, ils font figure, si vous voulez, de curseurs, d'indicateurs des dangers auxquels nous faisons face.
09:41C'est souvent des gens qui sont extrêmement bien renseignés sur l'activisme d'extrême droite,
09:45comment ils luttent, et qui ont développé, si vous voulez, une expertise en matière de lutte contre l'extrême droite,
09:50qui est fondamentale dans la protection du système démocratique.
09:55Archibald Gustin, avec la montée des tensions identitaires et migratoires,
09:58est-ce que vous diriez que l'extrême droite bénéficie d'un contexte sociopolitique particulièrement favorable en ce moment ?
10:05Alors, j'irais au-delà des simples questions d'attitude électorale,
10:09savoir est-ce que des gens, pour des raisons d'affinité envers des politiques migratoires spécifiques ou non,
10:19auraient une propension à soutenir l'extrême droite,
10:21mais il y a aussi une question de ce qu'on impose à l'agenda.
10:23Si, par exemple, dans les médias, les élites politiques, notamment les présidents de partis, les parlementaires,
10:29les acteurs politiques importants, axent leur campagne, leur communication politique sur des questions
10:34qui sont perçues comme appartement à l'extrême droite, comme celles de l'immigration, par exemple,
10:38vous allez forcément favoriser le vote et le soutien pour l'extrême droite.
10:42Pourquoi ? Parce que si on vous voici la longueur de journée avec des débats sur l'agression migratoire,
10:46si on agite un peu ce spectre du danger de la migration,
10:49simplement on fait un peu le jeu de l'extrême droite,
10:51on l'installe confortablement dans un fauteuil et on fait un peu son jeu.
10:55Par contre, si vous axez le discours public, les débats publics sur d'autres questions
11:00qui ne sont pas forcément identifiables aux politiques d'extrême droite,
11:03alors là, vous la contrez un peu.
11:06Je vous donne un exemple.
11:07Je ne veux pas forcément dire qu'il faut parler d'avoir une position de demande gauche.
11:11Mais par exemple, si vous regardez la stratégie de la NVA aux dernières élections de 2024,
11:14ce qu'ils ont fait, c'est en prenant notamment exemple sur les débats et la campagne électorale néerlandaise,
11:20ils se sont dit, on ne va pas accès, on va essayer d'un peu détourner, contourner ces enjeux-là,
11:25même si on en parle un peu, mais voilà.
11:26Mais on va surtout faire campagne sur les questions financières, sur les questions budgétaires,
11:30et ça permet un peu de ne pas, si vous voulez, que l'extrême droite ne joue pas à domicile.
11:34Voilà, et focaliser l'attention sur les autres aspects.
11:36Voilà, et justement, votre regard à propos des autres parties,
11:40comment ces formations traditionnelles réagissent ?
11:44Il y a le cordon sanitaire, on adapte son discours, ou bien on banalise un petit peu tout cela ?
11:49Ça dépend en fait.
11:50Si vous regardez des parties comme la NVA ou l'EMR,
11:54là on a des parties qui, alors je ne veux pas dire qu'ils sont...
11:57Il y a des débats sur le sujet, mais voilà, je ne veux pas me prononcer là-dessus.
12:00Mais ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a une tentative parfois
12:02d'adopter certaines postures sur sa positionnement,
12:06c'est-à-dire stratégie d'extrême droite.
12:07Pourquoi ? Parce qu'on veut essayer de faire en sorte que l'extrême droite,
12:10soit dans le cas de la NVA, ne grignote pas nos voix,
12:12c'est nos concurrents directs à la droite du spectre politique,
12:15donc voilà, on essaye d'adopter un peu leurs idées et leurs discours pour les contrer,
12:19ou soit de manière préemptive, dans le cas du EMR,
12:22de faire en sorte qu'il n'y ait pas de terreau fertile,
12:25en tout cas d'espace à la droite du EMR.
12:28Alors, c'est des stratégies qui résultent d'un opportunisme politique,
12:35qui sont parfois critiquables, puisque, comme je vous le disais,
12:37si on commence à faire le jeu de l'extrême droite en adoptant ses discours,
12:39on légitime leurs idées, on les normalise.
12:42Et donc là, en fait, on a une stratégie un peu contre-productive
12:45et qui s'est déroulée dans pas mal de pays en Europe,
12:47où en adoptant des discours d'extrême droite,
12:49forcément, on normalise, on favorise leurs discours et leurs rémergences.
12:53Peut-être, avant de nous quitter, une dernière question, si vous le voulez bien.
12:56Que souhaitez-vous que les lecteurs, les chercheurs, les étudiants,
13:00le simple grand public, les auditrices, les auditeurs,
13:03retiennent, finalement, avant tout, de ce livre sur l'extrême droite chez nous ?
13:07Au-delà du livre, si j'avais un message à faire passer,
13:09c'est qu'il n'y a pas de fatalisme.
13:11On n'est pas dans une situation où l'extrême droite
13:13devrait forcément prendre le pouvoir tout ou tard.
13:15C'est un discours qui est un peu latent,
13:18et sur lequel j'aimerais bien, peut-être rassurer,
13:22donner un peu plus de confiance en eux,
13:24à la fois aux élus, peut-être, et à nos éditeurs,
13:26sur le fait qu'ils ont les cartes en main
13:29pour faire des choix qui feront en sorte
13:31que l'extrême droite n'arrivera pas au pouvoir.
13:33Et donc, il y a cette idée qu'il faut un peu dépasser
13:36ce déterminisme selon lequel l'extrême droite,
13:39tout ou tard, parviendra au pouvoir.
13:41Si j'ai quelque chose sur lequel j'ai associé, c'était bon.
13:44Voilà, c'est donc la conclusion d'Archibald Gustin.
13:47Je rappelle que vous êtes maître de conférence
13:49à l'Université de Liège et à l'ULB,
13:51chercheur au CRISP,
13:53co-auteur avec Benjamin Billard
13:55de l'extrême droite en Belgique.
13:56Merci en tout cas pour votre éclairage.
13:58Avec plaisir.
13:59On se retrouve dans quelques instants
14:00pour la dernière ligne droite
14:01de votre carrefour de l'info.
14:02A tout de suite.
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