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00:00Le carrefour de l'info sur Arabelle.
00:30Pour nous en parler, nous recevons Yves Martens, coordinateur du CSE.
00:33Bonjour Yves.
00:34Bonjour.
00:35Alors on va rentrer directement dans le vif du sujet.
00:37Si vous le voulez bien, Yves Martens, est-ce que vous pouvez tout d'abord nous expliquer
00:40ce que dit exactement cette réforme qui sera exclue finalement du chômage à partir de
00:452026 et pourquoi ?
00:47Donc le gouvernement a décidé de limiter dans le temps les allocations de chômage.
00:50On a beaucoup dit que c'était une limitation à deux ans.
00:54C'est en fait à deux ans maximum.
00:56Dorénavant, les règles, ce sera à partir du moment où on a travaillé un an, on aura
00:59droit à un an de chômage et par quatre mois de travail supplémentaire, on aura droit
01:04à un mois de chômage supplémentaire.
01:07Donc une période de quatre mois égale à un mois de chômage en plus des douze mois
01:11initiaux et c'est ça qui fait qu'après avoir travaillé un minimum de cinq ans, on a droit
01:16au maximum de deux ans d'allocation de chômage et qu'on ait travaillé 5, 10, 15, 20, 25
01:22ans, 30 ans, ça restera deux ans maximum d'allocation de chômage.
01:26Donc ça c'est la réforme telle qu'elle va s'appliquer aux nouveaux chômeurs.
01:31Et en attendant, les chômeurs existants, on va leur appliquer sous des modalités que
01:37je vais expliquer, à peu près le même système de limitation dans le temps en tenant compte
01:43de leur situation en juillet de cette année-ci.
01:46Alors vous et le CSE, vous parlez d'un transfert des chômeurs vers les CPS, est-ce que vous
01:50craignez, on s'attend à une vague massive successive d'exclus ?
01:54Oui, c'est clair. Donc en réalité, les chiffres qu'on donne jusqu'ici, on est à
02:00193 904 pour la Belgique, donc quasiment 200 000. Et ça représente en fait beaucoup
02:05plus de personnes, puisque en réalité, il y a presque 300 000 lettres d'avertissement
02:11qui sont envoyés. Et on considère que entre le moment où les personnes reçoivent la lettre
02:18d'avertissement et le moment où la lettre, la fin de droit arrive effectivement, on aurait
02:23toute une série de personnes qui sortiraient du chômage avant ça. Soit parce que bien sûr
02:28elles ont trouvé un emploi, soit parce qu'elles passent à la mutuelle, soit parce qu'elles
02:32partent à l'étranger, elles se retrouvent à la pension, elles décèdent, enfin il y a
02:37plein de situations possibles. Mais en tout cas, nous on craint effectivement que les chiffres
02:43qu'on utilise pour l'instant soient vraiment sous-estimés, parce que penser que 32% des
02:48personnes qui vont recevoir la lettre d'avertissement vont sortir du chômage avant leur fin de droit,
02:53ça paraît très très peu probable. Et comme on a en plus la situation au niveau national,
02:59on est quasiment à 6 chômeurs sur 10 qui sont soit chefs de ménage, soit isolés. Donc
03:05les personnes qui auront le plus de droit, le plus de chances d'avoir le droit à un
03:09revenu d'intégration au CPS. Et à Bruxelles, c'est encore plus, c'est 68% qui ne sont donc
03:16pas cohabitants. Il n'y a que 32% de cohabitants à Bruxelles. Toutes ces personnes-là sont susceptibles
03:22d'avoir droit au CPS. Et donc ça veut dire qu'au lieu que le CPS soit le dernier filet
03:27de protection sociale, on a déchiré le filet précédent, le filet du chômage. Le gouvernement
03:34tranche dans ce filet à la tronçonneuse. Et donc on a plein de gens qui vont tomber
03:40sur le dernier filet. Et d'une manière jamais vue, on aura plus de gens au CPS que de gens
03:46au chômage.
03:47Alors justement, quel sera l'impact concret sur les revenus de ces personnes qui passent
03:51du chômage au CPS ? Et les CPS, est-ce qu'ils peuvent vraiment compenser la perte de ces
03:56allocations ?
03:56Alors déjà, la plupart des cohabitants n'auront pas droit au revenu d'intégration.
04:00Donc s'il y a une compensation, elle se fera sous forme d'aide sociale. Et on sait
04:04par ailleurs aussi que les subsides, notamment, on en a parlé, le fédéral a supprimé, voire
04:12et diminué certains subsides qui permettaient au CPS de donner des aides sociales sans
04:18que ce soit sur fonds propres. Donc là, il y a beaucoup de craintes à avoir. Et pour
04:22les non-cohabitants, donc ceux qui vont avoir droit au revenu d'intégration, ce ne sera
04:27pas une opération indolore non plus. Entre le chômage minimum et le taux isolé au
04:33CPS, il y a une centaine d'euros de différence, environ 100 euros en moins. Mais en plus, et
04:39on aura l'occasion d'y revenir ensuite, le CPS peut prendre en compte et même doit
04:45prendre en compte toute une série de ressources. Donc ce ne sont pas les mêmes règles qu'au
04:49chômage. Et donc toute une série de personnes vont se retrouver concrètement avec beaucoup
04:54moins au niveau allocation que ceux qu'ils avaient jusqu'ici.
04:57Alors Yves Martens, vous dénoncez une casse de la sécurité sociale. En quoi justement
05:01cette réforme remet en cause la solidarité fédérale ?
05:05Il ne faut pas oublier que la sécurité sociale, en fait, c'est le trésor et le
05:09bien des travailleurs. En fait, les travailleurs cotisent sur leur salaire à la sécurité
05:14sociale et ils s'ouvrent des droits à cette sécurité sociale. Donc ici, finalement,
05:19le gouvernement, il fait un hold-up sur des allocations qui viennent des cotisations
05:23des travailleurs. Donc ça fait partie des cotisations de notre salaire. Et c'est un système,
05:30une solidarité qui est fédérale, qui est très efficace. Pour qu'un système soit efficace,
05:36un système de solidarité, il faut qu'il soit le plus large possible. Si vous, dans le cas
05:41des assurances privées, si vous n'assurez contre les inondations que les maisons qui
05:47habitent au bord des rivières, eh bien ça ne va pas être tenable, en fait. Il faut assurer
05:50tout le monde le plus largement possible. Or ici, en fait, qu'est-ce qu'on fait ? On va faire un
05:55transfert de la solidarité fédérale vers les CPS principalement et donc vers les
06:01communes. Et ce sont les communes les plus pauvres qui vont devoir prendre en charge le
06:07plus de personnes exclues. Donc ça, c'est clairement un transfert de la solidarité
06:10vers les communes.
06:12Alors on va aller dans le détail du détail, des mécanismes plus concrets. Certaines
06:15personnes pourront échapper à l'exclusion, par exemple selon leur âge ou leur passé
06:19de carrière. Cela mérite quelques explications.
06:21En effet. Au départ, le gouvernement n'avait prévu d'épargner qu'une seule catégorie.
06:27C'est ce qu'on appelle les RCC, c'est-à-dire le régime de chômage avec complément d'entreprise,
06:32ce que tout le monde appelle encore les prépensions, parce que le nouveau nom qui date de 2012
06:37n'est jamais rentré dans les mœurs. Donc ça, ce sont des personnes qui sont épargnées,
06:42les personnes qui ont une allocation de chômage avec complément d'entreprise, donc
06:46ex-prépension, vont conserver de manière illimitée dans le temps cette allocation.
06:50On se souvient qu'au printemps, les artistes s'étaient mobilisés et ils avaient obtenu
06:55aussi, peut-être que c'est temporaire, parce qu'on sait que certains partis remettent
07:00ça en cause, mais en tout cas, dans les règles actuelles, leur allocation n'est pas limitée
07:05dans le temps. Ensuite, et là, le gouvernement voulait les inclure, il y a les personnes
07:10qui travaillent à temps partiel et qui ont un complément de chômage qu'on appelle
07:14l'allocation de garantie de revenus, AGR. Et ces personnes-là sont des personnes
07:19qui travaillent, donc pourquoi leur supprimer leur complément de chômage ? Donc il y a
07:23eu des discussions et finalement, le gouvernement a décidé de maintenir le complément de
07:27chômage pour les personnes qui travaillent minimum à mi-temps. Et enfin, le Conseil
07:33d'État a sauvé les personnes qui ont une allocation de sauvegarde, c'est-à-dire
07:39des personnes qui ont une allocation sur la base des études et des problèmes d'ordre
07:44médical ou psychiatrique ou psychologique et qui font un trajet vers l'emploi avec
07:50le service social d'Actiris. Ça, ce sont les catégories épargnées, plus une toute
07:55dernière catégorie. C'est les personnes qui, avant le 31 décembre de cette année,
08:00ont repris des études ou une formation pour un métier en pénurie et pour lequel ils ont
08:04obtenu une dispense d'Actiris. Et donc ça, c'est bien pour permettre aux gens de se
08:10former. Le problème, c'est que c'est limité jusqu'au 31 décembre seulement au métier
08:15en pénurie, alors qu'il y a d'autres formations qui sont pertinentes et qu'à partir de
08:19janvier, ça ne sera plus accessible que pour les formations aides-soignantes et infirmières.
08:24Alors, il y a une question que se posent beaucoup de bruxelloises et des bruxellois.
08:29Comment cette réforme va se décliner dans le temps et est-ce qu'il y a, disons,
08:32des vagues d'exclusion finalement ?
08:34Oui. Et comme je l'ai dit tout à l'heure, en fait, c'est appliqué d'une certaine
08:38manière la même logique de limitation dans le temps. Et donc, il y a des gens qui ont
08:42droit dans les nouvelles règles à entre 1 et maximum 2 ans d'allocation de chômage.
08:48Sur ce même principe, on a calculé à quel moment les personnes qui sont au chômage
08:54en juillet 2025, donc en juillet de cette année-ci, c'est à ce moment-là qu'on prend
08:57le repère. Est-ce qu'ils vont encore avoir droit à 1 an, moins qu'un an, ou plus d'un
09:05an d'allocation de chômage ? Au départ, toutes les personnes qui sont au forfait,
09:10donc qui sont au chômage de longue durée, et les personnes qui ont une allocation d'insertion,
09:14donc allocation de chômage sur la base des études, devaient perdre leur droit en
09:18janvier. Puis les CPS ont dit, si on a 100 000 personnes en janvier, on ne va pas
09:23s'en sortir. Et donc, le gouvernement a étalé sur janvier, mars, avril. Donc,
09:28les personnes qui, actuellement, ont une allocation de chômage au forfait, donc en
09:33dernière période d'indemnisation, chômage qui ne bouge plus, et les personnes qui ont
09:37une allocation de chômage sur la base des études vont perdre leur droit en janvier,
09:42en mars ou en avril. Ensuite, en juillet 2026, ce seront les personnes qui étaient en
09:48seconde période d'indemnisation en juillet 25, donc ça correspond à un an de chômage.
09:55Et puis, entre juillet 26 et juillet 27, ce sont toutes les personnes qui, en juillet
09:5925, étaient en première période d'indemnisation, donc qui étaient au chômage depuis moins d'un
10:04an. Et ces personnes-là vont avoir droit entre un an et deux ans d'adéquation de chômage
10:09en fonction de la période où ils ont travaillé avant. Donc, par exemple, les personnes qui
10:13ont travaillé au moins cinq ans, comme là, dans les nouvelles règles, c'est deux ans
10:18de droit au chômage, eh bien, si elles étaient dans cette situation-là en juillet 25, elles
10:24perdront leurs droits en juillet 27.
10:26Alors, on reste avec nous, on marque une courte pause, on se retrouve dans quelques instants
10:30pour parler notamment aussi du rôle des CPS. A tout de suite.
10:33Carrefour de l'Info sur Arabelle.
10:36Et on retrouve notre invité Yves Martens du CSE pour parler donc aujourd'hui de l'exclusion
10:43du chômage de l'année prochaine. Pardon Yves, quel rôle auront finalement les CPS dans
10:50les prochains mois ? Est-ce que finalement, ils seront prêts à absorber tout ce nombre
10:54de personnes en fin de droit ?
10:56Ça ne nous semble absolument pas possible. Sans détériorer la qualité, à la fois pour
11:03les nouvelles personnes qui devront s'adresser aux CPS et pour celles qui y sont déjà.
11:09Les CPS ont dit, bah, ils n'étaient pas pour cette mesure, mais que si cette mesure
11:14était prise, il fallait compenser financièrement. La compensation qui était prévue au départ
11:20par le fédéral, elle était très très mince. 5% de revenus d'intégration remboursés
11:25en plus. Finalement, les CPS ont obtenu plus. Mais tout le monde s'accorde à dire que
11:31ça ne sera pas suffisant parce que ce n'est pas qu'une question d'argent, c'est aussi
11:35une question d'organisation, c'est aussi une question de locaux. Il y a déjà plusieurs
11:39CPS à Bruxelles qui ont dû ouvrir des locaux, trouver des locaux supplémentaires.
11:45Rien que ça, c'est souvent 100 000 euros par an de loyer. Ce sont des coûts vraiment
11:51gigantesques qui s'ajoutent. Le fait de devoir trouver du personnel, en plus un personnel qui
11:57est souvent en pénurie, notamment pour les AS, mais pas seulement. Donc les AS et les
12:01assistants sociaux. Donc il y a toute une série d'éléments qui font que, même si le
12:07financement complémentaire apporté par le fédéral est plus important que ce qui avait
12:11été dit initialement, il ne sera certainement pas suffisant. Et humainement, ça va être
12:17vraiment très très compliqué également.
12:19Alors l'aide sociale, le revenu d'intégration repose sur une enquête sociale. Est-ce que
12:24c'est un obstacle majeur pour beaucoup de chômeurs ? Et on parlait en off tout à l'heure
12:28pour les cohabitants et ces nouvelles conditions.
12:30Oui, donc alors effectivement, les cohabitants, à priori, la plupart n'auront pas droit.
12:37Mais par ailleurs, l'enquête sociale, c'est quelque chose qui est extrêmement intrusif
12:42et auquel les chômeurs ne sont pas habitués du tout. Finalement, au chômage, ils ont l'attention
12:48que les chômeurs ont des contrôles réguliers. Il ne faut pas faire croire, comme on le
12:52dit souvent, que c'est la belle vie d'être au chômage. Et d'ailleurs, c'est une caractéristique
12:58spéciale de cette réforme. Jusqu'ici, on avait des réformes qui excluaient des chômeurs
13:03parce qu'ils avaient, on considérait qu'ils n'avaient pas fait d'efforts de recherche
13:08d'emploi suffisants. Ou alors, on avait déjà limité dans le temps les allocations
13:11d'insertion, donc en 2012, donc les personnes qui ont des chômages sur la base des études.
13:17Mais ici, ce ne sont vraiment que des personnes qui, par ailleurs, remplissent toutes leurs
13:22obligations par rapport au chômage. Mais ces obligations ne sont pas du même ordre
13:25que celles qu'on a au CPS. Et le fait de devoir déballer sa vie privée, de donner des tas
13:32d'informations sur sa vie privée, ça risque d'être très difficilement vécu par beaucoup
13:36de chômeurs. Ainsi que, par exemple, les exigences d'extrait de comptes, le fait de prendre
13:42en compte les ressources des gens de la famille, et aussi de la visite à domicile. Ça non plus,
13:51les chômeurs ne sont pas du tout habitués à ça.
13:53Alors, il y a un autre aspect, le poids social de cette réforme. Yves Martin, c'est-ce qu'il
13:58y a, disons, des catégories plus fragiles et particulièrement affectées ?
14:02Voilà. Donc, on a dit qu'il y avait les cohabitants, les personnes qui cohabitent
14:08avec leurs conjoints. Ces personnes-là, a priori, n'auront pas droit, puisque le
14:13CPS est obligé de prendre en compte les ressources du conjoint. Mais comme on en a
14:17parlé tout à l'heure, effectivement, avant l'émission, on a entendu en début de
14:21semaine que la ministre de l'intégration sociale, Madame Van Bossert, de la NVA, veut
14:26élargir la notion de cohabitants, dont on prend les ressources en compte. Actuellement,
14:33c'est obligatoire pour le conjoint et c'est facultatif pour les ascendants et descendants
14:37premier degré, c'est-à-dire les parents et les enfants. Et ici, elle veut supprimer
14:42les degrés. Elle veut prendre, en fait, tous les débiteurs d'aliments au sens du
14:47code civil. Ça veut dire les grands-parents, les petits-enfants, mais aussi, oui, bien
14:54sûr, les majeurs, mais aussi les beaux-parents et les beaux-enfants. Et donc, ça veut dire
14:59que dans certains ménages où on est en famille réunie, on risque d'avoir, effectivement,
15:08des catastrophes avec des pertes de revenus importantes. Or, en fait, on fait croire que
15:14les gens se mettent ensemble dans des petits logements pour avoir beaucoup d'allocations.
15:19Mais en fait, la plupart du temps, la raison pour laquelle les gens font ça, c'est à cause
15:24de la crise du logement, en particulier dans des grandes villes comme Bruxelles. On sait
15:28qu'il y a beaucoup de difficultés à trouver des logements, que les logements sont chers
15:32et donc, effectivement, que des gens se mettent ensemble dans des logements. La ministre
15:36a parlé de personnes qui pouvaient gagner jusqu'à 10 000 euros d'allocations. Ça voudrait
15:42dire 12 personnes qui ont un revenu d'intégration auto-cohabitant. Alors, il n'y a quand même
15:49pas beaucoup de gens qui vivent à 12 dans un logement. Et s'ils vivent à 12, ça doit
15:55être dans des conditions vraiment difficiles.
15:57Alors, justement, Yves Martin, c'est ce que vous créez dans ces situations, une stigmatisation
16:01des chômeurs exclus. Et comment vous voyez, d'une manière plus philosophique, la dimension
16:05politique ou idéologique de cette réforme, finalement ?
16:08C'est clair qu'il y a un narratif qui a été utilisé où le ministre et d'autres
16:15membres du gouvernement ont régulièrement parlé de faire carrière au chômage, qu'on
16:20ne pouvait plus faire carrière au chômage. Et donc, on a, sur la base de ce narratif-là,
16:26on a réussi, ils ont réussi à gagner une partie de l'opinion publique qui se dit « Ah
16:31bah oui, c'est quand même pas normal qu'il y ait des gens depuis 20 ans au chômage ». Quand
16:35on dit des gens qui sont depuis 20 ans au chômage, ce ne sont pas des personnes qui,
16:41depuis il y a 20 ans, sont au chômage. Ce sont des personnes âgées, généralement,
16:47qui, dans toute leur carrière, ont touché l'équivalent de 20 années d'allocation de
16:51chômage. Ce n'est pas la même chose, évidemment. Ça peut être des personnes qui ont 60 ans
16:56aujourd'hui, qui ont travaillé 20 ans et qui ont eu 20 ans de chômage. Et alternativement,
17:01ça peut être des périodes de 5 ans de chômage, de 5 ans de travail, etc. Et donc, pour vous
17:06dire, on dit que les personnes qui vont perdre leur droit en janvier, c'est 22 000 personnes
17:12qui sont au chômage depuis 20 ans. En réalité, 58% de ces personnes ont moins de 35 ans. La
17:21plus grosse partie de ces personnes a moins de 25 ans. Alors, est-ce que des moins de 25 ans
17:26peuvent être depuis 20 ans au chômage ? Non, évidemment. C'est parce qu'il y a, dans
17:30ce nombre de personnes qui vont perdre leur droit en janvier, comme je l'ai dit au début,
17:35des personnes qui sont allocateurs d'insertion, donc qui ont le chômage sur la base des études.
17:39Donc, le narratif qui a été utilisé pour stigmatiser les chômeurs, c'est de faire croire
17:43que c'est des gens qui sont là à ne rien faire. Alors qu'en réalité, ce sont des
17:49personnes qui sont victimes du manque d'emploi et victimes, souvent, d'exigences très
17:55fortes des employeurs par rapport aux personnes qui peuvent avoir droit au chômage.
18:01Et on l'a vu, on l'a compris, un mécanisme particulièrement complexe. Yves Martens,
18:04quel message on pourrait adresser, ou vous pouvez adresser, aux chômeurs qui vont
18:08recevoir une lettre de fin de droit ? Et qu'est-ce qu'ils peuvent finalement faire ?
18:13Alors, très important de bien s'informer. Les syndicats organisent des séances d'information
18:17à destination de leurs affiliés. Il ne faut pas hésiter à y aller et à poser ces
18:23questions. Aussi, demander des renseignements dans des associations, dans des mutuelles,
18:29dans les maisons médicales, dans les missions locales. Tous ces acteurs sont en train de
18:34se préparer et essayent de diffuser des informations par rapport à la réforme. Il faut savoir que
18:41des personnes qui ont des problèmes de santé pourraient se retrouver en situation d'incapacité
18:47de travail et faire une demande à la mutuelle. Il ne faut pas hésiter à parler avec son médecin
18:51quand on a des soucis de santé. Je ne parle pas d'inventer des soucis de santé.
18:55Mais les personnes qui ont des soucis de santé ne doivent pas hésiter à s'adresser à
18:59leur médecin et puis à la mutuelle pour essayer d'y avoir droit. Le passage à la pension,
19:04ça malheureusement pour l'instant, comme les mesures pension ne sont pas encore déterminées
19:08par le gouvernement, s'est un peu bloqué. Et on avait dit que les plus de 55 ans seraient
19:13épargnés. Il y a très peu qui seront épargnés. Il y a 6% des Bruxellois de plus de 55 ans
19:18qui vont être épargnés par la réforme du chômage. Et donc effectivement, on peut
19:24aussi trouver un emploi à temps plein, sachant qu'on pourra conserver l'allocation de garantie
19:28de revenus, donc le complément de chômage. Et sinon, la piste, effectivement, c'est le
19:33CPS. Et c'est important de se préparer au CPS.
19:36Voilà. Je vous interromps, Yves Martin. On se retrouve juste après une petite pause
19:40pour la troisième et dernière partie de notre entretien. A tout de suite.
19:48Et c'est notre dernière ligne droite de notre entretien avec Yves Martens.
19:56Alors justement, comment s'adresser au CPS et comment les CPS peuvent aider ces personnes ?
20:02Donc, il faut s'adresser au CPS de la commune où on réside, pas nécessairement celle où on
20:07est domicilié. Bon, la plupart des gens sont domiciliés à l'endroit où ils résident,
20:12mais au cas où, c'est bien la règle de la résidence qui compte. On peut aller bien sûr
20:17sur place, c'est le plus courant. À ce moment-là, très important, on doit recevoir un accusé
20:22de réception qui fixe la preuve de la demande et la date de début d'aide. Par ailleurs,
20:29on reçoit en général un document qui liste tous les documents qu'on doit apporter lors
20:37du rendez-vous avec la S. Et généralement, on fixe aussi le rendez-vous avec la S à ce
20:41moment-là. On peut éventuellement le faire par lettres aussi, par mail. Et puis, il existe
20:46depuis peu une possibilité qui s'appelle CPS Online, qui est de faire une demande au CPS
20:52directement par Internet pour les personnes qui sont à l'aise avec l'outil Internet,
20:56qui ont XMI ou un lecteur de carte d'identité pour s'identifier. L'avantage quand on fait
21:02ça, c'est qu'on peut le faire n'importe quand, y compris en dehors des heures d'ouverture
21:06du CPS. Et en plus, ça génère automatiquement un accusé de réception qui est envoyé par
21:11e-mail. Donc ça, c'est un certain avantage qu'il y a. Le CPS doit répondre normalement
21:18dans les 30 jours. Donc c'est assez rapide. Il ne faut pas traîner à donner les documents.
21:23Il est très important d'être transparent avec le CPS parce que le CPS a accès à
21:29beaucoup d'informations. Et parfois, les gens ont peur de dire des choses. Il ne faut
21:33pas. Il faut vraiment dire les choses franchement parce que le CPS, même s'il ne le sait pas
21:38tout de suite, finira par la prendre. Et après, c'est des sanctions et c'est encore pire.
21:44Il faut aussi enlever des mythes. Souvent, il y a des personnes qui pensent que si elles ont
21:50une voiture, elles n'auront pas droit, que si elles ont de l'épargne, elles n'auront
21:53pas droit, que si elles sont propriétaires, elles n'auront pas droit. Tout ça, c'est
21:57faux. La voiture, c'est totalement faux. Pour l'épargne, le fait d'être propriétaire,
22:02le CPS va calculer un revenu fictif sur cette base-là qui va être déduite du revenu d'intégration.
22:09Donc ce n'est pas un dolor, mais il est rarissime que quelqu'un qui est propriétaire ou qui
22:15a une épargne n'est pas un droit minimum au CPS via le revenu d'intégration. Donc si
22:22jamais il y a des soucis, que ça ne se passe pas bien, qu'il y a un refus, ne pas hésiter
22:27à demander une audition et à se faire accompagner à cette audition par des travailleurs sociaux
22:34d'associations qui sont disponibles pour le faire. Ainsi que si jamais ça ne fonctionne
22:40toujours pas, faire un recours devant le tribunal du travail. Je précise qu'on a mis
22:45en place au niveau du collectif Solidarité contre l'exclusion une boutique du droit à
22:49l'aide sociale. On a développé un site internet avec toutes des fiches infos pratiques sur
22:54comment faire pour s'adresser au CPS. Donc les personnes qui sont à l'aise avec internet
23:00peuvent aussi consulter ce site pour se renseigner.
23:03Alors le CSE appelle aussi à la mobilisation. Yves Martens, quelles actions concrètes sont
23:09sur les planches ? Qu'est-ce que vous proposez ?
23:11Alors avec une série d'autres associations, on a déjà organisé plusieurs actions. Il
23:16faut bien reconnaître que c'était des actions principalement avant la décision qui a été
23:23avant l'adoption de la loi, que ça a eu un petit peu décomédiatique mais que malheureusement
23:28ça n'a pas eu beaucoup d'effet. Il faut se dire aussi qu'une fois qu'on aura les premiers
23:34résultats tangibles de ces exclusions. C'est triste à dire mais parfois c'est plus
23:40facile de faire des actions quand il y a des personnes concernées et qu'on peut montrer
23:43effectivement ce qu'il en est. Mais par ailleurs, il y a aussi un élément important, c'est
23:49qu'il y a un recours juridique qui a été mis en place.
23:53Alors justement le CSE prévoit des actions en justice ?
23:56Alors en fait il y a déjà une requête en annulation de la loi programme et une demande
24:04en suspension qui a été déposée devant la Cour constitutionnelle. Début décembre,
24:11la Cour constitutionnelle tiendra l'audience et donc on peut espérer qu'elle prenne une
24:15décision avant la fin janvier. Si d'ici la fin janvier elle suspend la loi, elle pourrait
24:22donc ne pas s'appliquer puisque les personnes qui vont perdre leur droit début janvier,
24:26les faits concrets n'arriveront que fin janvier quand ils doivent recevoir leur allocation
24:30de chômage. Donc on a bon espoir par rapport à ça et ensuite en fonction de ce qui sera
24:36effectivement décidé par la Cour constitutionnelle, on pourra voir s'il y a d'autres actions à
24:42faire au niveau justice. Mais comme c'est une loi, c'est d'abord devant la Cour constitutionnelle
24:46qu'il faut plaider. Et donc les trois syndicats en front commun, plus toute une série
24:54d'associations, des réseaux de lutte contre la pauvreté, la Ligue des familles, la Ligue
24:59des droits humains, Solidaris, plusieurs actions, plusieurs associations féministes et nous au
25:05niveau du collectif Solidarité contre l'exclusion, on s'est alliés pour faire ce recours.
25:09Alors une dernière question avant de nous quitter, on va faire un peu de prospective et des alternatives
25:13possibles. Comment selon vous réformer l'assurance chômage sans exclure des milliers de personnes ?
25:18C'est possible ?
25:19Mais oui bien sûr. Donc en fait il faut rappeler d'abord que le chômage c'est un tout petit budget
25:24dans la sécurité sociale. C'est le plus petit budget parmi les allocations de sécurité sociale.
25:29C'est bien sûr beaucoup moins que les pensions, c'est moins que les allocations d'incapacité
25:33de travail et d'invalidité. Donc financièrement ce n'est pas un problème. Mais effectivement
25:39être au chômage longtemps, ce n'est pas quelque chose d'agréable. Il faut aider les personnes
25:44à sortir du chômage. Mais pour ça il faut leur permettre l'accès à des formations et à des
25:50formations qualitatives qui leur permettent d'acquérir des compétences pour avoir plus de
25:56chances sur le marché de l'emploi. Et puis il faut créer de l'emploi, y compris de l'emploi
26:00public, y compris en soutenant les associations, le secteur non marchand. Et pour ça on peut aussi
26:06avoir évidemment une mesure positive qui serait une mesure de partage du temps de travail.
26:12Il y a beaucoup d'emplois, il y a des gens qui sont surchargés de travail et il y en a
26:17d'autres à qui on refuse de l'emploi. Ce qu'il faudrait faire aussi en particulier
26:20dans une ville comme Bruxelles, on a un problème à Bruxelles particulier, c'est que on a dans
26:28les chômeurs beaucoup de gens qui officiellement ne sont pas qualifiés. Souvent parce qu'ils ont
26:34obtenu un diplôme dans un autre pays et qu'il n'est pas reconnu ici, le problème
26:40des équivalences, ou alors qu'ils ont suivi des formations ici, mais c'est des formations
26:44qui sont pratiques mais qui ne leur donnent pas un titre et qu'encore beaucoup trop d'employeurs
26:50se basent sur les diplômes plutôt que sur la volonté de travailler, l'enthousiasme,
26:55la motivation. Et donc ça, ça fait que la situation est extrêmement compliquée. On voit
27:00tous les jours des gens qui nous disent on est désespérés, on envoie des candidatures
27:04et des candidatures et des candidatures. On nous dit qu'on a de l'emploi, qu'il y a
27:07de l'emploi, mais c'est jamais pour nous, on ne nous engage jamais. Et donc le partage
27:14du temps de travail, une responsabilisation des employeurs et une meilleure prise en compte
27:21des formations et des formations accessibles, ce sont des éléments qui sont importants pour
27:26sortir positivement du chômage. Voilà, merci Yves Martens pour toutes ces explications
27:31et pour vos analyses. Merci d'avoir été avec nous. Merci pour l'invitation. Avec plaisir.
27:35On se retrouve dans quelques instants pour la deuxième partie de votre Café pour de la Faux.
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