- il y a 1 jour
Il est un artiste d'un autre temps. Il privilégie les oeuvres qui traversent les siècles aux créations qui épousent les tendances. Ce n'est pas un hasard si l'un de ses plus grands succès reste la mise en scène de Tartuffe de Molière, pièce dans laquelle il interprétait également un rôle aux côtés de Michel Bouquet. Acteur, metteur en scène de théâtre et d'opéra, il a fait de sa marginalité une véritable marque de fabrique. Fort de son succès, il réalise avec exubérance les projets qui lui tiennent à coeur. Aujourd'hui, il est à l'affiche du film L'inconnu de la grande arche et de la pièce La Jalousie au théâtre de La Michodière. La culture doit-elle se plier aux codes de son époque ? Le public contemporain est-il toujours friand des classiques ? Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit Michel Fau dans l'émission Un monde, un regard. Année de Production :
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00:22Enfants
00:24terribles du théâtre, électrons
00:26libres du cinéma, sale gosse
00:28face à l'institution. Il le dit lui-même,
00:30notre invité n'est pas du tout adapté
00:32à la société du 21ème
00:34siècle. Il ne l'est pas plus à son
00:36monde à lui, celui du spectacle, dans lequel
00:38il évolue pourtant depuis toujours
00:40avec succès. Il est un marginal
00:42et ça lui va. Comédien
00:44et metteur en scène comme on l'était avant.
00:46Anticonformiste, saletin banque,
00:48surtout pas à la mode.
00:50Il aime et revendique la folie
00:52de l'artiste avec un grand A.
00:54Une folie douce et même un côté peu fréquentable.
00:56Tout ce qui fait de lui en être à part,
00:58capable de créer, de nous transporter
01:00dans des univers et des émotions méconnues,
01:02extravagantes, hors des clous.
01:04Je suis un acteur lyrique
01:06qui poétise et réinvente
01:08la vie, dit-il.
01:10Et même s'il ne répond pas au code actuel,
01:12même s'il est clivant, politiquement incorrect
01:14aux yeux de certains critiques ou théâtreux,
01:16ses pièces, ses rôles, ses créations
01:18font sale comble. Même avec
01:20des costumes d'époque, des œuvres classiques
01:22et des alexandrins, il remplit
01:24les salles de spectacle.
01:26Dans des styles et pour des publics très divers
01:28et il y tient.
01:30Est-ce qu'au fond, ce n'est pas lui qui a tout compris à nos attentes ?
01:32Est-ce que le public ne vient pas justement
01:34chercher au théâtre ce qu'il ne trouve pas
01:36ou plus dans la vie ?
01:38De l'incorrect, du déraisonnable,
01:40de l'indicible, de l'immoral ou amoral peut-être ?
01:42Posons-lui toutes ces questions.
01:44Bienvenue dans un monde, un regard.
01:46Bienvenue à vous, Michel Faux.
01:48Merci d'avoir accepté notre invitation ici au Sénat.
01:50Comédien, metteur en scène de théâtre et d'opéra,
01:52vous ne cessez de créer et de jouer.
01:54Aujourd'hui, vous êtes à l'affiche du film
01:56L'inconnu de la Grande Arche, mais aussi et surtout
01:58La Jalousie, actuellement au théâtre
02:00de la Michaudière à Paris.
02:02On va en parler.
02:04Vous faites et vous dites ce que les décideurs
02:06et les institutions rechignent à faire,
02:08argant du fait que ça ne marcherait pas
02:10ou que ça ennuierait un public,
02:12mais avec vous, ça marche.
02:14Comment l'expliquez-vous ?
02:15Est-ce que vous avez l'impression
02:16d'avoir compris les attentes du public, justement ?
02:18En tout cas, je les imagine
02:20et je me pose des questions là-dessus.
02:22Moi, ça me bouleverse
02:24quand je vois des salles pleines,
02:26les gens qui sortent de chez eux pour aller au théâtre
02:28ou à l'opéra, ou même au cinéma.
02:30Ça me touche beaucoup parce que maintenant,
02:32les gens n'ont aucune raison de sortir,
02:34avec Internet qui est un puissant fond.
02:37Donc, c'est très, très émouvant.
02:39Il y a encore des gens qui ont envie de voir
02:41des vrais acteurs pour de vrai sur scène,
02:43de la chair pour de vrai.
02:45Ça vous épatte de continuer de faire venir des gens
02:47avec effectivement des costumes d'époque,
02:49des alexandrins, du vieux français ?
02:52Ça vous surprend de voir que le public adhère,
02:54continue d'adhérer ?
02:55Oui, bien sûr.
02:56Mais je pense que le public n'est pas aussi bête
02:58qu'on veut bien nous le faire croire.
03:00Donc, ils ont aussi envie de voir des choses belles.
03:02C'est pour ça qu'il y a beaucoup de monde
03:03dans les musées ou dans les expositions,
03:05ou même à l'opéra.
03:06Je pense que les gens sont curieux.
03:09Et puis, je pense aussi que les gens ont envie de rêver.
03:12C'est pour ça qu'il y a plein de séries à la télévision
03:14qui se passent dans des temps reculés.
03:16C'est vrai.
03:18Des séries anglaises ou des séries américaines.
03:20Donc, je pense que même les jeunes,
03:22ils ont envie de rêver.
03:24C'est pour ça qu'ils ont envie de rêver, oui.
03:25Prenons Molière, par exemple.
03:26Lorsqu'on vous demande
03:27pourquoi Molière continue de plaire autant,
03:29vous répondez,
03:30Molière parle de nous.
03:31Ça n'a pas vieilli.
03:32Il y a aussi la beauté du style,
03:33le fait qu'il mélange le grotesque et le tragique.
03:35Molière et ses auteurs,
03:37qu'on pourrait considérer parfois comme désuets,
03:39ont encore de beaux jours devant eux, d'après vous ?
03:42Moi, je crois.
03:44Peut-être pas toujours pour les bonnes raisons,
03:46parce que parfois, on veut que ce soit culturel,
03:48le style patrimoine, etc.
03:49Mais moi, je pense que ça dit des choses sur l'humain
03:52qui n'ont pas changé, qui sont audacieuses.
03:54Et puis après, il y a un style.
03:56C'est comme quand on écoute Mozart ou Wagner.
03:58C'est de la musique ancienne, mais ça nous touche.
04:01Qu'est-ce que vous pensez des metteurs en scène
04:03qui adaptent un peu les pièces anciennes au goût du jour,
04:06avec des dialogues d'aujourd'hui ?
04:09Moi, je suis très tolérant.
04:11Moi, je trouve que c'est bien
04:12qu'il y ait différentes formes de théâtre.
04:13Après, je trouve que cette idée de moderniser les vieux textes,
04:16c'est un vieux débat qui date des années 60.
04:18On faisait ça dans les années 60.
04:20Donc, je trouve ça un petit peu académique, en fait.
04:22Ça vous dérange ?
04:24Ça ne me dérange pas.
04:25Rien ne me dérange pas.
04:26Mais je trouve ça un petit peu attendu.
04:28Ça ne surprend plus personne.
04:29À une époque, ça a surpris, évidemment,
04:31quand on a joué Molière en Costard-Cravate.
04:33Mais maintenant...
04:34Vous, vous ne le feriez pas ?
04:35Je ne le ferai pas aujourd'hui,
04:37parce que ça a déjà été fait.
04:38Je me pose des questions.
04:40Et si on rêvait autour du XVIIe siècle,
04:43ou du XIXe siècle, ou du XXe siècle ?
04:45Mais assumer l'ancien comme ça,
04:47est-ce que vous pensez que ça peut marcher
04:48avec la génération TikTok et Instagram ?
04:50Celle qui a tendance à zapper une vidéo au bout de 5 minutes...
04:52Au bout de...
04:53Quelles 5 minutes ?
04:544 secondes, si elle l'ennuie.
04:55Moi, je crois, parce que je sais que mes spectacles
04:57soient toujours très rythmés,
04:58et pas du tout installés,
04:59et pas ennuyeux.
05:00Et puis, les jeunes,
05:02ils regardent les séries de Tim Burton,
05:03et les séries de Tim Burton,
05:04elles sont très poétiques et très artificielles,
05:09même, très sophistiquées, on va dire.
05:10Donc, je crois...
05:11Non, non.
05:12Moi, je sais que j'ai monté un opéra de Wagner
05:13l'année dernière à Toulouse,
05:14le vaisseau fantôme,
05:15et on avait fait venir des jeunes à la Générale,
05:17et ils ont adoré,
05:18parce qu'il y avait des histoires de...
05:19Il y avait un décor magnifique avec des bateaux,
05:21il y avait des zombies qui sortaient de l'eau, etc.
05:24Ils ont adoré.
05:25C'était très adapté.
05:26Sur le chemin que doit emprunter la jeunesse
05:28pour aller vers l'art,
05:29vous dites quelque chose que j'ai trouvé très beau,
05:31il faudrait permettre à la nouvelle génération
05:33d'être troublée par des œuvres qu'elle ne comprend pas.
05:37Est-ce que vous avez l'impression
05:38qu'on a peur de ce qu'on ne comprend pas,
05:40que la nouvelle génération pourrait avoir peur
05:42d'être troublée ?
05:43C'est ce qu'on leur a appris,
05:44mais vous savez,
05:45ça, c'est à la du 18ème siècle,
05:46on a voulu tout éclairer,
05:47le siècle des Lumières,
05:48et on voit le résultat aujourd'hui,
05:50on a tout éclairé,
05:51on aurait peut-être dû étonner la lumière,
05:53mais laissé un clair-obscur.
05:56Mais oui,
05:57je crois qu'on veut tout expliquer, tout justifier.
05:59Moi, je sais que quand j'étais très jeune,
06:01j'allais voir les films de Fellini
06:02ou les spectacles de Pinabox,
06:03je ne comprenais rien,
06:04mais ça me fascinait.
06:05Même il y a des chansons,
06:06je me souviens de Catherine Ranger,
06:07je ne comprenais pas de quoi ça parlait,
06:09mais ça me fascinait.
06:10Donc on peut être fasciné par quelque chose
06:11qu'on ne comprend pas, oui.
06:12– Vous avez mis à être troublé, même.
06:13– Bien sûr, toujours.
06:15– J'ai un document à vous proposer,
06:16je vais le mettre entre vos mains,
06:18c'est une archive,
06:19ça fait partie des rituels de cette émission.
06:21Est-ce que vous reconnaissez cet homme d'abord ?
06:23– Oui.
06:24– Alors, je vais le dire pour les gens qui nous écoutent,
06:25il s'agit de Tristan Zahra,
06:27qui est né Samuel Rosenstock,
06:29écrivain, poète en langue française et roumaine,
06:32et il est surtout connu pour être l'un des fondateurs
06:34du mouvement dada,
06:36né dans les années 20 à Zurich.
06:38Le dadaïsme et les années 20,
06:39c'est précisément l'époque et le courant
06:40dans lequel vous vous reconnaissez,
06:42vous le dites,
06:43un courant justement qui est contre le goût du jour,
06:46contre la mode, contre les conventions esthétiques,
06:49les injonctions idéologiques,
06:50c'est une époque qui avait de la gueule ?
06:52– Ah oui, l'entre-deux-guerres,
06:53c'est une époque formidable en musique,
06:54en peinture, en théâtre, en cinéma aussi,
06:58c'est une époque formidable.
06:59Je ne sais pas pourquoi,
07:00après la Première Guerre mondiale,
07:01il y a eu une audace
07:03qu'il n'y a pas eu après la Deuxième Guerre mondiale,
07:05je ne sais pas comment,
07:06ça doit s'expliquer historiquement,
07:07parce que la Première Guerre mondiale
07:09était très violente aussi,
07:10mais il y avait vraiment une audace
07:12et en même temps une élégance,
07:13regardez comme il est élégant ce monsieur,
07:15donc oui, il y avait un dandisme
07:19et en même temps une audace,
07:22et puis l'idée d'aller contre
07:25de façon très, comme des enfants en fait,
07:28mais ça a donné le surréalisme,
07:30alors que les dadaïstes ne voulaient surtout pas être un mouvement,
07:33mais ils sont devenus un mouvement.
07:35C'est ça aussi l'idée,
07:36c'est de ne pas être un mouvement,
07:37de ne pas être classé,
07:39de ne pas être catégorisé.
07:40Si on vous disait à vous un jour que vous êtes à la mode,
07:42que vous êtes tendance,
07:43que vous êtes au goût du jour,
07:44ce serait une insulte ?
07:45– Je crois que là, c'est trop tard maintenant,
07:46je suis quand même plus,
07:47je ne suis plus tout jeune,
07:48donc là,
07:49si ça avait dû arriver,
07:50ça aurait déjà été fait,
07:51non, non.
07:52Vous savez, moi j'ai fait un long chemin de croix
07:54avant d'arriver à faire ce que je voulais faire,
07:56donc…
07:57et c'est assez sain d'avancer doucement,
07:59de petit à petit…
08:00– Chemin de croix, c'est un mot fort ?
08:01– C'est un mot fort ?
08:02C'est une expression fort ?
08:03– Ah oui, oui, j'ai vraiment…
08:04j'ai été très très malheureux,
08:05très très très désespéré,
08:06et puis petit à petit,
08:07j'ai commencé à imposer mon…
08:08Alors maintenant,
08:09je suis un peu stacanoviste,
08:10parce que j'ai besoin de rattraper le temps perdu.
08:13– Ce 21ème siècle,
08:14j'ai l'impression qu'il ne vous plaît pas beaucoup,
08:16vous dites que vous êtes frappé,
08:17je vous cite,
08:18par la médiocrité artistique de l'époque,
08:20c'est sévère quand même.
08:21– Je suis vraiment insupportable.
08:23– Mais vous le pensez vraiment ?
08:24– Prétentieux.
08:25Non mais vous savez,
08:26j'avais du mal quand j'étais petit dans les années 80,
08:28donc j'avais du mal dans les années 2000,
08:31donc j'ai toujours eu du mal avec la société,
08:33avec le… voilà, je suis un petit peu…
08:35mais donc j'ai du mal,
08:37mais en même temps,
08:38c'est compliqué,
08:39parce que je veux…
08:40je fais vraiment ce que j'ai envie de faire,
08:42j'espère que ça durera,
08:43et puis…
08:44et en même temps,
08:45je suis un peu marginal,
08:49et en même temps,
08:50je le revendique,
08:51alors après je me plains d'être…
08:53alors il faut savoir ce que je veux quoi.
08:54– Vous êtes dans le paradoxe.
08:55– Paradoxe.
08:56Vous dites, je fais du théâtre
08:57parce que je n'arrive pas à vivre dans cette société,
08:59cette société me fait peur,
09:00elle est aseptisée.
09:01Ce côté raisonnable
09:02a contaminé le milieu du théâtre, dites-vous.
09:04Si les artistes deviennent raisonnables,
09:06ce ne sont plus des artistes.
09:08– Quelle prétention.
09:09– Mais pas du tout,
09:10c'est intéressant,
09:11ça veut dire que pour vous,
09:12un artiste doit être dérangeant ?
09:14– En tout cas,
09:15pas raisonnable, oui.
09:16Le raisonnable,
09:17alors ça c'est quelque chose que je fuis,
09:20mais tous les grands auteurs,
09:22tous les grands acteurs,
09:24tous les grands cinéastes,
09:25ce sont des gens déraisonnables,
09:26à mon avis,
09:27mais ça n'engage que moi.
09:29Et puis peut-être que…
09:30Alors souvent,
09:31quand je tiens ce discours-là,
09:32on me dit,
09:33oui mais t'es un vieux con,
09:34c'est le monde d'aujourd'hui,
09:35toi tu parles du monde d'avant.
09:37Mais non, parce que j'étais mal
09:38dans le monde d'avant aussi,
09:39donc je ne pense pas que ce soit une histoire de…
09:41de…
09:42mais en effet,
09:43moi j'aime…
09:44j'aime les choses intrigantes,
09:46dérangeantes.
09:47– Qui correspond à cette définition aujourd'hui ?
09:49Selon vous,
09:50qui est un artiste avec un grand A,
09:51c'est-à-dire déraisonnable,
09:52comme vous l'aimez justement,
09:54ce côté un peu à l'ancienne,
09:55comme je disais en présentation d'ailleurs,
09:56saletimbanque,
09:57hors des clous,
09:58pas à la mode,
09:59qui correspond à ça ?
10:00Qui incarne ça aujourd'hui ?
10:01– Ben…
10:02je ne sais pas,
10:03mais il y a des acteurs,
10:04mais c'est des acteurs d'une autre génération,
10:07mais il y a des acteurs justement,
10:09comme Fabrice Luchini,
10:11ou Isabelle Huppert,
10:12ou Fanny Ardant,
10:13et c'est des gens,
10:14ou François Berléans,
10:15c'est des gens qui sont très très amoureux
10:17de l'art et du théâtre,
10:19parce qu'ils pourraient faire des films,
10:20ils restaient chez eux,
10:21et ils continuent à faire des spectacles audacieux,
10:24ce que fait Luchini,
10:25ou là j'ai vu un spectacle
10:27qu'a joué Isabelle Huppert,
10:28c'est très très culotté
10:29de faire des choses pareilles.
10:31Donc…
10:32et ça a rempli les salles,
10:34les gens sont fascinés par ça.
10:36– Vous aimez les prises de risques en fait.
10:38– Et je trouve que dans la génération,
10:39déjà dans ma génération c'était pas terrible,
10:40mais dans la génération après moi,
10:42les gens sont beaucoup moins concernés
10:44par la beauté de la langue,
10:46par l'audace.
10:49– Vous êtes d'ailleurs assez critique
10:50avec les acteurs d'aujourd'hui,
10:51avec l'institution en général,
10:53vous avez démissionné du conservatoire,
10:54vous étiez professeur avec ses reproches,
10:57et là aussi je vous cite,
10:58« Les jeunes acteurs n'y abordent plus les grands textes,
11:00ils font des impros,
11:01de l'écriture de plateaux,
11:02ils travaillent avec des micros,
11:03même à la comédie française ils ne savent plus dire
11:05un alexandrin,
11:06ils pensent que ce n'est pas important. »
11:08– Vous confondez, c'est pas moi qui ai dit ça.
11:10– Alors pourquoi est-ce si important
11:12de savoir dire un alexandrin ?
11:13Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui
11:14un acteur doit savoir le faire ?
11:15– Parce que c'est sublime,
11:16moi vous savez j'ai pas fait d'études,
11:17j'ai pas le bac,
11:18je suis comme Émile Zola et Gérard Depardieu,
11:20j'ai pas le bac,
11:21mais je fais pas ça parce que c'est culturel,
11:23je fais ça parce que c'est sublime,
11:25c'est tout,
11:26je dis qu'il faut aller voir des opéras,
11:27il faut écouter Wagner
11:28ou aller voir des films de Visconti
11:31parce que c'est bouleversant,
11:32parce que ça peut changer une vie,
11:33et la beauté de la langue française,
11:36elle est sublime,
11:38elle est unique,
11:39donc c'est pour ça que je trouve ça dommage
11:41qu'au Conservatoire ou à la Comédie française,
11:42qui sont des lieux, des institutions
11:44qui à la base ont été inventées
11:45pour défendre justement
11:47ce jeu,
11:49cet art de dire,
11:51que ça n'existe plus quoi.
11:52en plus les gens ils aiment beaucoup,
11:54un de mes plus gros succès c'est le Tartuffe de Molière,
11:57alors c'était avec Michel Bouquet,
11:59mais c'était une pièce en Alexandra
12:01avec des costumes baroques de Christian Lacroix.
12:02– Et vous savez qu'on continue de les apprendre
12:04au collège et au lycée quand même,
12:05l'institution en tout cas,
12:06le ministère de l'éducation,
12:07les profs font le job vraiment.
12:08– Bien sûr,
12:09mais c'est comme si on disait
12:10il ne faut plus écouter Mozart,
12:11il ne faut plus écouter Wagner,
12:12il ne faut plus avoir de fauteuil Louis XV
12:14parce que ce n'est pas le monde d'aujourd'hui.
12:16Mais au contraire,
12:17je pense qu'on doit être influencé par la beauté
12:20et justement ces œuvres qui sont belles,
12:22elles traversent le temps,
12:23elles sont intemporelles en fait.
12:24C'est pour ça qu'on écoute toujours Richard Strauss
12:26ou enfin en tout cas…
12:28– Parce que vous êtes un passionné de musique classique,
12:29il faut le dire,
12:30vous n'écoutez que cela d'ailleurs.
12:31– Oui, je suis tout petit,
12:32mais parce que ça m'a sauvé la vie
12:36de lire des livres et d'écouter de la musique.
12:38– Parlons de la pièce dans laquelle
12:39vous jouez en ce moment
12:40et que vous avez mise en scène
12:41au théâtre de la Michaudière,
12:43« La Jalousie » de Sacha Guitry,
12:45une pièce qui dit là aussi
12:47des choses très audacieuses sur l'être humain,
12:49l'audace c'est décidément ce que vous aimez,
12:52elle est très audacieuse cette pièce.
12:53– Oui mais j'aime l'audace
12:54quand elle est raffinée et élégante aussi.
12:56– Et bien écrite.
12:57– Ça qui me plaît chez Guitry,
12:58c'est qu'il dit des choses,
12:59c'est une pièce de jeunesse,
13:00il a 30 ans quand il l'écrit,
13:01elle date de 1915 et les gens rient toujours
13:04sur ce texte aujourd'hui.
13:05Et donc pourquoi s'en priver ?
13:07Et elle dit des choses assez culottées
13:11pour son âge et pour l'époque,
13:13mais de façon très raffinée,
13:14très sophistiquée
13:15et avec beaucoup d'humour évidemment.
13:17– Qu'est-ce qu'elle dit au fond ?
13:19– Elle parle de l'ambiguïté des sentiments,
13:22elle parle de la jalousie
13:24qui est pour moi une maladie,
13:26c'est pas bien d'être jaloux,
13:27il ne faut pas être jaloux,
13:28moi je ne suis pas quelqu'un de jaloux.
13:29– D'ailleurs c'est destructeur,
13:30on s'en rend compte dans la pièce.
13:31– Oui, bien sûr, ça rend fou,
13:33elle parle de la séduction,
13:34elle parle de plein de sentiments humains
13:36qui eux sont intemporels.
13:37– Et du mensonge aussi.
13:38– Du mensonge aussi.
13:39– Du mensonge, oui, ça parle même de la…
13:41À un moment donné, il dit qu'il va aller voir
13:43quelqu'un pour en parler,
13:44parce que c'est le début de la psychanalyse,
13:45en 1915.
13:46Enfin, c'est la mode de la psychanalyse.
13:48Donc, non, non, elle parle de choses très profondes,
13:51mais de façon raffinée.
13:53– Oui, fine et très humoristique.
13:55On dit que le théâtre de Guitry est misogyne,
13:57je dirais plutôt qu'il est misanthrope, dites-vous.
13:59Est-ce qu'un Sacha Guitry aurait pu écrire
14:01ce qu'il a écrit aujourd'hui ?
14:03Parce que vous pensez que l'époque laisse…
14:05– C'est particulier, Guitry,
14:06parce qu'il n'a jamais été…
14:08Il a toujours été joué,
14:09même dans les années 70, dans les années 80.
14:11Il a toujours été joué,
14:12même après la guerre où il avait eu des ennuis, etc.
14:15Et on ressort ses films maintenant,
14:17ses films sont très, très, très estimés par…
14:19– Ah, c'est intéressant.
14:20Donc, il serait à la mode encore aujourd'hui, finalement.
14:21– Oui, oui, c'est comme un texte,
14:22c'est comme un auteur classique, en fait.
14:24Donc, après, là, c'est une pièce de jeunesse,
14:28donc il n'est pas encore trop…
14:30un petit peu, mais sur les bons mots, sur les femmes,
14:33mais il donne une peinture des hommes qui est redoutable.
14:35Les hommes sont égoïstes, égocentrés,
14:37pervers narcissiques, enfin…
14:39Non, mais c'est pour ça que ça n'a pas changé,
14:41ça n'est pas démoné.
14:42Donc, les hommes s'en prennent plein la figure aussi.
14:44– Pas forcément misogyne.
14:45Il y a une particularité dans cette pièce,
14:47c'est que, donc, vous êtes l'acteur,
14:48l'acteur principal,
14:49et aussi le metteur en scène.
14:50C'est relativement rare comme configuration.
14:53Pourquoi ?
14:54Quand est-ce que ça s'est arrêté ?
14:55Et qu'est-ce que ça apporte à l'un et l'autre rôle ?
14:58Qu'est-ce que ça apporte d'être à la fois acteur et metteur en scène d'une pièce ?
15:01– Au tout début, il n'y avait pas de metteur en scène,
15:02après, c'était l'auteur qui faisait la mise en scène,
15:04et puis après, il y a eu des acteurs qui étaient metteurs en scène,
15:06il y a eu des générations entières de…
15:08– Mais ça s'est arrêté dans les années 80, en fait, non ?
15:10– Peut-être un petit peu après, je dirais,
15:12parce que même plus proche de nous,
15:14Daniel Mesguich ou Antoine Vitesse,
15:16ou Jérôme Deschamps ou même Patrice Chéreau ou Roger Planchon,
15:19ils jouaient et mettaient en scène ou Alfredo Arias.
15:21Donc, je crois que c'est…
15:24Mais c'est en train de revenir, j'ai l'impression,
15:26il y a de nouveau des metteurs en scène acteurs,
15:28mais parce que c'est très important de…
15:30Je suis là tous les soirs sur le bateau,
15:32comme un chef d'orchestre,
15:33et donc, du coup, le spectacle ne se décale pas,
15:37ne s'abîme pas.
15:38Parce que parfois, quand j'ai mis en scène des spectacles,
15:40puis après, je suis parti, puis je suis revenu,
15:41j'ai vu le spectacle qui avait changé.
15:44– Ça permet de contrôler un peu les choses, en fait,
15:46de rester mettre à bord.
15:47– Oui, parce que quand on joue au spectacle,
15:48en plus, s'il est drôle et s'il y a du monde dans la salle,
15:50ça peut vite déraper ou s'abîmer ou se décaler.
15:54Donc, je le fais à l'opéra parce qu'on ne joue pas longtemps
15:56et puis je suis incapable de chanter comme les vrais chanteurs,
15:59mais au théâtre, j'essaie de…
16:01et puis ça se passe très très bien,
16:02et puis on se dit des choses tous les jours, c'est très sain.
16:05Et puis, ma prétention de mettre en scène est calmée tout de suite
16:08parce que je dois aller faire le pitre avec les autres.
16:10– Pour comprendre qui vous êtes aujourd'hui,
16:12il faut revenir quelques années plus tôt, à Agen,
16:14où vous grandissez dans une famille de quatre enfants.
16:17Mon père était horlogé, ma mère élevait ses quatre enfants,
16:19en bourgeoise qui se respecte.
16:21Elle avait un abonnement au théâtre et à l'Opéra de Bordeaux.
16:23Pour mes cinq ans, elle m'a offert des marionnettes.
16:26Elle n'aurait jamais dû.
16:27Jusqu'à dix ans, j'ai été passionnée par les marionnettes.
16:30Peut-être qu'au fond, elle avait compris avant vous
16:33que c'était fait pour vous, le monde de l'imagination, justement.
16:36– Je ne sais pas, en tout cas. – Le monde de la fantaisie.
16:38– Elle a été, elle est toujours, parce qu'elle est toujours là.
16:41Elle est formidable avec moi depuis le début.
16:44Il ne faut pas trop que j'en parle parce que je vais pleurer,
16:46mais vraiment, c'est une…
16:48Alors, avec tous les inconvénients que ça peut entraîner,
16:50puisque j'ai été très très gâté, traité vraiment comme…
16:53comme une princesse, j'allais dire, entre guillemets.
16:56– Comme un prince. – Vraiment, comme une merveille.
17:01Alors, ça a ses avantages et ses inconvénients, mais vraiment,
17:04elle m'a amené voir l'opéra, le cinéma, le théâtre, et puis tous les styles.
17:08Et c'est pour ça que je n'avais pas d'œillère, je n'avais pas d'idées préconçues.
17:12– Mais votre amour pour l'art vient d'elle, alors ?
17:14Ça vient d'elle directement ?
17:16– Oui, alors après, je ne sais pas, parce que je ne suis pas psychologue,
17:19mais je ne sais pas, après, ce qui est inventé, ce qui est naturel.
17:24Mais en tout cas, elle a vu que ça me plaisait, donc elle m'a initié à tout ça.
17:29– Vous pensez qu'elle aurait aimé être une artiste ?
17:31Ou qu'elle est une artiste qui n'a peut-être pas pu, puisqu'elle était mère au foyer ?
17:34– Elle avait fait du théâtre amateur, parce qu'à l'époque, on en faisait beaucoup.
17:37Et puis elle aimait ça, elle aimait ça, et puis elle était contente que ça me plaise,
17:41parce que je pense que mes frères aînés, ça leur plaisait moins.
17:44– C'est avec vous qu'elle a trouvé ça.
17:46Vous étiez un enfant solitaire, vous dites vous-même, très timide, très coincé,
17:50je vivais dans ma chambre avec mes livres.
17:52Comment oser, quand on est coincé, comme vous le dites,
17:55s'inscrire au conservatoire et faire du théâtre ?
17:57Quand on est timide, comme vous le décrivez ?
17:59– Souvent, les acteurs sont des grands timides, c'est un cliché, mais c'est vrai.
18:03Peut-être pour trouver un échappatoire, peut-être.
18:08– Non, mais il faut oser, quand même, quand on est enfermé dans sa chambre avec ses bouquins.
18:11– C'est très curieux.
18:12– Faire la démarche de s'inscrire.
18:13– Je suis beaucoup plus audacieux sur scène que dans la vie.
18:16Dans la vie, je suis assez sinistre, d'ailleurs.
18:19– Vous n'avez pas l'air.
18:21– Je fais des choses, oui, oui, qui me…
18:23Peut-être que je suis plus vrai sur scène que dans la vie, je ne sais pas.
18:27C'est quelque chose de très curieux.
18:29Je n'ai plus du tout aucune pudeur sur la scène, oui.
18:32J'ose faire des choses…
18:34C'est pour ça que j'ai fait des choses très différentes.
18:36Je vais passer pour quelqu'un de super vaniteux, mais je le pense.
18:40J'ai fait des choses vraiment très différentes parce que…
18:42Oui, c'est très curieux, mais c'est assez classique, ça.
18:45– Et votre déclic, ça a été quoi pour choisir cette voie ?
18:48J'ai vu que vous aviez été fasciné par l'acteur Jean Le Poulain
18:51dans Le Bourgeois Gentilhomme.
18:52C'est ce moment-là qui est peut-être fondateur ?
18:54– Oui, il était venu en tournée à jouer à Agen.
18:56Et je me souviens que ma mère et une amie à elle
18:59avaient trouvé qu'il en faisait beaucoup trop,
19:00que ce n'était pas bien du tout.
19:01Et moi, j'avais trouvé ça super.
19:02– Qu'il en fasse trop, ça vous plaisait justement ?
19:04– Ça me plaisait, c'était comme un grand clown, Jean Le Poulain.
19:06C'était vraiment très extravagant, le jeu.
19:08Et puis après, j'avais vu Jacqueline Maillard aussi,
19:10qui m'avait fasciné parce qu'elle jouait face publique.
19:13Et moi, j'adore ça, quand on joue face publique,
19:14c'est comme un gros plan de cinéma.
19:15Et souvent, je demande à mes acteurs de jouer face publique.
19:18Je trouve ça très, très beau.
19:19Vraiment d'avouer qu'on est au théâtre, quoi, en fait.
19:23– De l'assumer complètement, d'être dans un face-à-face,
19:25un vrai face-à-face avec le public.
19:26Et vous le faites d'ailleurs.
19:27À la lueur de celui que vous êtes aujourd'hui,
19:29quel conseil donneriez-vous au petit garçon que vous étiez ?
19:31Qu'est-ce que vous lui diriez avant qu'il ne se lance dans la vie ?
19:33– C'est horrible cette question.
19:34– C'est une question rituelle, vous n'y couperiez pas.
19:36– Je suis totalement passéiste et nostalgique,
19:39donc je suis pétri de regrets.
19:42– Ah bon ?
19:43– Oui, c'est horrible, horrible, horrible.
19:45Et je dirais au jeune homme que j'étais,
19:48mais d'abord, tu n'es pas aussi moche que tu le penses,
19:51parce que je ne m'aimais pas du tout,
19:52je ne me trouvais pas très joli, etc.
19:54Tu n'es pas si moche que ça.
19:56Et puis, tu es quelqu'un qui a un talent fou.
19:59Enfin, je n'étais vraiment pas sûr de moi.
20:01J'ai perdu beaucoup de temps.
20:02Je regrette vraiment.
20:03Mais en même temps, c'est compliqué, vous savez,
20:05parce qu'il ne faut pas renier son destin tragique.
20:07Je vois trop d'acteurs maintenant
20:08qui renient leur destin en disant
20:09« Oui, on m'a fait ça, j'ai fait ça, ça m'a traumatisé… »
20:13Mais c'est ce qu'on est.
20:14Évidemment, la vie est rude et la vie est tragique.
20:17Et il y a des obstacles comme ça.
20:19Et donc, ce que je suis aujourd'hui,
20:21ce que je fais artistiquement,
20:22c'est le résultat de ces années de doute et de désespoir.
20:27Mais j'étais vraiment… Je me sous-estimais.
20:29– Vous dévalorisiez.
20:30– Vous dévalorisiez.
20:31– Oui, c'est ça.
20:32Et donc, j'ai perdu beaucoup de temps, en fait.
20:34– Et aujourd'hui, vous êtes fier de vous.
20:35– Je suis hyper fier de moi.
20:37Non, non, mais aujourd'hui, j'aime la vie,
20:39puis je fais ce que j'ai envie de faire.
20:41Donc, pour l'instant, ça va très bien.
20:43– Depuis Agin, vous rêviez d'aller faire du théâtre à Paris.
20:47Mais lorsque vous arrivez dans la capitale, vous êtes très déçus et vous confiez ceci.
20:52Je me suis rendu compte qu'il fallait choisir son théâtre.
20:54Et j'ai compris que le théâtre que j'avais envie de faire n'existait pas,
20:56qu'il fallait que je me l'invente.
20:58Ça a été la grande désillusion en arrivant et en côtoyant ce milieu ?
21:01– Moi, j'étais très inconscient.
21:03Je me suis dit, je vais aller à Paris, je vais faire le conservatoire.
21:05Après, je rentrerai à la comédie française,
21:07parce que j'adorais la comédie française à l'époque.
21:09J'y allais tout le temps.
21:11Et puis, en fait, ça ne s'est pas du tout passé comme ça.
21:13J'ai déchanté au conservatoire et puis après, le conservatoire.
21:17Après, j'ai eu la chance de rencontrer Olivier Pie,
21:19qui était un poète à l'époque et qui m'a écrit des rôles magnifiques.
21:23Mais j'étais reconnu dans un cercle très fermé parisien de théâtreux.
21:28J'étais un petit peu reconnu.
21:31Mais moi, ce que je voulais faire, ça a été mes spectacles.
21:34– Le théâtre parisien vous a déçu ?
21:36Ça a été un moment de…
21:37– Non, mais je me suis rendu compte,
21:38mais ça, je crois que c'est vrai pour tous les artistes,
21:40c'est qu'il fallait que j'assume qui j'étais artistiquement
21:44et ce que j'étais était différent.
21:46– J'ai des photos à vous proposer.
21:50Ça fait partie des rituels de cette émission que vous connaissez.
21:54La première, la voici.
21:56Alors, il s'agit d'Alain Souchon, l'un de nos plus grands chanteurs,
22:00compositeurs, auteurs.
22:01Récemment, il a déclaré ceci.
22:03« Je ne crois pas que les Français soient assez cons
22:05pour élire quelqu'un du Front National pour diriger ».
22:08Il l'a dit au micro de RTL.
22:10Le chanteur dit « ne pas croire à l'arrivée du RN au pouvoir ».
22:13Je crois que vous avez du mal avec ces artistes
22:15qui prennent des positions politiques.
22:16Vous considérez que ce n'est pas leur rôle ?
22:18– Moi, je m'intéresse à la politique, mais elle m'effraie vraiment.
22:20Ça me fait très très peur.
22:21Et je trouve que l'époque actuelle, les politiques ne me font pas tellement rêver.
22:26Moi, je suis né à l'époque de Pompidou.
22:28Pompidou, il avait écrit l'anthologie de la poésie française,
22:32c'était sur ma table de nuit quand j'étais petit.
22:34Donc, les hommes politiques étaient quand même à l'époque cultivés…
22:39Charles de Gaulle allait écouter du Claudel au théâtre, etc.
22:42Je trouve que maintenant, que ce soit à droite comme à gauche…
22:45Et puis, moi, je suis dadaïste, donc je ne suis pas politisé.
22:49Je ne crois pas ni à la droite ni à la gauche.
22:52Après, Alain Souchon, moi, je n'écoute pas cette musique-là.
22:55– Alain Souchon ou d'autres, mais ces artistes qui prennent position ?
22:58– Non, mais ce qui m'embête…
23:00Je n'aime pas les donneurs de leçons, en fait.
23:02Et souvent, ce sont des gens privilégiés,
23:04parce que je pense qu'Alain Souchon est richissime.
23:06Il a une vie très, très agréable.
23:08Donc, de traiter les gens de cons, je ne trouve pas ça très sympathique.
23:15Mais voilà.
23:16Moi, vraiment, comme je ne prends pas de position,
23:19on me dit « mais tu es un réac ».
23:21Non, pas du tout.
23:22Je n'ai pas non plus envie de voter pour la droite aujourd'hui.
23:25– Une deuxième photo qui va vous parler, j'imagine.
23:29Il s'agit de François Mitterrand,
23:31de la visite du chantier de la Grande Arche de la Défense, en octobre 1988.
23:36Vous le reconnaissez, puisque vous l'incarnez dans « L'inconnu de la Grande Arche »,
23:39un film écrit et réalisé par Stéphane Demoustier.
23:41Pour le coup, là, vous jouez tout en sobriété,
23:43parce que Mitterrand, c'était quand même un président peu enclin
23:45au débordement d'affection.
23:48Il vous a plu, ce rôle ?
23:49– En fait, c'est le réalisateur Stéphane Demoustier,
23:52avec qui j'avais déjà tourné, et j'étais très flatté qu'il me demande.
23:56Et on était d'accord pour faire une évocation et pas du tout une imitation.
24:00– D'accord.
24:01– Parce que je n'aime pas les biopiques,
24:03mettre du latex en fond entier,
24:05puis regarder des vidéos en boucle pour l'imiter.
24:07Pour moi, ce n'est pas de l'art.
24:09– Ah oui ?
24:10– Non, non, parce que c'est de l'imitation, en fait.
24:12À ce moment-là, il faut aller au théâtre des deux ânes
24:15voir les paroliers, les chansonniers plutôt.
24:19Mais ce qui me plaisait, c'était de représenter le pouvoir,
24:24parce que c'est l'histoire de la vanité de l'artiste face à la vanité du pouvoir.
24:27C'est ça qui est beau, le film est très très beau,
24:29l'acteur principal qui joue l'architecte.
24:31– Mais c'est intéressant, parce que là, vous êtes dans la sobriété,
24:33alors que vous revendiquez au théâtre l'extravagance et les…
24:36– Moi, j'aime les extrêmes, donc j'aime la neige et le feu,
24:39donc j'aime les choses très secrètes et j'aime les choses très obscènes.
24:42J'aime l'excès, en fait, dans un sens comme dans l'autre.
24:45– Ah oui, d'accord. – Donc là, c'est…
24:46– Vous n'aimez pas la demi-teinte ?
24:49– Non, le temps pastel, non, c'est pas…
24:51– Une dernière…
24:52– C'est un très beau film.
24:53– Oui, très beau film.
24:54Une dernière photo, un autre président, Emmanuel Macron,
24:57accompagné de sa femme, grands amateurs de théâtre tous les deux,
25:01c'est même comme ça qu'ils se sont rencontrés, avant d'être président,
25:03je crois qu'il venait vous voir très régulièrement au théâtre
25:05et que même vous échangez sur les œuvres jouées avec lui.
25:08Il continue de venir vous voir ou c'est définitivement plus compliqué ?
25:11– Il y a longtemps qu'il n'est pas venu là,
25:13parce qu'il était un petit peu occupé, mais oui, oui, il vient régulièrement, oui.
25:18Mais moi, je suis très respectueux de…
25:20quand les politiques viennent, se déplacent pour venir nous voir,
25:24parce qu'il n'y en a pas beaucoup d'abord qui font ça,
25:26et je suis toujours très très poli parce que…
25:29et donc du coup, on avait beaucoup parlé,
25:31et puis quand on parle avec Emmanuel et Brigitte Macron,
25:35on parle de théâtre, ou alors ils rient aux blagues que je peux dire,
25:40mais on ne parle jamais de politique, il sait très bien ce que je pense.
25:43– Ah oui ?
25:44– Il sait que je n'y crois pas trop, à toutes ces histoires.
25:47– Oui, vous avez même un problème avec le pouvoir,
25:49vous ne comprenez pas qu'on cherche le pouvoir, c'est quelque chose qui vous…
25:51On vous a proposé dix fois de diriger des théâtres par exemple,
25:53mais c'est une position que vous n'aimez pas.
25:55– Heureusement qu'il y a des gens qui aiment ça,
25:56parce qu'autrement je ne sais pas comment on gère…
25:58Vous savez, la société elle est cruelle,
26:01on a inventé des lois pour essayer de survivre ensemble,
26:05donc voilà, mais après ces lois, parfois elles changent.
26:10– J'ai une dernière question qui est en lien avec le décor qui nous entoure,
26:13Michel Faux, nous sommes entourés de quatre statuts
26:15qui représentent chacune une vertu,
26:17il y a la sagesse, la prudence, la justice et l'éloquence.
26:21Peut-être y avez-vous déjà réfléchi puisque vous connaissez l'émission,
26:23quelle est la…
26:24– Et vous à votre avis je vais dire quoi ?
26:26– Sagesse, prudence, justice, éloquence, moi je dirais éloquence.
26:29– Evidemment.
26:30– Je vous connais bien.
26:31– Déjà ce mot est magnifique, l'éloquence.
26:33Avant il y avait des cours d'éloquence, vous savez,
26:35mais concernant maintenant il n'y en a plus.
26:36Parce que c'est l'art de bien parler, non ?
26:38Ça veut dire ça ?
26:39– Oui.
26:40– Mais la sagesse, je la fuis évidemment.
26:42– Vous savez c'était…
26:43– J'aurais pas dit la sagesse.
26:44– Victor Hugo qui disait
26:45« Sagesse, modération, médiocrité, les trois conditions du bonheur ».
26:50Voilà ce qu'il disait.
26:51– Eh ben voilà.
26:52Le bonheur ne m'intéresse pas, moi je cherche la joie et la grâce.
26:56– Et on s'arrêtera là-dessus.
26:57Merci infiniment en tout cas d'avoir été notre invité
26:59dans cette belle émission.
27:00Merci à vous et merci à vous de nous avoir suivis
27:02comme chaque semaine.
27:03Émission à retrouver en replay et en podcast.
27:05à très vite, merci.
27:06– Sous-titrage ST' 501
27:15– Sous-titrage ST' 501
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