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  • il y a 22 heures

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00:00Europe 1 Soir, 19h21, Pierre de Villeneuve.
00:04Autour de la table, Jean-Michel Salvator.
00:06Bonsoir Jean-Michel.
00:07Bonsoir Pierre.
00:08Chroniqueur politique, communicant.
00:09Bonsoir Victor Hérault.
00:10Bonsoir Pierre.
00:11Journaliste politique à Valeurs Actuelles.
00:13Bonsoir Christian Saint-Etienne.
00:14Bonsoir.
00:14Merci d'être avec nous, économiste, analyse politique,
00:16professeur mérite à la chaire d'économie, industrie,
00:18le conservateur national des arts et métiers.
00:21Christian Saint-Etienne, on vous invite périodiquement,
00:24un peu comme un baromètre.
00:25C'est une grande chance pour nous de vous avoir encore ce soir.
00:28pour savoir où on en est dans cette adoption du budget
00:32qui traîne, qui ressemble soit à un vaudeville,
00:34soit à un mauvais thriller.
00:36Où finalement, petit à petit, on augmente les amendements.
00:45Puis finalement, tout est annulé quand ça arrive au Sénat.
00:47Puis il y a finalement trois options pour le gouvernement
00:50si jamais il n'y a pas de budget au 31 décembre prochain.
00:53Il y a le 49-3, même si le Premier ministre s'est engagé à ne pas le faire.
00:57Mais rien ne l'empêche constitutionnellement de le faire.
00:59Il y a les ordonnances.
01:01Il y a une loi spéciale qui reviendrait à avoir le même budget pour cette année,
01:04sachant que le budget de cette année, c'est déjà celui de l'an dernier.
01:07Comment est-ce que vous voyez tout ça, Christian Saint-Etienne ?
01:09Alors, il y a quelque chose d'intéressant aujourd'hui,
01:13même indépendamment de ce qu'on pense du personnage.
01:17C'est quand François Hollande dit qu'il ne faut pas renoncer au 49-3.
01:21Je pense que c'est très important.
01:24Il se souvient probablement qu'il a été président de la République
01:27et que la France a besoin d'un budget.
01:29Donc, il est aujourd'hui député socialiste.
01:33On peut supposer qu'il peut emmener quelques voix socialistes autour de lui.
01:38Alors, le point fondamental, c'est que procéder à l'élection,
01:43enfin, au fait de faire passer le budget par une loi spéciale,
01:49ça serait catastrophique. Pourquoi ?
01:51Parce que, même si on peut critiquer indéfiniment le budget,
01:55il y a des mesures qui sont utiles,
01:57notamment l'augmentation du budget de la défense de 6,7 milliards,
02:00qui passerait à l'as.
02:02La France a déjà pris beaucoup de retard
02:05dans la reconstitution de ses capacités militaires.
02:09Qu'on soit de gauche ou de droite,
02:10ça n'a aucune importance dans ce contexte.
02:13Si on est français et qu'on aime la France, il faut que ça passe.
02:16Sinon, il y a un risque pour la nation,
02:19dans un contexte extrêmement complexe.
02:22Je ne pense pas seulement, d'ailleurs, à la Russie,
02:27je pense aussi à l'Allemagne.
02:28Alors, on est aveugle, aujourd'hui, en France,
02:31sur ce que fait l'Allemagne.
02:32L'Allemagne s'est donnée pour objectif
02:35de redevenir, en dehors du nucléaire,
02:37mais elle a tous les moyens, un jour,
02:39de redevenir une puissance nucléaire.
02:40L'Allemagne s'est donnée pour objectif
02:42de devenir la première puissance militaire d'Europe.
02:45C'est un objectif qui avait déjà été fixé par Scholz
02:48dans une conférence qu'il avait donnée en septembre 2023
02:54devant l'école de formation des officiers allemands.
02:58Et cet objectif est repris par Merz.
03:00Donc, l'Allemagne va dépenser massivement
03:03sur le plan militaire.
03:06Mais l'Allemagne s'est en train,
03:09en ce moment même,
03:11dans le cadre de la négociation du budget de l'ESA
03:14pour les trois prochaines années,
03:17de mettre la France de côté.
03:19L'Allemagne veut également devenir
03:21la première puissance spatiale de l'Europe.
03:26Donc, l'Allemagne...
03:27Vous voulez dire que l'Allemagne, c'est que ma gueule ?
03:29C'est-à-dire que c'est un partenaire européen ?
03:30On dit souvent, d'ailleurs, qu'il y a un couple franco-allemand ?
03:34Oui, qui n'existe...
03:35Alors, vous savez que ce couple n'existe qu'en France.
03:37L'expression n'existe pas en Allemagne.
03:39Non.
03:39Donc, tout est à sens unique, en fait.
03:43Et la France se contraint...
03:44Mais alors, pourquoi est-ce qu'on se rattache à l'Allemagne ?
03:45En disant, regardez...
03:46La moitié des économistes,
03:48mais des chefs d'entreprise,
03:49certains économistes aussi le disent,
03:51en disant, regardez l'Allemagne, regardez l'Allemagne,
03:53regardez l'Allemagne.
03:53On doit se faire comme eux.
03:54Oui.
03:55Alors, je pense que sur la reconstitution de nos capacités industrielles,
04:00on aurait intérêt à suivre et à émuler l'Allemagne.
04:04Mais sur les questions de politique macroéconomique
04:11et macro-géopolitique,
04:14je pense qu'il faut faire attention.
04:16Pourquoi ?
04:17D'abord, nous payons aujourd'hui, il faut le dire,
04:20parce qu'on est tous submergés d'informations.
04:25Et pour ceux qui ont plus de 18 ans,
04:29ça fait 20 ans qu'on nous dit que tout va bien.
04:32Mais en fait, quand la France se désindustrialise,
04:36quand elle accumule les déficits,
04:38la conséquence, c'est qu'il y a une dizaine d'années,
04:40le leadership politique en Europe est passé à l'Allemagne.
04:44Alors, la France a beaucoup de défauts.
04:45Il faut toujours rappeler que c'est elle qui a construit l'Europe.
04:48C'est d'ailleurs admirable ce qui s'est passé en 1950,
04:51de tendre la main à l'Allemagne nazie,
04:54qui était sortie du nazisme,
04:56mais qui avait quand même...
04:59Il y a eu une clarification.
05:00...qui portait l'héritage.
05:02Mais ensuite, la France a exercé
05:05une sorte de leadership stratégique en Europe.
05:08Alors, ce qu'on appelait le modèle franco-allemand,
05:10c'est que l'Allemagne revoyait nos propositions.
05:14Alors, les propositions françaises étaient parfois fumeuses,
05:17parfois à long terme.
05:19Donc, les Allemands, comme avec une BMW,
05:22démontaient la voiture.
05:24Et une fois qu'ils l'avaient remontée
05:25et que les Allemands disaient
05:27la proposition française est bonne,
05:29à ce moment-là, il n'y avait aucune raison
05:30que les Italiens, les Espagnols et les autres disent non.
05:32Donc, c'était ça le moteur franco-allemand.
05:35Mais aujourd'hui, la France est épuisée,
05:36elle ne propose plus rien,
05:38elle est rabougrie sur elle-même,
05:40elle doute de sa propre identité.
05:42Les Allemands ont pris le leadership en Europe il y a dix ans.
05:47Donc, on peut considérer que de 1960 à 2015,
05:50la France a exercé une sorte de leadership moral et stratégique.
05:55Et comme je le disais, on a beaucoup de défauts,
05:57mais on a des quelques qualités,
05:59outre le fait qu'on avait initié le mouvement européen.
06:04C'est que la France a mené une politique européenne en Europe,
06:10quand elle avait une position de leader.
06:12Alors, le basculement de la puissance en Europe,
06:15de la France à l'Allemagne,
06:17n'est pas seulement un basculement d'un pays à l'autre,
06:20c'est qu'on a basculé d'une politique européenne en Europe
06:23menée par la France à une politique allemande menée en Europe.
06:26Et c'est ce que fait Ursula von der Leyen encore au sein de la Commission ?
06:30Donc, les Allemands défendent leurs intérêts.
06:33Effectivement, par ailleurs, la France étant très légère,
06:37n'occupe pas les postes principaux à la Commission européenne.
06:40Donc, l'Allemagne a donné l'ordre,
06:42c'est comme ça qu'il finit, on peut l'interpréter.
06:44Et dans la négociation avec Trump,
06:47l'Allemagne a donné l'ordre à von der Leyen
06:50de succomber aux approches de Trump
06:55et d'accepter la hausse des droits de douane de 15%,
07:00de manière générale, sur l'ensemble des produits.
07:04Pourquoi ? Parce que les Allemands avaient une seule boussole,
07:07c'est de pouvoir exporter encore plus de 30 milliards de dollars de voitures aux États-Unis.
07:12Et ils ne voulaient pas qu'on maintienne 25% sur les voitures exportées aux États-Unis.
07:18Donc, ils étaient prêts à accepter 15% sur tout,
07:21alors qu'on aurait pu avoir une alternative de taux plus basse.
07:25On s'est un peu éloigné du budget de la France, mais j'imagine y revenir.
07:28Non, mais on ne s'est pas éloigné,
07:29puisque ce qu'on disait, c'est que l'Allemagne a imposé son choix
07:35sur la politique commerciale.
07:37Elle est en train d'imposer ses choix sur la politique spatiale.
07:40Et nous, nous sommes devenus suiveurs.
07:43Nous avons abandonné notre désir de puissance et la puissance avec.
07:48Nous avons un affaiblissement terrible sur le plan des finances publiques.
07:53Donc, c'est pour ça que je disais en introduction,
07:56il est absolument vital que le budget ressemble autant que possible
08:01au budget initial déposé au mois de septembre ou début octobre,
08:04parce que, justement, ce budget comprend la hausse des crédits
08:11de près de 7 milliards à la Défense.
08:14Il y a d'autres éléments qui sont...
08:16Alors, attendez, parce qu'il y a des questions ici pour vous,
08:18notamment de Jean-Michel Salvatore.
08:19Moi, je voudrais vous interroger sur la réaction des marchés,
08:21parce qu'on a très bien vu que lorsque la réforme des retraites a été ajournée,
08:27les agences de notation ont immédiatement sanctionné cette décision.
08:30Les marchés, comment voient-ils ce qui se passe en France
08:34et le déroulement de la discussion budgétaire ?
08:36Est-ce qu'ils jugent à la fin de la discussion
08:40ou est-ce qu'ils sont également sensibles à ce à quoi on a assisté,
08:44c'est-à-dire à la fois la foire fiscale et puis un concours de démagogie incroyable ?
08:50Alors, je pense que la plupart de mes camarades économistes
08:54vous répondrez que ce qui compte, c'est le résultat final.
08:57Moi, je diffère. Je pense que l'impact de la foire fiscale est durable et puissant.
09:04C'est-à-dire que toute l'Europe a assisté à un concert de propositions de fiscalisation
09:11et il faut comprendre la nature de l'exercice.
09:14Alors, même si je ne me fais pas de copain,
09:17au fond, il faut analyser la composition de l'Assemblée nationale.
09:22A l'Assemblée nationale, les fonctionnaires en France représentent 20% de la population active.
09:31A l'Assemblée nationale, c'est le double.
09:32Donc, on a une Assemblée nationale dans laquelle les fonctionnaires jouent un rôle décisif.
09:37Je n'ai rien contre les fonctionnaires, simplement, je suis moi-même un ex-fonctionnaire,
09:43à la fois fonctionnaire international et fonctionnaire français.
09:46Donc, je n'ai rien contre les fonctionnaires, simplement, décider de la fiscalité de la production
09:51quand on est fonctionnaire, ça pose un certain nombre de problèmes déontologiques et intellectuels.
09:57On ajoute à cela qu'une autre partie très significative de l'ordre d'un quart des députés
10:04sont en fait des anciens attachés parlementaires qui ont repris le poste de leur député
10:09quand il est parti à la retraite.
10:11Donc, sur les 577 députés, vous avez moins d'une centaine de personnes qui travaillent
10:16dans la production marchande ou qui ont travaillé dans la production marchande.
10:20Et ce sont donc des gens qui n'ont jamais contribué à la production marchande
10:24ou à la création de savoirs dans les nouvelles technologies
10:30qui décident de la façon dont on doit taxer la production
10:33avec un discours anti-rich qui est en fait, in fine, un discours anti-entrepreneur,
10:39anti-prise de risque.
10:41Et donc, cette médiocrisation du personnel politique
10:44qui a conduit une foire fiscale destructrice, médiocrisée, médiocrisante,
10:52c'est ça que les grands observateurs et les grands investisseurs internationaux
10:57vont retenir cet exercice.
10:59Alors, déjà, très courte parenthèse, mais sur le couple franco-allemand
11:02qu'on évoquait tout à l'heure, vous savez que j'aime bien cette phrase, Pierre,
11:04celle d'Oscar Wilde, être en couple, c'est ne faire qu'un.
11:06Oui, mais lequel ? C'est exactement la situation dans laquelle on se trouve aujourd'hui.
11:11Maintenant, sur le budget français, j'aimerais vous demander,
11:14on comprend que la hausse de la fiscalité, ça suffit, les recettes, ça suffit,
11:17il faut arrêter d'augmenter tout ça, donc il faut donc taper dans les dépenses.
11:21J'ai envie de vous demander très précisément, où est-ce qu'on coupe ?
11:24Alors, la dépense publique en France est supérieure de 9 points de PIB
11:31à la moyenne de la dépense publique de la zone euro hors France.
11:35Parce qu'on compare toujours à la moyenne de la zone euro,
11:38mais la France, étant très au-dessus des autres, monte beaucoup la moyenne.
11:42Donc, il faut se comparer à la zone euro hors France.
11:44Donc, on a 9 points de plus, dont 6 points au titre de la protection sociale,
11:48dont 3 points au titre des seules retraites.
11:51Donc, il y a une vraie question.
11:53Là aussi, je ne suis pas contre verser des retraites.
11:57La question, c'est que les Français ne le savent pas forcément,
12:01mais la durée de vie à la retraite, le temps passé à la retraite en France,
12:06est de 4 années supérieures à la moyenne de l'OCDE.
12:09Donc, effectivement, si on veut éviter de transférer aux générations futures
12:16les dettes provoquées par la protection sociale,
12:20il faut prendre en compte ce vieillissement
12:22et cette durée de temps passé à la retraite.
12:25Moi, je pense que la seule solution,
12:29j'ai beaucoup réfléchi à ça,
12:30parce que j'ai été à une époque proche de Raymond Barre,
12:34j'ai vu tous les rapports sur...
12:37Tous les 5 ans, il y a un rapport sur comment on rétablit
12:40les équilibres des finances publiques.
12:42Ça ne fonctionne pas.
12:43Je pense que la seule solution, c'est une règle d'or constitutionnelle
12:46qui interdise le déficit de la sécurité sociale.
12:49La sécurité sociale, c'est 60% de la dépense publique.
12:53Il faut interdire le déficit de la sécurité sociale.
12:55Alors, les gens vont dire, pourquoi la sécurité sociale ?
12:58Parce que l'essentiel de la dépense de sécurité sociale,
13:01elle est au bénéfice des gens d'aujourd'hui.
13:03C'est essentiellement une dépense de fonctionnement et de consommation.
13:06Donc, renvoyer les déficits d'un budget de fonctionnement et de consommation
13:12pour remboursement par les générations futures, c'est de la folie.
13:15C'est-à-dire qu'aujourd'hui, vous avez des grands-pères et des grands-mères
13:19qui dépensent, et c'est normal, à l'hôpital, des sommes considérables.
13:27Et ça sera remboursé par leurs petits-enfants dans 20 ans.
13:31Les petits-enfants, on leur fait des cadeaux de Noël.
13:32Donc, dans leur esprit, tout va bien, alors qu'en fait, tout va mal.
13:35Merci beaucoup, Christian Saint-Etienne, d'être venu sur Europe 1.
13:38Vous aurez bien sûr l'occasion de revenir nous remonter le moral,
13:40comme vous le faites si bien encore ce soir.
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