Le garde des Sceaux était invité de RTL ce mercredi il en a profité pour annoncer des contrôles et fouilles d'ampleur dans les établissements pénitentiaires français d'ici à la fin de l'année, pour éliminer les téléphones portables et la drogue des cellules. Sébastien Nicolas, directeur interrégional des services pénitentiaires est l'invité de RTL Soir. Regardez L'invité d'Anne-Sophie Lapix du 26 novembre 2025.
00:00L'opération Fouille XXL est lancée dans toutes les prisons de France, annoncée ce matin le garde des Sceaux au micro de Thomas Soto sur RTL.
00:12L'idée est d'empêcher les narcotrafiquants de continuer à diriger leur réseau depuis leur cellule grâce à un téléphone portable.
00:20Bonsoir Sébastien Nicolas.
00:21Bonsoir.
00:22Vous êtes directeur interrégional des services pénitentiaires et secrétaire général du SNP FO Direction, syndicat majoritaire chez les directeurs des services pénitentiaires.
00:31D'abord, est-ce que vous pouvez préciser en quoi consiste cette opération de fouille XXL ? Est-ce que tous les établissements pénitentiaires sont concernés ?
00:41Alors déjà, petite précision, je suis secrétaire général adjoint FO Direction et je ne suis pas directeur interrégional, sinon je ne pouvais pas m'exprimer sur votre antenne.
00:49Ce que je peux vous dire sur les fouilles XXL, c'est qu'elles concernent un certain nombre d'établissements ciblés pour l'instant et ont une vocation évidemment à se développer.
01:02Elles sont avant tout une opération de communication, ces fouilles XXL.
01:06Ce genre d'opération est organisée très régulièrement dans nos établissements et elles sont en général très fructueuses.
01:13D'ailleurs, je ne doute pas qu'à l'issue de cette série d'opérations lancées par M. le garde des Sceaux, vous aurez des annonces d'un certain nombre de résultats et de recherches fructueuses.
01:27Ça a l'air de vous agacer un peu cette opération XXL. Pourquoi ? Parce que vous pensez que c'est uniquement de la communication ?
01:34C'est vrai qu'il y a beaucoup d'interrogations sur ces téléphones en prison auprès du public.
01:38Il y a beaucoup d'interrogations, mais je vous garantis que ce genre d'opérations s'effectuent très régulièrement dans nos services et qu'elles sont très fructueuses.
01:48Le problème, il n'est pas là. Le problème, c'est qu'il faut prendre le sujet à la source.
01:53Le problème, c'est les projections de portables, de produits stupéfiants.
01:57Ce sont les entrées de produits stupéfiants, de portables au parloir.
02:02C'est les livraisons par drone auxquelles nous sommes de plus en plus exposés dans nos établissements.
02:06C'est, dans une moindre mesure, la corruption.
02:10Ce sont ces éléments-là qu'il faut traiter à la source et pas faire des opérations ponctuelles
02:14qui, certes, vont permettre de trouver des objets interdits qui rentreront aussi vite que ceux qu'on les récupère.
02:21D'ailleurs, je crois que l'an dernier, 80 000 portables ont été saisis dans des prisons.
02:2780 000, c'est le nombre de détenus en France.
02:30On entendait dans le journal de 18h un ancien prisonnier qui expliquait que tout le monde avait un portable en prison
02:38et que c'était d'ailleurs le moyen d'entretenir un lien avec sa famille.
02:41Vous confirmez ?
02:42Alors, tout le monde, sans doute pas, mais effectivement, le constat, c'est qu'il est facile, manifestement,
02:51de se procurer un téléphone portable lorsqu'on est en détention aujourd'hui.
02:56Et effectivement, les recherches que l'on lance pour récupérer ces téléphones amènent des résultats extrêmement massifs.
03:0380 000 téléphones portables, c'est également le chiffre que j'avais en tête sur l'année précédente.
03:10Le problème n'est pas de les trouver.
03:12Le problème, c'est d'empêcher qu'ils ne rentrent.
03:14Oui, déjà, quand on les trouve, c'est bien de les prendre.
03:16D'ailleurs, est-ce qu'il y a une sanction quand un téléphone est retrouvé dans une cellule ?
03:20Évidemment.
03:21Et c'est quoi cette sanction ?
03:22Cette sanction, c'est essentiellement du quartier disciplinaire.
03:26Combien de jours ? C'est quoi le tarif ?
03:28Je n'ai plus le tarif en tête, mais on est facilement entre une dizaine et une vingtaine de jours.
03:34Alors, concrètement, comment entrent les téléphones portables ?
03:38Est-ce que les fenêtres, par exemple, vous parliez d'entrer par les fenêtres, justement,
03:43elles ne sont pas grillagées ?
03:45Alors, les fenêtres sont grillagées.
03:47C'est ce qu'on appelle des caillbotis que l'on place sur les fenêtres.
03:51Mais les personnes détenues arrivent à dégrader ces caillbotis
03:54en les sciant avec des espèces de couteaux de cuisine modifiés.
04:01Et ça, les surveillants ne le remarquent pas ?
04:03Alors, évidemment, tous les caillbotis sont contrôlés.
04:06Mais, effectivement, il y a une certaine forme d'habileté
04:10à pouvoir ne pas enlever la pièce qui a été enlevée du caillbotis,
04:14la recoller de telle manière sur le caillbotis,
04:16de telle manière qu'on ne voit pas que la pièce est enlevée.
04:20Et si vous connaissez les russes, pourquoi vous ne contrôlez pas correctement ces grillages,
04:28ces caillbotis ?
04:30Eh bien, parce que quand on est surveillant sur un étage,
04:33on a 120 détenus, voire plus, à s'occuper toute la journée,
04:36qu'on court toute la journée pour donner des douches,
04:39donner du courrier, gérer les mouvements,
04:41gérer les multiples incidents qui sont en détention.
04:44On n'a pas le temps.
04:44On n'a peut-être pas forcément le temps d'effectuer tous les contrôles de sécurité
04:47qu'on devrait faire, et on retombe sur le problème qui est le nôtre aujourd'hui
04:52et qui est massif, c'est celui de la surpopulation associée à une pénurie RH
04:57absolument trop importante.
05:00Alors, il y a aussi un autre moyen de faire rentrer des téléphones
05:04ou de la drogue ou des clés USB, parce qu'il n'y a pas que les téléphones,
05:08ce sont les parloirs, ou les prisonniers rencontrent des proches, des avocats.
05:13Quel est le niveau de fouille à l'entrée d'un parloir ?
05:15Alors, sur les personnes qui viennent visiter des personnes détenues,
05:20on n'a pas le droit de les fouiller.
05:22Au pire, si une personne, si un visiteur sonne au portique de détection métallique
05:27plusieurs fois, soit on interdit l'accès, soit on pratique une fouille par palpation.
05:33Si le visiteur autorise l'agent pénitentiaire à effectuer cette fouille par palpation,
05:39c'est évidemment l'entrée refusée.
05:40Donc, il y a ce sujet-là.
05:43Et puis après, en sortie de parloir, je rappelle qu'on n'a pas le droit
05:46de fouiller systématiquement une personne détenue.
05:50Il faut qu'on ait des indices ou que l'on soupçonne
05:53qu'un objet est passé du visiteur au détenu lors du parloir.
05:57Il y a un sujet aussi qui est un peu plus tabou,
06:01qui a été évoqué ce matin par Gérald Darmenin.
06:03C'est la corruption du personnel pénitentiaire.
06:06Il sous-entend donc que le personnel pénitentiaire,
06:09contre de l'argent, fait rentrer un téléphone au profit du détenu.
06:14Alors, je ne vous dirais pas qu'il n'existe pas de corruption
06:17dans les services pénitentiaires.
06:19Mais d'une part, j'ai quand même un peu le sentiment
06:23qu'elle est tout sauf massive.
06:25Et surtout, je rappelle que dans un établissement pénitentiaire,
06:29il n'y a pas que du personnel pénitentiaire.
06:31Il y a de multiples intervenants associatifs,
06:34des entreprises privées.
06:36Vous avez du personnel d'autres administrations,
06:38éducation nationale, personnel médical, etc.
06:41Et que la corruption, quand il y en a,
06:46n'est pas forcément que le fait du personnel pénitentiaire.
06:49Et encore une fois, nous ne l'analysons pas
06:52comme étant un phénomène massif.
06:55D'autant qu'il y a énormément de bons travaux de prévention
07:01qui est fait par la direction d'administration pénitentiaire,
07:03qui a développé dans tous les services des référents d'éontologie
07:07pour alerter justement les personnels sur risque corruptif.
07:10Et là aussi, en cas de corruption,
07:13d'entrée de ce matériel par l'intermédiaire du personnel pénitentiaire,
07:18quelle est la sanction ?
07:20La sanction pour un personnel pénitentiaire,
07:22ce serait la révocation, de toute façon,
07:25avec sans doute en plus, derrière, des poursuites pénales,
07:29puisque c'est une infraction pénale
07:30que de donner un objet interdit à une personne détenue.
07:33On a découvert avec l'affaire Mohamed Amra
07:35que la cellule à la prison de la santé du narcotrafiquant
07:39qui s'était évadée en mai 2024
07:41avait été sonorisée pendant plusieurs mois.
07:43Amra avait eu, je crois, neuf portables.
07:45Les enquêteurs ont pu l'entendre,
07:46ordonner des crimes grâce à ces téléphones,
07:49guider les crimes même des exécutants.
07:52On sait donc que les prisonniers sont équipés.
07:54On fait le choix parfois de laisser faire
07:56pour tenter finalement de les coincer ?
07:59Je vais rester très sobre dans ma réponse.
08:04Effectivement, ce sont des techniques employées.
08:07Ce n'est pas un peu pervers comme système
08:09de laisser un individu perpétrer ces crimes
08:11sous les yeux ou les oreilles des enquêteurs ?
08:16Je pense que quand il y a crime,
08:18les enquêteurs qui ont des informations révélant
08:22la survenance d'un crime vont intervenir.
08:27Mais effectivement, il peut arriver que des détenus
08:30qui ont des téléphones en cellule soient sous écoute
08:33et que les téléphones ne soient pas trouvés immédiatement.
08:36Et le brouillage, tout simplement,
08:37ce n'est pas ce qu'il y a de plus efficace ?
08:39Non.
08:40Alors bon, le recours à la technologie
08:45dans le domaine de la lutte contre les portables
08:49n'est pas forcément très efficace
08:50parce que la technologie avance très vite
08:52dont les brouilleurs et le matériel qu'on peut acquérir
08:55peuvent être assez vite obsolètes.
08:57Voilà.
08:59Moi, je ne crois pas à l'efficacité
09:00de la solution technologique dans ce domaine-là.
09:04Merci beaucoup Sébastien Nicolas
09:06d'avoir répondu à nos questions dans RTL Soir.
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