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  • il y a 2 jours
Mardi 25 novembre 2025, retrouvez Nathalie Moureau (Professeure en Sciences économiques, Université Paul-Valéry Montpellier) dans ART & MARCHÉ, une émission présentée par Sibylle Aoudjhane.

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Transcription
00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art et Marché, l'émission qui vous ouvre les portes du marché de l'art.
00:13Et pour cette émission, nous abordons le sujet du lien entre les galeries et les artistes.
00:18Comment les galeries promeuvent-elles la carrière des artistes qu'elles soutiennent ?
00:22C'est l'analyse qu'a menée Nathalie Moreau, professeure en sciences économiques à l'université Paul-Valéry, Montpellier 3.
00:28On en parle tout de suite dans Art et Marché.
00:35À l'heure où les réseaux sociaux prennent de plus en plus de place dans la promotion des œuvres d'art
00:39et que certains artistes peuvent avoir des relations directes avec leurs collectionneurs,
00:44comment les galeries promeuvent-elles la carrière des artistes qu'elles soutiennent ?
00:48C'est le titre de l'étude de Nathalie Moreau que je suis ravie d'accueillir dans Art et Marché.
00:53Merci beaucoup d'être avec nous.
00:54Bonjour, merci.
00:55Nathalie Moreau, vous êtes l'auteur de cette étude, professeure en sciences économiques à l'université Paul-Valéry, Montpellier 3.
01:02Ce qui est intéressant dans cette étude, que j'ai trouvé assez intéressant,
01:05c'est que vous étudiez les galeries qui sont membres du CPGA,
01:12le comité professionnel des galeries d'art, syndicat principal des galeries en France,
01:17mais aussi bien sûr des galeries en région, d'autres moins représentées qu'on voit dans d'autres rapports.
01:24Quelle a été la première différence que vous avez vue entre ces deux galeries ?
01:29Ou au contraire, est-ce que vous avez été surprise de voir que finalement il n'y avait pas tant de différences que ça ?
01:34Si, il y a énormément de différences.
01:37Alors j'ai conduit cette étude, comme vous le disiez, sur les relations que les galeries entretiennent avec leurs artistes,
01:42et c'était vraiment le focus de cette étude qui m'intéressait,
01:45parce que les études qu'il existait jusqu'à présent, c'était plus économique,
01:50le profil socio-économique des galeries.
01:53Et là, je voulais vraiment me centrer sur ce point-là.
01:56Et la première chose que j'ai constatée, c'était quand même une différence économique en termes de chiffre d'affaires.
02:01Il y a des différences énormes entre les galeries qui sont sur Paris, les galeries qui sont en région.
02:07Alors le CPGA a quelques galeries de région, mais il y a 80% des galeries du CPGA qui sont des galeries parisiennes.
02:14Donc ça recoupe aussi les différences de chiffre d'affaires.
02:18En termes de création d'artistes représentés, quelles seraient les différences ?
02:24Alors après, la première différence, c'est une différence en termes de chiffre d'affaires.
02:29Et de là va découler toute une flopée de différences sur la façon d'accompagner les artistes.
02:36Car bien évidemment, si vous avez un chiffre d'affaires d'un million deux,
02:39qui est la moyenne pour les galeries CPGA, d'un million deux, un million trois,
02:42en moyenne, contre 300 000 euros pour une galerie en région,
02:46évidemment, vous ne pouvez pas développer les mêmes choses pour accompagner les artistes.
02:49Et tout ce qui est d'accompagnement à la production, de publications d'ouvrages,
02:55enfin de nombre de publications d'ouvrages, etc.,
02:57de lien avec les institutions même, de présence dans des foires prestigieuses,
03:02on va le retrouver plus chez les galeries CPGA que chez les autres galeries.
03:07Alors, c'est conditionné bien évidemment par le chiffre d'affaires,
03:10on peut dire que c'est un peu le serpent qui se mord la queue.
03:12Est-ce que c'est parce qu'elles ont plus de succès dans la façon dont elles accompagnent les artistes
03:16qu'elles ont un chiffre d'affaires plus élevé, ou est-ce que c'est le contraire ?
03:20Il est clair de toute façon qu'en France, le marché est extrêmement centralisé
03:23par rapport à d'autres pays comme l'Allemagne, où il est un peu moins centralisé.
03:28Et de toute façon, c'est un ensemble de facteurs qui font que les galeries sur Paris
03:34réussissent à avoir des chiffres d'affaires plus élevés
03:37et accompagnent différemment les artistes que les galeries qui sont en région.
03:40Parce qu'elles ont tout sous la main à Paris aussi,
03:42c'est une grande difficulté de la centralisation française ?
03:46Bien sûr, et puis à l'heure actuelle, il existe tellement d'événements
03:49autour du marché de l'art, autour de l'art contemporain,
03:52que déjà, ne serait-ce qu'à Paris, réussir à attirer la presse
03:56pour montrer l'intérêt d'une expo, les collectionneurs aussi, et autres,
04:01c'est bien plus difficile de le faire en région.
04:05Même si c'est un engagement égal, on va dire.
04:08C'est des engagements différents, effectivement.
04:09Les galeries de région, aussi, accompagnent les artistes,
04:14sont très proches d'eux de la même façon, et sont très investis.
04:19Mais ce qu'il y a de curieux, et ce qui est souvent considéré comme négatif,
04:25c'est parfois les galeries demandent aux artistes certains financements,
04:29et on dit, usuellement, oui, c'est des galeries qui...
04:32On ne doit rien demander à l'artiste.
04:33Mais les galeries qui sont en région, qui ont un chiffre d'affaires de 300 000 euros,
04:37elles vont payer le transport, elles vont payer plein de choses,
04:41et passer un certain seuil, elles disent,
04:43l'artiste, je le reçois, je lui paye peut-être une nuit d'hôtel,
04:45mais je ne peux pas lui en payer deux, et ce sera à lui de le payer.
04:48Et on ne peut pas forcément leur en vouloir, non plus.
04:52Donc, il n'y a pas de raison de leur en vouloir, de toute façon,
04:56mais ça ne veut pas dire qu'elles sont moins engagées.
04:59Oui, c'est ça.
04:59Donc là, vous avez déjà cité pas mal d'éléments.
05:02Qu'est-ce qui est le noyau central de l'accompagnement d'une galerie
05:07envers un artiste ?
05:09Peut-être qu'on ne retrouverait pas sur un artiste
05:13qui se fait un profil réseau social.
05:16Justement, il y a une très forte reconnaissance du rôle des galeries,
05:19et cette idée que l'artiste, via les réseaux sociaux,
05:25peut toucher un public, etc.
05:26Bien sûr qu'il peut arriver à toucher un public, éventuellement.
05:29Éventuellement, il peut arriver à toucher des collectionneurs,
05:32mais c'est très court-termiste.
05:34C'est-à-dire que le rôle de la galerie,
05:36c'est de construire la carrière de l'artiste.
05:39Et pour construire la carrière de l'artiste,
05:41il faut travailler aussi auprès des institutions,
05:43obtenir des expositions,
05:45faire ce que j'appelle des tout petits événements historiques
05:47qui, peu à peu, font rentrer le nom de l'artiste dans l'histoire de l'art.
05:51Et l'artiste n'est pas capable de faire ça via les réseaux sociaux.
05:53Il arrivera peut-être à toucher, dans le meilleur des cas, un collectionneur,
05:56mais c'est tout.
05:58Et ce sera un artiste qu'on appelle purement commercial à ce moment-là.
06:02C'est-à-dire que, certes, il peut avoir un succès,
06:05certes, il peut avoir un certain chiffre d'affaires,
06:07mais il sera nécessaire dans un second temps,
06:11alors est-ce que ce sera dans 10 ans, dans 20 ans ou jamais,
06:14que des historiens de l'art retrouvent ces œuvres auprès de collectionneurs,
06:18écrivent une histoire, fassent rentrer des œuvres dans les musées, etc.
06:21Et c'est à ce moment-là qu'il aura vraiment une réputation, une légitimité.
06:26Sinon, il sera juste auprès, chez des particuliers,
06:31et ce sera un artiste, entre guillemets, commercial.
06:34Ça se réduit à une transaction, en fait.
06:36Exactement.
06:37Et le rôle de la galerie, c'est d'avoir quelque chose un peu plus,
06:41je ne sais pas si c'est le terme, d'éditorial,
06:43mais d'accompagner sa carrière auprès des institutions,
06:47de faire des écrits, des publications,
06:50qui travaillent à cette reconnaissance-là.
06:52Et très souvent, on nommait de voir ce rôle du galeriste,
06:56qui est pourtant un rôle qui est central.
06:58Est-ce que c'est un rôle qui a évolué au fur et à mesure des années ?
07:02Justement, dans les réseaux sociaux, on en parle beaucoup.
07:04Est-ce qu'il y a des nouvelles casquettes, des nouveaux axes ?
07:07Alors, il y a des choses...
07:08Alors, bien évidemment, dès le début du métier du galeriste,
07:11il y avait des choses qui existaient et qui existent toujours,
07:14comme justement faire des publications.
07:17Évidemment, avec les nouveaux modes de communication et l'Internet,
07:21il y a de nouvelles choses qui apparaissent.
07:23C'est-à-dire faire ce qui se faisait uniquement avec des publications écrites.
07:27On fait aujourd'hui des vidéos où on interroge des commissaires d'exposition
07:30qui commandent le travail de l'artiste.
07:32Ça, c'est quelque chose qui est nouveau.
07:34Ce qui est aussi nouveau, qui se faisait beaucoup moins avant,
07:39c'est de faire appel à des commissaires d'exposition indépendants
07:42pour « curater », c'est le terme utilisé,
07:47des expositions en galerie.
07:48Alors qu'avant, la plupart des expositions...
07:50Pour donner un axe, en fait, un angle.
07:52Oui, oui, voilà, pour donner un angle.
07:54Alors qu'auparavant, la majeure partie des expositions
07:57étaient faites par les galeristes eux-mêmes.
07:59C'est toujours le cas de beaucoup de galeries.
08:01Mais il n'est pas rare qu'elles fassent appel à des commissaires d'exposition
08:04pour avoir un regard particulier sur cette exposition.
08:08Et puis, ça donne aussi plus de poids,
08:11puisqu'il y a la légitimation du commissaire d'exposition,
08:14qui en général, celui qui est choisi, n'est pas un inconnu,
08:16qui vient rejaillir sur cette exposition-là.
08:19Donc ça, c'est quelque chose d'un peu nouveau
08:20qu'on voit dans le travail des galeries.
08:23Et les liens aussi avec les institutions...
08:26Alors, c'est aussi lié au fait que les institutions
08:28ont de moins en moins de fonds pour financer des expositions.
08:32Et donc, du coup, elles peuvent faire appel à des...
08:36Enfin, vous pouvez faire appel à des galeries,
08:38bien évidemment, qui ne vont pas financer une exposition.
08:39Mais si elles peuvent financer une production,
08:42si elles peuvent financer un transport, etc.,
08:44ça va un peu alléger le coût de l'exposition pour le musée.
08:49Et ces relations-là se sont développées,
08:51ce qui peut poser des questions aussi,
08:52parce qu'il peut y avoir aussi une tendance,
08:55mais ça, ce n'est pas quelque chose que j'explore dans ce rapport,
08:58mais il peut y avoir une tendance des institutions
09:00à se tourner vers de plus grosses galeries
09:02pour faire des expositions, parce qu'elles ont plus de moyens.
09:05Donc, ça pose la question d'une zone un peu trouble
09:08entre le marché et l'institution.
09:11Et vous analysez aussi des aspects assez concrets,
09:13comme le contrat qui lie la galerie et l'artiste,
09:18contrats qui ne sont pas forcément tout le temps présents.
09:22C'est ça ?
09:22Oui.
09:23C'est étonné de voir ça.
09:24Oui.
09:24Alors ça, c'est une tradition très, très ancienne,
09:27selon laquelle il n'y a pas de contrat écrit
09:30entre les galeries et les artistes.
09:32Ce sont des contrats oraux.
09:34Et ici, on voit une différence assez importante
09:36entre les galeries en région, les galeries CPGA
09:39ou les galeries parisiennes.
09:41C'est-à-dire qu'il y a une proportion beaucoup plus élevée
09:44de galeries qui sont en région
09:45qui ont établi des contrats écrits avec leurs artistes
09:48que de galeries CPGA qui sont plus sur des contrats oraux.
09:52Et c'est un peu paradoxal,
09:53parce que les galeries CPGA, il y a quelques années,
09:56ont établi justement au sein du CPGA
09:58un contrat type à proposer à leurs artistes.
10:02Après, je ne suis pas sûre que concrètement,
10:05ça change les choses.
10:07Non, non, non.
10:07Ce n'est pas vraiment de conséquences.
10:08Non.
10:09Alors, d'ailleurs, ce qui est assez amusant,
10:13c'est que les galeries en région,
10:14à la fois, contractualisent plus,
10:16mais en même temps,
10:19elles demandent moins d'engagement de la part de leurs artistes
10:22et elles leur donnent moins en retour
10:23que ne le font les galeries CPGA.
10:24C'est-à-dire que les galeries CPGA,
10:26il y a moins de contractualisations écrites,
10:28mais elles demandent plus d'exclusivité
10:29de la part de leurs artistes
10:31que le font les autres
10:32et elles leur donnent aussi plus en retour.
10:34Donc, je ne suis pas sûre que le contrat
10:36change beaucoup de choses.
10:37Parce que qui dit contrat tacite ou écrit,
10:40en tout cas,
10:41il y a un engagement attendu de la part de l'artiste.
10:44Ah, bien sûr.
10:45Bien sûr, de toute façon,
10:46là, justement, vous parliez des réseaux sociaux.
10:49Un artiste est censé ne jamais passer par sa galerie
10:52pour vendre des œuvres.
10:53C'est-à-dire que dès lors qu'un artiste
10:54est représenté par la galerie,
10:56alors le terme de « représenter »,
10:57ce n'est pas être juste vendu.
10:59Une galerie qui représente un artiste,
11:00elle l'accompagne sur le long terme
11:02et donc il y a un engagement à le suivre,
11:04à développer sa carrière.
11:05Et un artiste qui est représenté par une galerie
11:07s'engage à ne pas vendre directement en atelier,
11:10à renvoyer les collectionneurs vers la galerie
11:12ou, en tous les cas, à prévenir la galerie.
11:16Il n'y a jamais passé directement par les réseaux sociaux, etc.
11:19Non, non.
11:20Sinon, il prend le risque,
11:22si la galerie se rend compte de tout ça,
11:24de que la relation soit rompue
11:26et, à moyen terme,
11:28c'est le risque d'être très préjudiciable pour lui.
11:30Et en termes de frais de galerie,
11:31ça, c'est quelque chose d'uniforme
11:33et qu'on voit peu évoluer ?
11:34Sur le partage entre galeries et artistes ?
11:37Alors, oui, ça, c'est 50-50.
11:3950 pour l'artiste, 50 pour la galerie.
11:41La seule différence,
11:43c'est le cas un peu particulier
11:44des galeries associatives
11:45qu'on rencontre essentiellement en région.
11:48C'est les galeries qui représentent l'art contemporain.
11:50Il y a une forte proportion de galeries associatives
11:52qui, elles, de par leur statut associatif,
11:55prennent 20 à 30 %
11:56pour assurer leurs frais de...
11:59C'est des moyennes.
12:00C'est beaucoup plus...
12:02Autant pour les galeries usuelles,
12:04c'est 50 % dans les trois quarts des cas,
12:08même plus.
12:08Mais pour les galeries associatives,
12:10il y a une palette qui est un peu variée
12:12entre 30, 20, etc.
12:14Est-ce que vous savez,
12:15il ne nous reste que quelques secondes,
12:16s'il y a de plus en plus d'artistes
12:18qui sont sans galerie ?
12:20Il y a une forte proportion d'artistes
12:21qui sont sans galerie.
12:23De fait.
12:23De fait, si on regarde la proportion...
12:26Qui délibérément veulent rester sans galerie.
12:29C'est toujours très difficile
12:30parce qu'un artiste va affirmer
12:32qu'il préfère être sans galerie
12:34quand il n'a pas.
12:35C'est toujours difficile de savoir
12:37si c'est vrai ou pas.
12:38D'accord.
12:38Oui, je comprends.
12:39Merci beaucoup Nathalie Moreau.
12:40Je rappelle que vous êtes l'auteur
12:41de cette étude
12:42« Comment les galeries promeuvent-elles
12:43la carrière des artistes qu'elles soutiennent ? »
12:46Et vous êtes professeure
12:46en sciences économiques
12:47à l'université Paul-Valéry Montpellier III.
12:49Merci beaucoup de nous avoir détaillé votre étude
12:52et merci à vous toutes et tous
12:53de nous avoir suivis.
12:54C'était Arrêt Marché.
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