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00:00Le dossier que nous ouvrons aujourd'hui, chers amis, est abondamment alimenté par un compte rendu remarquable.
00:18Il faut dire que les documents en question sont dus à un policier qui a suivi cette affaire de très près.
00:23C'est donc avec une logique et une précision dignes de son métier qu'il expose les faits.
00:31Comme de plus ce policier est allemand, vous vous doutez de la rigueur implacable de son exposé.
00:38Pourtant, vous voyez comme les choses sont bizarres.
00:43Il y a dans ce dossier apparemment impeccable, comment dire, une bizarrerie, une incongruité.
00:49Oh, moi-même ébloui par la netteté quasi-administrative du document, je ne me suis à la première lecture rendu compte de rien.
00:57C'est alors que Grégory Franck, qui a préparé ce dossier, m'a fait remarquer le bizarre détail.
01:06Et j'avoue que depuis, j'ai beau tourner et retourner la chose dans tous les sens, je ne trouve pas d'explication.
01:13Aussi, à votre tour, je vous invite à suivre attentivement cette histoire et à essayer d'y relever ce qui ne cadre pas avec la logique.
01:26De toute manière, je vous donnerai la solution à la fin.
01:29Mais peut-être le titre choisi vous mettra-t-il sur la voie, puisque ce titre, c'est curieusement, des victimes très habillées.
01:37Décembre 1949, Berlin.
02:01Berlin ravagé par la guerre, Berlin où l'on vit au milieu des ruines, Berlin coupé entre les occupants de l'Est et de l'Ouest, mais où l'on circule encore couramment entre les différents secteurs.
02:13C'est même assez profitable de circuler.
02:17Un vaste marché noir s'est installé, comme en tous les lendemains de guerre, et l'on peut, grâce à diverses combinaisons, faire en peu de temps beaucoup d'argent.
02:24Il suffit de savoir bien acheter et revendre les Dutch marks, car la monnaie occidentale a infiniment plus de valeur que la monnaie orientale.
02:35Voilà donc dans quel cadre a lieu, le 5 décembre 1949, la première atroce découverte.
02:41Au milieu des ruines de la Borsigstrasse, en plein secteur soviétique, on trouve à peine dissimulés des morceaux d'un être humain.
02:53Deux jambes, du genou au pied, une cuisse gauche et un bras gauche, le tout appartenant manifestement à un homme.
03:02L'abominable inventaire n'est pas terminé, puisque quatre jours plus tard, le 9 décembre, voici un tronc d'homme sans vêtements qui apparaît à ceux qui fouillent des ruines.
03:13Mais ces ruines-là sont dans Schillerstrasse, sur le secteur britannique.
03:17L'épouvantable puzzle est enfin complété le 14 décembre, avec la tête, la cuisse droite et le bras droit,
03:27trouvés à nouveau en secteur soviétique, mais dans une autre rue que la première fois.
03:33Les médecins légistes n'ont pas grand mal à déterminer que le tout constitue un même individu,
03:37lequel a connu un sort semblable à celui de la ville, se voir partagé entre différents secteurs.
03:43Le travail a été remarquablement fait, notent les médecins, d'abord meurtre par strangulation, à l'aide d'une cordelette,
03:51et terminé à la main, une méthode propre, discrète, efficace.
03:57Quant au partage de la victime, là aussi, du travail, dirait-on, de professionnels.
04:03Coupure nette, l'articulation trouvée du premier coup,
04:06le tout à l'aide d'un fort couteau, mais sans l'emploi de hache ou de scie,
04:12à tel point que les médecins sont obligés de se poser la question.
04:17Ne se trouve-t-il pas en présence de l'œuvre d'un confrère ?
04:20Oui, oui, ils doivent en convenir.
04:23Seul un médecin peut manifester une telle connaissance pratique de l'anatomie humaine.
04:29Mais ils ajoutent très vite un médecin fou.
04:33Et puis, à tout hasard, pour l'honneur de la corporation,
04:36ils suggèrent, ou bien peut-être, un boucher.
04:41Et par un réflexe équitable, ils complètent un boucher fou, bien sûr.
04:47Il faut maintenant identifier le malheureux qui fait l'objet de ces sombres pronostiques.
04:52Mais c'est Herman, pas de doute, c'est notre pauvre Herman.
04:56Herman, parmi les familles qui déplorent des disparitions récentes
05:00et défilent à la morgue après la lecture de l'avis passée dans les journaux,
05:05voici les frères Seidelman.
05:08Des sons formels, c'est bien leur pauvre Herman,
05:12le troisième Seidelman, qui gît en pièces détachées devant eux.
05:16La preuve ? Le pied droit.
05:18Mais oui, le pied droit.
05:19Il porte encore en dessous un pansement adhésif.
05:21Et figurez-vous que notre pauvre Herman se plaignait de subir à cet endroit
05:25à la présence d'un œil de perderie récidiviste.
05:27Mais il était courageux.
05:30Il circulait quand même beaucoup pour les besoins de son métier.
05:34Herman Seidelman était commerçant.
05:38Il demeurait en Saxe, côté soviétique,
05:41et descendait assez souvent chez ses frères et sœurs,
05:45à Berlin, secteur britannique.
05:47Il achetait différentes marchandises pour les revendre en Saxe.
05:52En l'occurrence, il avait concilié ses activités avec un pénible devoir familial.
05:56Depuis le 17 novembre, il séjournait chez ses parents,
05:59ayant assisté le 18 aux obsèques de leur maman.
06:03Il avait prolongé ce déplacement pour repérer quelques négociations commerciales.
06:06Le chagrin n'exclut pas le sens pratique.
06:09Il devait repartir le 4 décembre.
06:11Le 2 au soir, il avait acheté des marques à des changeurs à la sauvette,
06:15près de leur centre principal, la gare du Zoo de Berlin.
06:18En rentrant, il avait fait ses comptes, mais avait explosé de colère.
06:22« Mais je me suis fait rouler ! Ils m'ont eu 200 unités !
06:25Allez, crapule ! Tiens, demain, je retourne là-bas,
06:27et si je leur mets la main dessus, tiens, je récupère mon argent ! »
06:30Effectivement, le lendemain 3 décembre, il était parti pour la gare,
06:34et vers 16 heures, il rentrait au magasin de son frère,
06:36trempé comme une soupe et de plus en plus furieux.
06:38Tout ce que j'ai réussi à prendre, c'est l'orage.
06:40« J'ai peut-être à Brombrou, ils me partent sur le marché.
06:42Allez, je vais me changer, mais j'y retourne, hein !
06:45Je vais les chercher encore ! »
06:46« Mais tu perds ton temps, Herman !
06:48Tu crois qu'ils sont assez fous pour revenir le lendemain
06:50et risquer de tomber sur toi ?
06:52Tu saves que tu n'es que de passage,
06:54ils ne sortiront pas le nez dans ce quartier avant quelques jours.
06:56Non, tu ferais mieux d'avouer que tu as été refait.
06:59Tu feras plus attention la prochaine fois.
07:01Reste donc au chaud jusqu'à l'heure de ton départ,
07:04plutôt que de ressortir sous cette pluie et d'attraper la mort. »
07:08Herman n'avait rien voulu entendre,
07:10et la mort l'avait attrapé.
07:13Au sens propre du mot, d'ailleurs,
07:15puisque sa famille ne l'avait plus revu qu'en morceaux
07:17sur la table de la morgue,
07:19deux semaines plus tard.
07:22« Notre malheureux frère a été victime d'un assassinat ! »
07:26conclut tristement les Seidelmann.
07:29Réflexion pleine de bon sens.
07:31Étant donné l'état du malheureux,
07:32un accident ou un suicide sont assez peu vraisemblables.
07:36Pour les policiers, première hypothèse.
07:38Herman Seidelmann a retrouvé son trafiquant,
07:41il réclame son argent,
07:42l'autre l'attire dans un quai tapant
07:43et lui fait subir le sort que l'on sait.
07:45Pour 200 marques, c'est un bien gros risque.
07:48Mais sait-on jamais de quelles sottises sont capables
07:51ces petites crapules du marché noir
07:53qui gagnent leur vie aux petits pieds
07:55autour de la gare du zoo ?
07:57Ah oui, mais la petite crapule
07:59tuant pour 200 marques,
08:00cela ne colle plus du tout
08:01avec les connaissances médicales supposées
08:03de celui qui a fait le travail.
08:05Alors une équipe !
08:07Le trafiquant qui tue,
08:09le médecin qui prend le relais
08:10pour découper le pauvre Herman,
08:12puis le truand qui va en disperser
08:15les restes dans les ruines.
08:16Peu probable pour un profit aussi mince.
08:19Bien entendu, la rafle effectuée à la gare
08:21ne donne rien, personne n'a vu,
08:23personne n'a remarqué un homme
08:25correspondant de près ou de loin
08:26au portrait de la victime,
08:27n'ont rien vu, rien remarqué,
08:29les interpellés le jure à ces messieurs de la police,
08:32on peut les croire sur parole.
08:35Alors on relâche tout le monde,
08:37pour quelles raisons les garderaient-on ?
08:40Les liasses des différentes monnaies
08:41qu'ils ont dans leur poche,
08:42mais c'est pour faire leur commission, bien sûr.
08:46D'ailleurs, à Berlin en 49,
08:47tout le monde transporte sur soi
08:49des Dutch Marks de l'Est
08:51et des Dutch Marks de l'Ouest,
08:52n'est-ce pas, messieurs les policiers ?
08:54Non, vraiment, on ne va pas les garder pour cela,
08:56d'autant plus que les prisons sont déjà trop pleines
08:58et reviennent bien assez chères à l'État.
09:00Alors on remet tout ce petit monde dehors,
09:01on le laisse retourner à son trafic,
09:03qui reprend d'ailleurs bien vite
09:04à cause de l'approche des fêtes de fin d'année.
09:06On laisse quand même par principe
09:07autour de la gare du Zoo
09:08quelques policiers en civil
09:09aussi discrets que des coques de bruyère
09:11au milieu d'un élevage de faisans
09:13et on se pose officiellement des questions.
09:17Les fêtes se passent.
09:19L'année 1950 arrive,
09:21avec toute la solennité,
09:22les promesses dues à son chiffre symbolique.
09:24On oublie presque le pauvre Hermann
09:26qui est allé sous six pieds de terre
09:27attendre le jour du jugement dernier
09:29pour retrouver son intégrité.
09:38Les récits extraordinaires de Pierre Delmar,
09:41un podcast européen.
09:42C'est le 4 janvier 1950
09:45que l'affaire Seidelman
09:48rebondit à travers
09:50une autre trouvaille macabre.
09:54Dans les ruines du secteur soviétique,
09:56on trouve le cadavre d'une femme.
10:00Si les policiers prononcent à nouveau
10:01le nom de Seidelman,
10:03c'est parce que cette femme
10:04a été également découpée en morceaux
10:05après avoir été étranglée,
10:07toujours avec une cordelette d'abord
10:08et les mains ensuite.
10:09même travail de professionnel,
10:12mais cette fois,
10:13le tronc, la tête et les membres
10:14ont été retrouvés au même endroit.
10:16Le tronc était enveloppé de lingerie
10:18et d'autres sous-vêtements
10:20se trouvaient à côté,
10:21un soutien-gorge rose,
10:24un slip bleu,
10:25raccommodé à l'entrejambe,
10:27une gaine rose claire,
10:28une chemisette blanche,
10:29une chemise de corps rose,
10:30un gilet pour hommes
10:31en flanel rayé bleu
10:32et une veste de pyjama.
10:34Cette fois,
10:35l'identification est effectuée
10:36par les policiers eux-mêmes
10:37car ils ont reçu en date
10:39du 29 décembre 1949,
10:41un avis de disparition
10:42au nom de madame
10:43Doris Merten de Spandau.
10:45Cet avis est accompagné
10:47d'un signalement assez précis
10:48pour ne faire aucun doute,
10:49c'est bien elle
10:50que l'on vient de retrouver
10:51en morceaux.
10:52Dans la déclaration jointe
10:53à cet avis était précisé
10:54le dernier emploi du temps
10:55connu de la disparue
10:56et cet emploi du temps
10:58permet de mettre
10:58immédiatement la main
10:59sur un suspect important
11:01dont l'interrogatoire
11:03va réserver
11:04bien des surprises.
11:07En effet,
11:08le témoin venu signaler
11:10la disparition
11:10le 29 décembre 1949
11:12avait déclaré
11:13que cette dame
11:14était venue
11:15le visiter
11:16le 26 décembre
11:17et l'avait quittée
11:18vers 21 heures.
11:19Elle devait se rendre
11:20chez une infirmière
11:21de Charlottenbourg
11:22en secteur britannique
11:23et de là
11:24aller retrouver sa sœur.
11:26Or,
11:27la sœur de Doris
11:28n'avait pas vu celle-ci
11:29le 26 au soir
11:30ni d'ailleurs
11:31depuis cette date.
11:32Donc,
11:33déduction immédiate
11:33pour les policiers,
11:34l'infirmière
11:35est la dernière personne
11:37à avoir vu
11:37Doris Merten vivant.
11:40Infirmière ?
11:41Hum hum.
11:44Voilà une piste
11:45non négligeable
11:46pour un semblable au crime.
11:47Une infirmière
11:48possède des connaissances
11:49anatomiques et pratiques.
11:52Mais enfin,
11:53on voit quand même
11:54assez mal
11:55une femme
11:55faisant cet horrible travail
11:56de strangulation,
11:57de découpage
11:58puis de transport
11:59des restes.
12:00Il faut pour cela
12:00une force,
12:01une énergie.
12:03Les femmes préfèrent
12:04le poison
12:04ou le revolver
12:05de petit calibre,
12:06c'est bien connu.
12:07Néanmoins,
12:08cela vaut la peine
12:09d'entendre en détail
12:10l'infirmière,
12:11ne serait-ce que
12:12comme témoin principal.
12:14Elle se nomme
12:14Elisabeth Cusian
12:16et demeure,
12:18je vous l'ai dit,
12:19en secteur britannique.
12:21Les enquêteurs s'y rendent
12:22et là,
12:22ils sont forcés
12:23de se dire
12:23que cette piste
12:24n'est sûrement pas la bonne.
12:26Elisabeth Cusian
12:27a 35 ans,
12:28ni laide ni jolie,
12:29mais sympathique
12:30et agréable à regarder.
12:31Mais surtout,
12:32elle habite dans une maison
12:32où loge sa propriétaire,
12:34la mère de celle-ci
12:35et une autre locataire.
12:37Elisabeth occupe
12:38une seule chambre
12:39qui est loin d'être petite,
12:40mais qui est fort encombrée.
12:42Au mur,
12:42un papier vieillot,
12:43aux motifs abondants,
12:44des rideaux
12:45avec d'autres motifs,
12:46des petits cadres
12:47un peu partout.
12:48Et dans la pièce elle-même,
12:49un lit,
12:50un divan,
12:50une table,
12:51un bureau,
12:52un gros poste de radio,
12:53un lampadaire,
12:53des chaises
12:54et plusieurs petites tables basses
12:55ou dessertes.
12:56Sur l'une d'elles d'ailleurs,
12:57on note un détail charmant
12:58et touchant
12:59dans la chambre
13:00d'une femme seule,
13:01un petit sapin
13:02de Noël
13:03encore tout décoré
13:04et qui commence
13:05à perdre ses aiguilles.
13:06Attention,
13:07ne le bousculez pas,
13:08demandait Elisabeth au policier.
13:09Non,
13:10décidément,
13:10non,
13:11ce n'est pas cette jeune femme
13:12qui a pu commettre
13:13ce ou ces crimes
13:14et surtout pas dans cette pièce,
13:16dans cette maison
13:16avec ce voisinage.
13:18Néanmoins,
13:19on prie quand même
13:19l'infirmière
13:20de venir déposer
13:20dans les locaux
13:21de la police
13:21et là,
13:22elle se disculpe
13:23totalement.
13:24Oui,
13:24Doris Mertene
13:25était bien venue
13:26la voir le 26 décembre
13:27mais elles étaient
13:28ressorties ensemble
13:29et Elisabeth
13:30avait laissé Doris
13:31à la gare du zoo.
13:32Elle allait chez sa soeur,
13:34je crois,
13:34monsieur le commissaire,
13:35même qu'en me quittant,
13:35elle m'a dit
13:36qu'elle espérait attraper
13:37encore sa correspondance
13:38à Alexander Platz
13:39car il était presque 23 heures.
13:42Vérification faite,
13:42il faut effectivement
13:43changer à Alexander Platz
13:45pour aller de la gare du zoo
13:46au domicile
13:48de la soeur de Doris.
13:49Cela vous a un ton de vérité
13:51qui ne trompe pas
13:52tout soupçon
13:53sur Elisabeth
13:54serait déplacée.
13:56À tout hasard,
13:57une dernière question
13:58en passant.
13:59Elisabeth Cusian
14:00connaît-elle
14:00un dénommé Seidelman ?
14:02Hermann Seidelman ?
14:05Seidelman ?
14:07Non.
14:08Cela ne lui dit rien.
14:11Il n'y a plus qu'à relâcher
14:12l'infirmière
14:12en la remerciant
14:13pour son précieux témoignage
14:14lorsque voici
14:15que reviennent
14:15des détectives
14:16qui sont quand même
14:17par principe
14:17à les perquisitionnées
14:19dans sa chambre.
14:21Et ils ne reviennent pas
14:22les mains vides.
14:26À qui appartient
14:27cette cravate à rayures,
14:31Mme Cusian ?
14:33C'est à mon fiancé.
14:36Non.
14:38Non, la cravate
14:39n'appartient pas
14:40aux fiancées d'Elisabeth.
14:41Mme Gertrude Seidelman
14:43reconnaît formellement l'objet
14:45comme étant la cravate
14:46portée par son mari
14:47Hermann
14:47le jour
14:47de sa disparition.
14:51On a trouvé
14:51beaucoup d'autres objets
14:53aussi cachés
14:54dans la chambre
14:55en plus de la cravate.
14:57D'abord,
14:59des pièces de vêtements
15:00appartenant
15:00à la première victime.
15:02Un gilet de corps,
15:03une paire
15:03de chaussettes blanches,
15:04un chapeau,
15:05une veste,
15:06un pantalon,
15:07un pullover de laine,
15:08deux caleçons,
15:09une paire de bretelles,
15:10une paire de souliers,
15:11un manteau,
15:11un mouchoir vert,
15:12une montre bracelet.
15:13Le tout également reconnu
15:15avec certitude
15:15par la famille Seidelman.
15:18On a trouvé aussi
15:19des objets appartenant
15:20à Doris Merten.
15:21Des chaussures,
15:22un manteau de drap brun,
15:24un costume couleur rouille,
15:25un chapeau brun,
15:26un châle rouge,
15:27un sac à main marron,
15:28un manteau de taupe,
15:29de parapluie,
15:30un anneau d'argent
15:30avec topasse fumée
15:31et une veste de pyjama
15:32appartenant au mari
15:32de Mme Merten.
15:34Il y a également
15:35deux sacs à dos
15:36où l'on relève
15:37des traces de sang humain,
15:38de couverture,
15:38elle aussi tachée,
15:39ainsi qu'une mallette de bois
15:40portant des traces semblables.
15:42Un couteau de cuisine
15:44et des gants de caoutchouc
15:45soumis à l'examen
15:46du laboratoire révèlent
15:47qu'ils ont servi
15:48à la sinistre besogne
15:50que l'on sait.
15:52Elisabeth Cusion
15:52est donc officiellement arrêtée
15:53et elle passe aux aveux
15:54en ce jour du 6 janvier,
15:56aveux qu'elle répétera
15:58devant le juge d'instruction
15:59en mars 1950.
16:02Entre-temps,
16:03elle aura tenté
16:04de se suicider
16:05dans sa prison
16:05en s'ouvrant
16:06les veines du poignet.
16:09Écoute,
16:09on a sous les yeux
16:10le récit des actes
16:11qu'elle a commis
16:12et dont le souvenir
16:13devait la tenir éveillée.
16:16On comprend un peu
16:18qu'elle ait essayé
16:19d'échapper
16:20à toute cette horreur.
16:24Elisabeth Richter
16:25est née le 6 mai 1914
16:27en Turage.
16:29Elle était la cadette
16:30de six enfants,
16:30son père fut tué en France
16:31comme simple soldat
16:32l'année suivante.
16:34Après être allée
16:35un peu à l'école,
16:35son premier emploi
16:36fut celui de Bonne à tout faire
16:37dans une ferme.
16:39à 18 ans,
16:40elle est femme de ménage
16:41et fait la connaissance
16:41de Walter Cusian
16:42qu'elle épouse
16:44à 20 ans
16:44à Berlin.
16:45C'est d'abord
16:46un mariage heureux,
16:46les Cusians
16:47vont avoir trois enfants.
16:49Walter est mobilisé
16:50en 1939,
16:50fait prisonnier,
16:51revient en 1945,
16:52il retrouve Elisabeth
16:53bien changée.
16:55En effet,
16:56en 1944,
16:57employée au foyer
16:58municipal d'enfants,
16:59elle s'est fait enrôler
17:00comme volontaire
17:01dans les services de santé
17:02et au cours des combats
17:03de Berlin,
17:04elle a été sérieusement
17:04blessée à la jambe.
17:06Cette blessure douloureuse
17:07lui a valu un traitement
17:09à la morphine
17:10et comme cela arrive parfois,
17:13elle s'est accoutumée
17:14à cette drogue
17:14dont elle continue
17:16à user
17:16même une fois guérie.
17:19Elle est devenue
17:19infirmière
17:20dans un hôpital de Berlin
17:21mais le ménage Cusian
17:23souffre de graves
17:24dissentiments,
17:25le divorce est prononcé
17:26en 1947.
17:27Depuis,
17:28Elisabeth vit
17:29dans sa petite chambre,
17:29ses trois enfants
17:30sont en pension,
17:31Elisabeth n'aime plus
17:32tellement son travail
17:33à donner sa démission
17:34à l'hôpital
17:35d'où elle doit partir
17:35à la fin de l'année
17:36le 31 décembre 1949.
17:40Pourtant,
17:41elle n'a aucune autre
17:42situation en vue.
17:44Comment va-t-elle vivre ?
17:46Comment va-t-elle payer
17:46la pension des enfants ?
17:48Elle ne le sait pas.
17:50Pour l'instant,
17:50elle n'a qu'une chose en tête.
17:53Un homme.
17:56Un homme que le rapport
17:57de police désigne
17:58sous l'initial de M.
18:00Elle l'appelle son fiancé,
18:01bien qu'il soit marié,
18:04et elle ne vit que
18:05dans l'attente
18:06de ses courtes visites.
18:09En cette fin d'année,
18:09l'idée fixe d'Elisabeth
18:10est de trouver
18:11les cadeaux
18:12qu'elle va faire
18:13à ce fiancé.
18:15C'est ainsi
18:16que le 3 décembre,
18:17vers midi,
18:17elle se promène
18:18aux alentours
18:18de la gare du Zoo
18:19dans l'espoir
18:20de réaliser
18:21quelques bénéfices
18:21par le change
18:22successif
18:23de monnaie occidentale
18:24contre monnaie orientale.
18:26C'est alors
18:27qu'elle avise
18:27un homme qui flâne
18:28lui aussi.
18:29Peut-être a-t-il
18:30de l'argent à changer.
18:31D'ailleurs,
18:32il n'a pas l'air
18:32d'être un de ces trafiquants
18:33auxquels on ne peut
18:34pas faire confiance.
18:35Il a plutôt l'allure
18:36d'un honnête homme,
18:37d'un commerçant.
18:38Elisabeth se décide
18:39à lui adresser la parole.
18:41Elle possède
18:41des Dutchmarks
18:42de l'Est
18:42qu'il en a
18:43de l'Ouest.
18:45L'affaire est bientôt
18:45faite dans un coin discret.
18:48Elisabeth
18:48aurait aimé
18:49changer plus d'argent.
18:50Malheureusement,
18:51elle n'a pas
18:51la somme nécessaire
18:52sur elle.
18:53L'homme accepterait-il
18:54de la revoir
18:54plus tard
18:55dans la journée ?
18:57Oui, oui,
18:57bien entendu.
18:57J'avoue que
18:58j'ai plus confiance
18:59en vous
18:59que dans les aigrefins
19:00que l'on voit d'habitude
19:01par ici.
19:01D'ailleurs,
19:02chère madame,
19:02pas plus tard qu'hier.
19:03Je me suis fait rouler
19:04par l'un d'eux
19:04sans me rendre compte
19:06de rien.
19:07L'homme note
19:08l'adresse d'Elisabeth
19:08sur son paquet de cigarettes
19:10et rendez-vous est pris
19:11pour le soir même
19:11à 20 heures.
19:14Je m'appelle Herman.
19:16Herman Seidelman,
19:17dit-il en prenant congé.
19:20À 20 heures,
19:22Elisabeth guette
19:23les bruits de la rue
19:23car la propriétaire
19:25et sa mère
19:26sont à la maison.
19:27On frappe discrètement.
19:30L'infirmière ouvre vite
19:31la porte
19:32et fait entrer directement
19:33le commerçant
19:34dans sa chambre.
19:36Il quitte son chapeau,
19:37son manteau,
19:39sa scier près de la table.
19:40On commence à parler.
19:43Elisabeth est énervée
19:43et fatiguée
19:44parce qu'elle s'est fait
19:46dans l'après-midi
19:46une piqûre de morphine.
19:49Elle prépare le café
19:50et s'administre discrètement
19:53une dose d'excitant.
19:56Elle retrouve la forme
19:57et bavarde pendant deux heures
20:00avec son visiteur.
20:04Puis, soudain,
20:06elle se lève tout en parlant,
20:07s'approche de la table de toilette
20:08qu'elle masque
20:09à Seidelman,
20:11le temps d'ouvrir le tiroir
20:12et d'en sortir une corde à linge,
20:13une corde sur laquelle
20:14elle a préparé un noeud coulant.
20:15L'homme lui tourne le dos,
20:18elle lui jette la boucle
20:18autour du cou
20:19et tire violemment en arrière.
20:21L'homme tombe,
20:22renverse la table, la chaise
20:23et entraîne au sol Elisabeth.
20:25Mais elle tire tellement fort
20:27qu'il perd bientôt connaissance
20:29et elle l'achève rapidement.
20:34Personne n'a rien entendu
20:35car Elisabeth avait pris le soin
20:36de brancher la radio.
20:38Elle vide les poches de sa victime,
20:40jette une couverture sur le cadavre,
20:42ferme sa chambre
20:43et prend le tramway.
20:45Elle va chez une amie
20:46à qui elle emprunte une valise.
20:49À son retour,
20:50elle se fait une nouvelle piqûre de morphine
20:52puis brûle le portefeuille
20:54avec les papiers d'identité de Seidelman
20:56ainsi que la corde à linge.
20:59Elle déshabille le mort
21:00puis,
21:02pour pouvoir travailler à l'aise,
21:04elle redresse le divan
21:05contre le mur
21:06et prépare ses outils.
21:08Un scalpel,
21:10un seau d'eau et un plat.
21:13Puis elle commence le dépeçage,
21:15le scalpel se brise,
21:16elle descend à la cuisine
21:17empruntée à un couteau
21:18et elle se remet à l'ouvrage
21:20calmement,
21:22méthodiquement.
21:24À 3h15 du matin,
21:25elle a terminé.
21:27Elle reprend un médicament
21:28pour rester éveillée,
21:29puis
21:29elle nettoie soigneusement
21:31la pièce avec un chiffon
21:32qu'elle rince
21:33dans le seau d'eau
21:34dont le contenu disparaît
21:35bientôt dans les toilettes.
21:38Elle emballe les morceaux
21:38du pauvre Herman
21:39dans la valise de son amie
21:41et dans deux sacs à dos.
21:43Elle place les paquets
21:44près de l'entrée
21:45et remet de l'ordre
21:47dans la pièce
21:48jusqu'à l'heure
21:49du premier tramway.
21:51C'est par ce moyen
21:51de transport,
21:52puis à pied,
21:53qu'elle traverse la ville
21:54avec ses paquets
21:55pour aller en disperser
21:56le contenu
21:57dans différents secteurs.
21:58Pour Mme Merten,
22:02ce fut aussi simple,
22:03aussi horrible
22:03à quelques jours d'intervalle.
22:05Elisabeth avait projeté
22:06d'offrir à son fiancé
22:07une machine à écrire.
22:08Elle en avait négocié
22:09le paiement à crédit
22:10avec Mme Merten,
22:12employée au magasin.
22:14Puis,
22:14le 26 décembre,
22:15jour de la livraison
22:16et du premier versement,
22:18elle se présenta
22:18fort ennuyée à la vendeuse.
22:20Elle n'avait pas
22:20l'argent nécessaire,
22:21alors elle proposa
22:22à Doris Merten
22:23de lui porter
22:24la machine à domicile
22:25et de prendre en gage
22:27l'argenterie
22:27qu'elle avait achetée
22:28déjà pour son amie.
22:31La tenue d'infirmière
22:32lui inspire en confiance.
22:34Doris Merten accepta
22:35d'autant plus
22:35qu'Elisabeth
22:36lui laissa la clé
22:37de la maison.
22:39Le scénario se déroula
22:40comme précédemment,
22:41mais au moment
22:42où Mme Merten
22:44venait de rendre
22:45le dernier soupir,
22:45arriva le fiancé
22:46qui venait fêter Noël
22:49à retardement.
22:50Elisabeth lui demanda
22:51d'attendre derrière la porte
22:52jusqu'à ce que les bougies
22:53de l'arbre de Noël
22:54soient allumées.
22:55Entre-temps,
22:56elle dissimula
22:56le cadavre
22:57sous son lit.
22:59À l'heure des cadeaux,
23:01elle remit à son fiancé
23:02un paquet de cigarettes,
23:03la machine à écrire
23:04et une surprise.
23:05Oui,
23:06une ménagère en argent
23:07de 48 pièces
23:08pour la femme du fiancé,
23:10laquelle ignorait bien sûr
23:11son existence.
23:13Puis,
23:14cet humain
23:14on gagna le lit
23:15sous lequel la malheureuse Doris
23:17commençait inconfortablement
23:18son dernier sommeil.
23:21Au matin,
23:22Elisabeth se leva la première,
23:23demanda instamment
23:24à son fiancé
23:25de ne pas quitter le lit
23:26avant qu'elle ne revienne
23:27de la salle de bain.
23:28Puis,
23:29elle lui prépara joyeusement
23:30son petit déjeuner
23:31et le raccompagna
23:32chez lui vers midi.
23:34Elle reçut plusieurs visites
23:35ce jour-là
23:36et ne put rester seule
23:37qu'à 21h30.
23:39Alors,
23:39elle recommença
23:40son travail
23:40de dissection
23:41comme pour Hermann,
23:43mais il lui fallut
23:44attendre trois jours
23:45avec les horribles paquets
23:46dans sa chambre
23:47avant de pouvoir
23:48les sortir
23:48sans être vues,
23:50ce qu'elle fit
23:50la nuit
23:51de la Saint-Sylvestre.
23:53Voilà
23:53le récit
23:55des crimes
23:56d'Elisabeth Cusian,
23:58reconnue
23:59parfaitement
24:00saine d'esprit
24:01malgré l'abus
24:02des stupéfiants.
24:04Elle fut condamnée
24:05deux fois
24:06à la détention
24:07perpétuelle.
24:08Oh,
24:09juste un mot
24:10avant de terminer.
24:12J'allais oublier
24:13de vous reparler
24:13de ces détails curieux
24:14qui ne cadrent pas
24:15avec la logique
24:17de ce rapport.
24:18Vous les avez trouvés ?
24:20Avez-vous noté
24:21tout à l'heure
24:22que parmi les vêtements
24:23qu'elle avait ôtés
24:24à ses victimes,
24:25Hermann Seidelman
24:26et Doris Merten,
24:27on avait retrouvé
24:28chez Elisabeth,
24:28entre autres,
24:29deux caleçons
24:30pour Hermann
24:31et pour Doris
24:32deux manteaux,
24:33deux parapluies
24:33et une veste de pyjama
24:35appartenant à son mari.
24:38Je vous l'ai dit,
24:40j'ai beau me creuser
24:41la tête,
24:42je ne vois pas
24:43vraiment
24:43comment les victimes
24:45pouvaient porter
24:45tout cela sur elle
24:46en venant
24:47chez l'infirmière.
24:50Oui,
24:50vraiment,
24:50c'était...
24:51c'était des victimes
24:53très,
24:53très habillées.
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