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  • il y a 13 heures
Il a été l'un des otages des terroristes du Bataclan durant 2h30 dans un couloir de 1,30 m de large et de 6 m de long. Comment se reconstruire après un tel traumatisme ? 10 ans après, David Fritz Goeppinger publie "Il fallait vivre" aux éditions Leduc, et s'est impliqué dans la fiction "Les Vivants", qui raconte son parcours.
Regardez L'invité d'Anne-Sophie Lapix du 13 novembre 2025.

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Transcription
00:00Anne-Sophie Lappix, RTL Soir
00:03Notre grand invité est le photographe David Fritz-Guppinger.
00:07Il fait partie des 11 otages retenus pendant plus de 2 heures
00:10par les terroristes du Bataclan le 13 novembre 2015
00:13dans un petit couloir de la salle de spectacle
00:16jusqu'à l'assaut de la BRI.
00:18Bonsoir David Fritz-Guppinger.
00:19Bonsoir.
00:20Alors on enregistre cette interview, il est 11 heures
00:22parce que ce soir vous participerez aux commémorations du 13 novembre.
00:26Est-ce que vous appréhendez ces commémorations ?
00:29Je les appréhende, en même temps je sens que c'est un besoin profond d'y être.
00:34Moi je n'ai jamais loupé une commémoration.
00:37Je pense que c'est important à l'aube de ces 10 ans
00:39d'y être, de commémorer d'une part la mémoire de ces gens qui ont disparu
00:45et d'autre part ceux qui restent, ceux qui sont les vivants de ces événements.
00:50Et donc aujourd'hui c'est un grand jour de mémoire
00:52auquel je suis heureux de participer, de prendre part.
00:55Alors vous aviez 23 ans ce 13 novembre 2015
00:58et vous assistiez au concert des Eagles of Death Metal au Bataclan
01:02avec des amis.
01:03Vous n'avez pas assisté au premier coup de feu,
01:05vous les avez entendus et vous avez rapidement compris ?
01:09Oui, j'ai compris assez vite moi en fait qu'il s'agissait d'un attentat
01:12parce que j'ai toujours joué beaucoup aux jeux vidéo
01:14et donc j'avais déjà l'oreille un peu accoutumée à ce à quoi pouvait ressembler un coup de feu.
01:19Donc j'ai très vite compris qu'il s'agissait d'un attentat.
01:21Je suis retourné voir les deux amis avec qui j'étais au balcon du Bataclan
01:25et en me penchant par-dessus cette barrière, au balcon j'ai compris qu'on nous tirait dessus.
01:29Là vous avez vu ce qui se passait ?
01:30Oui, j'ai pour habitude lorsque je rencontre des élèves en classe
01:35de dire qu'à ce moment-là j'ai trois sens qui s'activent,
01:37qui sont la vue, l'odorat et l'ouïe en fait.
01:40Parce que je vois des gens se faire tirer dessus, je sens l'odeur de poudre
01:42et j'entends surtout les coups de feu qui viennent du rez-de-chaussée.
01:45Donc il y a toute une scène de panique
01:47où moi j'essaie d'expliquer à mes amis ce qui se passe, etc.
01:50On se perd de vue.
01:51Et là survient un moment que je pense que la France connaît
01:55dans le passage Saint-Pierre-Hamelot.
01:57C'est des images qui ont été enregistrées par un journaliste
01:59qui habitait en face de Daniel Pseni, qui travaillait au Monde.
02:03Et donc ces images, tout le monde les connaît,
02:05sauf que moi je l'ai vécu de l'intérieur.
02:06Donc je me suis abrité sur le rebord de cette fenêtre
02:08dans le passage Saint-Pierre-Hamelot
02:10en pensant que peut-être la chance ou la force
02:12me permettrait de monter sur le toit du Bataclan.
02:15Mais je n'y suis pas arrivé.
02:16Vous êtes resté combien de temps sur ce rebord de fenêtre ?
02:17Sur ce rebord de fenêtre, je suis resté environ 10 à 15 minutes.
02:19C'est à la fois l'éternité et à la fois un claquement de porte.
02:23Et finalement, les terroristes vont vous retrouver ?
02:26Oui, ils me retrouvent.
02:27Et moi, je suis à côté d'un jeune mec
02:30où je ressens vraiment le besoin de lui demander son prénom,
02:34de lui dire que ça va aller.
02:35Donc il me dit qu'il s'appelle Sébastien, etc.
02:36Donc je dis, écoute Seb, ça va aller, tu verras,
02:38on va se voir et on va boire des bières.
02:40Bon, l'histoire...
02:41Dès ce moment-là, vous voulez.
02:41Dès ce moment-là, je savais que j'avais cet espoir-là.
02:43Et bon, voilà.
02:45On a bu des bières ensuite.
02:47C'est ça.
02:48L'histoire s'est réalisée.
02:51Vous êtes...
02:52Donc les terroristes vous retrouvent.
02:54Ils vous emmènent avec eux ?
02:55Oui, c'est ça.
02:56Et ensuite, le moment où tout va vriller,
02:58en fait, c'est quand un des terroristes va être abattu ?
03:02Oui, en fait, cette prise d'otage,
03:03on va dire qu'elle est divisée en deux parties.
03:05La première, c'est donc sur ce balcon
03:07et c'est là où on entend les terroristes
03:09faire des diatribes sur l'État islamique,
03:11sur leur raison, entre grands guillemets,
03:13de leur présence à Paris ce soir-là.
03:16Et ce moment de surconfiance des terroristes
03:19est brisé par le surgissement,
03:21l'arrivée, en fait, d'un commissaire de la BAC.
03:23Patron du Red, maintenant.
03:24Voilà, exactement, accompagné de son chauffeur.
03:27Et tous deux font feu sur scène
03:29où il se trouve qu'il y a un autre terroriste
03:30avec d'autres otages.
03:31Et ce terroriste actionne son gilet, il explose.
03:33Et ça, ça crée un moment de bascule
03:35auprès des terroristes qui nous ont pris en otage, nous.
03:37Et en fait, ils se rendent compte que déjà,
03:39là, on commence à leur répondre.
03:41Et qu'ils vont essayer, quelque part,
03:43de se protéger et de se servir de nous
03:44comme protection.
03:45Et donc, ils nous ramènent, en fait,
03:47dans ce couloir d'un mètre trente de large
03:49pour s'y mettre de long.
03:50C'est tout petit, c'est une coursive,
03:51c'est même pas un couloir.
03:53Et c'est là où se passe cette seconde partie
03:54de prise d'otage avec l'arrivée de la BRI,
03:57les négociations, enfin,
03:58tout ça dure 2h30.
03:59Vous vous entendez ?
04:00Vous participez à ces négociations ?
04:02Alors, on les entend parce que
04:04les deux terroristes étaient complètement sourds
04:06à force de tirer,
04:07on a des coups de feu, toujours.
04:08Donc, on entend une partie,
04:09l'un parle très fort,
04:10puis l'autre, lui aussi, commente, etc.
04:13Donc, on comprend la teneur des débats, presque.
04:15Et je me souviens très bien du négociateur
04:18de la BRI qui dit,
04:19écoute, il nous faut du temps,
04:20là, on a des blessés, etc.
04:21Laisse-nous un peu de temps.
04:22Donc, ils grattaient, comme ça,
04:23au fur et à mesure du temps
04:24et de l'espace aussi pour pouvoir,
04:25eux, nous, on n'était pas au courant,
04:26mais que la BRI progresse dans le Bataclan,
04:28on sécurise le Bataclan
04:29et se prépare à l'assaut, finalement.
04:31Des terroristes, vous parlez ?
04:32C'est arrivé.
04:33Un des terroristes m'a parlé,
04:35mais un peu plus tôt dans la soirée,
04:37dans la prise d'otage, en fait,
04:38où on était au balcon.
04:39Et donc, il y a ce moment
04:40où, lui, il dit qu'il accuse François Hollande, etc.
04:44Et donc, il nous prend un témoin.
04:45Il dit, qu'est-ce que vous pensez de François Hollande ?
04:47Et moi, je ne comprends pas qu'on me parle, en fait.
04:48Et je réalise qu'on me parle
04:50parce que je sens une calache,
04:52une arme contre moi qui se rapproche.
04:54Et donc, je la regarde, je lui dis,
04:55ben, moi, je ne pense rien, quoi.
04:56Donc, avec lui, je pense que j'ai l'impression,
04:58j'en souris aujourd'hui,
04:59mais j'ai l'impression que ça l'interpelle.
05:01Et il dit, mais si, tu penses bien quelque chose.
05:03Et je lui dis, non, je ne pense rien.
05:04Et puis, il insiste en disant,
05:06ne te crispe pas parce que tu as peur de moi.
05:07Et je lui fais le nom de la tête
05:08comme si je n'avais pas peur.
05:10En réalité, bon, voilà.
05:12Et je lui dis, ben, je ne pense rien,
05:12je ne suis pas français.
05:13Il me dit, mais t'es doux ?
05:14Et je lui dis, je suis chilien.
05:16Et ça, ça a été enregistré
05:17par une bande sonore
05:17qui est présente au Bataclan.
05:19Et ça a été un moment
05:20à la fois bouleversant
05:22pour mon identité,
05:23pour ma narration personnelle,
05:25ma biographie,
05:25parce que j'étais en effet juste chilien,
05:27avec des guillemets.
05:28Et aujourd'hui, je suis franco-chilien.
05:30Et j'ai voulu devenir français aussi
05:32pour pouvoir dire à ce mec,
05:34rétrospectivement, voilà.
05:35Ce soir-là, je t'ai dit que j'étais chilien,
05:38mais là, je suis français aussi.
05:39Dans le couloir,
05:40vous vous parlez entre vous, entre otages ?
05:43Moi, je n'ai pas parlé à d'autres otages.
05:44Il me semble qu'on ne s'est pas parlé entre nous.
05:45Mais il y a un moment où j'étais face à une fenêtre
05:49dans ce tout petit couloir
05:50et où je sentais un homme à côté de moi,
05:54en costume,
05:55dont le téléphone vibrait
05:56contre sa poche de costume.
05:58Et je me posais des questions sur lui.
06:00Je me disais,
06:01est-ce qu'il est papa ?
06:02Qu'est-ce qu'il fait dans la vie ?
06:03À quoi il ressemble ?
06:04Parce que je n'avais pas encore vu son visage.
06:05Qu'est-ce qu'il est venu faire là ?
06:06Et puis un moment, je me suis dit,
06:07ça se trouve, là, c'est la fin.
06:09Tu vas mourir.
06:11Et tu n'auras jamais touché la peau de ce mec.
06:13Et en fait, le moment où je lui attrape la main,
06:17au fond, c'est une sorte de résistance
06:19qui était discrète.
06:21Il y avait une curiosité de l'autre ?
06:22Absolument.
06:23C'est un truc qui, pour moi, dans l'après,
06:25a été d'une reconstructeur en même temps
06:28et aussi moteur de cette reconstruction.
06:31Grandir avec mes amis ex-otages,
06:33ça m'a aussi permis de grandir en tant qu'humain,
06:35en tant que personne.
06:35Parce que vous avez voulu les revoir très vite après ?
06:38Oui, en réalité, moi, je cherchais surtout la trace de Sébastien
06:41que j'avais croisée plus tôt dans la fenêtre,
06:43enfin, à côté de la fenêtre,
06:44mais c'est Stéphane qui est venu à ma recherche, en fait.
06:47Parce qu'il a entendu ce dialogue avec ce terroriste
06:49où je dis que je suis chilien,
06:50et lui, il se dit, mais c'est quoi ce bordel ?
06:52Et il y a une raison à ça,
06:53c'est qu'il a été marié avec une chilienne
06:54qui s'appelle Iscela,
06:55et il a trois filles qui sont franco-chiliennes,
06:57et donc il rentre chez lui,
06:59les heures qui suivent,
07:00et il dit à sa compagne,
07:02il faut que je retrouve ce mec,
07:03et ce mec, c'est moi.
07:03Il y a des otages,
07:06et il y a des victimes du Bataclan
07:07qui ont oublié toute une partie de cette soirée.
07:10Vous, vous êtes photographe,
07:11et vous avez les images,
07:12toutes les images qui sont restées dans votre mémoire.
07:15Est-ce que finalement,
07:17ça ne vous a pas encombré l'esprit ?
07:19Alors, c'est une analyse intéressante,
07:21et c'est vrai qu'aujourd'hui,
07:22je me passerais bien de certains souvenirs.
07:23Mais en réalité, je pense que ce besoin
07:26de garder en moi ces images,
07:28en moi ces voix, leurs traces,
07:30au moment où ça se passait,
07:31je ressentais l'urgence de me dire,
07:33si tu sors de là,
07:35toi peut-être que tu n'en feras rien de ça,
07:36mais la police, les enquêteurs,
07:39vont pouvoir se servir de ce que tu vas raconter,
07:40et peut-être qu'il y a des gens
07:41qui vont être retrouvés.
07:43Il y a un échange qui se passe
07:43entre deux terroristes,
07:44où l'un, bon, il se parle en français,
07:46en arabe parfois,
07:47et l'un dit à l'autre,
07:49est-ce qu'on appelle Souleymane ?
07:50Et en fait, si on tire un fil dans l'enquête,
07:52Souleymane, c'est un des commanditaires des attentats.
07:54Et moi j'ai quand même cette satisfaction
07:56de me dire que j'ai apporté ce nom-là,
07:57et que j'ai participé,
07:59j'ai contribué au processus de justice
08:00bien avant le procès.
08:02Et donc en effet, c'est encombrant,
08:04mais l'idée aussi, après ces dix ans,
08:06c'est peut-être d'arrêter
08:07de mettre une pièce de monnaie dans la machine,
08:09et d'essayer de consacrer mon énergie
08:12à autre chose que ça.
08:13Vous évoquez votre livre justement,
08:15Il fallait vivre.
08:16Pourquoi il fallait vivre ?
08:18Parce qu'il y a cette difficulté,
08:19je dis nous,
08:20parce qu'on est beaucoup d'impliqués
08:22dans ces attentats,
08:22mais malgré tout,
08:24la vie continue donc,
08:25et malgré tout,
08:27il fallait vivre.
08:28On a perdu quelqu'un,
08:29on a peur dans les transports,
08:30on a peur dans les concerts,
08:31on n'est plus pareil,
08:32on ne sait pas qui on est,
08:33on souffre.
08:34Malgré ça, il faut vivre.
08:35Et donc c'est pour ça que ce titre,
08:36il me semblait évident,
08:37et je trouve qu'il résume assez bien
08:38tout ce qu'on a mobilisé,
08:40nous, victimes,
08:41de ces attentats
08:41durant ces dix années.
08:43Merci beaucoup,
08:44David Fitzgubinger,
08:45d'être venu dans RTL Soir.
08:47Dans un instant,
08:48de la musique,
08:49la musique qui continue de réunir,
08:50d'adoucir l'existence,
08:52ce sera l'album live
08:53de Pierre Garnier
08:54dans la Tentation du Soir.
08:56Et puis,
08:56l'info qu'on a failli manquer,
08:58mais que Florian Gazan
08:58a repêché,
08:59et c'est le bac en Corée.
09:00A tout de suite.
09:02Chaque jour,
09:03vous êtes plus de 5 millions
09:04à écouter RTL.
09:05Merci pour votre fidélité.
09:07RTL,
09:08votre radio.
09:09et c'est plus de 5 millions
09:11à écouter RTL.
09:12Et c'est plus de 5 millions
09:12à écouter RTL.
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