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  • 2 months ago
Transcript
00:00– Avec nous, Michel Racotoson, bonjour, merci d'avoir accepté l'invitation de France 24.
00:09Vous êtes journaliste, romancière et dramaturge malgache,
00:12grande médaille de la francophonie de l'Académie française pour l'ensemble de votre œuvre,
00:16prix Orange du Livre en Afrique 2024.
00:18On va parler de la situation de votre pays, on espère que vous allez nous aider à la comprendre.
00:24Ce vendredi, prestation de serment de Michael Van Janirin comme chef de la transition.
00:29Est-ce que vous, vous lui faites confiance au dirigeant le pays ?
00:33– Je bégais un peu, soyons clairs.
00:39Lui, je ne sais pas, il faudra le voir à l'œuvre.
00:42Par contre, j'ai confiance Ă  mon peuple.
00:45J'ai vu ce mouvement, j'ai vu les jeunes monter avec une discipline rigoureuse,
00:50mais vraiment rigoureuse, avec des idées nouvelles.
00:53J'ai vu toute la population arriver jusqu'Ă  des vieilles dames,
00:57mais vraiment, je souris, qui ont engueulé les gendarmes en disant
01:02« Qu'est-ce que tu fais ? Pourquoi tu fais ça ? »
01:04Et les gendarmes se sont retournés.
01:07J'ai vu le courage avec lequel ça a été fait,
01:10et je vois et j'entends les différents questionnements.
01:13Ok, on va lui faire confiance, mais ce n'est pas un blanc sec.
01:20Ça veut dire qu'à un moment donné, les balises vont être posées.
01:24Et lĂ , il faudra qu'il joue dans les balises, pas en dehors des balises.
01:27– Et justement, Michel Racotosso, que vous inspirent les premières annonces
01:31de Michael Van Janirin, comme celle par exemple de ne pas renvoyer
01:35la haute cour constitutionnelle ou encore le Sénat,
01:37alors que ces renvois étaient réclamés par les manifestants issus de la Gen Z ?
01:43– Je ne suis pas constitutionnaliste.
01:48Je suis écrivain, je suis sociologue.
01:52Je ne sais pas ce qui s'est passé derrière,
01:55donc permettez-moi de ne pas répondre à cette question.
01:58Cela dit, je lui donne le droit à la réflexion,
02:02de lancer une idée et puis de se dire « Attendez,
02:05comme on dit en malgache,
02:07« T'si sa vodja vit amur » »
02:08Rien ne se fait facilement.
02:10Et quelque part, je me dis qu'il vaut mieux
02:13quelqu'un qui a des hésitations plutôt que quelqu'un
02:16qui arrive droit dans les buts.
02:19LĂ , c'est vraiment une refondation.
02:23Cela veut dire que c'est quelque chose qu'on est en train de recréer.
02:27Il y aura des hauts et des bas.
02:29Il y aura des moments très durs, c'est évident.
02:33Mais c'est quelque chose qui est Ă  faire.
02:35Mais vraiment, il faudra trouver tous les fondements.
02:38Pour l'instant, j'ai décidé, j'ai bien dit,
02:41j'ai décidé d'avoir confiance.
02:43Alors, il est installé comme président de la refondation,
02:47c'est le mot qui a été utilisé, Michel Racotesson.
02:49Vous, vous voyez dans ce qu'il s'est passé une révolution.
02:54Expliquez-nous.
02:54J'ai vu ce mouvement depuis ses débuts.
03:00Mais vraiment depuis le début.
03:01Ce n'était pas en septembre, c'était il y a un an ou deux.
03:04Les Malgaches ont tenu le plus longtemps possible
03:08dans des situations terrifiantes.
03:10Mais terrifiantes.
03:11Pas d'eau, pas d'électricité, pas de médicaments,
03:14pas d'école, pas de route, rien.
03:16Ils ont tenu jusqu'au moment où ça a été devenu insupportable.
03:19Et j'ai vu des jeunes gens dans les quartiers périphériques
03:27allumer des pneus.
03:29Pendant un an, ils ont fait ça.
03:31Ils ont tourné à travers tous les quartiers.
03:34Puis petit à petit, les étudiants sont arrivés.
03:37Puis la société civile est arrivée.
03:40Puis les gamins des quartiers très pauvres sont arrivés.
03:44Et tout le monde a pris sa place.
03:50Mais j'ai vu vraiment des trucs impressionnants.
03:53Et en mĂŞme temps, avec une politesse rare.
03:57Je vois par exemple des papas qui sont arrivés
04:02avec des bouteilles d'eau,
04:04donner de l'eau aux jeunes manifestants.
04:07J'ai vu des manifestants s'enfuir dans les cours.
04:09et les familles et disant aux gens qui les avaient abrités
04:15« Excusez-nous, ce n'est pas de notre faute.
04:18J'espère que vous n'allez pas avoir de difficultés à cause de nous. »
04:23Donc il y a quelque part une sorte de marque de fabrique
04:26de ces jeunes malgaches dans leur façon de répondre au pouvoir
04:31qui a fini par partir.
04:33Vous avez trouvé le mot.
04:35C'est une marque de fabrique.
04:37Je ne sais pas comment ça s'est passé avec les jeunes Z dans les autres pays.
04:41Mais là, ils ont mélangé.
04:43Il y a un mélange de la mémoire de résistance.
04:47Parce que c'est quand même une mémoire de résistance
04:49dont on ne parle jamais.
04:51Ce sont les petits-enfants de 1947,
04:54les enfants de 72,
04:56les enfants de toutes les années 90.
04:59mais aussi revient en surface d'autres résistantes
05:04dont on ne parle pas.
05:06Tout ce qui s'est passé dans le Shadjava, dans le Sud,
05:08des noms comme Kutav, comme Tuir.
05:15Donc en fait, c'est cette mémoire-là qu'on nous a déniée
05:18qui revient petit Ă  petit Ă  la surface.
05:21Et ce que je trouve extraordinaire,
05:23ce que j'ai trouvé extraordinaire,
05:24et lĂ  c'est la marque de fabrique,
05:26ça a été toute caste confondue.
05:29Mais toute caste confondue.
05:30J'ai vu des jeunes, des quartiers populaires
05:33à qui on avait proposé de l'argent
05:36et qui ont dit non, non, ça suffit comme ça.
05:39Aujourd'hui, il y a cette page qui se tourne
05:43avec cette prestation de serment.
05:45Michel Racotosson, quels sont Ă  votre avis
05:47les principaux chantiers de cette transition
05:50qui s'amorcent ?
05:52Il faut vraiment régler,
05:54mais de manière urgente, l'eau et l'électricité.
05:58Parce que lĂ , c'est la survie du pays.
06:00C'est le problème urgent.
06:03La sécurité, dans tous les sens du terme.
06:06La sécurité civile, la sécurité financière,
06:08la sécurité économique, ça, il faut le régler.
06:12Régler les problèmes de corruption.
06:14LĂ , il faut vraiment que ce soit
06:15quelqu'un de solide qui tienne.
06:18Parce que là, elle est endémique.
06:20Elle est un peu partout.
06:21Et c'est pour ça qu'on a parlé de refondation.
06:24Il y a toute une culture Ă  refaire.
06:28Et ce que j'aime bien, par contre,
06:30dans ces gens qui arrivent au pouvoir,
06:33c'est l'austérité.
06:34On est un pays très pauvre.
06:36Ce n'est pas la peine de jouer Ă  ĂŞtre les riches.
06:38On est pauvre.
06:40Alors, soyons austères.
06:41Soyons travailleurs.
06:42Et justement, comment répondre à ces besoins
06:45extrêmement urgents, l'eau, l'électricité,
06:49dans un Madagascar très pauvre
06:51et réputé dépendant de l'aide internationale ?
06:55On a de très bons techniciens.
06:59De très, très bons techniciens
07:01qui ont été mis de côté.
07:04On a des gens qui connaissent le terrain,
07:06qui ont été mis dans des placards.
07:08Il faudrait les sortir de leurs placards tous,
07:11quels qu'ils soient leurs choix politiques.
07:13Je m'entends.
07:14Je ne parle pas des prédateurs.
07:16Mais je parle des gens
07:17qui, pour une raison ou pour une autre,
07:20ont suivi, etc.
07:21Mais qui sont compétents dans leur domaine.
07:23Là, c'est une histoire de compétence.
07:26D'une.
07:27Deuxièmement, on dépend des aides internationales.
07:29Moi, je veux bien.
07:30Mais qui a profité des aides internationales ?
07:33C'est ça, la vraie question.
07:35Si l'aide internationale est bien gérée,
07:39s'il est internationale,
07:41s'il n'y a pas de magouilles,
07:44si les magouilles sont,
07:45comme on dit ça,
07:47sont contrôlées,
07:48il y a peut-être déjà une grande part
07:51qui peut ĂŞtre faite.
07:53Parce que lĂ ,
07:54j'ai eu les chiffres
07:56de tout ce qui a été envolé,
07:59pillé, dilapidé.
08:01C'est effarant.
08:02D'oĂą la prochaine question,
08:04Michel Racotoson.
08:05Dans une tribune que vous avez co-signée
08:08dans le point avec d'autres écrivains,
08:11vous appeliez le président Razouel
08:13Ă  prendre les moyens pour apaiser la situation,
08:15quitte Ă  prendre du recul lui-mĂŞme.
08:17Il est finalement parti.
08:19Quelle trace, Ă  votre avis,
08:20il laissera dans l'histoire de votre pays ?
08:24Je préfère qu'il ne laisse pas de traces.
08:27Mais encore.
08:27C'est bon.
08:28C'est bon.
08:31Parce que s'il laisse des traces,
08:32d'autres vont l'imiter.
08:33Qu'il s'en aille
08:34et qu'il nous foutent la paix.
08:36Excusez-moi, je suis vulgaire.
08:38Mais vraiment,
08:39ce peuple en a bavé.
08:40Mais bavé, bavé.
08:42Donc, laisser ce peuple
08:45retravailler,
08:47re-avoir confiance,
08:48et puis tout ce qui est
08:50« ouais, c'est pas constitutionnel, etc. »
08:53Non, on est en face d'une révolution.
08:55On est en face,
08:58j'ai presque envie de dire,
09:00on est en face d'une révolution polie.
09:03Et vraiment polie.
09:05C'est un peuple extrĂŞmement poli
09:07qui s'excuse tout le temps d'exister.
09:10C'est bon, lĂ .
09:10Laissez-leur dire.
09:12Laissez-leur dire.
09:13Ils ont des solutions.
09:14Ils savent.
09:15Ne seraient leurs jeunes, les vieux.
09:17Ils ont des solutions.
09:19Ils ont appris à vivre dans la misère.
09:21Ils savent ce que c'est.
09:22Et c'est une misère, mais...
09:23Excusez-moi,
09:25mais c'est une misère insupportable.
09:27Et je comprends votre émotion,
09:29Michel Gacotoson.
09:30Un dernier mot, peut-ĂŞtre,
09:31pour refermer cette interview.
09:33Comment voyez-vous l'avenir de Madagascar ?
09:37Je pense que dans les temps rapides
09:40qui vont venir,
09:40ça va être difficile.
09:42Mais je dis depuis le début,
09:44j'ai confiance en ce peuple.
09:46Tout ce peuple.
09:47Merci beaucoup.
09:49Et je sais comment ils se débrouillent.
09:51Merci beaucoup.
09:52Et moi, je leur tiens respect.
09:55Merci beaucoup, Michel Gacotoson,
09:57pour votre analyse,
09:58pour votre témoignage aussi.
09:59On a entendu l'émotion dans votre voix,
10:03journaliste, romancière et dramaturge malgache.
10:06Merci de nous avoir apporté cet éclairage ce matin
10:09sur la situation de Madagascar.
10:11Merci beaucoup.
10:12Merci beaucoup.
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