00:00L'heure est à la fête même si de nombreuses questions vont se poser très vite.
00:04Pour le moment ce sont les militaires qui ont le pouvoir, la fameuse Capsat, cette même unité qui avait propulsé,
00:10souvenez-vous, Ange Razouel au pouvoir en 2009.
00:13Karim Yahoui, bonjour. On va essayer d'analyser ce qui est en train de se passer et ce qui va se produire éventuellement dans les jours et les semaines qui arrivent.
00:20Quel est le risque, le premier risque qui va se poser cette jeunesse qui se mobilise depuis fin septembre ?
00:25Elle avait initié ce mouvement de contestation. Est-ce qu'elle risque pas de se faire doubler, de ne pas récolter les fruits qu'elle a semés ?
00:31C'est tout à fait possible parce que par le passé c'est ce qui s'est souvent produit.
00:35Et d'ailleurs cette fameuse Capsat dont on parle, c'est cette Capsat qui avait amené au pouvoir Ange Razouel en 2009 et qu'il le chasse du pouvoir aujourd'hui.
00:45Alors cette Capsat qu'on présente comme une unité de l'armée n'est pas une unité combattante,
00:51mais on la considère souvent comme un peu le cœur battant de l'armée malgache.
00:56Elle est dirigée par des membres influents de la gendarmerie.
00:59Elle entretient des liens étroits avec des élites influentes et les milieux d'affaires.
01:04Ces deux éléments, élite et milieu d'affaires, ne voient pas forcément d'un mauvais oeil un changement de politique dans le pays
01:10puisque ce sont eux qui profitent des richesses du pays depuis de très nombreuses années.
01:15Alors on a vu dans les images que pour l'instant c'était l'union sacrée entre l'armée et cette jeunesse qui manifeste depuis des semaines
01:22avec cette armée qui a refusé de réprimer la population, cette Capsat qui a demandé aux autres membres de l'armée de ne pas tirer sur les jeunes
01:31et les a même aidés à construire des barricades.
01:34Le problème c'est qu'on a très rapidement vu que la prise de pouvoir c'est celle avant tout de la Capsat
01:41et non pas des manifestants, c'est bel et bien elle qui dans les faits prend le pouvoir.
01:46On annonce la mise en place d'un comité qui est composé d'officiers, de gendarmes, de la police nationale
01:52qu'on saupoudrera peut-être de quelques conseillers civils
01:55mais c'est ce comité qui assurera le travail de la présidence
01:59en promettant, on ne sait pas trop quand, à ce qu'il y ait la mise en place d'un gouvernement civil.
02:06En tout cas c'est vrai que l'inquiétude est grande
02:08mais l'ironie de l'histoire c'est que le président déchu avait tenté de militariser son gouvernement ces derniers temps
02:16en nommant des hommes pour tenter de le protéger face à ses manifestants.
02:22Alors ce mouvement de la Gen Z de Madagascar est à la croisée des chemins comme vous le disiez.
02:27Le mouvement n'a pas de structure claire, pas de représentants identifiés, pas de programme politique.
02:31C'est surtout la solidarité en son sein et aussi le constat d'une situation devenue insupportable
02:37ainsi qu'un certain nombre de références culturelles communes qui ont aggloméré tous ces jeunes
02:44mais il n'y a pas véritablement d'adhésion à un parti.
02:48C'est ce qui fait la force de ce mouvement, c'est ce qui l'a rendu efficace et insaisissable
02:52aux yeux du pouvoir de Madagascar
02:56mais c'est aussi ce qui risque de faire sa faiblesse au moment où il faut peut-être passer à une étape essentielle, une étape politique.
03:02Voilà, surtout qu'on le voit aujourd'hui, l'histoire est quand même en train de se répéter
03:06ça ne règle pas les sujets de fond qui pour le coup eux sont plus que réels.
03:11Plus que réels, Madagascar connaît sa cinquième crise politique depuis son indépendance en 1960, 1972, 1991, 2001, 2009
03:20et aujourd'hui 2025, à chaque fois le pouvoir promet la fin du désordre
03:25et l'avènement d'une forme de justice et d'équité sociale.
03:29Chaque fois la jeunesse se retrouve contrainte à descendre dans la rue
03:33et encore une fois c'est la situation socio-économique qui a mis le feu aux poudres.
03:37Madagascar, on l'a vu, est un des pays les plus pauvres au monde
03:40et paradoxalement il a enregistré une croissance de 4,2% en 2024.
03:45C'est ce paradoxe qui évidemment attise la colère de ces jeunes.
03:51La population de Madagascar a un âge média de 20 ans, pas de perspective
03:55et finalement les difficultés de ces derniers temps, notamment les pénuries d'électricité
04:00ou encore les pénuries d'eau ont agi comme un catalyseur à une colère latente mais profonde.
04:06Ce cycle se répète tous les 10 à 15 ans.
04:09De nombreux observateurs attribuent cette énième crise à ce qu'ils appellent l'élite prédatrice
04:15souvent binationale dans le pays.
04:18Elle extrait les ressources naturelles sans favoriser le développement.
04:22Elle impose une forme de monopole, empêche que d'autres puissent profiter de l'exploitation,
04:27d'autres investisseurs notamment.
04:29Cette minorité à la mainmise sur l'économie et l'administration
04:32et ce qui inquiète c'est que cette minorité entretient des liens particulièrement étroits avec l'armée.
04:37Les différents gouvernements souvent ont été corrompus par cette élite pour maintenir un statu quo.
04:43Le problème c'est que les différents mouvements de contestation à l'oeuvre à chaque fois
04:47réussissent à faire tomber un président mais qui n'incarne qu'une façade
04:52et à chaque fois le système réussit à se reconstruire, à se reproduire.
04:56C'était le cas notamment en 1972.
04:59Des étudiants avaient fait tomber le gouvernement en place avec le soutien de l'armée
05:02mais l'armée immédiatement avait porté au pouvoir un autre homme
05:05qui a reproduit cet éternel schéma.
05:08Voilà, c'est ce qu'on nous dit aujourd'hui à Antoine Anarive.
05:10Il y a de nombreux politiques, de vieux loups politiques
05:12qui se pressent au QG de la Capsate
05:14pour essayer de briller en ces heures si cruciales.
05:17On aura l'occasion d'y revenir dans l'info du jour
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