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  • il y a 22 heures
En février 1945, quelques mois avant la fin de la guerre, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'URSS se réunissent à Yalta afin de s'accorder sur le futur de l'Europe. Staline, en position de force grâce à ses succès militaires, rassure les dirigeants occidentaux en s'engageant à organiser des élections démocratiques dans les territoires libérés par l'Armée rouge. En réalité, il va profiter du chaos ambiant pour étendre sa toile... Alors que plus de 30 millions de personnes - Allemands expulsés, prisonniers de guerre, rescapés des camps, civils fuyant déjà les persécutions soviétiques... - errent sur un continent en ruine, et que les populations sont occupées à reconstruire et à survivre, Moscou manoeuvre, dans ces années d'après-guerre, pour placer ses fidèles à la tête des gouvernements polonais, est-allemand, tchécoslovaque ou hongrois. Se servant partout où il le peut, le Kremlin réquisitionne en même temps les industries de ces pays déjà sous influence : machines, blé, charbon mais aussi uranium nécessaire à la fabrication de la bombe atomique sont confisqués. Glorifiée par la propagande, l'idéologie communiste s'impose à tous les esprits, tandis que les arrestations arbitraires se multiplient. Bientôt, des clôtures se dressent entre l'empire de Staline et le reste du monde : le rideau de fer s'est abattu sur l'Europe. Année de Production :

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00:00Musique
00:00Quand en février 2022, le président Poutine envahit l'Ukraine,
00:19j'ai l'étrange impression que l'histoire se répète.
00:23Cherchait-il à imiter Staline, qui après la Seconde Guerre mondiale
00:26a transformé les pays d'Europe centrale en alliés dociles de la Russie
00:29La propagande soviétique les appelait les pays frères
00:35des frères que notre armée a occupés pendant 45 ans
00:39Et pourtant, nos dirigeants affirmaient qu'ils avaient choisi de plein gré
00:45notre mode de vie et notre idéal
00:47En URSS, on ne savait quasiment rien de leur vie
00:55ils nous étaient interdits d'aller à leur rencontre
00:57J'ai toujours voulu comprendre comment des dizaines de milliers d'Européens
01:03en Allemagne de l'Est, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie
01:08qui n'avaient aucune envie de devenir communistes
01:10avaient vécu leur attachement forcé au monde soviétique
01:13Après la chute du mur, j'ai mis des années avant d'aller à leur rencontre
01:24Moi, une Russe, élevée en URSS
01:27L'État qui les a dominés pendant si longtemps
01:30J'ai fini par le faire
01:32Je suis partie à la recherche de ceux qui sont encore vivants
01:36Ceux qui, enfants, ont vu l'arrivée de l'armée rouge
01:39et, adolescents, ont vécu au quotidien
01:43les premières années du nouveau régime
01:44Ils m'ont raconté leurs souvenirs
01:48et leur vie
01:49derrière le rideau de fer
01:50Il y avait un portrait de Staline accroché au mur
01:55On nous a appris que Staline, notre père
01:58était très bon et très doux
02:01Je mens, tu mens
02:03On disait ce qu'il fallait dire
02:04mais on savait que ce n'était pas la vérité
02:07Il y avait là un colonel russe
02:11Il m'a regardé un moment
02:13et il m'a dit
02:13« Toi, espion ! »
02:15J'ai répondu
02:16« Comment ça, moi, un espion ? »
02:18« C'est un espion ? »
02:48Il y avait la main sur la Pologne
02:50sur une partie de l'Allemagne
02:53sur la Bulgarie
02:56sur tous ces pays d'Europe centrale
02:58et les rallier à l'URSS
03:00était un grand projet de Staline
03:04Il l'a réussi
03:06grâce à une manœuvre
03:07dont les livres d'histoire du bloc soviétique
03:09ne parlaient jamais
03:12En février 1945
03:15quelques mois avant la fin de la guerre
03:17les soviétiques ont invité à Yalta
03:19les dirigeants britanniques et américains
03:21pour s'accorder sur le futur de l'Europe
03:25Churchill et Roosevelt
03:26ont été obligés de venir en URSS
03:30Staline a insisté pour que la rencontre
03:32ait lieu dans son pays
03:33et il est en position de force
03:35grâce au succès de son armée
03:38Les occidentaux acceptent que l'armée rouge
03:40ne se retire pas des territoires qu'elle libère
03:42En échange, le chef soviétique promet d'y organiser des élections libres
03:48Churchill et Roosevelt sont soulagés
03:50Le futur démocratique de l'Europe centrale leur semble garanti
03:54Or, Staline a un tout autre projet
03:58Il l'a expliqué à son entourage
04:00Tout le monde impose son propre système
04:04aussi loin que son armée peut avancer
04:07La guerre touche à sa fin
04:12L'URSS est déjà libérée
04:14Staline a maintenant un autre but
04:16faire progresser ses troupes le plus loin possible
04:19pour étendre sa zone d'influence
04:21Très vite, l'armée rouge libère la Bulgarie
04:25la Roumanie, la Pologne
04:28et elle entre en Hongrie
04:32Le pays a été l'allié des nazis
04:34La population redoute donc ses libérateurs
04:40Pirochka Zakhaï n'avait que 4 ans à l'époque
04:43Ces derniers jours de la guerre restent gravés dans sa mémoire
04:46On a d'abord été occupés par les Allemands
04:52Ensuite, ça a été les Rouges
04:55Oh mon Dieu !
04:57Sur les affiches, ils étaient représentés
05:00comme des monstres qui débarquaient
05:03Ma grand-mère s'est signée en disant
05:05C'est fini pour nous
05:08Mais comment se sauver ?
05:11L'armée rouge avance très vite
05:14Elle a déjà franchi la frontière allemande
05:15On se serait bien enfui mais pour aller où ?
05:19On en a longuement discuté mais personne n'avait d'idée raisonnable
05:25Mon père a demandé en allemand à ma mère qui était dans la cuisine
05:33Qu'est-ce qu'on va faire quand les barbares vont arriver ?
05:37Là, ma mère lui a répondu et s'est resté gravé dans ma mémoire
05:41On ira nulle part
05:44Les Russes sont aussi des êtres humains
05:46Mais tout le monde avait peur d'eux
05:51Après plus de trois ans de campagne meurtrière
05:54Presque 7 millions de soldats et officiers de l'armée rouge
05:57Arrivent enfin au cœur de l'Europe
06:02Ils sont épuisés
06:03Beaucoup ont été blessés dans les combats
06:06Et ils ont perdu leurs camarades
06:08Dans mon enfance en URSS, des années après la guerre, nos vétérans parlaient toujours de la richesse et du confort qu'ils avaient découvert en traversant la frontière
06:24Tellement loin de ce qu'ils connaissaient dans leur propre pays, la grande URSS
06:31Le choc avait été brutal
06:35On leur avait toujours dit que l'Occident capitaliste était en train de dépérir
06:40Ils le découvraient bien vivant et prospère
06:44Un jeune Russe est entré
06:50On était assis à table dans le salon
06:53Et il a crié
06:57« ta montre ! »
06:59Les soldats cherchaient toujours à prendre les montres des Allemands
07:02Certains en portaient sur tout le bras
07:03Ma mère s'est dépêchée d'enlever la sienne et de la cacher au cru du fauteuil
07:10Et elle a pu la sauver
07:12Elle avait les yeux affolés
07:14Mais quand on est enfant, on ne comprend pas toujours pourquoi
07:20Chez nous en URSS, cette photo prise sur le toit du Reichstag a longtemps symbolisé notre victoire sur les nazis
07:26Ce n'est que bien plus tard que j'ai découvert qu'elle avait été retouchée pour effacer du bras d'un des soldats une deuxième montre qu'il avait probablement volée
07:38En Russie, c'est toute la campagne de l'armée rouge qui a été retouchée
07:43On ne parle pas des vols, ni d'autres crimes
07:47Jamais
07:49Ni dans mon enfance, ni d'ailleurs aujourd'hui
07:56L'armée rouge fait peur
08:08Sa violence horrifie la population des pays libérés
08:14Krasnoarmiste, l'armée rouge, a traversé la Pologne et elle violait tout ce qui bougeait
08:21C'est clair que les femmes étaient la proie des soldats
08:27Souvent elles se noircissaient le visage
08:31Ou se couchaient en faisant croire qu'elles étaient malades
08:34Pour ne pas se faire violer
08:36Ces viols ont tellement traumatisé les populations
08:40Que même le cinéma Est allemand, totalement pro-soviétique, ne va pas pouvoir les passer sous silence
08:44Suậy sans
08:54****
08:55T'as vu pas pour se faire?
08:57narratives
08:59Tu peux dormir en chargeir?
09:03Tu n'as pwned.
09:04Il n'a pas Puerto.
09:08Tu n'as pwned, c'est right?
09:10L'amour pwned.
09:11Si les soldats pouvaient être terribles avec les femmes, il y en avait aussi qui étaient très gentils avec les enfants.
09:21Ils nous donnaient du pain et partageaient la nourriture.
09:26J'ai foncé sur le premier soldat russe que j'ai vu en disant « du pain » en russe.
09:32Il m'a donné du pain noir, carré.
09:35Je l'ai pris, j'ai couru voir ma mère et je lui ai dit « voilà, j'en ai eu ».
09:40Ensuite, j'ai pris une casserole, parce que les russes avaient installé une cuisine mobile et qu'ils préparaient du goulash.
09:50J'y suis allé tout de suite, et ils ont rempli ma casserole que j'ai rapportée à ma mère dans la cave, pour nourrir la famille.
09:57Il n'y avait pas de problème.
10:00On papotait avec les soldats russes, c'était bien.
10:03Début mai 1945, l'ultime épisode de la guerre s'est joué.
10:10L'armée rouge occupe Berlin.
10:13Le dernier bastion du nazisme est tombé.
10:18Après ça, les armes se sont eues.
10:21Et on a savouré ce calme, et ce silence incroyable qui régnait sur la ville.
10:36Les gens ont pu sortir de leur cave, de leur trou, comme on disait.
10:42Ils voulaient voir ce qui se passait, et surtout essayer de se procurer de la nourriture.
10:55Pour les habitants d'Europe centrale, l'après-guerre commence dans le chaos.
10:59Le changement des frontières, décidé à Yalta, provoque de grands déplacements de population,
11:05probablement les plus importants de toute l'histoire européenne.
11:09Première étape, l'expulsion des familles d'origine allemande.
11:13C'est une revanche.
11:15Ils payent pour les crimes des nazis.
11:16Dans cet après-guerre, ils sont plus de 10 millions à être expulsés de Pologne,
11:33de Tchécoslovaquie, de Hongrie.
11:35Des régions où ils vivaient depuis des siècles.
11:39Ils n'y ont désormais plus leur place.
11:40Sandor et Lenkebella, adolescents à l'époque, habitaient dans la campagne hongroise.
11:59Ils ont vu partir beaucoup de leurs voisins.
12:03La grande majorité de la population était allemande.
12:07Toute personne se déclarant d'origine allemande était expulsée.
12:14Ils ont dû tout abandonner sur place.
12:17Leurs bêtes, leurs matériels agricoles, leurs maisons, leurs terres, tout.
12:28Ma grand-mère s'est dépêchée de rassembler quelques couverts,
12:31du linge de maison et des couvertures.
12:37Et ils sont tous partis vers l'ouest.
12:41Parce qu'il valait mieux ne pas avancer du côté des Russes.
12:44Mieux fallait aller à l'ouest.
12:50Staline encourage cet exode.
12:52Et il a obtenu l'accord des alliés pour l'expulsion des Allemands.
12:58Surtout, il considère que ses départs massifs
13:00rendront plus dociles les pays de sa zone d'influence.
13:03Plus de 30 millions d'Européens errent sur les routes.
13:11On y trouve des anciens combattants, des prisonniers de guerre,
13:15des déportés tout juste libérés, qui cherchent à rentrer chez eux.
13:19Mais la plupart sont de simples civils.
13:22Ils fuient les persécutions des nouveaux maîtres soviétiques.
13:24Des villages entiers ont commencé ce long voyage à pied
13:31ou sur des chariots tirés par des chevaux.
13:36Beaucoup de gens épuisés ont été abandonnés sur le bord de la route.
13:41Il a fallu les laisser là.
13:45En Allemagne, dans la zone soviétique,
13:48des milliers d'enfants retrouvés seuls sur les routes
13:50sont placés dans des centres d'accueil.
13:51On cherche désespérément leurs parents.
13:57Waldemar Schön, 11 Jahre alt,
14:07floh im Januar 1945 aus der Heilstätte Ketsch in Posen.
14:11Die 6-jährige Gisela Schwabe stammt vermutlich aus Lutwalde.
14:18Von diesem 2-jährigen Mädchen aus Pommern
14:19kennen wir nicht einmal den Namen.
14:21Hans Dieter, nachnamen unbekannt,
14:26wurde mit Kopf und Arm verletzungen
14:27im Krankenhaus Küritz abgegeben.
14:30Christel, Helga und Edmund Schulz
14:32aus Kolmar, Ostpreußen, suchen den Vater.
14:35Die Mutter ist auf der Flucht gestorben.
14:40Partout en Europe centrale,
14:42les survivants des camps nazis,
14:43tout comme les familles juives exilées
14:45en Union soviétique pendant la guerre,
14:47rentrent chez eux.
14:48Ils ne sont pas nombreux,
14:55mais ils reviennent.
15:00Ma mère est revenue d'Auschwitz.
15:04Mon père avait été envoyé en Allemagne
15:06pour le travail obligatoire
15:07et il est revenu aussi.
15:08Ceux qui avaient survécu
15:12se sont retrouvés dans un monde nouveau,
15:14l'ancien monde ayant disparu
15:16avec l'arrivée de l'armée rouge.
15:18Pour les juifs,
15:20il y avait deux solutions.
15:22Soit ils s'adaptaient au nouveau régime,
15:25soit ils émigraient en Israël
15:26ou en Amérique.
15:28Comme mes parents étaient de gauche,
15:31ils ont immédiatement rejoint
15:33le parti communiste.
15:34C'était des gens simples,
15:36mais pour eux,
15:37c'était une grande libération.
15:39Ici, ils avaient un but,
15:41l'espoir de construire quelque chose.
15:43Mes parents et leur entourage
15:52croyaient sincèrement
15:54qu'après la guerre,
15:56il serait possible de reconstruire,
15:59de bâtir un État
16:00dans lequel il n'y aurait plus
16:02d'antisémitisme,
16:03dans lequel il n'y aurait plus
16:06d'injustice sociale,
16:07où la vie serait meilleure.
16:13Les aspirations des gens
16:16n'intéressent pas Staline.
16:18Il s'apprête à appliquer son projet
16:20de prise du pouvoir
16:20dans tous les pays
16:21que l'armée rouge occupe.
16:24Protégés par Moscou,
16:25les chefs communistes locaux
16:26sortent de la clandestinité
16:28et s'installent dans les postes clés
16:30de la nouvelle administration.
16:34Ces manœuvres échappent
16:35à la majorité de la population.
16:37Leurs préoccupations sont ailleurs.
16:40Il faut réussir à survivre
16:41dans cette Europe qui manque de tout.
16:49On était vraiment dans la survie,
16:51si bien que tout ce qui était politique,
16:54on l'acceptait sans discuter.
16:57Ce qui comptait à ce moment-là,
17:00c'était un toit sur la tête,
17:02du chauffage
17:03et à peu près de quoi manger.
17:05À Berlin,
17:08on fait des potagers dans le centre-ville,
17:10dans ce qui était le très populaire
17:12parc de Tiergarten,
17:13désormais déboisé.
17:17Les magasins sont vides.
17:19On vend tout ce qui reste encore
17:20pour trouver un peu d'argent
17:21et acheter de quoi subsister.
17:24Le marché noir prospère.
17:26Parmi les meilleurs clients,
17:28il y a les officiers
17:28et les soldats de l'armée rouge.
17:29Dans la zone soviétique,
17:38la situation alimentaire
17:39est d'autant plus critique
17:40que Staline a exigé
17:42que son armée,
17:43plusieurs millions de soldats
17:44et d'officiers,
17:45soient logés et nourris
17:46aux frais des pays
17:47qu'ils ont libérés.
17:52Les militaires soviétiques
17:53prennent leur quartier
17:54et profitent de la belle vie
17:56des forces d'occupation.
17:57La population subit
18:00et se raconte cette blague.
18:03Pourquoi les soldats
18:04des forces soviétiques
18:05ne participent jamais
18:06à la loterie locale ?
18:08Parce qu'ils ont trop peur
18:09de gagner un voyage en URSS ?
18:12Cette histoire se racontait
18:16en Allemagne,
18:17mais aussi dans tout
18:18le bloc soviétique.
18:20Les blagues politiques
18:21nous unissaient
18:22par-delà les frontières.
18:24On les chuchotait en privé,
18:26loin des oreilles indiscrètes,
18:27et c'était le seul moment
18:29où on parlait
18:29vraiment librement.
18:33En URSS,
18:34elles nous ont aidés
18:35à supporter
18:35la dictature communiste.
18:37En Europe centrale,
18:39elles ont permis
18:39de survivre
18:40pendant toutes ces années
18:41d'occupation.
18:45Mais à l'époque,
18:46on ne se doutait pas
18:46qu'elles dureraient
18:47plus de 45 ans.
18:49Tout le monde pensait
18:50que les Russes
18:50n'étaient là que pour
18:51quelques mois,
18:52quelques années tout au plus,
18:54le temps de reconstruire
18:55les pays ravagés
18:55par la guerre.
19:02En Pologne,
19:03la tâche est énorme.
19:05Tout est détruit
19:05par les années de combat.
19:08Les villes sont rasées,
19:10Varsovie n'existe plus.
19:11Avant la guerre,
19:38Varsovie comptait
19:40un million d'habitants.
19:46Donc le choc a été énorme
19:49quand on est passé
19:50par le centre-ville.
19:54Il n'y avait plus rien,
19:56juste des tas de décombres.
19:57La ville était en ruine.
20:04Je me promenais
20:06avec mon père
20:06qui prenait des photos
20:08de ce qui restait
20:09de la vieille ville,
20:11de la rue Pivna.
20:12On marchait dans un couloir
20:14au milieu des gravats.
20:17Aujourd'hui,
20:18on a du mal à imaginer,
20:20mais il y avait
20:21des décombres
20:21à perte de vue.
20:22Les habitants de Varsovie
20:27ouvrent alors
20:28un gigantesque chantier.
20:32Il faut restaurer,
20:33ou plutôt construire
20:34à nouveau la ville
20:35et surtout son centre,
20:37la place du marché,
20:38les palais
20:39et les églises.
20:40Le mot d'ordre,
20:44c'était
20:44« Tous les Polonais
20:45à la reconstruction
20:46de la capitale Varsovie ».
20:49Les travaux ont commencé
20:51dans le cadre
20:52de ce qu'on appelait
20:53un acte social,
20:55une action
20:56au service
20:57de la communauté.
20:59Donc,
20:59tous les dimanches,
21:00on allait travailler
21:01pour le bien
21:02de la société
21:03et on déblayait
21:04les rues de Varsovie.
21:07Qu'on soit ministre
21:08ou danseuse de ballet,
21:09tout le monde travaille
21:10bénévolement
21:10pour le bien du pays.
21:13Cette pratique,
21:14bien qu'importée du RSS,
21:16est présentée
21:16par les communistes polonais
21:18comme un élan populaire.
21:22Christophe Zanussi
21:23n'était qu'un enfant
21:24à l'époque.
21:25Ses années d'après-guerre
21:26ont été fondatrices
21:27pour lui.
21:28Plus tard,
21:29il les racontera
21:29dans ses films.
21:32« Les trois premières années
21:34qui ont suivi la guerre,
21:36une vie normale
21:36semblait encore possible.
21:37Beaucoup espéraient
21:40qu'il ne s'agirait
21:41que d'une dépendance formelle
21:42à l'égard
21:43de l'Union soviétique
21:44et que nous,
21:45les Polonais,
21:46on pourrait gouverner
21:46nous-mêmes
21:47dans un système
21:48au moins semi-démocratique
21:49et semi-libre. »
21:54Trop occupés
21:54par la reconstruction
21:55de leur pays,
21:56les Polonais
21:57ne se révoltent pas
21:58quand Staline
21:58installe à la tête
21:59du gouvernement
22:00son fidèle élève
22:01Boleslav Birut,
22:03arrivé directement de Moscou.
22:04Et quand en 1947,
22:09Birut se débarrasse
22:10de toute opposition politique
22:11et que les communistes
22:13restent seuls
22:13à la tête du pays,
22:15les Polonais se retrouvent
22:15devant le fait accompli.
22:18Il ne leur reste
22:19qu'à se raconter
22:19cette blague.
22:20« Quelle est la différence
22:24entre la République populaire
22:26de Pologne
22:27et un navire en haute mer ? »
22:31« Aucune.
22:32Les horizons sont vastes,
22:34on ne peut pas en descendre
22:36et on a envie de vomir. »
22:40Bientôt,
22:41tout l'empire de Staline
22:42va ressembler à ce navire.
22:45Il faut mobiliser les masses,
22:46créer un élan populaire.
22:48Et comme on l'a toujours fait
22:49en URSS,
22:50on utilise le cinéma,
22:52l'outil de propagande
22:53par excellence
22:54selon les idéologues
22:55de Moscou.
22:58Alors,
22:59à Berlin-Est,
23:00quelques mois à peine
23:01après la fin des combats,
23:02on tourne les premiers films
23:04sous supervision soviétique.
23:07Tout est filmé
23:08en décor naturel
23:09et le message est clair.
23:12La reconstruction
23:12est le devoir de tous
23:14et de chacun.
23:15pour Staline,
23:42la reconstruction
23:43de l'économie
23:44dans les pays occupés
23:45par son armée
23:45a un intérêt
23:46tout particulier.
23:49Après quatre ans
23:49de combats,
23:50l'industrie soviétique
23:51est ruinée.
23:52Les alliés ont accepté
23:53que l'Allemagne
23:54paye à l'URSS
23:55à titre de réparation
23:56de guerre
23:5710 milliards
23:58de Reichsmark.
24:00Mais le Kremlin
24:01n'attend pas
24:02et se sert
24:03partout où il peut.
24:04En moins de trois ans,
24:12près de la moitié
24:12de l'industrie
24:13de l'Allemagne
24:13de l'Est
24:14est envoyée
24:15en URSS.
24:19En 1945,
24:21les usines
24:21qui existaient encore
24:22ont été démantelées.
24:24Les ouvriers
24:25ont dû démonter
24:26les machines
24:26et tout est parti
24:27en Russie.
24:29L'Allemagne
24:30est ainsi sanctionnée
24:31pour son passé.
24:31Mais d'autres pays,
24:33alors qu'ils ont été
24:33eux-mêmes victimes
24:34des nazis,
24:35subissent aussi
24:36les réquisitions soviétiques.
24:39Moscou prélève
24:40une partie
24:40de leur production.
24:42Le blé,
24:42les machines
24:43ou le charbon
24:43partent vers l'URSS.
24:46La population
24:47écoeurée
24:48ne peut rien faire
24:49à part ironiser
24:51sur les occupants.
24:53C'est qui les Russes ?
24:55Ce sont des libérateurs.
24:57Ils nous ont libérés
24:58de tout.
24:59Des nazis,
25:01des montres,
25:02des voitures,
25:03des rails
25:04et des usines.
25:14En Allemagne,
25:15l'URSS va prendre
25:16aussi tout l'uranium
25:17qu'elle fait extraire
25:17dans les mines
25:18de Wiesmuth
25:19à une centaine
25:19de kilomètres
25:20de Dresde.
25:22Par chance,
25:23nous avons découvert
25:24ce film de fiction
25:25tourné dans le lieu même
25:27au milieu des années 50.
25:28Il a été immédiatement
25:31interdit par le Kremlin
25:32pour qui cette mine
25:33était aussi essentielle
25:34que secrète.
25:37Des milliers
25:37de mineurs allemands
25:38ont extrait ici
25:39sous la direction soviétique
25:41la ressource vitale
25:42pour le développement
25:43de leurs bombes atomiques.
25:44La mine de Wiesmuth
25:48produisait du minerai
25:49pour la bombe atomique.
25:52Moi, ça m'était bien égal.
25:54Ce qui comptait,
25:54c'était les sous.
25:55Il fallait absolument
25:59que je gagne de l'argent
26:00et la paie me convenait.
26:07Pour un salaire,
26:08certes supérieur
26:09à celui payé
26:10dans d'autres mines,
26:11les ouvriers travaillaient
26:12ici de longues heures
26:13sans aucune protection
26:14contre les radiations.
26:15Moscou a besoin
26:35de chaque gramme
26:35de cette précieuse matière
26:36pour construire sa bombe.
26:39Alors pour le Kremlin,
26:40Wiesmuth représente
26:41un enjeu stratégique majeur.
26:43C'est un objet militaire soviétique
26:45comme on l'appelle en URSS.
26:51La région autour de la mine
26:52est complètement bouclée
26:54et les mineurs
26:55étroitement surveillés.
27:06Il y avait la sécurité d'État
27:08mais à la mine Wiesmuth,
27:10il y avait aussi
27:11un autre service de sécurité
27:13interne à l'entreprise.
27:14et il était en lien
27:16direct avec Moscou.
27:23Les soviétiques
27:24tiennent absolument
27:25à faire passer
27:25un message clair.
27:27L'URSS est dans son bon droit
27:29en prélevant les matières premières
27:31sur le sol allemand.
27:31Les mineurs
27:39membres du Parti communiste
27:41sont chargés
27:42de porter la bonne parole.
27:43de l'université.
27:43Les soviétiques
27:44sont en train de faire passer
27:46de l'Union.
27:46Les soviétiques
27:46sont en train de faire passer
27:47de l'Union.
27:48Vous entendez, Bayer ?
27:52La Sovjetunion baut le communisme sur.
27:57La Sovjetunion aide le monde au combat de la paix.
28:04Les soviétistes nous permettent au développement du socialisme.
28:09Nous et vous.
28:11Tout le travail.
28:13C'est un proletariste internationalisme.
28:18Faire travailler les pays occupés pour l'Union soviétique ne suffit pas.
28:24Il faut aussi installer l'idéologie communiste, modeler les esprits.
28:33Dans tous les pays qu'ils contrôlent, ils imposent alors le marxisme-léninisme,
28:38qui doit devenir le seul credo de tous citoyens du bloc soviétique.
28:42On change tous les programmes scolaires et on réécrit les manuels.
28:50A l'école, j'ai appris que j'avais beaucoup de chance de grandir à l'Est.
28:56Que c'était formidable de ne pas avoir de capitalistes.
29:00Et que la vie était terrible pour les travailleurs en Allemagne de l'Ouest.
29:04Parce qu'il y avait les capitalistes et que tous les nazis étaient à l'Ouest.
29:08Nous, on était du côté des vainqueurs de l'Histoire.
29:12Les étudiants, quelle que soit leur spécialité, devaient suivre aussi une formation marxiste-léniniste.
29:32Que ce soit pour devenir dentiste, pharmacien, biologiste ou théologien.
29:38Ils devaient étudier le marxisme-léninisme pendant deux ans, trois ans et même cinq ans.
29:49Et s'ils n'avaient pas de bons résultats, ils ne pouvaient pas passer l'examen d'Etat.
29:54C'était un endoctrinement incroyable qui commençait dès la maternelle et se poursuivait jusqu'à l'université.
30:04Sans marxisme-léninisme, point de salut.
30:07Dorénavant, l'idéologie communiste devient la base de toute connaissance.
30:12Elle explique le monde.
30:14L'économie, la finance, la géographie et l'Histoire.
30:19Jeun étudiant à l'époque, Andrzej Olszewski était trop naïf pour saisir l'étendue du savoir marxiste.
30:2670 ans plus tard, il se rappelle encore le tollé qu'il a provoqué.
30:32J'ai fait un exposé sur un livre américain qui parlait du site d'Amarna et du règne d'Amenhotep IV.
30:44J'ai commencé en disant, cette présentation concerne une époque dont la science sait très peu de choses et la science marxiste encore moins.
30:59Mon Dieu, qu'est-ce que je n'avais pas dit là ?
31:02Les foudres de l'enfer se sont déchaînées contre moi.
31:05Ils voulaient me faire virer de l'université.
31:08Dans les réunions, on disait, il faut combattre les ennemis de classe comme Olszewski.
31:14J'ai l'impression d'entendre un de mes amis.
31:17Chez nous, à Moscou, à la faculté de mathématiques et physique,
31:21toute publication qui se volait sérieuse devait commencer par une citation de Lénine,
31:26même s'il s'agissait de géométrie ou de semi-conducteurs.
31:30Et si le monde soviétique a une seule idéologie, il doit parler une seule et même langue.
31:38Dans tous les pays, on se met à imprimer des milliers de livres et manuels de russes.
31:44A partir du collège, tous les élèves devaient apprendre le russe et ils le faisaient à contre-coeur.
31:52La belle langue russe était celle de l'occupant, si bien qu'on n'entretenait pas de bons rapports avec cette langue.
31:59Les manuels de russes nous apprenaient toutes sortes de choses sur les partis, les syndicats, les résistants et la guerre.
32:07Mais pas comment dire « je t'aime » ou « combien coûte le beurre ».
32:12On nous enseignait un drôle de jargon soviétique qui ne pouvait guère susciter notre enthousiasme.
32:18Surtout à l'école, il ne fallait pas apprendre les langues impérialistes.
32:24Donc, à la fin des années 40, il n'était enseigné que le russe et le latin, curieusement.
32:29Un jour, j'ai demandé à un membre du parti pourquoi on autorisait l'enseignement du latin.
32:35Il a réfléchi un instant et m'a répondu « parce qu'on ne peut pas comploter en latin, c'est une langue que les gens ne parlent pas ».
32:43La crainte du complot a toujours hanté Staline.
32:46D'abord en URSS et maintenant en Europe centrale, ces services secrets ont mis en place un système de surveillance quasi-total de chaque citoyen.
33:00Les parents de Barbara Kirchner vont être parmi les premières victimes.
33:05Mes parents se sont mariés autour de Noël 1945.
33:10À Pâques, l'année suivante, ils ont pris le train pour se rendre à Breslo pour acheter des ustensiles de ménage.
33:19Mais ils ne sont pas allés loin parce qu'ils ont été arrêtés par les militaires soviétiques.
33:26Voici mes parents à leur mariage.
33:29C'était un jeune couple heureux qui espérait démarrer une vie nouvelle.
33:33Le père de Barbara, journaliste, venait de démissionner d'un journal dans le secteur soviétique et cherchait du travail dans le secteur américain.
33:43Mon père a été interrogé pendant des semaines.
33:47Ma mère a appris qu'il avait été frappé pour le forcer à faire des aveux.
33:52Au bout de trois mois, mon père a été condamné à 20 ans de prison pour propagande anticommuniste et espionnage.
34:04C'était le chef d'accusation habituel à l'époque.
34:07Du jour au lendemain, on était soupçonné d'être un espion américain et d'avoir été formé là-bas.
34:13N'importe qui, à n'importe quel moment, pouvait être qualifié de criminel. On créait des coupables.
34:23Mon père a été interné à Bautzen et ma mère envoyée à Sachsenhausen.
34:30Elle n'a jamais eu de procès. Elle n'a jamais vu un juge. Ils l'ont simplement fait disparaître.
34:36Ça, c'est le portail de Sachsenhausen.
34:43Et un mois plus tard, en novembre, je suis née à l'infirmerie.
34:50J'ai été emmaillotée et placée dans une caisse en bois avec des vêtements de prisonniers en guise de lange.
35:00Au bout de sept mois de captivité, ma mère n'avait plus de lait.
35:04Dans ce cas, les mères émiettaient leur propre nourriture en tout petits morceaux,
35:10les mélangeaient à du bouillon clair et elles faisaient boire ça à leurs bébés.
35:15Les enfants qui naissaient au camp n'étaient pas enregistrés.
35:20Ils n'intéressaient personne, comme si on n'avait pas d'existence.
35:24Et puisqu'on n'existait pas, on ne nous donnait pas de nourriture ni de vêtements.
35:28C'était le régime de Staline.
35:33En Russie, très peu de familles n'avaient pas quelqu'un au goulag.
35:38Alors qu'est-ce que représentaient quelques Allemands et quelques enfants pour eux ?
35:42Le commandant avait écrit à Moscou.
35:46Au moins 80% des détenus que j'ai ici devraient être libérés de par le droit soviétique.
35:52Qu'est-ce que je dois faire de ces personnes ?
35:55Moscou n'a jamais répondu.
35:57Je n'ai pas de réponse à Moscou.
36:00Quelques milliers de prisonniers de plus ne sont rien pour Staline.
36:04Il a son objectif,
36:06transformer les pays d'Europe centrale en états entièrement inféodés aux ordres de Moscou.
36:11Mais il faudra le faire en passant par les élections.
36:14Il s'y est engagé à Yalta.
36:18En Tchécoslovaquie en mars 1946, tout se passe comme prévu.
36:21Ici, le parti communiste, le plus important d'Europe centrale,
36:26remporte les élections législatives haut la main.
36:30En Bulgarie, le PC gagne grâce à une coalition avec d'autres partis de gauche.
36:37En Allemagne, dans la zone soviétique, ce n'est pas si simple.
36:41Le parti communiste est massivement soutenu par l'occupant,
36:45mais pas vraiment par la population.
36:47Alors Staline et les chefs du parti trouvent une solution.
36:51Les socialistes, beaucoup plus populaires, doivent fusionner avec les communistes.
36:56Évidemment, la démarche est présentée comme volontaire.
37:00Le nouveau parti, le parti socialiste unifié,
37:04va être dominé par les communistes et inféodé à Moscou.
37:08Beaucoup d'Est-Allemands tentent d'échapper à son hégémonie
37:12et adhèrent à d'autres formations politiques encore autorisées.
37:15Comme le SPD avait disparu, intégré dans le SED,
37:22il ne me restait que la CDU et le LDP, le Parti libéral-démocrate.
37:28La CDU, disons qu'elle avait des fondements chrétiens qui ne me convenaient pas.
37:39Je me suis donc plutôt orienté vers le Parti libéral-démocrate.
37:44J'ai annoncé à mon professeur d'université, M. Roch,
37:50que ça y est, j'ai adhéré à un parti.
37:55« Ah, mais lequel ? »
37:57J'ai répondu « Le LDP ».
38:01De ma vie, je n'ai jamais vu quelqu'un changer d'expression à une telle vitesse.
38:08Son visage radieux, qui s'attendait à entendre le SED,
38:13n'a plus affiché que désolation et dépit après que j'ai dit « Le LDP ».
38:19Ces infidèles, qui rejoignent d'autres partis que le SED,
38:25Parti pro-soviétique, sont soupçonnés d'espionnage anticommuniste.
38:32Josh Unstern a plus de 90 ans.
38:35Il a fait un trajet de plusieurs heures pour venir nous raconter son histoire.
38:39Elle commence un matin d'octobre 1947.
38:42Il était très tôt, vers 4h30 ou 5h,
38:51quand j'ai entendu quelqu'un sauter,
38:56se précipiter dans la maison,
38:59et entrer dans ma chambre.
39:02Et il a crié en russe, les mains en l'air.
39:07Et les mains en l'air.
39:11Josh Unstern est arrêté et emmené à Bautzen,
39:14l'ex-prison des nazis, reprise par les soviétiques.
39:19Josh Un n'a que 19 ans.
39:25Après des jours passés à attendre dans une cellule solitaire,
39:28il est emmené devant un colonel soviétique.
39:31Il était assis à son bureau et lisait la Pravda, le célèbre journal soviétique.
39:42Tout d'un coup, il s'est levé, a replié son journal.
39:47Il m'a regardé un moment et il m'a dit
39:49« Toi, espion ! »
39:53« Comment ça ? Moi, un espion ? Mais non ! »
39:58« Toi, mentir ! »
40:01« Ah bon ? Mais non, je ne mens pas ! »
40:04Il s'est penché et a pris un bâton de la taille d'un gourdin pour me battre.
40:11Et il s'est avancé vers moi.
40:13« Vas-y, parle ! »
40:19J'ai dit que je ne savais même pas pourquoi j'étais là.
40:23En fait, j'étais accusé d'avoir créé des réseaux d'espionnage.
40:30On m'accusait d'être allé à Berlin-Ouest
40:34pour transmettre des tas d'informations aux services d'espionnage occidentaux.
40:43Les semaines passent.
40:46Stern continue à clamer son innocence.
40:50« Je me suis retrouvé au cachot.
40:54Un cachot, c'est la pire chose qu'on puisse imaginer.
41:01J'étais tellement épuisé
41:04que je pensais que je ne survivrais pas longtemps.
41:08Physiquement, mentalement, j'étais vraiment brisé.
41:18Alors je leur ai dit, si c'est ça, à quoi bon ?
41:23Si vous croyez que je suis un espion, très bien.
41:26Je n'ai plus la force de me battre. »
41:29Les soviétiques utilisent les méthodes rôdées lors des grandes purges des années 30 en URSS.
41:36Techniques qui ont conduit des centaines de milliers de gens à avouer des crimes totalement imaginaires.
41:44« J'ai été condamné à 25 ans de travaux forcés et de camps de rééducation. »
41:49En URSS, l'accusation standard était d'être un ennemi du peuple.
41:55Dans la partie de l'Allemagne occupée par les soviétiques, c'est d'être un espion américain.
42:00Car dans la guerre froide naissante, les États-Unis deviennent l'adversaire principal de Staline.
42:08La première bataille se joue à Berlin.
42:11Divisée entre secteurs d'occupation occidentale et soviétique,
42:13la capitale allemande se trouve au cœur du territoire contrôlé par l'URSS.
42:20En juin 1948, les alliés occidentaux décident unilatéralement
42:24de créer une nouvelle monnaie dans leur zone, le Deutschmark.
42:30Ce qui provoque un effondrement des devises soviétiques.
42:32Les alliés occidentaux répliquent en fermant tous les accès à Berlin-Ouest, le secteur occidental.
42:39C'est le blocus de Berlin.
42:43Les alliés refusent d'abandonner Berlin-Ouest à Staline
42:46et organisent un gigantesque pont aérien pour ravitailler chaque jour 2 millions de Berlinois.
42:52Face à la détermination américaine, Staline est contraint de céder.
42:57Il lève son blocus au bout de 11 ans.
43:00Il lève son blocus au bout de 11 ans.
43:03Il lève son blocus au bout de 11 ans.
43:06Et il lève son blocus au bout de 11 ans.
43:09Il lève son blocus au bout de 11 ans.
43:12Cette crise précipite la division de l'Allemagne en deux États.
43:19En mai 1949, les alliés décident la création de la République fédérale d'Allemagne.
43:27Alors, les soviétiques ripostent et le 7 octobre proclament à l'Est la République démocratique allemande.
43:33Cette nouvelle Allemagne n'a de démocratique que le nom. Elle est simplement communiste.
43:43Aux élections législatives, il n'y a qu'une liste de candidats de gauche.
43:50Totalement dominée par le parti, elle obtient 99% des voix.
43:53La politique soviétique d'endoctrinement et de terreur a atteint son objectif.
44:00Le choix est désormais simple. Le communisme ou l'exil.
44:03Un Allemand de l'Est prend le train pour partir à l'Ouest.
44:07Les douaniers ouvrent sa valise et trouvent un grand portrait du chef communiste, Walter Ulbricht.
44:13Pourquoi vous emportez ce portrait ? Bah, pour ne pas avoir la nostalgie.
44:24En quatre ans à peine, Staline a atteint son but. Il est parvenu à imposer le système communiste,
44:30aux habitants des pays qui l'occupent. En Hongrie, la prise du pouvoir par les soviétiques est un cas d'école.
44:51Disons les choses clairement et ouvertement. Il n'y aurait jamais eu de communisme en Hongrie si l'armée rouge n'était pas venue ici.
45:03Entre les deux guerres mondiales, il n'y avait que 2000 membres enregistrés au parti communiste dans le pays.
45:10C'était un parti illégal. Deux mille.
45:13Deux mille communistes, quand ils sont soutenus par des centaines de milliers de militaires et de conseillers soviétiques,
45:19peuvent imposer un nouveau régime.
45:22Pour le diriger, Moscou mise sur son homme, Mathias Rakoshi.
45:27Réfugié en URSS pendant la guerre, il se qualifie lui-même de meilleur élève hongrois de Staline.
45:36Une grosse machine de propagande se met alors en marche.
45:39Ràkoshi et ses camarades organisent des manifestations de masse dans tout le pays
45:45et font scander des slogans à la gloire du parti et de son chef.
45:48L'URSS et les conseillers soviétiques
46:16ont établi tout un réseau en Hongrie
46:18pour créer un nouveau système.
46:22Il était clair que l'évolution du pays
46:25allait dans le sens soviétique
46:27et que la dictature qui s'était développée
46:31autour de Rakoshi était vraiment liée
46:34à ce qui se passait en Union soviétique.
46:39Quand Rakoshi est entré en scène,
46:42il a créé un culte de la personnalité autour de lui.
46:46Lorsqu'il arrivait quelque part,
46:50il fallait applaudir et crier
46:52« Vive Rakoshi, vive le parti ! »
46:59Tout comme en URSS,
47:01ceux qui n'expriment pas leur soutien aux communistes
47:03et à Rakoshi en personne
47:04sont considérés comme des ennemis.
47:07Et les plus dangereux sont les sympathisants
47:09du très populaire parti des petits propriétaires,
47:12de Zoltan Tildi.
47:13Alors les Hongrois qui soutiennent ce parti
47:16doivent ruser, inventer le double langage.
47:20Des stratégies de survie
47:21qui deviendront typiques dans le bloc de l'Est.
47:24J'ai demandé à mon père pour qui il allait voter.
47:32Et il m'a répondu
47:33« Je suis entré au Parti Social-Démocrate,
47:40mais ta mère et moi,
47:42on va voter pour le parti indépendant des petits propriétaires. »
47:45Le Parti Social-Démocrate
47:48était un parti de gauche,
47:50mais j'ai compris qu'il l'avait rejoint
47:52pour des raisons de sécurité.
47:54Et il a voté en secret
47:56pour un parti démocratique bourgeois de droite.
48:01Le 31 août 1947,
48:03le jour du vote,
48:05on fait défiler tout le peuple devant les caméras,
48:08selon le scénario importé du RSS.
48:10Dans mon enfance,
48:13on allait jusqu'à apporter les urnes à domicile
48:15pour ceux qui ne se déplaçaient pas dans les bureaux de vote.
48:19Le taux de participation
48:20a toujours été l'indice principal
48:22de la réussite des élections.
48:25Cette fois, il est autour de 90%.
48:27Et pour les résultats, on s'arrange.
48:33Dans les coulisses,
48:35on applique les méthodes déjà bien rodées
48:36dans les autres pays d'Europe centrale.
48:38On met sous pression,
48:41on surveille,
48:42et si ça ne marche pas,
48:44on bourre les urnes,
48:45on falsifie les chiffres.
48:50La victoire par la fraude
48:53était la seule solution possible.
48:56L'Union soviétique donnait des ordres
48:59dans le but d'écraser toute contestation
49:02et tous ceux qui s'opposaient aux communistes.
49:06C'est là que j'ai compris
49:10que les communistes avaient falsifié
49:12les résultats des élections.
49:16Une chape de plomb
49:18s'est alors abattue sur moi.
49:22J'avais 12 ans.
49:24Mais j'ai senti
49:25aussi incroyable que ça puisse paraître
49:30que j'étais devenu un paria politique
49:32à 12 ans.
49:35Malgré les pressions,
49:37les communistes ne font que 22% des voix.
49:42Alors tout comme en Allemagne de l'Est,
49:44on force les autres partis de gauche
49:46à fusionner avec eux.
49:48L'opposition est chassée du Parlement.
49:50Mathias Rakochi
49:54s'installe en dictateur
49:56tel un petit Staline.
50:02Évidemment que les gens savaient
50:04ce qui se passait.
50:06Mais ils ne pouvaient rien faire.
50:08et le peuple doit se réjouir.
50:14Une fête comme j'en ai connu
50:15des dizaines enfants
50:16en Union soviétique.
50:19Toutes nos célébrations
50:20étaient mises en scène
50:21selon le même scénario.
50:23Il fallait se moquer de nos ennemis,
50:25les imperialistes occidentaux.
50:27Montrer que le peuple était heureux
50:36de voir les communistes
50:37remporter les élections
50:38et écouter les discours des chefs
50:41qui ne nous disaient rien.
50:43Notre seul échappatoire,
51:07nous moquer de nos propres vies,
51:09entre amis,
51:10en secret.
51:13« Rakochi, notre père à tous,
51:18aimait se mêler à la foule
51:19tel le roi Mathias
51:21pour entendre
51:22ce que la population
51:23pensait de lui.
51:28Un jour,
51:29il va s'asseoir
51:30dans une salle de cinéma
51:31qui diffuse des actualités
51:33avant le film.
51:38Et justement,
51:40on y voit le camarade Rakochi
51:41qui est en train de visiter
51:43une coopérative agricole.
51:47À ce moment-là,
51:49tout le public du cinéma
51:50se lève
51:50et se met à applaudir
51:52à tout rompre.
51:56Tout à coup,
51:57de derrière,
51:58quelqu'un qui ne l'avait pas reconnu
51:59tapote le crâne de Rakochi
52:01en lui disant
52:02« Hé, toi, le chauffe,
52:04debout,
52:05sinon la police secrète
52:06va venir t'arrêter. »
52:08Donc, Rakochi se met à applaudir
52:10comme tout le monde
52:11pour ne pas être embarqué
52:12par la police secrète.
52:15Cette nouvelle réalité
52:16est absurde.
52:18Mais comment y échapper ?
52:20Pour vous citer
52:22un exemple récurrent
52:23de la naïveté
52:24de mes parents,
52:25il disait
52:25« L'année prochaine,
52:29les Américains
52:30viendront
52:30pour nous libérer.
52:33La venue des Américains,
52:35c'était comme
52:35la venue du Messie
52:36pour les chrétiens.
52:38Quand le Messie arrivera,
52:39la résurrection
52:40aura lieu. »
52:42Et pour que les Américains
52:47ne puissent pas venir
52:48et surtout pour que
52:51personne ne puisse
52:51s'enfuir,
52:53on construit
52:54sur des milliers
52:54de kilomètres
52:55des clôtures
52:56et des champs de mines.
53:07Le champ de mines
53:09était là.
53:09Il y avait une clôture
53:12et à l'extérieur
53:13un champ de mines
53:14de 10 à 12 mètres de large.
53:17Plus d'un million
53:18de mines ont été installées
53:20à la frontière austro-hongroise.
53:23Si vous touchiez le fil
53:24qui ne se voyait pas,
53:26ça déclenchait la mine.
53:27Elle explosait
53:28et blessait mortellement
53:29tous ceux qui se trouvaient
53:30dans un rayon
53:31de 50 mètres.
53:34C'était l'une des grandes réussites
53:36de la politique de l'époque.
53:37Le rideau de fer
53:40s'est matérialisé
53:41sur le sol de l'Europe.
53:42Il sépare désormais
53:43l'Empire de Staline
53:44du reste du monde.
53:47Seule la Yougoslavie,
53:48pourtant communiste,
53:50a pu échapper
53:50à son emprise.
53:53Pendant des années,
53:54je me suis demandé
53:55pourquoi l'Occident
53:56n'a rien fait
53:56quand Staline
53:57a coupé l'Europe en deux.
54:00L'explication
54:01est probablement
54:01très simple.
54:02En août 1949,
54:10l'URSS a réussi
54:11son premier essai
54:12de la bombe atomique
54:12qui fait d'elle
54:13une puissance nucléaire.
54:17Elle est désormais
54:17intouchable.
54:21Staline a les mains libres
54:22pour transformer
54:23plus de 85 millions
54:24d'Européens,
54:25qu'ils le veuillent ou non,
54:26en bons communistes.
54:28L'histoire du bloc soviétique
54:30peut enfin commencer.
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