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En février 1945, quelques mois avant la fin de la guerre, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'URSS se réunissent à Yalta afin de s'accorder sur le futur de l'Europe. Staline, en position de force grâce à ses succès militaires, rassure les dirigeants occidentaux en s'engageant à organiser des élections démocratiques dans les territoires libérés par l'Armée rouge. En réalité, il va profiter du chaos ambiant pour étendre sa toile... Alors que plus de 30 millions de personnes - Allemands expulsés, prisonniers de guerre, rescapés des camps, civils fuyant déjà les persécutions soviétiques... - errent sur un continent en ruine, et que les populations sont occupées à reconstruire et à survivre, Moscou manoeuvre, dans ces années d'après-guerre, pour placer ses fidèles à la tête des gouvernements polonais, est-allemand, tchécoslovaque ou hongrois. Se servant partout où il le peut, le Kremlin réquisitionne en même temps les industries de ces pays déjà sous influence : machines, blé, charbon mais aussi uranium nécessaire à la fabrication de la bombe atomique sont confisqués. Glorifiée par la propagande, l'idéologie communiste s'impose à tous les esprits, tandis que les arrestations arbitraires se multiplient. Bientôt, des clôtures se dressent entre l'empire de Staline et le reste du monde : le rideau de fer s'est abattu sur l'Europe. Année de Production :
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00:00Musique
00:00Quand en février 2022, le président Poutine envahit l'Ukraine,
00:19j'ai l'étrange impression que l'histoire se répète.
00:23Cherchait-il à imiter Staline, qui après la Seconde Guerre mondiale
00:26a transformé les pays d'Europe centrale en alliés dociles de la Russie
00:29La propagande soviétique les appelait les pays frères
00:35des frères que notre armée a occupés pendant 45 ans
00:39Et pourtant, nos dirigeants affirmaient qu'ils avaient choisi de plein gré
00:45notre mode de vie et notre idéal
00:47En URSS, on ne savait quasiment rien de leur vie
00:55ils nous étaient interdits d'aller à leur rencontre
00:57J'ai toujours voulu comprendre comment des dizaines de milliers d'Européens
01:03en Allemagne de l'Est, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie
01:08qui n'avaient aucune envie de devenir communistes
01:10avaient vécu leur attachement forcé au monde soviétique
01:13Après la chute du mur, j'ai mis des années avant d'aller à leur rencontre
01:24Moi, une Russe, élevée en URSS
01:27L'État qui les a dominés pendant si longtemps
01:30J'ai fini par le faire
01:32Je suis partie à la recherche de ceux qui sont encore vivants
01:36Ceux qui, enfants, ont vu l'arrivée de l'armée rouge
01:39et, adolescents, ont vécu au quotidien
01:43les premières années du nouveau régime
01:44Ils m'ont raconté leurs souvenirs
01:48et leur vie
01:49derrière le rideau de fer
01:50Il y avait un portrait de Staline accroché au mur
01:55On nous a appris que Staline, notre père
01:58était très bon et très doux
02:01Je mens, tu mens
02:03On disait ce qu'il fallait dire
02:04mais on savait que ce n'était pas la vérité
02:07Il y avait là un colonel russe
02:11Il m'a regardé un moment
02:13et il m'a dit
02:13« Toi, espion ! »
02:15J'ai répondu
02:16« Comment ça, moi, un espion ? »
02:18« C'est un espion ? »
02:48Il y avait la main sur la Pologne
02:50sur une partie de l'Allemagne
02:53sur la Bulgarie
02:56sur tous ces pays d'Europe centrale
02:58et les rallier à l'URSS
03:00était un grand projet de Staline
03:04Il l'a réussi
03:06grâce à une manœuvre
03:07dont les livres d'histoire du bloc soviétique
03:09ne parlaient jamais
03:12En février 1945
03:15quelques mois avant la fin de la guerre
03:17les soviétiques ont invité à Yalta
03:19les dirigeants britanniques et américains
03:21pour s'accorder sur le futur de l'Europe
03:25Churchill et Roosevelt
03:26ont été obligés de venir en URSS
03:30Staline a insisté pour que la rencontre
03:32ait lieu dans son pays
03:33et il est en position de force
03:35grâce au succès de son armée
03:38Les occidentaux acceptent que l'armée rouge
03:40ne se retire pas des territoires qu'elle libère
03:42En échange, le chef soviétique promet d'y organiser des élections libres
03:48Churchill et Roosevelt sont soulagés
03:50Le futur démocratique de l'Europe centrale leur semble garanti
03:54Or, Staline a un tout autre projet
03:58Il l'a expliqué à son entourage
04:00Tout le monde impose son propre système
04:04aussi loin que son armée peut avancer
04:07La guerre touche à sa fin
04:12L'URSS est déjà libérée
04:14Staline a maintenant un autre but
04:16faire progresser ses troupes le plus loin possible
04:19pour étendre sa zone d'influence
04:21Très vite, l'armée rouge libère la Bulgarie
04:25la Roumanie, la Pologne
04:28et elle entre en Hongrie
04:32Le pays a été l'allié des nazis
04:34La population redoute donc ses libérateurs
04:40Pirochka Zakhaï n'avait que 4 ans à l'époque
04:43Ces derniers jours de la guerre restent gravés dans sa mémoire
04:46On a d'abord été occupés par les Allemands
04:52Ensuite, ça a été les Rouges
04:55Oh mon Dieu !
04:57Sur les affiches, ils étaient représentés
05:00comme des monstres qui débarquaient
05:03Ma grand-mère s'est signée en disant
05:05C'est fini pour nous
05:08Mais comment se sauver ?
05:11L'armée rouge avance très vite
05:14Elle a déjà franchi la frontière allemande
05:15On se serait bien enfui mais pour aller où ?
05:19On en a longuement discuté mais personne n'avait d'idée raisonnable
05:25Mon père a demandé en allemand à ma mère qui était dans la cuisine
05:33Qu'est-ce qu'on va faire quand les barbares vont arriver ?
05:37Là, ma mère lui a répondu et s'est resté gravé dans ma mémoire
05:41On ira nulle part
05:44Les Russes sont aussi des êtres humains
05:46Mais tout le monde avait peur d'eux
05:51Après plus de trois ans de campagne meurtrière
05:54Presque 7 millions de soldats et officiers de l'armée rouge
05:57Arrivent enfin au cœur de l'Europe
06:02Ils sont épuisés
06:03Beaucoup ont été blessés dans les combats
06:06Et ils ont perdu leurs camarades
06:08Dans mon enfance en URSS, des années après la guerre, nos vétérans parlaient toujours de la richesse et du confort qu'ils avaient découvert en traversant la frontière
06:24Tellement loin de ce qu'ils connaissaient dans leur propre pays, la grande URSS
06:31Le choc avait été brutal
06:35On leur avait toujours dit que l'Occident capitaliste était en train de dépérir
06:40Ils le découvraient bien vivant et prospère
06:44Un jeune Russe est entré
06:50On était assis à table dans le salon
06:53Et il a crié
06:57« ta montre ! »
06:59Les soldats cherchaient toujours à prendre les montres des Allemands
07:02Certains en portaient sur tout le bras
07:03Ma mère s'est dépêchée d'enlever la sienne et de la cacher au cru du fauteuil
07:10Et elle a pu la sauver
07:12Elle avait les yeux affolés
07:14Mais quand on est enfant, on ne comprend pas toujours pourquoi
07:20Chez nous en URSS, cette photo prise sur le toit du Reichstag a longtemps symbolisé notre victoire sur les nazis
07:26Ce n'est que bien plus tard que j'ai découvert qu'elle avait été retouchée pour effacer du bras d'un des soldats une deuxième montre qu'il avait probablement volée
07:38En Russie, c'est toute la campagne de l'armée rouge qui a été retouchée
07:43On ne parle pas des vols, ni d'autres crimes
07:47Jamais
07:49Ni dans mon enfance, ni d'ailleurs aujourd'hui
07:56L'armée rouge fait peur
08:08Sa violence horrifie la population des pays libérés
08:14Krasnoarmiste, l'armée rouge, a traversé la Pologne et elle violait tout ce qui bougeait
08:21C'est clair que les femmes étaient la proie des soldats
08:27Souvent elles se noircissaient le visage
08:31Ou se couchaient en faisant croire qu'elles étaient malades
08:34Pour ne pas se faire violer
08:36Ces viols ont tellement traumatisé les populations
08:40Que même le cinéma Est allemand, totalement pro-soviétique, ne va pas pouvoir les passer sous silence
08:44Was wollen Sie ?
08:48Kann ich hier schlafen ?
08:50Hier ist keine Wohnung, hier ist die Kommandantour
08:54Lieber mit einem als mit jedem
08:55Hier ist die Kommandantour
08:58Also, was hier ist ?
08:59Si les soldats pouvaient être terribles avec les femmes, il y en avait aussi qui étaient très gentils avec les enfants.
09:21Ils nous donnaient du pain et partageaient la nourriture.
09:24J'ai foncé sur le premier soldat russe que j'ai vu en disant « du pain » en russe.
09:32Il m'a donné du pain noir, carré.
09:36Je l'ai pris, j'ai couru voir ma mère et je lui ai dit « voilà, j'en ai eu ».
09:40Ensuite, j'ai pris une casserole parce que les Russes avaient installé une cuisine mobile et qu'ils préparaient du goulash.
09:47J'y suis allé tout de suite et ils ont rempli ma casserole que j'ai rapportée à ma mère dans la cave pour nourrir la famille.
09:57Il n'y avait pas de problème.
10:00On papotait avec les soldats russes.
10:02C'était bien.
10:06Début mai 1945, l'ultime épisode de la guerre s'est joué.
10:10L'armée rouge occupe Berlin.
10:13Le dernier bastion du nazisme est tombé.
10:17Après ça, les armes se sont eues.
10:24Et on a savouré ce calme et ce silence incroyable qui régnait sur la ville.
10:36Les gens ont pu sortir de leur cave, de leur trou, comme on disait.
10:41Ils voulaient voir ce qui se passait et surtout essayer de se procurer de la nourriture.
10:50Pour les habitants d'Europe centrale, l'après-guerre commence dans le chaos.
11:00Le changement des frontières décidées à Yalta provoque de grands déplacements de population,
11:05probablement les plus importants de toute l'histoire européenne.
11:09Première étape, l'expulsion des familles d'origine allemande.
11:12C'est une revanche.
11:15Ils payent pour les crimes des nazis.
11:28Dans cet après-guerre, ils sont plus de 10 millions à être expulsés de Pologne,
11:33de Tchécoslovaquie, de Hongrie.
11:35Des régions où ils vivaient depuis des siècles.
11:39Ils n'y ont désormais plus leur place.
11:40Sandor et Lenkebella, adolescents à l'époque, habitaient dans la campagne hongroise.
11:59Ils ont vu partir beaucoup de leurs voisins.
12:03La grande majorité de la population était allemande.
12:07Toute personne se déclarant d'origine allemande était expulsée.
12:14Ils ont dû tout abandonner sur place.
12:17Leurs bêtes, leurs matériels agricoles, leurs maisons, leurs terres, tout.
12:23Ma grand-mère s'est dépêchée de rassembler quelques couverts, du linge de maison et des couvertures.
12:37Et ils sont tous partis vers l'ouest.
12:41Parce qu'il valait mieux ne pas avancer du côté des Russes.
12:44Mieux fallait aller à l'ouest.
12:46Staline encourage cet exode.
12:52Et il a obtenu l'accord des alliés pour l'expulsion des Allemands.
12:58Surtout, il considère que ses départs massifs rendront plus dociles les pays de sa zone d'influence.
13:03Plus de 30 millions d'Européens errent sur les routes.
13:11On y trouve des anciens combattants, des prisonniers de guerre, des déportés tout juste libérés qui cherchent à rentrer chez eux.
13:19Mais la plupart sont de simples civils.
13:22Ils fuient les persécutions des nouveaux maîtres soviétiques.
13:24Des villages entiers ont commencé ce long voyage à pied ou sur des chariots tirés par des chevaux.
13:36Beaucoup de gens épuisés ont été abandonnés sur le bord de la route.
13:41Il a fallu les laisser là.
13:45En Allemagne, dans la zone soviétique, des milliers d'enfants retrouvés seuls sur les routes sont placés dans des centres d'accueil.
13:54On cherche désespérément leurs parents.
14:05Waldemar Schön, elf Jahre alt, flot im Januar 45 aus der heilstätte Ketsch in Posen.
14:11Die sechsjährige Gisela Schwabe stammt vermutlich aus Lodwalde.
14:17Von diesem zweijährigen Mädchen aus Pommern kennen wir nicht einmal den Namen.
14:21Hans Dieter, nachnamen unbekannt, wurde mit Kopf und Arm verletzungen im Krankenhaus Küritz abgegeben.
14:30Christel, Helga und Edmund Schulz aus Kolmar, Ostpreußen suchen den Vater.
14:35Die Mutter ist auf der Flucht gestorben.
14:37Partout en Europe centrale, les survivants des camps nazis, tout comme les familles juives exilées en Union soviétique pendant la guerre, rentrent chez eux.
14:48Ils ne sont pas nombreux, mais ils reviennent.
14:56Ma mère est revenue d'Auschwitz.
15:04Mon père avait été envoyé en Allemagne pour le travail obligatoire et il est revenu aussi.
15:11Ceux qui avaient survécu se sont retrouvés dans un monde nouveau, l'ancien monde ayant disparu avec l'arrivée de l'armée rouge.
15:17Pour les juifs, il y avait deux solutions.
15:22Soit ils s'adaptaient au nouveau régime, soit ils émigraient en Israël ou en Amérique.
15:28Comme mes parents étaient de gauche, ils ont immédiatement rejoint le parti communiste.
15:34C'était des gens simples, mais pour eux, c'était une grande libération.
15:39Ici, ils avaient un but, l'espoir de construire quelque chose.
15:43Mes parents et leur entourage croyaient sincèrement qu'après la guerre, il serait possible de reconstruire,
15:59de bâtir un état dans lequel il n'y aurait plus d'antisémitisme,
16:03dans lequel il n'y aurait plus d'injustice sociale,
16:07où la vie serait meilleure.
16:13Les aspirations des gens n'intéressent pas Staline.
16:18Il s'apprête à appliquer son projet de prise du pouvoir dans tous les pays que l'armée rouge occupe.
16:24Protégés par Moscou, les chefs communistes locaux sortent de la clandestinité
16:28et s'installent dans les postes clés de la nouvelle administration.
16:34Ces manœuvres échappent à la majorité de la population.
16:37Leurs préoccupations sont ailleurs.
16:39Il faut réussir à survivre dans cette Europe qui manque de tout.
16:48On était vraiment dans la survie,
16:51si bien que tout ce qui était politique, on l'acceptait sans discuter.
16:58Ce qui comptait à ce moment-là, c'était un toit sur la tête,
17:02du chauffage et à peu près de quoi manger.
17:05À Berlin, on fait des potagers dans le centre-ville,
17:10dans ce qui était le très populaire parc de Tiergarten, désormais déboisé.
17:17Les magasins sont vides.
17:19On vend tout ce qui reste encore pour trouver un peu d'argent
17:21et acheter de quoi subsister.
17:24Le marché noir prospère.
17:26Parmi les meilleurs clients, il y a les officiers et les soldats de l'armée rouge.
17:29Dans la zone soviétique, la situation alimentaire est d'autant plus critique
17:40que Staline a exigé que son armée, plusieurs millions de soldats et d'officiers,
17:45soient logés et nourris aux frais des pays qu'ils ont libérés.
17:52Les militaires soviétiques prennent leur quartier
17:54et profitent de la belle vie des forces d'occupation.
17:57La population subit et se raconte cette blague.
18:03Pourquoi les soldats des forces soviétiques
18:05ne participent jamais à la loterie locale ?
18:08Parce qu'ils ont trop peur de gagner un voyage en URSS.
18:15Cette histoire se racontait en Allemagne,
18:17mais aussi dans tout le bloc soviétique.
18:20Les blagues politiques nous unissaient par-delà les frontières.
18:24On les chuchotait en privé,
18:26loin des oreilles indiscrètes,
18:27et c'était le seul moment où on parlait vraiment librement.
18:33En URSS, elles nous ont aidés à supporter la dictature communiste.
18:37En Europe centrale,
18:39elles ont permis de survivre pendant toutes ces années d'occupation.
18:45Mais à l'époque, on ne se doutait pas qu'elles dureraient plus de 45 ans.
18:49Tout le monde pensait que les Russes n'étaient là que pour quelques mois,
18:52quelques années tout au plus,
18:54le temps de reconstruire les pays ravagés par la guerre.
18:56En Pologne, la tâche est énorme.
19:05Tout est détruit par les années de combat.
19:08Les villes sont rasées.
19:10Varsovie n'existe plus.
19:11Avant la guerre,
19:38Varsovie comptait un million d'habitants.
19:45Donc, le choc a été énorme quand on est passé par le centre-ville.
19:54Il n'y avait plus rien, juste des tas de décombres.
19:57La ville était en ruine.
20:04Je me promenais avec mon père,
20:07qui prenait des photos de ce qui restait de la vieille ville,
20:11de la rue Pivna.
20:12On marchait dans un couloir au milieu des gravats.
20:17Aujourd'hui, on a du mal à imaginer,
20:20mais il y avait des décombres à perte de vue.
20:22Les habitants de Varsovie ouvrent alors un gigantesque chantier.
20:32Il faut restaurer, ou plutôt construire à nouveau la ville,
20:36et surtout son centre,
20:37la place du marché, les palais et les églises.
20:40Le mot d'ordre, c'était
20:44« Tous les Polonais à la reconstruction de la capitale Varsovie ».
20:49Les travaux ont commencé dans le cadre de ce qu'on appelait
20:53un acte social,
20:55une action au service de la communauté.
20:59Donc, tous les dimanches,
21:01on allait travailler pour le bien de la société
21:03et on déblayait les rues de Varsovie.
21:05Qu'on soit ministre ou danseuse de ballet,
21:09tout le monde travaille bénévolement pour le bien du pays.
21:13Cette pratique, bien qu'importée du RSS,
21:16est présentée par les communistes polonais
21:18comme un élan populaire.
21:22Christophe Zanussi n'était qu'un enfant à l'époque.
21:25Ses années d'après-guerre ont été fondatrices pour lui.
21:28Plus tard, il les racontera dans ses films.
21:30Les trois premières années qui ont suivi la guerre,
21:36une vie normale semblait encore possible.
21:39Beaucoup espéraient qu'il ne s'agirait
21:41que d'une dépendance formelle
21:42à l'égard de l'Union soviétique
21:44et que nous, les Polonais,
21:46on pourrait gouverner nous-mêmes
21:47dans un système au moins semi-démocratique
21:49et semi-libre.
21:53Trop occupés par la reconstruction de leur pays,
21:56les Polonais ne se révoltent pas
21:58quand Staline installe à la tête du gouvernement
22:00son fidèle élève Boleslav Bierut,
22:03arrivé directement de Moscou.
22:07Et quand en 1947,
22:09Bierut se débarrasse de toute opposition politique
22:11et que les communistes restent seuls
22:13à la tête du pays,
22:15les Polonais se retrouvent devant le fait accompli.
22:18Il ne leur reste qu'à se raconter cette blague.
22:22Quelle est la différence
22:24entre la République populaire de Pologne
22:27et un navire en haute mer ?
22:29Aucune.
22:33Les horizons sont vastes,
22:35on ne peut pas en descendre
22:36et on a envie de vomir.
22:37Bientôt, tout l'empire de Staline
22:42va ressembler à ce navire.
22:45Il faut mobiliser les masses,
22:46créer un élan populaire.
22:48Et comme on l'a toujours fait en URSS,
22:50on utilise le cinéma,
22:52l'outil de propagande par excellence
22:54selon les idéologues de Moscou.
22:55Alors, à Berlin-Est,
23:00quelques mois à peine après la fin des combats,
23:02on tourne les premiers films
23:04sous supervision soviétique.
23:07Tout est filmé en décor naturel
23:09et le message est clair.
23:12La reconstruction est le devoir de tous
23:14et de chacun.
23:15Pour Staline,
23:42la reconstruction de l'économie
23:44dans les pays occupés par son armée
23:45a un intérêt tout particulier.
23:49Après quatre ans de combats,
23:50l'industrie soviétique est ruinée.
23:52Les alliés ont accepté
23:53que l'Allemagne paye à l'URSS,
23:55à titre de réparation de guerre,
23:5710 milliards de Reichsmark.
24:00Mais le Kremlin n'attend pas
24:02et se sert partout où il peut.
24:04En moins de trois ans,
24:12près de la moitié de l'industrie
24:13de l'Allemagne de l'Est
24:14est envoyée en URSS.
24:19En 1945,
24:21les usines qui existaient encore
24:22ont été démantelées.
24:24Les ouvriers ont dû démonter
24:26les machines
24:26et tout est parti en Russie.
24:28L'Allemagne est ainsi sanctionnée
24:31pour son passé.
24:32Mais d'autres pays,
24:33alors qu'ils ont été eux-mêmes
24:34victimes des nazis,
24:35subissent aussi
24:36les réquisitions soviétiques.
24:39Moscou prélève
24:40une partie de leur production.
24:42Le blé,
24:42les machines
24:43ou le charbon
24:43partent vers l'URSS.
24:47La population,
24:48écœurée,
24:48ne peut rien faire,
24:50à part ironiser
24:51sur les occupants.
24:52C'est qui les Russes ?
24:55Ce sont des libérateurs.
24:57Ils nous ont libérés de tout.
24:59Des nazis,
25:01des montres,
25:02des voitures,
25:03des rails
25:04et des usines.
25:14En Allemagne,
25:15l'URSS va prendre aussi
25:16tout l'uranium
25:17qu'elle fait extraire
25:17dans les mines de Wismuth
25:19à une centaine de kilomètres
25:20de Dresde.
25:22Par chance,
25:23nous avons découvert
25:24ce film de fiction
25:25tourné dans le lieu même
25:27au milieu des années 50.
25:29Il a été immédiatement
25:31interdit par le Kremlin
25:32pour qui cette mine
25:33était aussi essentielle
25:34que secrète.
25:37Des milliers de mineurs allemands
25:38ont extrait ici
25:39sous la direction soviétique
25:41la ressource vitale
25:42pour le développement
25:43de leurs bombes atomiques.
25:47La mine de Wismuth
25:48produisait du minerai
25:49pour la bombe atomique.
25:52Moi, ça m'était bien égal.
25:54Ce qui comptait,
25:54c'était les sous.
25:58Il fallait absolument
25:59que je gagne de l'argent
26:00et la paie me convenait.
26:02pour un salaire
26:08certes supérieur
26:09à celui payé
26:10dans d'autres mines,
26:11les ouvriers
26:11travaillaient ici
26:12de longues heures
26:13sans aucune protection
26:14contre les radiations.
26:15Moscou a besoin de chaque gramme
26:35de cette précieuse matière
26:36pour construire sa bombe.
26:39Alors pour le Kremlin,
26:40Wismuth représente
26:41un enjeu stratégique majeur.
26:43C'est un objet militaire soviétique,
26:46comme on l'appelle en URSS.
26:51La région autour de la mine
26:52est complètement bouclée
26:54et les mineurs
26:55étroitement surveillés.
26:56Il y avait la sécurité d'État,
27:09mais à la mine Wismuth,
27:10il y avait aussi
27:11un autre service de sécurité
27:13interne à l'entreprise
27:14et il était en lien direct
27:16avec Moscou.
27:17Les soviétiques tiennent absolument
27:25à faire passer
27:25un message clair.
27:27L'URSS est dans son bon droit
27:29en prélevant les matières premières
27:31sur le sol allemand.
27:38Les mineurs,
27:40membres du parti communiste,
27:41sont chargés de porter
27:42la bonne parole.
27:43Le robert dit qu'on a besoin d'Uran.
27:47C'est très important,
27:48Genosse Bayer.
27:49Nous devons continuer de soutenir.
27:50Vous entendez, Bayer ?
27:52La Union soviétique
27:53baut le communisme.
27:57La Union soviétique
27:58aide à la toute la monde
28:01au combat de la paix.
28:03Bien sûr.
28:04Les soviétiques genosses
28:06nous aident à l'économie
28:07du socialisme.
28:09Nous et vous,
28:11tous,
28:12les travailleurs.
28:13Vous voyez,
28:14c'est un internationalisme proletariste.
28:15Faire travailler les pays occupés
28:22pour l'Union soviétique
28:23ne suffit pas.
28:25Il faut aussi installer
28:26l'idéologie communiste,
28:28modeler les esprits.
28:34Dans tous les pays
28:34qu'ils contrôlent,
28:36ils imposent alors
28:36le marxisme-léninisme
28:38qui doit devenir
28:39le seul credo
28:40de tout citoyen
28:40du bloc soviétique.
28:41On change
28:45tous les programmes scolaires
28:46et on réécrit
28:47les manuels.
28:51À l'école,
28:53j'ai appris
28:54que j'avais beaucoup de chance
28:55de grandir à l'Est,
28:56que c'était formidable
28:57de ne pas avoir
28:58de capitalistes
28:59et que la vie
29:01était terrible
29:02pour les travailleurs
29:03en Allemagne de l'Ouest
29:04parce qu'il y avait
29:05les capitalistes
29:06et que tous les nazis
29:07étaient à l'Ouest.
29:08Nous,
29:09on était du côté
29:10des vainqueurs de l'Histoire.
29:11Les étudiants
29:12sont en train
29:13d'avoir une nouvelle
29:14démocratie
29:15et de l'économie
29:16et de l'économie
29:17et de l'économie
29:18et de l'économie
29:19et de l'économie
29:19et de l'économie.
29:25Tous les étudiants,
29:28quelle que soit
29:28leur spécialité,
29:29devaient suivre aussi
29:30une formation
29:31marxiste-léniniste,
29:32que ce soit
29:33pour devenir
29:34dentiste,
29:35pharmacien,
29:36biologiste
29:37ou théologien.
29:39Ils devaient étudier
29:40le marxisme-léninisme
29:42pendant deux ans,
29:43trois ans
29:43et même cinq ans.
29:49Et s'ils n'avaient pas
29:51de bons résultats,
29:52ils ne pouvaient pas
29:53passer l'examen d'État.
29:54C'était un endoctrinement
29:57incroyable
29:58qui commençait
29:59dès la maternelle
30:00et se poursuivait
30:01jusqu'à l'université.
30:03Sans marxisme-léninisme,
30:06point de salut.
30:07Dorénavant,
30:08l'idéologie communiste
30:10devient la base
30:11de toute connaissance.
30:13Elle explique le monde,
30:14l'économie,
30:16la finance,
30:17la géographie
30:17et l'histoire.
30:18Jeune étudiant à l'époque,
30:22Andrzej Olszewski
30:23était trop naïf
30:24pour saisir
30:25l'étendue
30:25du savoir marxiste.
30:2770 ans plus tard,
30:29il se rappelle
30:29encore le tollé
30:30qui l'a provoqué.
30:33J'ai fait un exposé
30:35sur un livre américain
30:37qui parlait
30:38du site
30:39d'Amarna
30:39et du règne
30:41d'Amenhotep IV.
30:42J'ai commencé
30:48en disant
30:49cette présentation
30:51concerne une époque
30:52dont la science
30:53sait très peu de choses
30:55et la science marxiste
30:56encore moins.
30:59Mon Dieu,
31:00qu'est-ce que
31:01je n'avais pas dit là ?
31:02Les foudres de l'enfer
31:04se sont déchaînées
31:05contre moi.
31:06Ils voulaient me faire
31:06virer de l'université.
31:08Dans les réunions,
31:09on disait
31:10il faut combattre
31:11les ennemis de classe
31:12comme Olszewski.
31:15J'ai l'impression
31:15d'entendre un de mes amis.
31:18Chez nous,
31:18à Moscou,
31:19à la faculté
31:19de mathématiques
31:20et physique,
31:21toute publication
31:22qui se volait sérieuse
31:23devait commencer
31:24par une citation
31:25de Lénine,
31:27même s'il s'agissait
31:28de géométrie
31:28ou de semi-conducteurs.
31:33Et si le monde
31:34soviétique
31:34a une seule idéologie,
31:36il doit parler
31:37une seule et même langue.
31:39Dans tous les pays,
31:40on se met
31:41à imprimer
31:41des milliers
31:42de livres
31:42et manuels de russe.
31:46À partir du collège,
31:48tous les élèves
31:48devaient apprendre
31:49le russe
31:50et ils le faisaient
31:51à contre-coeur.
31:53La belle langue russe
31:54était celle
31:55de l'occupant,
31:56si bien qu'on n'entretenait
31:57pas de bons rapports
31:58avec cette langue.
32:00Les manuels de russe
32:02nous apprenaient
32:03toutes sortes de choses
32:03sur les partis,
32:04les syndicats,
32:05les résistants
32:06et la guerre.
32:07mais pas comment dire
32:09« je t'aime »
32:10ou « combien coûte
32:11le beurre ».
32:12On nous enseignait
32:13un drôle de jargon
32:14soviétique
32:15qui ne pouvait guère
32:16susciter notre enthousiasme.
32:19Surtout à l'école,
32:20il ne fallait pas
32:21apprendre
32:22les langues impérialistes.
32:24Donc,
32:25à la fin des années 40,
32:26n'était enseigné
32:27que le russe
32:27et le latin,
32:28curieusement.
32:28Un jour,
32:30j'ai demandé
32:31à un membre du parti
32:32pourquoi on autorisait
32:33l'enseignement du latin.
32:35Il a réfléchi un instant
32:36et m'a répondu
32:37« parce qu'on ne peut pas
32:38comploter en latin,
32:40c'est une langue
32:40que les gens ne parlent pas ».
32:42La crainte du complot
32:44a toujours hanté Staline.
32:48D'abord en URSS
32:49et maintenant
32:50en Europe centrale,
32:52ses services secrets
32:52ont mis en place
32:53un système de surveillance
32:54quasi-total
32:55de chaque citoyen.
32:58Les parents
33:01de Barbara Kirchner
33:02vont être parmi
33:03les premières victimes.
33:05Mes parents
33:06se sont mariés
33:08autour de Noël
33:091945.
33:12À Pâques,
33:13l'année suivante,
33:14ils ont pris le train
33:15pour se rendre
33:15à Breslo
33:16pour acheter
33:17des ustensiles
33:18de ménage.
33:19Mais ils ne sont pas
33:21allés loin
33:22parce qu'ils ont été
33:23arrêtés
33:23par les militaires
33:24soviétiques.
33:26Voici mes parents
33:27à leur mariage
33:28« C'était un jeune
33:30couple heureux
33:31qui espérait
33:32démarrer une vie
33:33nouvelle ».
33:35Le père de Barbara,
33:36journaliste,
33:37venait de démissionner
33:38d'un journal
33:39dans le secteur soviétique
33:40et cherchait du travail
33:41dans le secteur américain.
33:43« Mon père a été
33:45interrogé
33:46pendant des semaines.
33:47Ma mère a appris
33:49qu'il avait été frappé
33:51pour le forcer
33:51à faire des aveux.
33:52Au bout de trois mois,
33:57mon père a été condamné
33:58à 20 ans de prison
33:59pour propagande
34:01anticommuniste
34:02et espionnage.
34:04C'était le chef
34:05d'accusation habituel
34:06à l'époque.
34:06Du jour au lendemain,
34:09on était soupçonné
34:10d'être un espion
34:11américain
34:12et d'avoir été
34:13formé là-bas.
34:14N'importe qui,
34:15à n'importe quel moment,
34:17pouvait être qualifié
34:18de criminel.
34:19On créait des coupables.
34:23Mon père a été
34:25interné à Bautzen
34:26et ma mère envoyée
34:28à Sachsenhausen.
34:30Elle n'a jamais eu
34:32de procès.
34:33Elle n'a jamais vu
34:34un juge.
34:35Ils l'ont simplement
34:36fait disparaître.
34:40Ça, c'est le portail
34:42de Sachsenhausen.
34:46Et un mois plus tard,
34:47en novembre,
34:48je suis née
34:48à l'infirmerie.
34:53J'ai été emmaillotée
34:54et placée
34:55dans une caisse
34:56en bois
34:56avec des vêtements
34:58de prisonniers
34:58en guise de lange.
35:02Au bout de sept mois
35:03de captivité,
35:03ma mère n'avait plus
35:04de lait.
35:05Dans ce cas,
35:06les mères émiettaient
35:07leur propre nourriture
35:08en tout petits morceaux,
35:10les mélangeaient
35:11à du bouillon clair
35:12et elles faisaient
35:13boire ça
35:13à leurs bébés.
35:16Les enfants
35:17qui naissaient au camp
35:18n'étaient pas enregistrés.
35:20Ils n'intéressaient
35:20personne,
35:22comme si on n'avait
35:22pas d'existence.
35:24Et puisqu'on n'existait pas,
35:26on ne nous donnait
35:26pas de nourriture
35:27ni de vêtements.
35:28C'était le régime
35:30de Staline.
35:33En Russie,
35:34très peu de familles
35:35n'avaient pas
35:35quelqu'un au goulag.
35:38Alors,
35:39qu'est-ce que représentaient
35:39quelques Allemands
35:40et quelques enfants
35:41pour eux ?
35:42Le commandant
35:44avait écrit à Moscou
35:45« Au moins 80%
35:47des détenus
35:48que j'ai ici
35:49devraient être libérés
35:50de par le droit soviétique.
35:51Qu'est-ce que je dois faire
35:54de ces personnes ? »
35:56Moscou n'a jamais répondu.
36:00Quelques milliers
36:01de prisonniers de plus
36:02ne sont rien pour Staline.
36:04Il a son objectif,
36:06transformer les pays
36:07d'Europe centrale
36:07en états entièrement
36:09inféodés
36:09aux ordres de Moscou.
36:11Mais,
36:12il faudra le faire
36:13en passant par les élections.
36:14Il s'y est engagé à Yalta.
36:18En Tchécoslovaquie,
36:19en mars 1946,
36:20tout se passe comme prévu.
36:23Ici,
36:24le parti communiste,
36:25le plus important
36:25d'Europe centrale,
36:27remporte les élections
36:28législatives
36:28haut la main.
36:31En Bulgarie,
36:32le PC gagne
36:33grâce à une coalition
36:34avec d'autres partis de gauche.
36:37En Allemagne,
36:39dans la zone soviétique,
36:40ce n'est pas si simple.
36:42Le parti communiste
36:43est massivement soutenu
36:43par l'occupant,
36:45mais pas vraiment
36:45par la population.
36:48Alors Staline
36:49et les chefs du parti
36:50trouvent une solution.
36:52Les socialistes,
36:53beaucoup plus populaires,
36:54doivent fusionner
36:55avec les communistes.
36:56Évidemment,
36:57la démarche est présentée
36:58comme volontaire.
37:01Le nouveau parti,
37:02le parti socialiste unifié,
37:04va être dominé
37:05par les communistes
37:06et inféodé à Moscou.
37:09Beaucoup d'Est-Allemands
37:10tentent d'échapper
37:11à son hégémonie
37:11et adhère à d'autres
37:13formations politiques
37:14encore autorisées.
37:18Comme le SPD avait disparu,
37:21intégré dans le SED,
37:23il ne me restait que la CDU
37:25et le LDP,
37:27le parti libéral-démocrate.
37:29La CDU,
37:31disons
37:32qu'elle avait des fondements
37:34chrétiens
37:35qui ne me convenaient pas.
37:39Je me suis donc
37:40plutôt orienté
37:41vers le parti libéral-démocrate.
37:43« J'ai annoncé
37:46à mon professeur
37:46d'université,
37:48M. Roch,
37:50que ça y est,
37:52j'ai adhéré
37:53à un parti.
37:55Ah, mais lequel ? »
37:58J'ai répondu
37:59« Le LDP. »
38:02De ma vie,
38:03je n'ai jamais vu
38:04quelqu'un
38:04changer d'expression
38:06à une telle vitesse.
38:08Son visage radieux,
38:10qui s'attendait
38:10à entendre
38:11le SED,
38:12n'a plus affiché
38:15que désolation
38:16et dépit
38:16après que j'ai dit
38:17le LDP.
38:21Ces infidèles,
38:22qui rejoignent
38:23d'autres partis
38:24que le SED,
38:25parti pro-soviétique,
38:26sont soupçonnés
38:27d'espionnage
38:28anticommuniste.
38:32Josh Unstern
38:33a plus de 90 ans.
38:35Il a fait un trajet
38:36de plusieurs heures
38:37pour venir nous raconter
38:38son histoire.
38:40Elle commence
38:40un matin d'octobre 1947.
38:42« Il était très tôt,
38:49vers 4h30
38:50ou 5h,
38:51quand j'ai entendu
38:54quelqu'un sauter,
38:57se précipiter
38:58dans la maison
38:58et entrer
39:01dans ma chambre.
39:04Et il a crié
39:06en russe,
39:07les mains en l'air.
39:08Joshun Stern
39:12est arrêté
39:12et emmené
39:13à Bautzen,
39:14l'ex-prison des nazis,
39:15reprise par les soviétiques.
39:19Joshun n'a que 19 ans.
39:25Après des jours
39:26passés à attendre
39:26dans une cellule solitaire,
39:29il est emmené
39:30devant un colonel
39:31soviétique.
39:37Il était assis
39:38à son bureau
39:39et lisait
39:40la Pravda,
39:40le célèbre journal soviétique.
39:43Tout d'un coup,
39:44il s'est levé
39:45à replier son journal.
39:47Il m'a regardé
39:48un moment
39:48et il m'a dit
39:49« Toi, espion ! »
39:53« Comment ça ?
39:55Moi, un espion ?
39:56Mais non ! »
39:57« Toi, mentir ! »
40:01« Ah bon ?
40:01Mais non,
40:02je ne mens pas ! »
40:05Il s'est penché
40:06et a pris
40:08un bâton
40:08de la taille
40:09d'un gourdin
40:10pour me battre
40:11et il s'est avancé
40:13vers moi.
40:14« Vas-y, parle ! »
40:18J'ai dit
40:19que je ne savais
40:20même pas
40:21pourquoi j'étais là.
40:24En fait,
40:24j'étais accusé
40:25d'avoir créé
40:26des réseaux d'espionnage.
40:30On m'accusait
40:31d'être allé
40:32à Berlin-Ouest
40:33pour transmettre
40:35des tas d'informations
40:37aux services
40:38d'espionnage
40:39occidentaux.
40:44Les semaines passent.
40:46Stern continue
40:47à clamer son innocence.
40:48Je me suis retrouvé
40:53au cachot.
40:57Un cachot,
40:58c'est la pire chose
40:59qu'on puisse imaginer.
41:02J'étais tellement épuisé
41:04que je pensais
41:07que je ne survivrais
41:08pas longtemps.
41:14Physiquement,
41:15mentalement,
41:16j'étais vraiment brisé.
41:19Alors je leur ai dit
41:20« Si c'est ça,
41:22à quoi bon ? »
41:23« Si vous croyez
41:24que je suis un espion,
41:25très bien.
41:27Je n'ai plus la force
41:28de me battre. »
41:31Les soviétiques
41:32utilisent les méthodes
41:33rôdées lors des grandes
41:34purges des années 30
41:35en URSS.
41:37Techniques qui ont conduit
41:38des centaines de milliers
41:39de gens
41:39à avouer des crimes
41:40totalement imaginaires.
41:44J'ai été condamné
41:45à 25 ans
41:47de travaux forcés
41:47et de camps
41:48de rééducation.
41:50En URSS,
41:52l'accusation standard
41:53était d'être
41:54un ennemi du peuple.
41:56Dans la partie
41:56de l'Allemagne
41:57occupée par les soviétiques,
41:58c'est d'être
41:59un espion américain.
42:00Car dans la guerre froide
42:01naissante,
42:02les États-Unis
42:03deviennent
42:03l'adversaire
42:04principal de Staline.
42:08La première bataille
42:09se joue à Berlin.
42:11Divisé entre secteurs
42:12d'occupation occidentale
42:13et soviétique,
42:14la capitale allemande
42:15se trouve au cœur
42:16du territoire
42:16contrôlé par l'URSS.
42:20En juin 1948,
42:22les alliés occidentaux
42:23décident unilatéralement
42:24de créer une nouvelle
42:26monnaie dans leur zone,
42:27le Deutschmark.
42:30Ce qui provoque
42:31un effondrement
42:32des devises soviétiques.
42:33est-ce qu'il y a
42:38une ville
42:40qui a l'impression
42:40qu'il y a deux
42:42villes-teils.
42:44Les émotions
42:45de Berlin
42:45se réunissent
42:46toujours plus.
42:48Furieux,
42:49Staline réplique
42:49en fermant
42:50tous les accès
42:50à Berlin-Ouest,
42:52le secteur occidental.
42:54C'est le blocus
42:55de Berlin.
42:58Les alliés
42:59refusent
42:59d'abandonner
43:00Berlin-Ouest
43:00à Staline
43:01et organisent
43:02un gigantesque
43:02pont aérien
43:03pour ravitailler
43:04chaque jour
43:05deux millions
43:05de Berlinois.
43:09Face à la détermination
43:11américaine,
43:12Staline est contraint
43:13de céder.
43:14Il lève son blocus
43:15au bout de onze mois.
43:19Cette crise
43:20précipite la division
43:21de l'Allemagne
43:22en deux États.
43:23en mai 1949,
43:25les alliés décident
43:26la création
43:27de la République
43:27fédérale
43:28d'Allemagne.
43:31Alors,
43:32les soviétiques
43:33ripostent
43:34et le 7 octobre
43:35proclament à l'Est
43:36la République
43:37démocratique
43:37allemande.
43:38Cette nouvelle Allemagne
43:54n'a de démocratique
43:55que le nom.
43:56Elle est simplement
43:57communiste.
44:00Aux élections législatives,
44:02il n'y a qu'une liste
44:02de candidats de gauche.
44:04Totalement dominée
44:05par le parti,
44:06elle obtient 99%
44:07des voix.
44:09La politique soviétique
44:10d'endoctrinement
44:11et de terreur
44:12a atteint son objectif.
44:15Le choix est désormais
44:15simple.
44:17Le communisme
44:17ou l'exil.
44:21Un Allemand de l'Est
44:22prend le train
44:23pour partir à l'Ouest.
44:25Les douaniers
44:25ouvrent sa valise
44:26et trouvent un grand portrait
44:27du chef communiste
44:28Walter Ulbricht.
44:30Pourquoi vous emportez
44:31ce portrait ?
44:32Pour ne pas avoir
44:34la nostalgie.
44:37En quatre ans à peine,
44:39Staline a atteint son but.
44:40Il est parvenu
44:41à imposer
44:42le système communiste
44:43aux habitants
44:43des pays
44:44qui l'occupent.
44:46En Hongrie,
44:47la prise du pouvoir
44:48par les soviétiques
44:49est un cas d'école.
44:54Disons les choses
44:55clairement et ouvertement.
44:57Il n'y aurait jamais eu
44:58de communisme en Hongrie
44:59si l'armée rouge
45:00n'était pas venue ici.
45:02Entre les deux guerres mondiales,
45:05il n'y avait que 2000 membres
45:06enregistrés
45:07aux partis communistes
45:08dans le pays.
45:10C'était un parti illégal.
45:122000.
45:142000 communistes,
45:15quand ils sont soutenus
45:16par des centaines
45:17de milliers de militaires
45:18et de conseillers soviétiques,
45:20peuvent imposer
45:20un nouveau régime.
45:23Pour le diriger,
45:24Moscou mise sur son homme,
45:26Mathias Rakoshi.
45:28Réfugié en URSS
45:29pendant la guerre,
45:29il se qualifie lui-même
45:31de meilleur élève hongrois
45:32de Staline.
45:36Une grosse machine
45:37de propagande
45:38se met alors en marche.
45:40Rakoshi et ses camarades
45:42organisent des manifestations
45:43de masse
45:44dans tout le pays
45:44et font scander
45:46des slogans
45:46à la gloire du parti
45:47et de son chef.
45:48L'URSS
46:00et les conseillers soviétiques
46:02ont établi
46:03tout un réseau
46:04en Hongrie.
46:05L'URSS
46:06et les conseillers soviétiques
46:16ont établi
46:17tout un réseau
46:18en Hongrie
46:18pour créer
46:19un nouveau système.
46:22Il était clair
46:24que l'évolution du pays
46:25allait dans le sens soviétique
46:27et que la dictature
46:30qui s'était développée
46:31autour de Rakoshi
46:32était vraiment liée
46:34à ce qui se passait
46:35en Union soviétique.
46:36Quand Rakoshi
46:38est entré en scène,
46:42il a créé
46:43un culte
46:43de la personnalité
46:45autour de lui.
46:48Lorsqu'il arrivait
46:49quelque part,
46:50il fallait applaudir
46:51et crier
46:52« Vive Rakoshi,
46:54vive le parti ! »
46:59Tout comme en URSS,
47:01ceux qui n'expriment pas
47:02leur soutien aux communistes
47:03et à Rakoshi
47:04en personne
47:04sont considérés
47:05comme des ennemis.
47:07Et les plus dangereux
47:08sont les sympathisants
47:09du très populaire
47:10parti des petits propriétaires
47:11de Zoltan Tildi.
47:15Alors les Hongrois
47:15qui soutiennent ce parti
47:16doivent ruser,
47:18inventer le double langage,
47:20des stratégies de survie
47:21qui deviendront typiques
47:22dans le bloc de l'Est.
47:24« J'ai demandé à mon père
47:29pour qui il allait voter. »
47:32Et il m'a répondu
47:33« Je suis entré
47:38au Parti Social-Démocrate,
47:40mais ta mère et moi,
47:42on va voter
47:42pour le parti indépendant
47:44des petits propriétaires. »
47:47Le Parti Social-Démocrate
47:49était un parti de gauche,
47:50mais j'ai compris
47:51qu'il l'avait rejoint
47:52pour des raisons de sécurité.
47:54Et il a voté en secret
47:56pour un parti démocratique
47:57bourgeois de droite.
48:01Le 31 août 1947,
48:03le jour du vote,
48:05on fait défiler
48:06tout le peuple
48:06devant les caméras,
48:08selon le scénario
48:09importé du RSS.
48:11Dans mon enfance,
48:13on allait jusqu'à apporter
48:14les urnes à domicile
48:15pour ceux qui ne se déplaçaient
48:16pas dans les bureaux de vote.
48:17Le taux de participation
48:20a toujours été
48:21l'indice principal
48:22de la réussite des élections.
48:25Cette fois,
48:26il est autour de 90%.
48:27Et pour les résultats,
48:30on s'arrange.
48:34Dans les coulisses,
48:35on applique les méthodes
48:36déjà bien rodées
48:36dans les autres pays
48:37d'Europe centrale.
48:39On met sous pression,
48:41on surveille,
48:43et si ça ne marche pas,
48:44on bourre les urnes,
48:45on falsifie les chiffres.
48:46La victoire par la fraude
48:53était la seule solution possible.
48:57L'Union soviétique
48:58donnait des ordres
48:59dans le but d'écraser
49:01toute contestation
49:02et tous ceux
49:04qui s'opposaient
49:05aux communistes.
49:09C'est là que j'ai compris
49:10que les communistes
49:11avaient falsifié
49:12les résultats des élections.
49:14une chape de plomb
49:18s'est alors abattue
49:19sur moi.
49:21J'avais 12 ans.
49:24Mais j'ai senti
49:25aussi incroyable
49:29que ça puisse paraître
49:30que j'étais devenu
49:31un paria politique
49:32à 12 ans.
49:35Malgré les pressions,
49:37les communistes
49:37ne font que 22%
49:38des voix.
49:42Alors tout comme
49:43en Allemagne
49:43ou de l'Est,
49:44on force
49:45les autres partis
49:45de gauche
49:46à fusionner
49:47avec eux.
49:48L'opposition
49:49est chassée
49:49du Parlement.
49:50Mathias Rakochi
49:54s'installe en dictateur
49:56tel un petit Staline.
50:02Évidemment que les gens
50:03savaient ce qui se passait,
50:06mais ils ne pouvaient
50:08rien faire.
50:11Et le peuple
50:11doit se réjouir.
50:14Une fête
50:15comme j'en ai connu
50:16des dizaines enfants
50:16en Union soviétique.
50:18Toutes nos célébrations
50:20étaient mises en scène
50:21selon le même scénario.
50:23Il fallait se moquer
50:24de nos ennemis,
50:25les imperialistes occidentaux.
50:35Montrer que le peuple
50:36était heureux
50:36de voir les communistes
50:37remporter les élections
50:38et écouter les discours
50:41des chefs
50:41qui ne nous disaient rien.
50:48notre seule échappatoire,
51:07nous moquer de nos propres vies,
51:09entre amis,
51:10en secret.
51:11« Rakochi, notre père à tous, aimait se mêler à la foule, tel le roi Matthias, pour entendre ce que la population pensait de lui. Un jour, il va s'asseoir dans une salle de cinéma qui diffuse des actualités avant le film.
51:33« Et justement, on y voit le camarade Rakochi, qui est en train de visiter une coopérative agricole. À ce moment-là, tout le public du cinéma se lève et se met à applaudir à tout rompre.
51:53« Tout à coup, de derrière, quelqu'un qui ne l'avait pas reconnu tapote le crâne de Rakochi en lui disant « Hé, toi, le chauffe, debout, sinon la police secrète va venir t'arrêter. »
52:08« Donc, Rakochi se met à applaudir comme tout le monde pour ne pas être embarqué par la police secrète. »
52:15Cette nouvelle réalité est absurde. Mais comment y échapper ?
52:19« Pour vous citer un exemple récurrent de la naïveté de mes parents, il disait
52:25« L'année prochaine, les Américains viendront pour nous libérer. »
52:33« La venue des Américains, c'était comme la venue du Messie pour les chrétiens. Quand le Messie arrivera, la résurrection aura lieu. »
52:46« Et pour que les Américains ne puissent pas venir, et surtout pour que personne ne puisse s'enfuir, »
52:52« On construit sur des milliers de kilomètres des clôtures et des champs de mines. »
52:58« Le champ de mines était là. Il y avait une clôture, et à l'extérieur, un champ de mines de 10 à 12 mètres de large. »
53:17« Plus d'un million de mines ont été installées à la frontière austro-hongroise. Si vous touchiez le fil qui ne se voyait pas, ça déclenchait la mine. »
53:27« Elle explosait et blessait mortellement tous ceux qui se trouvaient dans un rayon de 50 mètres. »
53:34« C'était l'une des grandes réussites de la politique de l'époque. »
53:38« Le rideau de fer s'est matérialisé sur le sol de l'Europe. Il sépare désormais l'empire de Staline du reste du monde. »
53:47« Seule la Yougoslavie, pourtant communiste, a pu échapper à son emprise. »
53:52« Pendant des années, je me suis demandé pourquoi l'Occident n'a rien fait quand Staline a coupé l'Europe en deux. »
53:59« L'explication est probablement très simple. »
54:07En août 1949, l'URSS a réussi son premier essai de la bombe atomique, qui fait d'elle une puissance nucléaire.
54:14Elle est désormais intouchable.
54:19Staline a les mains libres pour transformer plus de 85 millions d'Européens, qu'ils le veuillent ou non, en bons communistes.
54:27L'histoire du bloc soviétique peut enfin commencer.
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