00:02Il est 7h39, langue éco. François Langlais, décidément, il y a un domaine où on est bon, ce sont les prix Nobel.
00:07La semaine dernière, vous nous parliez du Nobel de physique, co-attribué au français Michel Devoret.
00:12Et bien depuis hier, on peut ajouter à notre collection Philippe Aguillon, cinquième prix Nobel d'économie, labellisé Made in France.
00:19Oui, un économiste passionné et chaleureux, ça peut sembler aussi improbable qu'un boucher végétarien.
00:24Et pourtant, c'est ce qu'est ce brillant spécialiste de 69 ans, qui est d'origine égyptienne, qui est aujourd'hui l'un des hommes les plus influents de sa discipline.
00:33Il a enseigné dans les plus grandes institutions du monde, Harvard, le MIT, le Collège de France, la London School of Economics.
00:41Le CV est plaqué or.
00:43Ce qui lui vaut le prix décerné hier par la Banque de Suède, ce sont ses travaux sur la destruction créatrice.
00:50La destruction créatrice, ça sonne un peu comme un oxymor. C'est quoi exactement ?
00:54Vous savez, quand on invente la voiture au début du XXe siècle, elle remplace peu à peu les charrettes, les calèches et les cochers.
01:02Cette innovation majeure libère une productivité formidable, parce que les livreurs font beaucoup plus de courses dans la journée,
01:08les vendeurs étendent leur zone de prospection et donc leur chiffre d'affaires.
01:13Chacun devient plus productif.
01:14Ce concept, il a été élaboré par un Autrichien au début du XXe siècle, Joseph Schumpeter.
01:20Mais Aguillon et son collègue canadien, qui a eu le Nobel avec lui, montrent que l'innovation est la source de la croissance sur le long terme.
01:27Mais alors pourquoi on dit destruction si c'est de la croissance ?
01:30En fait, toute croissance est par nature aussi de la destruction.
01:34Quand l'automobile s'impose, les cochers se retrouvent au chômage.
01:37Les éleveurs de chevaux souffrent, parce que la demande de quadrupèdes s'effondre, tout comme ceux qui font du fourrage.
01:43Et puis à l'inverse, ce sont les producteurs d'acier qui voient leur activité décoller.
01:47L'industrie du carburant, bien sûr, aussi pour les moteurs.
01:50L'activité s'affaiblit donc dans les campagnes, et elle s'intensifie dans les villes.
01:55En fait, ce sont des mouvements très violents, très puissants, même si on ne les voit pas à l'œil nu.
02:01Mais malgré les victimes, pourtant, le bénéfice pour la collectivité, il est considérable.
02:05Grâce à la productivité qui s'améliore.
02:08C'est ça, et ça seulement, qui a permis d'augmenter les salaires et diminuer le temps de travail sur les deux derniers siècles.
02:13Bon, mais l'innovation, il n'y en a pas tout le temps en France ?
02:15Si, si, si, c'est un mouvement perpétuel, plus ou moins intense, nourri par l'inventivité humaine qui est sans limite.
02:21Parfois, vous avez des substitutions inattendues.
02:24Par exemple, l'appareil photo, il a été tué par le smartphone.
02:28On ne s'y attendait pas.
02:30Autre exemple, le transport aérien a vu l'arrivée d'un nouveau concurrent avec les logiciels de visio.
02:35Qui permettent de tenir des réunions à distance et qui diminuent, de facto, la demande de transport.
02:40Bon, mais alors, on progresse, c'est bien.
02:43Mais les victimes, qu'est-ce qu'on en fait ? On les laisse sur le bord du chemin ?
02:46Alors, Aguillon explique toujours qu'il faut les aider.
02:48Justement, soit les indemniser, soit les reconvertir.
02:50Les cochers peuvent devenir chauffeurs de taxi.
02:53L'essentiel, c'est de préserver ce puissant mouvement d'innovation.
02:57Avec les bonnes politiques, fiscales et industrielles.
03:00Là-dessus, Philippe Aguillon fait des préconisations que nos gouvernements gagneraient à écouter.
03:04L'enjeu est capital, c'est notre niveau de vie, c'est le financement de notre modèle social.
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