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  • il y a 5 minutes
Avec Birgit Holzer, correspondante en France pour plusieurs titres de presse allemands, elle travaille notamment pour le « Tagesspiegel » à Berlin. Gilles Gressani, directeur de la revue « Le Grand Continent ». Et Jon Henley, grand reporter au « Guardian ». Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-de-la-grande-matinale/le-debat-du-7-10-du-mercredi-08-octobre-2025-9389796

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Transcription
00:00France Inter, La Grande Matinale, Sonia de Villers, Nicolas de Morand.
00:07Débat ce matin sur la crise politique française vue de l'étranger.
00:12Deux citations parmi beaucoup d'autres.
00:14Pour donner le ton, la France vit sa pire crise démocratique depuis le général de Gaulle,
00:21selon le journaliste britannique Adam Sage du Times.
00:25La crise politique qui engloutit la France sombre dans le théâtre de l'absurde.
00:32Ça c'est politico.
00:33Alors démission du Premier ministre Sébastien Lecornu, parti politique qui se déchire,
00:39président de la République appelé à la démission.
00:43Le spectacle donné par la France inquiète-t-il nos voisins ?
00:48On va en discuter avec Birgit Holzer.
00:51Bonjour.
00:52Vous êtes correspondante en France pour plusieurs titres de presse allemand
00:57et vous travaillez notamment pour le Tagesspiegel de Berlin.
01:01C'est pas mal comme accent.
01:03C'est à goûte.
01:04C'est à goûte, oui, 7 ou 8 ans d'allemand pour pouvoir dire ça, c'était quand même formidable.
01:11Gilles Gressani, bonjour.
01:13Bonjour.
01:14Directeur de la revue Le Grand Continent.
01:17John Henley, bonjour.
01:18Bonjour.
01:18Correspondant Europe du Guardian, vous êtes basé en France.
01:24Première question à tous les trois.
01:26De quelle manière le bazar politique en France, la crise, de quelle manière donc sont-ils perçus ?
01:35Incompréhension, malaise, joie mauvaise éventuellement de voir un grand pays comme le nôtre dans une si mauvaise position.
01:46Allez, John Henley pour commencer.
01:49Écoutez, je dirais un mélange d'effrayeur et de quand même une certaine délectation.
01:56Ah oui, quand même.
01:57Elle est là.
01:58La délectation est là.
01:59Et alors, elle s'appuie sur quoi ?
02:01Elle s'appuie sur le fait que les tabloïdes, écoutez, ça s'appuie sur la relation fondamentale historique entre la France et la Grande-Bretagne.
02:11On dit toujours les meilleurs ennemis, etc.
02:13Donc, ce serait anormal si une certaine partie, certainement de la presse, notamment la presse tabloïde, ne se délectait pas des problèmes de notre voisin.
02:24Mais aussi, évidemment, une inquiétude parce que ça démontre une sorte d'instabilité au cœur de l'Europe dans laquelle personne n'a intérêt.
02:35Oui, alors on va venir à la question de l'inquiétude.
02:39Gilles Gressani, la revue Le Grand Continent, comme son nom l'indique, embrasse large.
02:46Mais il se trouve que vous êtes aussi italien.
02:48Comment ça réagit en Italie ?
02:50Il faudrait utiliser un mot allemand qui est celui de Schadenfreude, évidemment.
02:54C'est au fond, on joue un peu à front inversé.
02:57L'Italie paraît beaucoup plus stable, la France paraît très instable.
03:00Donc ça, on est là-dedans.
03:01On s'en réjouit ?
03:03Je pense qu'il y a toujours une forme d'asymétrie, de représentation qui joue aussi aujourd'hui.
03:08Je pense aussi qu'il y a quelque chose qui est très évident.
03:10C'est qu'en fait, on voit bien comment le système français essaye de jouer un peu à l'italienne.
03:15Mais en fait, quand on change de système de jeu, ça ne marche pas très bien.
03:18Donc en fait, il y avait cette scène très bizarre avec des ministres sortants
03:21qui étaient remplacés par des ministres démissionnaires.
03:24Mais le ministre des armées qui était démissionnaire a démissionné.
03:27On a l'impression qu'en fait, on est en train d'assister à une pièce de Pirandello.
03:30Mais en réalité, elle n'est pas jouée d'une manière...
03:34En fait, c'est une langue apprise et pas une langue naturelle.
03:39C'est quelque chose qu'on voit très bien.
03:41J'ajouterais peut-être un point.
03:42C'est qu'en fait, je pense qu'il faut un peu aussi minorer ce qui se passe, paradoxal.
03:47C'est qu'on est dans une crise institutionnelle, puisque dans une crise politique.
03:50Et je pense que finalement, les gens ne sont pas si intéressés que ça par ça.
03:53Au fond, les Italiens, par rapport aux Gilets jaunes, par rapport aux grands mouvements sociaux,
03:58en fait, n'ont pas vraiment fait la une sur ce qui se passe aujourd'hui en France.
04:01Parce qu'on a compris que c'est quelque chose qui touche en réalité le système institutionnel
04:05plus que le système politique lui-même.
04:06En fait, c'est la fin de deux mandats.
04:10Et donc, peut-être la solution se trouve plutôt à ce niveau-là
04:12que dans quelque chose qui aurait cette dimension massive et qui, du coup, intéresserait tout le monde.
04:16Et du côté de chez vous, Birgit Holzer pour l'Allemagne,
04:21comment votre pays regarde la situation quand même inédite de la France ?
04:27Avec perplexité, je dirais.
04:29Depuis plus d'un an, on voit maintenant du psychodrame politique se répéter
04:32dans un pays qui était quand même très, très stable, comme l'Allemagne et d'ailleurs.
04:36Donc, incompréhension et surtout sur une question,
04:39déjà dans un contexte international très inquiétant.
04:42Donc, ça, c'est complètement ignoré.
04:44En tout cas, c'est l'impression qu'on peut avoir.
04:47Et puis, pour une question aussi essentielle et basique,
04:50comme le budget, comme comment on continue.
04:53Et je pense que chez nous, il y a énormément d'intérêt
04:55parce qu'on voit, pour nous, pour les Allemands,
04:58c'est la crise d'Emmanuel Macron.
05:00C'est une crise politique, institutionnelle,
05:02mais avec un responsable principal.
05:05C'est lui, c'est le président de la République qui est ciblé dans les critiques.
05:10Oui, alors il y a plusieurs responsables,
05:12voire irresponsables politiques qui sont dedans.
05:15En fait, quasiment tous les partis jouent leur rôle.
05:21Et il n'y a aucune volonté de vraiment...
05:24On parle énormément de coalition à l'Allemande,
05:27de consensus, travail ensemble,
05:28mais on ne voit pas du tout une volonté, une envie,
05:32ni chez... et surtout pas chez Emmanuel Macron
05:34au niveau de l'exécutif.
05:36Si on regarde les années passées,
05:41on a eu les gilets jaunes,
05:42on a eu le mouvement contre la réforme des retraites,
05:48on a eu l'incapacité ces derniers mois du président
05:51à trouver une majorité,
05:53on a eu la dissolution ratée de 2024.
05:57Est-ce que vous avez le sentiment les uns et les autres
06:02qu'au fond, la France est en situation de crise permanente ?
06:06Je pense que c'est une évidence.
06:11Je pense que surtout,
06:13il y a beaucoup, beaucoup qui découle
06:16de cette élection ratée de 2022.
06:20C'était ça, la performance, on va dire,
06:25de ce ventre du président
06:27et de ses troupes dans les élections parlementaires
06:32qui ont suivi.
06:34Mais oui, c'est un...
06:36De toute façon, vu de la Grande-Bretagne,
06:40ça semble autant un problème
06:44ou une crise institutionnelle
06:47que purement politique.
06:50C'est ce qu'on va...
06:51Et moi, je note vraiment
06:52des parallèles qui ne sont pas parfaits,
06:55mais il y a quand même pas mal de parallèles
06:58avec ce que nous, on a vécu en Grande-Bretagne,
07:00avec tout ce psychodrame du Brexit.
07:02Nous aussi, il y a cinq ans,
07:04nous, on a connu nos cinq premiers ministres,
07:08dont quatre ans.
07:09Et on a connu une chambre des communes
07:11profondément divisée et déchirée.
07:14On a connu des hommes et des femmes politiques
07:16campés sur l'opposition,
07:19figés dans leurs idéologies
07:21et pas capables de chercher le consensus.
07:24Et surtout, avec des pensées électorales
07:29plutôt que stratégiques et pragmatiques.
07:33Et pourtant, Gilles Gresslany,
07:35en préparant cette émission,
07:38on a été effarés d'apprendre qu'à vos yeux,
07:41la France restait un grand pays.
07:43Écoutez, je pense que...
07:45Est-ce que vous pourriez l'expliquer, s'il vous plaît ?
07:47C'est le moment, disons, psychodrame
07:50qui essaye par la suite de se résoudre
07:52dans une leçon de...
07:54En fait, bon, écoutez,
07:55je pense qu'il y a un problème structurel,
07:57c'est que nous sommes à la fin de...
08:00Et c'est assez structurel, en fait, en France.
08:01À la fin de deux mandats d'un président,
08:03on n'est plus habitué à ça.
08:05C'est toujours à peu près comme ça.
08:06Penser à la fin de Chirac, à la fin de Mitterrand,
08:08c'est très complexe de penser l'après.
08:10Et on est un peu dans cette chose-là.
08:12Les partis ont perdu le monopole de la présidentielle,
08:14donc ça ajoute encore plus de chaos.
08:16Mais nous sommes en réalité dans quelque chose
08:17qui paraît un peu structurel.
08:19Il s'agit de trouver la manière
08:22de créer un nouveau cycle.
08:23La plupart des acteurs politiques
08:24ont envie de jouer un rôle dans ce nouveau cycle,
08:26donc ils ne jouent pas un rôle dans le cycle présent.
08:28Il y a des petits coups de...
08:30Le théâtre reste très interne
08:32au système politique lui-même.
08:34Par contre, les fondamentaux sont là.
08:36Je pense que c'est une des choses
08:37qui est très dangereuse à cette séquence,
08:39c'est qu'on est en train de prendre
08:40une crise institutionnelle
08:41pour une crise politique, sociale et économique.
08:44La France, oui, c'est un grand pays.
08:46C'est un pays qui a un mix énergétique
08:49qui lui permet d'être autonome.
08:50C'est un pays qui, dans la nouvelle phase,
08:51qui est très complexe dans laquelle on rentre,
08:53a des avantages et des atouts évidents,
08:55militaires.
08:56Il a une culture aussi politique
08:57qui est peut-être plus adapte, en fait,
08:59à faire face à la ténarie impérale
09:00dans laquelle nous sommes.
09:02Le danger principal
09:03dans lequel on pourrait se retrouver,
09:05c'est qu'au fond,
09:05les Français finissent par être persuadés
09:07que...
09:08Le pays est en déclin
09:09de manière irrémédiable
09:10et que tout est...
09:11Et qu'il n'y a rien...
09:12Et qu'on ne peut rien faire,
09:13qu'il n'y a aucune énergie
09:14et qu'au fond,
09:15cette idée d'un suicide français,
09:18d'une décadence française
09:19qui est un bruit profond,
09:21qui a animé la campagne
09:23de Donald Trump aux Etats-Unis,
09:24qui est un terreau très propice,
09:26au fond,
09:27aux idées d'extrême droite,
09:28aux mouvements d'extrême droite,
09:29au fond,
09:30peut-être est le principal danger
09:32de cette séquence.
09:32Donc, je pense que
09:33ce qu'il faut essayer de faire,
09:34c'est distinguer ce qui se passe.
09:36On est dans une crise institutionnelle
09:38très évidente,
09:39c'est pas rien,
09:40mais nous ne sommes pas encore,
09:41pour le moment,
09:41dans une crise politique
09:42et surtout pas une crise économique.
09:44Et la France reste,
09:45oui, un grand pays.
09:46Birgit Holzer,
09:48sur la dimension diplomatique
09:52de la France,
09:53on a vu la France tenir son rang
09:58dans le processus de reconnaissance
10:01d'un État de Palestine
10:03et emmener derrière elle
10:05un certain nombre de pays,
10:08dont de grands pays.
10:09Est-ce que ça s'est encore mis
10:13au crédit d'Emmanuel Macron
10:16que d'exister pleinement
10:18sur la scène internationale ?
10:19Oui, je pense que oui.
10:20Je pense qu'il est toujours attendu
10:22sur la scène internationale.
10:23On voit qu'il est affaibli
10:24dans son pays.
10:26Il y a aussi une désillusion,
10:27je pense,
10:28de son image,
10:29même dans son action internationale,
10:31parce que ce n'était pas
10:32toujours cohérent.
10:33Parfois, il y a des discours
10:35et puis un décalage
10:36avec les faits, par exemple,
10:39dans ses discours,
10:40il est pour un soutien absolu
10:42de l'Ukraine.
10:43Dans les faits,
10:44la France donne beaucoup moins
10:46que d'autres pays.
10:47Dont l'Allemagne.
10:49Surtout l'Allemagne,
10:49mais même de petits pays
10:51comme le Danemark.
10:52Et donc, je pense,
10:53on voit ce décalage
10:54entre quelqu'un
10:55qui sait très bien vendre
10:56et qui, dans les faits,
10:57les faits ne suivent pas toujours,
11:00mais je pense que ses élans,
11:02c'est même son envie
11:06d'apparaître à côté
11:09de Friedrich Merz
11:10comme le couple maintenant
11:12qui prend en main les choses.
11:13Je pense que ça,
11:14ça reste important.
11:15Puis c'est un des chefs d'État
11:16et de gouvernement
11:17le plus expérimenté en Europe
11:19qui a vécu déjà
11:20le premier mandat
11:24de Donald Trump aux États-Unis.
11:25Donc, il a une certaine voix.
11:28Et puis, derrière,
11:29il y a simplement
11:30l'angoisse en Allemagne
11:31de voir arriver au pouvoir
11:33l'extrême droite.
11:34Parce que ça serait
11:35une catastrophe absolue
11:36pour l'Europe
11:37et pour les Allemands
11:38et on le sait.
11:39Et donc, derrière son affaiblissement,
11:41il y a surtout cette crainte
11:42de voir la France...
11:46Oui, basculer à l'extrême droite.
11:47Crainte partagée chez vous,
11:49John Henley ?
11:50Oui, tout à fait.
11:50Mais là encore, une fois,
11:52on n'est vraiment pas en position
11:53de donner des leçons.
11:55Nous, on a un parti
11:56d'extrême droite
11:57qui frôle les 35%.
11:59En Grande-Bretagne,
12:01on a toujours cru
12:03et pensé
12:04que le système
12:05électoral britannique
12:09allait nous protéger
12:11de ce genre
12:12d'événements.
12:15Mais en fait,
12:16ce système-là,
12:18il y a un point de bascule
12:19où ça protège
12:20jusqu'à ce que les partis
12:23commencent à gagner 30%
12:24et au-delà de 30%,
12:26ça bascule totalement.
12:28On peut avoir
12:29une énorme majorité
12:30en Grande-Bretagne
12:32et dans la Chambre des communes
12:34avec 32-33%
12:36du vote national.
12:38Donc, on est...
12:39Voilà.
12:39On regarde avec exactement
12:41la même inquiétude
12:44que l'Allemagne
12:46et, je pense,
12:46le reste de l'Europe.
12:48Mais on a les mêmes problèmes.
12:50L'hypothèse RN vue d'Italie
12:52s'est analysée comment,
12:55Gilles Gressani ?
12:56Il y a une grande différence
12:57entre Mélanie et Le Pen.
13:00Il n'y a pas une convergence
13:01si évidente.
13:02La convergence est plutôt
13:03entre Salvini et Le Pen.
13:05Je pense que, par contre,
13:07le théâtre dans lequel
13:09ça se joue,
13:09c'est plutôt la relation
13:10entre l'Atlantique,
13:11la nouvelle droite
13:12qui est poussée
13:13par Donald Trump.
13:14Cette espèce de tentative
13:15de changement de régime
13:16qui est dit explicitement
13:17à Munich par Gilles D. Vance,
13:19qui est opérée
13:19d'une façon très explicite
13:20sur le terrain
13:21à Roumanie
13:22et qui, évidemment,
13:23pourrait se retrouver
13:24aussi en France.
13:25Et c'est pour ça
13:26que je pense qu'il faut
13:26sortir de l'institutionnel,
13:28purement l'institutionnel,
13:30et se poser, en fait,
13:30la question géopolitique.
13:32Nous sommes aujourd'hui
13:32dans un moment
13:33de grande décision
13:34et c'est très, très dangereux
13:35de rentrer dans cette espèce
13:36de spirale de dépression
13:37dans laquelle on regarde
13:38uniquement l'impasse politique
13:40institutionnelle
13:40et on ne regarde pas,
13:41en fait, le monde en face.
13:42Eh bien, merci pour ces mots,
13:44Gilles Gressani.
13:45Ils sont importants,
13:46directeurs de la revue
13:47Le Grand Continent.
13:49Merci John Henley,
13:51correspondant Europe
13:52pour le Guardian.
13:53Et merci Birgit Holzer,
13:55correspondante en France
13:56pour plusieurs titres
13:58de presse allemands.
13:59Merci Nicolas.
14:00Dans un instant,
14:01le grand portrait
14:02du navigateur Charlie Dalin.
14:04Merci.
14:05Merci.
14:06Merci.
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