Le président de l'Association nationale des entreprises industrielles de l'alimentation vient taper du poing sur la table à l'encontre des distributeurs avant la fin des négociations qui se terminent ce 1er mars. Regardez Jean-François Loiseau, président de l'Ania.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 25 février 2025.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 25 février 2025.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00RTL Matin
00:04Et tout de suite, l'invité de RTL Matin, Thomas, en plein salon de l'agriculture,
00:08veut recevoir aujourd'hui un acteur clé du secteur, Jean-François Loiseau,
00:12c'est le président de l'ANIA, l'Association Nationale des Industries Alimentaires.
00:16Bonjour et bienvenue sur RTL Jean-François Loiseau. Bonjour, merci.
00:18Nous sommes en pleine période de négociations commerciales entre la grande distribution et les industriels
00:22que vous représentez ce matin. Tout doit être bouclé avant le 1er mars dans quelques jours
00:26et c'est ça qui va décider des prix qu'on paiera en caisse dans les prochaines semaines.
00:29Une fois de plus, on nous parle de retard inhabituel, de niveau de tension extrême.
00:34Qu'est-ce qui se passe encore ?
00:36Alors, il se passe que cette période est extrêmement compliquée et très stressante pour les entreprises.
00:41Moi, je représente 20 000 entreprises qui sont installées sur tout le territoire.
00:45Alors, de très belles entreprises, des grandes, internationales, françaises,
00:49et aussi et surtout des petites entreprises. 98% de nos 20 000 entreprises sont petites.
00:56Et en fait, ce qui se passe, c'est que la grande distribution et surtout ce qu'on appelle les centrales d'achat
01:01font une pression extrêmement forte pour systématiquement avoir les prix bas,
01:07toujours bas et toujours plus bas. Je me demande jusqu'à quand.
01:10Est-ce qu'il y a un moment donné, il y a un plancher et la pression s'exerce jusqu'à ces derniers jours.
01:15Il y a à ce jour encore...
01:17Vous dites quoi ? La grande distribution est en train d'essayer d'étrangler les industriels ?
01:20Mais bien sûr, mais elle le fait depuis 15 ans, parce que depuis 15 à 17 ans,
01:24il s'est passé en France un phénomène important qui a été la loi de modernisation de l'économie.
01:29Et en fait, pour essayer de contrôler l'inflation, on a confié, et c'est le politique qui a confié à la grande distribution,
01:36les clés du pouvoir d'achat. Donc, la grande distribution écrase tous les ans les industriels,
01:42et quelle que soit leur taille, et j'insiste parce qu'il y a de petites entreprises dans ces industriels
01:47qui fabriquent des produits céréaliers, des produits laitiers, de la charcuterie.
01:51Donc là, on arrive à quelques jours, comme vous le dites, et il y a beaucoup de contrats qui ne sont pas signés.
01:56Ils ne sont pas encore signés.
01:57Après, faire baisser l'esprit, c'est défendre le consommateur, c'est ce que vous répondrez à la grande distribution.
02:01Mais elle a partiellement raison. Bien sûr qu'il faut défendre le consommateur,
02:04et il est hors de question pour nos entreprises de demander des prix élevés ou d'essayer d'exercer une pression forte.
02:11Je vous rappelle qu'il y a quelques centrales, on les compte sur les doigts de la main.
02:15Les centrales, en gros, c'est là où la distribution va faire ses achats.
02:18Je ne vais pas les citer, mais c'est quand les grands distributeurs se regroupent entre eux,
02:21ils ont le droit pour acheter ensemble.
02:24Et en plus, si je peux me permettre, non seulement ils achètent sur le territoire français,
02:28mais pour sortir de la réglementation française, ils nous emmènent négocier dans des pays qui n'ont pas la même réglementation que nous.
02:37En Belgique, en Espagne...
02:39Ils sont en train de détourner les règles du jeu, c'est ça, en allant se fournir dans des centrales d'achat européennes.
02:43Ça change quoi de faire ça ?
02:45C'est très important, parce que l'entreprise a un sourcil agricole français, avec de la réglementation française, les aléas.
02:53L'usine est française, les conditions salariales sont françaises, ce qui est tout à fait normal.
02:58Pour autant, il faut aller négocier sur un autre territoire de l'Europe,
03:02pour finalement vendre ses produits fabriqués en France sur le territoire français.
03:07Et donc, elle nous emmène dans un autre pays, parce que les conditions sont meilleures,
03:10pour ne pas respecter ce que l'on appelle le terme « sanctuarisation de la matière première »,
03:16c'est-à-dire ne pas respecter le prix payé aux agriculteurs, contourner éventuellement les délais de paiement, etc.
03:23Donc nous, ce que nous demandons, bien sûr qu'il faut une grande distribution,
03:26mais à un moment donné, ce que nous demandons, ce sont des prix justes.
03:29Pourquoi elle est au plus bas, alors que nous sommes dans un moment où il faut faire de la transition ?
03:34La transition, j'ai écouté tout à l'heure Olivier Dauvert, on parle du poulet carbone,
03:38mais on peut parler de toute l'alimentaire carbone.
03:41L'agriculture et l'alimentaire carbone, ce n'est pas gratos, ça vaut quelque chose.
03:45Vous voulez être vertueux, c'est ça ?
03:47Mais nous le sommes, et nous le serons de plus en plus.
03:50Mais cette vertu, elle a un prix.
03:52Le tout pétrole est derrière nous, les technologies, je dirais, un peu innovantes, décarbonées,
03:57elles ne peuvent pas être gratuites, elles ont un prix, il faut bien les payer.
04:01C'est important pour vous de mettre l'origine des produits origine France, par exemple,
04:04qu'on sache ce qu'on achète, ça vous battez pour ça ?
04:06Mais bien sûr, c'est important. Il faut redonner confiance au consommateur.
04:09Le consommateur, d'une manière générale, il ne faut pas lui en vouloir,
04:12il a toujours été quelquefois un petit peu en doute par rapport à ce qu'on appelle un peu l'industrie.
04:17Derrière l'industrie, il y a des process très précis de sécurité sanitaire,
04:21et derrière l'industrie, nos 20 000 entreprises, ce sont 520 000 emplois.
04:26Il ne faut pas les oublier.
04:27Mais alors pourquoi vous ne mettez pas l'origine quand ce n'est pas français ?
04:29Il n'y a pas un peu d'hypocrisie de la part des industriels ?
04:31Quand c'est français, vous le mettez en gros, ça clignote,
04:33quand ce n'est pas français, bon, ça passe.
04:35Alors, si je me permette, nous avons certainement beaucoup de choses à faire, à améliorer,
04:40parce que souvent, quand nous achetons des produits pas français,
04:43ce sont des produits européens, ce sont souvent des mélanges.
04:46Oui, on ne sait pas ce qu'on mange.
04:47Si, on sait ce qu'on mange.
04:48Non, on ne sait pas toujours ce qu'on mange.
04:49Sinon, on n'aurait pas la qualité que nous avons en France.
04:51Quand on achète des plats transformés, on ne sait pas ce qu'on mange.
04:53Oui, mais parce que justement, vous donnez la réponse.
04:55Un plat transformé, vous avez peut-être une dizaine d'origines, de pays,
04:59entre les sauces, certains produits.
05:01Si vous les mettez ça, ces dix origines sur l'étiquette,
05:04plus la marque, plus éventuellement un label, quoi que ce soit,
05:07je ne sais pas si le consommateur, ça va le rassurer.
05:09Moi, je pense que ce qui est important, c'est de montrer que nos usines
05:11et nos entreprises, elles font du bon boulot, elles font de la sécurité.
05:14Et je note au passage que la grande distribution nous demande souvent
05:19d'aller acheter des produits hors France, moins chers,
05:23pour les retrouver en marques distributeurs moins chers.
05:26Je prends l'exemple de la farine, parce que j'aime bien cet exemple,
05:29parce que je suis très sensible à cette profession.
05:31En 2021, les GMS, pour leur marque distributeur,
05:35achetaient 200 000 tonnes de farine par an sur un marché de 4 millions de tonnes.
05:38En 2024, elles sont passées à 400 000 tonnes.
05:40Ces 400 000 tonnes de farine, ce sont des importations pour faire baisser le prix en France.
05:44Vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait beaucoup de contrats qui n'étaient pas signés.
05:48Ça veut dire quoi, concrètement, qu'il y a beaucoup de contrats qui ne sont pas signés ?
05:51Ça veut dire que, entre un industriel et une marque de distribution,
05:57la finalisation contractuelle, c'est-à-dire les volumes,
06:01les délais d'approvisionnement dans les magasins, tout ça n'est pas réglé,
06:04et les prix d'achat.
06:05Et d'ailleurs, à ce titre, il y a...
06:07Et s'il n'y a pas d'accord, il se passe quoi ?
06:08S'il n'y a pas d'accord, il y a deux possibilités.
06:10S'il n'y a pas d'accord, soit l'entreprise dit
06:12« Vous m'étranglez de trop, et bien moi, les produits, je ne vais pas vous les amener ».
06:15Donc on ne les trouvera pas en magasin ?
06:16On ne les trouvera pas, je me retire, et puis on verra plus tard.
06:18Parce qu'il ne faut pas exagérer.
06:19On n'est pas obligé de venir à genoux tous les matins pour se faire étrangler.
06:23C'est quels produits, par exemple ?
06:25C'est quels produits concrètement qui sont concernés ?
06:27C'est du céréalier, ça peut être des produits du petit-déjeuner,
06:30ça peut être des produits de charcuterie, des produits laitiers.
06:33Et le deuxième cas, c'est la grande distribution,
06:36qui peut dire « À ce moment-là, monsieur l'industriel, je te déréférence ».
06:40Ça veut dire « Je ne vais pas prendre tes produits,
06:42et que tu aies une entreprise de 22 salariés ou une entreprise de 2000 salariés,
06:46ce sera pareil.
06:47Je ne mettrai pas tes produits en rayon parce que tu ne respectes pas mes conditions ».
06:53Le problème, il est là.
06:54Nous sommes, nous, dans une économie réelle.
06:56Moi, je pense que l'alimentation, il faut le dire, c'est une valeur quasiment fondamentale.
07:01Vous défendez les intérêts des industriels, et c'est votre rôle.
07:05Les distributeurs disent qu'ils jouent la montre pour faire pression sur nous,
07:10pour demander des hausses de prix excessives.
07:13Non.
07:14Mais il y a des hausses de prix qui sont un petit peu plus importantes cette année.
07:17De combien ça va augmenter les prix, là ? On est sur quelques congés.
07:19Vous avez aujourd'hui, par exemple, le cacao, le café, le jus d'orange,
07:22qui ont connu des augmentations mondiales,
07:25raréfactions, aléas climatiques, demandes mondiales.
07:28Il faut bien répercuter.
07:29Quand vous avez, par exemple, le café ou le jus d'orange qui prend 25 ou 30%,
07:33l'industriel ne va pas dire « Je prends ça sous mon bonnet ».
07:36Oui, mais la grande distribution dit « Oui, il y a ça, mais ils se font aussi un peu plaisir ».
07:41Les produits alimentaires ont baissé de 4% l'année dernière, en 2024.
07:45Personne n'en parle. Moi, je vous le dis, de 4%.
07:47L'inflation était, je crois, de 1,5%, 1,5%, 1,7%.
07:51Les produits alimentaires ont baissé.
07:52Nous baissons les prix quand nous pouvons baisser les prix.
07:55Ça veut dire que là, vous nous dites que là, en 2025,
07:57on va sentir passer la baisse des prix au magasin ?
07:59Les prix vont baisser ?
08:00C'est quoi la fourchette ?
08:02Tout ça est très opaque.
08:04Non.
08:06Quand les produits agricoles baissent, avec un petit peu d'inertie, un peu de délai,
08:11l'industriel, il baisse le prix et il transmet aux distributeurs la baisse du prix agricole.
08:17Mais quand vous avez la hausse des transports, la hausse de certains produits d'énergie,
08:23la hausse des salaires, les emballages, on ne parle pas des emballages,
08:26ça coûte très cher quand il faut travailler les sujets de décarbonation.
08:30Ça ne va pas trop baisser quand même.
08:31La hausse du prix de l'eau.
08:32L'eau, on n'en parle pas beaucoup, mais là, le gouvernement nous tortille via les agences de l'eau
08:37et pour certaines entreprises, ça va être mortifère.
08:39Mais Jean-François Loiseau, est-ce que vous pouvez nous dire quelle est la fourchette de hausse
08:41à laquelle il faut s'attendre pour 2025 ?
08:43Là, on est à quelques jours de la fin des négociations, c'est le 1er mars,
08:46ça va atterrir sur quoi ?
08:48On entend 6, 7, 8 % du tiré quotidien.
08:51Non, non, non, ça ne sera pas 6, 7, ça sera entre 0 et 6, 7.
08:54Entre 0 et 6, 7 ?
08:55Il y aura du 0.
08:56Il y aura du 0 parce que vous avez des entreprises, et notamment les petites entreprises,
09:00qui ne peuvent pas résister.
09:01Qu'est-ce qui ne va pas augmenter ? C'est quoi le 0 ?
09:03Je ne suis pas, si vous voulez, dans les marques.
09:06Là, je parle de l'intérêt général des entreprises.
09:08Si vous avez, par exemple, des produits agricoles qui baissent sensiblement, malheureusement,
09:15au passage, je dis par exemple le prix du blé.
09:18S'il baisse fortement, un paquet de pâtes, si je prends le cas du blé dur,
09:22pourra avoir son prix quasiment neutre,
09:25parce que la hausse due à l'augmentation des salaires ou éventuellement des emballages
09:30ne compensera pas l'agriculture.
09:33J'ai une question rapidement.
09:34Quel impact a la taxe soda votée dans le budget de la CQ pour vous ?
09:37Alors, la taxe soda, sous, je dirais, le thème de taxes comportementales,
09:44c'est une taxe uniquement budgétaire.
09:46Nous le savons parce que nous, nous travaillons les sujets d'éducation et d'alimentation.
09:50Et d'ailleurs, j'ai moi-même dit à la ministre de la Santé
09:53que nous étions prêts, et je vais la voir demain au salon de l'agriculture,
09:57pour mettre en place un programme qui sera communiqué.
09:59La taxe soda pour les entreprises, c'est quasiment 600 millions de plus de taxes
10:04que nous allons payer.
10:05Et pour le consommateur, donc, ça donne quoi ?
10:07Ça peut être 10% de plus du produit.
10:0910% de plus ?
10:10Oui.
10:11Donc, qu'on ne vienne pas nous dire que nous ne voulons pas faire baisser les prix,
10:16c'est le gouvernement, là, qui nous impose une taxe
10:18qui est juste faite pour un règlement budgétaire.
10:20Et moi, je vous fais une proposition.
10:21Donc, la taxe va répercuter directement sur le consommateur ?
10:23Est-ce qu'il faut dire à l'entreprise, tu vas baisser ta marge
10:27et tu vas dire à tes salariés, vous allez faire 3 jours de chômage ?
10:30Sinon, ils peuvent mettre un peu moins de sucre, ça ne sera pas mauvais pour la santé.
10:32Mais c'est une question d'équilibre, c'est comme tout le reste, et vous avez raison.
10:35Moi, je pense qu'il faut transférer un peu les charges des entreprises,
10:38parce que nous payons trop de charges,
10:40vers peut-être une réduction globale de la charge de ces entreprises
10:44pour qu'on puisse acheter des produits alimentaires français.
10:47Nous voulons de la France, on doit payer les produits, ils ont de la valeur.
10:50Merci beaucoup, Jean-François Loiseau, d'être venu sur RTL ce matin.
10:52Et demain, Karine Lemarchand pourra vous répondre à ma liste.
10:54Elle sera votre invitée au salon d'agriculture, où nous serons.