00:10Et dans Smart Bro, tout de suite, on part du côté des Etats-Unis avec Pierre-Yves Dugas. Bonjour. Bonsoir, Pierre-Yves.
00:17— Bonjour. — Correspondant américain, on s'intéresse à l'inflation, l'inflation qui n'est pas à terrasser, loin s'en faut.
00:25Et ça commence à faire désordre du côté des États-Unis. — Oui. La grippe aviaire a bon dos. Les deux points que j'essaie de vous transmettre
00:39aujourd'hui, c'est effectivement cette inflation américaine que l'on avait cru maîtriser et cette désinflation sur laquelle tout le monde
00:48comptait, à commencer par la réserve fédérale mi-septembre, cette désinflation s'est interrompue. Et l'inflation est peut-être en train de se réveiller.
00:56Et c'est très important, parce que cela va avoir un effet sur l'humeur des Américains – on commence à le voir – et sur le travail du Congrès
01:06et sur le programme politique des MAGA derrière moi au Capitole. Vous vous souvenez que mi-septembre, lorsque la réserve fédérale a procédé
01:19à un abaissement de 50 points de base de son directeur en annonçant que la désinflation était bien partie et qu'on voulait maintenant se préoccuper
01:28des risques qui représentaient la situation pour l'emploi, l'inflation au cours des 12 derniers mois était de 2,4%. Aujourd'hui, après ce très mauvais chiffre
01:42de l'indice des prix à la consommation du mois de janvier de 0,5% tombé la semaine dernière, l'inflation au cours des 12 derniers mois aux États-Unis
01:52est de 3%. Il s'est passé quelque chose de désagréable sur le front de l'inflation. Alors on me dit – c'est sur vos lèvres, Fabrice –
02:02« Attention, janvier n'est pas un mois ordinaire. C'est un mois de rattrapage pour un certain nombre de tarifs, pour un certain nombre de loyers ».
02:12Et c'est vrai. Pour autant, le prix des œufs depuis un an aux États-Unis a bondi de 53%. Moi, j'aime bien les œufs et je le sens dans la facture.
02:26Et les restaurants commencent à réduire la quantité d'œufs qu'ils utilisent dans les mets qu'ils offrent sur leur menu. Et si vous retirez les produits alimentaires
02:37et les produits de l'énergie pour vous consacrer à ce fameux noyau dur de l'indice des prix à la consommation, on est sur un gain de 0,4% au mois de janvier
02:46qui nous porte l'inflation au cours des 12 derniers mois à 3,3%. Est-il nécessaire de le rappeler ? L'objectif de moyen terme de la Fed est de 2%.
02:56On s'est éloigné de l'objectif à moyen terme de 2%. Et ça pose un problème à la réserve fédérale qui, visiblement, va rester maintenant au mieux insensible
03:09à l'évolution du taux, car elle tient absolument à maîtriser cette inflation et ne pas commettre une nouvelle erreur historique. Et puis, il y a l'effet politique
03:22de cette affaire, car Donald Trump ne s'y est pas trompé. Il faut accorder à ce curieux personnage un certain nombre de qualités. Une de ses qualités premières
03:31est qu'il sent les choses, il sent l'opinion américaine et il est sans illusion sur l'importance de l'inflation comme raison fondamentale de l'effondrement
03:41de Joe Biden puis de Kamala Harris et mauvaise humeur des Américains qui a contribué à le porter au pouvoir. Si l'inflation continue de se réveiller, de gros problèmes vont s'opposer
03:56à la politique économique de Donald Trump parce qu'il a l'intention de relever les droits de douane, ce qui, à court terme, aura un effet inflationniste, parce qu'il a l'intention
04:05d'envoyer des signaux à la Réserve fédérale en lui demandant de baisser les taux et qu'il ne pourra manifestement pas le faire parce que ça n'est pas possible de baisser les taux
04:13dans une situation où l'inflation devient durable. Donc voilà ce qui me paraît inquiétant. Cette fameuse grippe aviaire que l'on présente comme grande source de responsabilité
04:25et de l'envolée des prix des oeufs a quand même conduit à la disparition de 23 millions de volailles rien que le mois dernier et presque autant le mois précédent. Et ça n'est pas fini.
04:37Oui. Et on a vu effectivement ces images sur les réseaux sociaux avec des gens qui se photographient devant les boîtes d'œufs, des boîtes d'œufs à 10 dollars les 10.
04:44Et quand on sait, vous l'avez signalé effectivement, que l'inflation, c'est ce qui a fait éliminer le candidat Biden ou Kamala Harris, effectivement, Donald Trump peut s'inquiéter.
04:52Mais je pense qu'il va réagir et il va sûrement nous sortir peut-être une mesure ou un décret, un nouveau bill pour contrer cet effet.
05:01Est-ce qu'il y a déjà des rumeurs ou il prend le sujet à bras le corps ou pas encore ?
05:05Je crois qu'il regarde comme la Fed. Et on peut faire confiance à Scott Besant, le secrétaire au Trésor. Il regarde l'évolution des anticipations inflationnistes,
05:15les anticipations à 1 an, à 3 ans et à 5 ans. Et là, c'est assez frappant de voir ce qui se produit depuis 3 mois maintenant.
05:22Il n'y a plus d'amélioration de ces anticipations. Et elles sont presque toutes les mêmes autour de 3% maintenant.
05:293% d'anticipation inflationniste à 1 an, à 2 ans, à 3 ans et à 5 ans, ça n'est pas une bonne chose.
05:37Ça n'est pas une bonne chose pour l'électorat américain et ça n'est pas une bonne chose pour la Réserve fédérale. Et ça ne me dit rien qui vaille.
05:43— Pierre-Yves, une dernière question justement sur la Réserve fédérale, la Fed. On sait que Donald Trump a dit qu'il voulait tordre un petit peu le bras à Jerome Powell.
05:51Est-ce qu'il en a les moyens ? Est-ce que ce serait possible ?
05:55— Alors là aussi, le discours a évolué. Il y a cette scène incroyable qui remonte maintenant au moins à 15 jours où l'on voit Scott Besant,
06:04qui a été un des premiers à être confirmé comme membre du cabinet du président Trump et qui est debout dans le bureau Oval.
06:11Le président Trump est à son bureau. Et Donald Trump dit qu'il faut que les taux d'intérêt baissent.
06:16Et là, Scott Besant se lance dans une explication qui nuance considérablement le propos du président Trump et qui dit que ce que nous voulons faire,
06:24c'est faire baisser les taux à long terme. Alors c'est assez intelligent comme commentaire, parce que c'est un moyen de contourner, pour répondre à votre question,
06:33l'impossibilité du président américain de se débarrasser de Jerome Powell. En revanche, le président Trump a l'intention – et il l'a fait il y a encore quelques jours –
06:45d'oser commenter, d'oser donner son avis sur la tendance des taux d'intérêt, chose que les présidents précédents depuis au moins 20 ans, 30 ans, ne font plus.
06:56Scott Besant, en tout cas, a déjeuné il y a quelques jours avec Jerome Powell. Les deux hommes ne se connaissaient pas.
07:03Ils ont fait connaissance et ils ont l'intention de se parler régulièrement. Mais l'objectif officiel du Trésor américain est de faire baisser les taux à long terme.
07:13Good luck. — On regarde également du côté de la révolution trumpienne devant les tribunaux 4 ou 5 procédures encore en cours qui peuvent bloquer
07:22ou au contraire valider les initiatives de Donald Trump et qui rendent véritablement malades les démocrates. Expliquez-nous, Pierre-Yves.
07:28— Alors j'en ai retenu 4 ou 5. Mais en fait, il y en a pratiquement une centaine. Certaines couvrent les mêmes sujets et probablement seront consolidées
07:39si ces procédures sont amenées à durer. Pour l'instant, on est dans l'urgence et dans les sursis à exécution. Et je vais essayer de vous dresser la liste
07:48des grands sujets qui font l'objet d'un débat en terminant par ce qui me paraît être la mère de toutes les procédures compliquées, la mère de tous les contentieux.
08:04D'abord, on a besoin de savoir quel est le pouvoir de la nouvelle administration pour fermer certaines agences fédérales. — Oui.
08:15— Peut-elle agir ainsi sans un ordre et un vote explicite du Congrès, sachant qu'elle a tenté de le faire par deux mesures jusqu'à présent,
08:25lui couper illégalitairement les crédits, mettre à pied les fonctionnaires, effacer carrément de la façade du bâtiment le nom de l'agence ?
08:35C'est ce qui s'est passé pour USAID. Vous pouvez passer devant le bâtiment maintenant. Vous ne savez pas que USAID y était encore il y a 10 jours.
08:45Le nouveau président a-t-il le pouvoir de faire cela ? C'est un juge de Baltimore, le juge Abelson, qui pour l'instant a tout suspendu en attendant
08:54de trancher sur le fond et des auditions vont être organisées au cours des prochains jours. Deuxième question importante, la suspension de l'octroi de crédits
09:05et de subventions publiques à certains projets que Donald Trump et son nouveau meilleur ami Elon Musk voulaient mettre en œuvre de manière à vérifier que l'oncle Sam
09:17ne dépense de l'argent que dans un sens qui est conforme aux priorités politiques du nouveau président. Là encore, tout a été suspendu. Et il faut suivre ce que fait
09:27le juge McConnell dans son tribunal fédéral de Providence dans le Rhode Island. Encore une fois, d'autres procédures évoquant les mêmes sujets sont traitées
09:40dans d'autres tribunaux, mais celle-là est celle qui est la plus avancée. Troisième sujet, la question de l'accès des hommes et des femmes qui sont dans la petite équipe
09:51du DOJ, de ce département temporaire créé pour contrôler l'efficacité des dépenses publiques. Ont-ils accès à des données secrètes ? Que peuvent-ils en faire ?
10:03Cette affaire est devant un juge qui est dans l'État de New York, Mme Vargas. Suspension du droit du sol. C'est moins important pour les marchés financiers
10:18que les questions que j'ai votées précédemment, mais c'est une chose importante. Interdiction des transgenres dans les forces armées. Voilà deux grands sujets
10:27qui font l'objet de procédures en cours. — Les transgenres déjà interdits de compétitions sportives. — Voilà. Et dans les forces armées, dans les compétitions sportives
10:40en particulier. La question de qui... Vous savez, pour les Américains, Donald Trump, c'est aussi celui qui s'est illustré dans cette série de télévision réalité
10:53« The Apprentice », qui se terminait toujours par « You are fired », « Vous êtes virés ». Il éliminait du groupe de jeunes prétendants ceux qui, à ses yeux,
11:07avaient mal fait leur travail. Il se considère comme le patron à le sommet de la pyramide du pouvoir exécutif. Et il exige d'avoir le pouvoir de renvoyer
11:18les patrons d'agences fédérales. Le problème, c'est que tout le monde n'est pas d'accord, en particulier les personnalités concernées. Et nous avons eu
11:27au cours des dernières heures pendant le week-end une affaire qui a éclaté et qui, maintenant, est sur le dossier, sur la table du président de la Cour suprême.
11:40Il s'agit du renvoi de Hampton Dillinger, qui est patron d'une agence dont j'ignorais l'existence il y a encore quelques heures qui s'appelle
11:49« The Office of Special Counsel », qui a été créée en 1978 et dont l'objet est de protéger les fonctionnaires, en particulier les donneurs d'alerte.
11:57Donald Trump considère que M. Dillinger n'est pas un de ces hommes. Il veut le remplacer. Dillinger, immédiatement, l'a attaqué en justice.
12:06Une première décision de justice est tombée qui était contre la volonté de la Maison-Blanche. La Maison-Blanche a fait appel. Et que s'est-il passé ?
12:15L'appel en urgence est tombé, donnant à nouveau tort à la Maison-Blanche. Grande colère de Donald Trump qui, maintenant, saisit la Cour suprême de cette histoire.
12:24Et c'est très important parce que d'autres agences fédérations indépendantes risquent de voir leur statut et leur indépendance remise en question
12:35si jamais la Cour suprême venait à revenir sur une jurisprudence qui remonte à 1935. À l'époque, c'était le président démocrate Franklin Delano Roosevelt
12:46qui voulait se débarrasser d'un Républicain qui était à la FTC. Et la Cour suprême l'en avait empêché.
12:52— Très bien. Ça veut dire, Pierre-Yves Duguay, c'est intéressant qu'il y a quand même des contre-pouvoirs, des choses qui se mettent en place.
12:57Peut-être, on n'a pas un super président omniscient, omnipotent.
13:02— Ah, le président américain a beaucoup moins de pouvoir que le président français. Il doit partager le pouvoir avec le Congrès.
13:08Et même quand le Congrès est impuissant parce qu'il est politiquement divisé, le pouvoir judiciaire a les moyens de bloquer un certain nombre de ces mesures
13:17qui sont délibérément brutales et qui arrivent en cascade de manière un petit peu à submerger l'opposition démocrate, y compris submerger les tribunaux.
13:26— Voilà ce qu'on pourrait dire sur ce qui se passe outre-Atlantique. Pierre Sy, Pierre-Yves Duguay, notre correspondant américain.
13:34Et à très bientôt pour un nouveau numéro du quart d'heure américain. Cette édition de Smart Bourse touche à sa fin.
13:42Merci de l'avoir suivie. Et comme la planète finance ne s'arrête jamais de tourner, on se retrouve dès demain soir même heure avec un nouveau panel d'experts.
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