Avec Élodie Pinel, agrégée de lettres et de philo et autrice de "Moi aussi je pense donc je suis" (Stock - 2024).
Retrouvez Muriel Reus, tous les dimanches à 8h10 pour sa chronique "La force de l'engagement" sur Sud Radio.
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##LA_FORCE_DE_L_ENGAGEMENT-2024-03-03##
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00:00 Agipi, association d'assurés engagées et responsables présente
00:05 Sud Radio, le grand matin week-end, la force de l'engagement, Muriel Reus.
00:10 Bonjour Muriel. Bonjour Jean-Marie.
00:12 S'engager pour qu'on parle aussi et enfin si j'ose dire des femmes philosophes, c'est une cause qui vous tient à coeur ce matin, on va en parler dans un instant avec votre invité Elodie Pinel qui est agrégée de lettres modernes et de philosophie et autrice de ce livre.
00:23 Moi aussi je pense, donc je suis, c'est publié chez Stock. Vous aussi vous pensez Muriel et vous pensez que c'était une cause importante ce matin.
00:30 Merci Jean-Marie, oui je pense, je ne suis pas philosophe mais je pense et ce matin je voulais parler des femmes philosophes.
00:36 L'histoire de la philosophie telle qu'enseignée et célébrée semble souvent être le récit d'un boys club où les contributions des femmes sont marginalisées ou occultées.
00:45 Dès l'antiquité, les femmes ont vu leurs contributions minimisées, voire effacées, des récits historiques dominants.
00:51 Une invisibilisation, résultat d'une construction sociale et culturelle profondément patriarcale.
00:58 La période médiévale et la renaissance ont perpétué cette invisibilisation en dépit de penseuses érudites qui ont défié avec audace les normes de leur époque sur des sujets philosophiques, théologiques et politiques.
01:11 Et l'époque moderne n'a pas inversé cette tendance. Les femmes philosophes de cette période ont souvent été reléguées à la périphérie des discussions philosophiques, leurs travaux jugés secondaires par le monde académique.
01:23 Il a fallu attendre le XXe siècle et l'émergence des mouvements féministes pour que l'apport des femmes à la philosophie commence à être réévalué.
01:31 Pourtant, parce qu'il y a un pourtant, en 2019, sur les 84 philosophes recommandés dans les classes terminales, seules 6 femmes sont mentionnées.
01:40 Anna Arendt, Simone de Beauvoir, Simone Weil, Elisabeth Anscombe, Jeanne Hersch et Iris Murdoch.
01:47 Pourtant, l'apport des femmes à la philosophie est crucial. Elles ont introduit une diversité de perspectives, des approches interdisciplinaires, un questionnement des normes éthiques et morales, une innovation dans les domaines de la logique et de la philosophie de l'esprit.
02:02 L'analyse de Simone de Beauvoir dans le IIe siècle, par exemple, a posé les fondements du féminisme contemporain.
02:08 Judith Butler, dans "Trouble dans le genre", a utilisé la psychanalyse de la théorie littéraire pour forger des études de genre et illustrer la capacité de la philosophie à aborder les questions sociales.
02:19 Elisabeth Anscombe a revitalisé l'éthique de la vertu inspirée d'Aristote et marqué profondément la philosophie morale contemporaine.
02:26 Quant à Anna Reint, son analyse critique de la modernité a permis de comprendre les défis politiques et sociaux contemporains.
02:33 En conclusion, l'apport des femmes à la philosophie ne se limite pas à ajouter des voix féminines dans un domaine dominé par les hommes.
02:40 Et s'il a fallu attendre 1850 pour que les écoles primaires soient accessibles aux filles, 1880 pour leur admission dans les lycées, 1924 pour l'ouverture de l'instruction de la philosophie aux filles,
02:52 et 1975 pour que tous les concours deviennent mistes, il n'est plus question d'attendre pour reconnaître que les femmes n'ont pas seulement anticipé et participé à la philosophie,
03:02 elles l'ont réinventé, élargi son champ et introduit de nouvelles méthodes, remettant en question les présupposés existants.
03:08 Et bien on en parle avec votre invitée qu'on accueille avec plaisir. On est avec Elodie Pinel qui est agrégée de lettres modernes, de philosophie et autrice de ce livre.
03:15 Moi aussi, je pense donc je suis, c'est publié chez Stock. Bienvenue à vous Elodie Pinel, vous êtes l'invitée de Muriel Reuss.
03:21 Bonjour Elodie. Bonjour Muriel. Alors Charlotte Cassiragli, qui signe la préface de votre livre, nous interpelle sur la minimisation de l'apport des femmes en philosophie.
03:30 Selon vous, quelles sont les raisons philosophiques et culturelles de cette invisibilisation ?
03:35 Alors les raisons philosophiques de cette invisibilisation, elles s'enracinent chez Aristote, donc c'est très ancien, qui déjà attribuait aux femmes seulement une âme sensitive,
03:46 c'est-à-dire seulement la capacité de recevoir des sensations, d'élaborer des émotions, et non pas d'avoir accès à l'intelligence.
03:53 Il réservait l'âme intellective aux hommes, dans le sens au mal. Donc on a déjà une tentative de justification qu'on appellerait une tentative de justification de la misogynie en fait.
04:03 Et puis au niveau culturel, on voit cette exclusion des femmes du champ du savoir qui se répète en Occident, puisque je me suis surtout intéressée à la pensée occidentale,
04:11 sur des siècles et des siècles, et qui en effet, vous l'avez rappelé, commence à changer très doucement, très progressivement, à partir du XIXe siècle en France,
04:20 quand on sort du code Napoléon, de l'Empire, du Second Empire, et qu'on arrive dans la Troisième République en fait.
04:28 Qu'est-ce qui s'est passé avec Charlotte Castigliani ? C'est quoi cette rencontre ? On sait qu'elle est très investie évidemment en philosophie. Vous et elle, allez-vous, pourquoi ?
04:38 Par un concours de circonstances sans doute, il s'avère qu'on a à peu près le même âge, qu'on a étudié la philosophie toutes les deux, qu'on a fréquenté les mêmes endroits propices à la philosophie,
04:49 notamment la Sorbonne, à peu près au même moment, et qu'on a des amis en commun. Et il m'a semblé intéressant de lui demander cette préface, qu'elle m'a fait l'honneur d'accepter d'écrire,
05:01 parce qu'elle incarne aussi cette nouvelle génération de philosophes, de femmes qui s'engagent pour rendre accessible la pensée, pour la rendre moins intimidante.
05:10 Elle est très engagée dans l'accès des enfants à la philosophie, les ateliers philo pour enfants. Le champ aussi de la santé, des comités éthiques, est investi à Monaco
05:22 par l'Organisation de conférence de philosophie au sein des hôpitaux notamment. Donc je pense que ça rejoint tout à fait aussi la ligne de votre émission,
05:29 c'est-à-dire comment est-ce que la philosophie s'engage et elle est vraiment l'incarnation de ce positionnement.
05:35 Alors on a vu tout à l'heure très peu de femmes étudiées dans les parcours scolaires et universitaires, et vous dites vous d'ailleurs, comme d'ailleurs Charlotte,
05:43 que l'œuvre de Simone de Beauvoir, vous n'avez jamais pu étudier l'œuvre de Simone de Beauvoir. Alors ça paraît assez insensé que cette femme, en dépit de sa renommée internationale,
05:54 soit si peu reconnue en France dans les cursus scolaires et universitaires.
05:58 Oui, c'est très paradoxal. Alors on dit parfois "nul n'est prophète en son pays", là c'est encore plus vrai pour elle, c'est-à-dire qu'elle a d'abord été très publicitée aux Etats-Unis
06:06 avant de pouvoir être étudiée de manière sérieuse en France. Le deuxième sexe, ça sort en 1949, c'est mis à l'index par le Vatican.
06:14 Et donc ça crée un scandale international, d'abord au sein du monde américain, qu'elle connaît très bien, puisqu'elle se rendait aux Etats-Unis,
06:24 et donc elle connaît ce milieu féministe engagé. Et en fait, il y a une raison biographique à cette invisibilisation, quelque part, elle a un petit peu provoqué,
06:34 malgré elle, cette invisibilisation, dans la mesure où quand elle fait couple avec Sartre, ils se partagent les domaines, il sera le philosophe et elle sera l'écrivaine.
06:42 Et ça se ressent encore, en fait, dans la manière dont on étudie en France Simone de Beauvoir, il y a plus de thèses actuellement en préparation sur Simone de Beauvoir écrivaine, que sur Simone de Beauvoir philosophe.
06:52 D'accord, et comment vous expliquez que la pensée des femmes, autrefois marginale, aujourd'hui, occupe une place centrale dans le discours philosophique contemporain.
07:02 Est-ce que c'est cette pensée militante, féministe, qui a rejoint ces aspirations sociétales, qui fait que les femmes philosophes sont davantage vues, écoutées, lues aujourd'hui ?
07:12 Aujourd'hui, on bénéficie de cette mise en lumière grâce aux avancées féministes. La visibilisation des femmes, c'est une revendication féministe, évidemment, qui n'est pas nouvelle.
07:24 Nous, on l'a porté avec la cofondatrice de mon podcast depuis les années 2000. On était un peu marginale, nous-mêmes, à cette époque. Donc ça monte en puissance.
07:32 Et ce qu'il faut relever, c'est que leur position de marginale, en réalité, leur a permis de s'emparer de questions avant tout le monde.
07:40 Des questions qui n'intéressaient personne à leur époque, que ce soit l'environnement, que ce soit le travail aliénant, le travail notamment du "care", c'est-à-dire du soin, avec une certaine éthique qui va avec,
07:54 on appelle l'éthique de la soulicitude. Donc elles ont ouvert plein de champs, en fait, de réflexions, qui étaient en marge de l'institution à leur époque et qui, maintenant, sont devenus centraux dans nos questionnements contemporains.
08:04 Alors, pour être une femme philosophe reconnue aujourd'hui, il faut être féministe ? C'est une condition sine qua non ?
08:12 Non, précisément pas. Il y a vraiment un chapitre que je consacre à cette question. Trop souvent, on réduit les femmes philosophes à une posture féministe,
08:22 ce qui permet, par exemple, concrètement de les classer au rayon "essai féministe d'une librairie ou d'une bibliothèque", ce qui ferme un petit peu leur pensée.
08:32 En réalité, la plupart des femmes philosophes se sont emparées de champs philosophiques qui sont établis dans l'université et qui n'ont que peu à voir avec les études de genre,
08:42 ce qu'on appelle les études de genre en université aujourd'hui. Même si, en contraste, pour nuancer un peu ce que je viens de dire,
08:49 elles ont toujours dû se poser la question de leur place en tant que femmes.
08:52 C'est presque un stéréotype de considérer aujourd'hui que les femmes philosophes connues et respectées sont celles qui s'intéressent au genre.
08:58 Et d'ailleurs, il y a un grand paragraphe dans votre livre où vous évoquez la très forte contribution des femmes dans des domaines extrêmement variés,
09:05 avec l'éducation, la psychologie des enfants, la religion, l'action et la politique.
09:09 Maria Montessori, psychanalyste qui a révolutionné un peu l'éducation, la psychologie des enfants avec Catherine Deltaux, la religion avec Simone Veil.
09:22 En fait, ces femmes, elles ne sont pas toutes philosophes, elles sont aussi des penseuses.
09:27 Est-ce qu'il faut distinguer ces femmes aujourd'hui ? Il faut faire une catégorie de philosophes, une catégorie de penseuses ?
09:33 Est-ce que c'est réducteur ? Est-ce qu'il faut toutes les mettre dans une même sphère ?
09:38 Vous en pensez quoi ? Une sociologue, par exemple, est-elle aussi une philosophe ? Une anthropologue est-elle aussi une philosophe ?
09:43 C'est toute la question de la légitimité que je traite dans le premier chapitre.
09:48 Quels sont les critères qui permettent d'attribuer à quelqu'un le titre de philosophe, si jamais c'est un titre ?
09:55 Il s'avère que dans celle que vous venez de citer, Simone Veil était agrégée de philosophie et a enseigné la philosophie.
10:00 On a l'impression qu'elle coche déjà quelques cases, ce qui n'est pas le cas de Maria Montessori, par exemple, qui était médecin,
10:05 qui était une des rares femmes médecins en Italie à son époque, donc on peut quand même saluer aussi cette partie-là.
10:10 Mais on a tendance à vouloir à tout prix aller chercher, aller distinguer les philosophes parmi les femmes
10:17 et les femmes dont l'œuvre, dont le travail a une portée philosophique.
10:21 C'est une distinction qu'on fait moins sur les hommes.
10:24 C'est-à-dire que dans le programme philosophique qu'on enseigne aux classes terminales, on parle de Freud pendant tout un chapitre à propos de l'inconscient
10:33 et on ne se pose jamais la question de s'il a une formation philosophique ou pas.
10:36 On reconnaît la portée philosophique de son œuvre, de l'hypothèse de l'inconscient notamment, et on le traite comme tel.
10:42 Donc la distinction entre penseuse et philosophe existe, mais peut-être qu'il est temps aussi de la dépasser.
10:49 Ça s'est passé comment pour vous ? On ne vous voit pas, mais vous êtes une jeune femme.
10:53 Ça s'est passé comment l'accessibilité à la philosophie ? Et comment vous vivez votre légitimité aujourd'hui dans ce milieu ?
11:00 Ça s'est passé progressivement et je crois qu'on est victime en tant que femme d'un syndrome de l'impostrice
11:08 puisqu'il n'y a qu'avec l'agrégation philosophique que je me suis autorisée à me sentir philosophe.
11:14 Avec toutes vos agrégations, il vous a fallu du temps, on dépied tout ce travail.
11:19 C'est combien d'années d'études, elle dit ?
11:21 Un master, cinq ans, puis après on passe les concours au moins pendant deux ans,
11:25 parce que ce sont des concours très difficiles à avoir dans la mesure où il y a très peu de postes.
11:29 Et puis ensuite, si on veut faire un parcours en doctorat, on a encore au minimum trois ans.
11:34 Souvent, les thèses de sciences humaines, elles prennent plutôt cinq, six ans à pouvoir être soutenues.
11:39 Donc c'est un long parcours et moi, j'ai ajouté un parcours en édition de philosophie de trois ans.
11:44 Donc en réalité, j'ai fait de la philosophie à temps plein, quand je dis à temps plein, c'est vraiment à temps plein, pendant dix ans.
11:50 Malgré ça, je ne me suis pas sentie philosophe tant que je n'ai pas été reçue à l'agrégation
11:56 et tant que je n'ai pas pu enseigner en classe terminale,
11:59 alors même que j'enseignais en atelier de philosophie pour les enfants,
12:02 dans différents contextes, en cours particulier, dans plein d'occasions.
12:06 Mais je ne me sentais pas philosophe, je ne me sentais pas autorisée à me dire philosophie.
12:11 Et la publication de ce livre, c'est un pas de plus sur la légitimité ?
12:14 C'est un pas de plus et en même temps, il y a quand même cette espèce de complexe qui reste.
12:18 À la fameuse confiance des femmes.
12:21 Oui, c'est jamais gagné parce que c'est un essai grand public qui se veut grand public.
12:27 C'est en cela aussi qu'on essaie de faire un pas parce que ces visibilisations,
12:30 elles ont été tentées, traitées par des universitaires, Geneviève Frest, Michel Ledeuf, Manon Garcia.
12:37 Mais l'accès au grand public reste encore à percer, on a envie de dire.
12:42 Et dans ce champ-là de l'essai grand public, la question de la légitimité d'un discours
12:49 vu de l'université est toujours en question.
12:52 Alors vous dites dans votre livre que pour être philosophe,
12:55 les femmes ont dû mener leur vie en égale des hommes.
12:58 Vous pouvez développer cette idée ? En quoi ce positionnement a conditionné le rapport à la philosophie ?
13:04 C'est-à-dire qu'elles ont toujours dû transgresser des interdits.
13:08 Lesquels ?
13:09 Alors par exemple, à l'Antiquité, les femmes n'avaient pas le droit d'assister aux cours de Platon.
13:15 Et on a l'exemple d'une femme qui s'est déguisée en homme pour pouvoir assister aux cours de Platon
13:20 et qui ensuite a été admise en tant que femme.
13:23 Donc il y a toujours eu des positionnements de forcing, on a envie de dire,
13:28 s'imposer, prendre le droit qu'on ne nous accorde pas.
13:32 Et de la même manière pour l'agrégation de philosophie, il n'y a jamais eu d'agrégation de philosophie féminine
13:36 puisque comme vous l'avez rappelé, les concours d'enseignement sont devenus mixtes assez tard, en 1975.
13:41 Donc auparavant il y avait deux concours, un concours pour les filles et un concours pour les garçons
13:45 puisque les filles étaient réputées moins douées que les garçons, donc il fallait leur faire des épreuves plus faciles.
13:49 Et il n'y a jamais eu d'ouverture d'agrégation féminine de philosophie.
13:53 Donc on laissait les femmes s'inscrire à l'agrégation masculine, notamment Simone Veil ou Simone de Beauvoir.
13:59 On fermait les yeux en réalité, mais on ne reconnaissait pas pleinement leur place.
14:04 Elles se sentaient toujours intruses, et d'ailleurs c'est ce que décrit Simone de Beauvoir dans les mémoires d'une fille grangée.
14:10 Alors quels conseils vous donneriez aux jeunes femmes qui nous écoutent, à vos élèves d'ailleurs,
14:15 j'imagine que vous leur donnez des conseils, mais aux jeunes femmes qui nous écoutent aujourd'hui
14:18 et qui se font attirer comme Charlotte Cacigliari par la philosophie.
14:23 Comment est-ce qu'on fait aujourd'hui quand on veut écrire des livres sur ce sujet,
14:27 quand on veut avoir un doctorat, qu'on veut faire une thèse ?
14:30 C'est quoi votre conseil ? De se conduire comme un homme ou d'accepter d'être une femme dans cet univers ?
14:35 Justement pas de se conduire comme un homme si on n'en a pas envie, si on en a envie on fait ce qu'on veut,
14:39 mais il y a tout un chapitre aussi là-dessus, sur le fait qu'on a le droit de se positionner comme femme,
14:45 de revendiquer sa conception de la féminité, quelle qu'elle soit,
14:49 et de ne pas se sentir complexée ou de ne pas devoir s'excuser d'être là.
14:54 Moi mon conseil c'est de l'ouvrir, en fait.
14:57 C'est-à-dire de parler ?
14:59 Oui, de parler, la parole est vraiment fondamentale.
15:01 C'est-à-dire qu'on a oublié que pendant des siècles, les femmes ont parlé.
15:04 Les femmes ont parlé mais comme elles ont assez peu écrit, donc mon conseil c'est parler et écrire,
15:09 on a effacé leurs traces, parce que là où les hommes ont eu des historiographes,
15:14 des gens qui ont écrit leur histoire, qui ont porté leurs paroles, qui ont glosé leurs pensées,
15:19 les femmes, elles, n'ont pas eu ces disciples.
15:22 Et donc on retrouve la trace de leur écrit, de leur enseignement,
15:26 la portée de leurs pensées politiques, notamment morales, etc.
15:29 Mais on le fait aujourd'hui.
15:31 Et donc le meilleur conseil c'est de ne pas se poser trop de questions sur sa légitimité,
15:36 de se sentir pleinement à sa place,
15:39 parce que quand on a un naturel philosophe ou philosophique,
15:43 c'est un concept qui circule aussi en philosophie, cette idée de naturel philosophique,
15:48 de toute façon on n'y peut rien.
15:50 C'est une vocation, on est malheureux quand on ne philosophe pas.
15:54 C'est une vocation comme la médecine.
15:56 On est philosophe, vraiment, profondément.
15:58 Cette façon de s'interroger, de remettre tout en question, de réfléchir, de oser, de contredire,
16:03 ça c'est une personnalité.
16:05 Oui, mais je nuancerais peut-être, c'est-à-dire que ce n'est pas forcément
16:08 une recherche de contradiction permanente,
16:10 ça c'est la manière dont on a enseigné la philosophie à partir du Moyen-Âge,
16:13 avec la dispute, qui est un exercice très particulier, de pour et contre,
16:16 d'affrontement, une joute oratoire en fait.
16:19 La philosophie c'est plutôt, selon Deleuze, une construction de concept,
16:23 donc déjà une travail sur les mots, le sens des mots, la portée des idées,
16:27 et puis c'est une recherche de sagesse avant tout.
16:30 Donc, voilà.
16:31 Eh bien, nous allons être sages, en tout cas essayer de l'être.
16:34 Je vous recommande donc le livre d'Hélodie Pinel,
16:37 "Je pense donc, je suis", aux éditions Stock.
16:39 Merci Hélodie.
16:40 Merci beaucoup.
16:41 Merci à vous, et merci à vous Muriel, on vous retrouve dimanche prochain.
16:43 À dimanche prochain, Jean-Marie.
16:46 Sud Radio, le grand matin week-end.
16:49 La force de l'engagement.
16:51 Muriel Reus.
16:52 Avec AGP, Association d'Assurés Engagées et Responsables.