Avec Béatrice Brugère, première vice-procureur du tribunal judiciaire de Paris, secrétaire générale du syndicat Unité Magistrats-FO
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00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
00:04Bien, notre invité ce matin, et je suis très heureux en studio avec nous,
00:09un lundi de Pentecôte, je vous remercie, Béatrice Brugère, d'être là.
00:12Vous êtes magistrate, vous êtes secrétaire générale du syndicat Unité Magistrat FO.
00:17On vous connaît bien, vous êtes maintenant l'un des magistrats les plus célèbres de France,
00:22Béatrice Brugère, et je voudrais revenir, vous revenez de voyage,
00:26je voudrais revenir sur les derniers propos de Gérald Darmanin, le garde des Sceaux.
00:31Il y a eu de gros incidents en France après la victoire du Paris Saint-Germain,
00:37des comparutions immédiates, tout a été dit, la justice, certains disant
00:41la justice est laxiste, trop laxiste, d'autres disant mais non, elle est trop sévère.
00:46D'abord, est-ce que la justice est laxiste en France ?
00:49Oui ou non, Béatrice Brugère ?
00:51C'est toujours la question récurrente qu'on a à chaque fois qu'il y a des événements de ce titre-là,
00:56enfin de ce genre-là, où on regarde un peu les décisions et à partir des décisions,
01:01on en tire en effet un laxisme judiciaire.
01:04Moi je crois surtout que c'est tout le système judiciaire aujourd'hui qui est à revoir
01:08parce qu'il est en injonction contradictoire.
01:12C'est-à-dire qu'à la fois, tout le temps, et le ministre et les ministres nous demandent d'être sévères.
01:17Vous le savez, on dit la justice va être implacable, etc.
01:20Et on a un arsenal législatif qui peut être très sévère.
01:24On a un des plus, vraiment, en termes de répression, on ne peut pas dire qu'on soit faible.
01:29On a tout ce qu'il faut pour réprimer.
01:31Et à la fois, on a une injonction contradictoire qui dit aux magistrats,
01:34il ne faut pas mettre de la peine de prison, en tout cas le plus tard possible et le moins possible.
01:39Un, parce que nos prisons sont pleines.
01:42Deux, parce que finalement la peine de prison aujourd'hui est discréditée comme une peine de référence et une peine intéressante.
01:47Donc on est partagé en France, et c'est les discours politiques.
01:51Vous avez les uns qui disent, il faut absolument condamner, envoyer en prison.
01:56Les autres qui disent, non, surtout pas, les prisons sont surpeuplées, surtout la prison, ça ne sert pas à réinsérer.
02:03Béatrice Beaugère, vous, vous faites des propositions.
02:06Et depuis longtemps, vous vous battez, vous dites, dès le premier délit, dès le premier délit, il faut une courte peine de prison.
02:14Alors en fait, c'est surtout dès le premier délit grave.
02:17Grave, oui, bien sûr.
02:18On est d'accord, c'est-à-dire surtout des atteintes à l'intégrité, ou là, dans le cas dont on parle...
02:23C'est-à-dire que quand on agresse un policier, ou quand on saccage un magasin.
02:29Oui, des délits vraiment très graves.
02:31Il est difficile aujourd'hui pour le citoyen de comprendre qu'il n'y ait pas une sanction.
02:36Et moi, je pense que c'est en fait la philosophie de Beccaria, vous savez, du siècle des Lumières, qui dit, il vaut mieux une sanction certaine, qui soit courte, proportionnée.
02:48Et nous, nous sommes intéressés aux ultra-courtes peines, ce qui se fait dans les démocraties, en fait, du nord de l'Europe, et même en Allemagne,
02:57qui sont des ultra-courtes peines entre 7 et 14 jours pour des faits très graves.
03:01Tout notre système, aujourd'hui, tend plutôt à reculer, avec tout un système de sursis, d'alternatives, de probation, une sanction, qui parfois, après, est très lourde.
03:11C'est ça qui cause la surpopulation carcérale.
03:14C'est pas le nombre d'entrants en prison, puisqu'en fait, ils tendent à diminuer, on condamne de moins en moins à la prison,
03:20mais ceux qui rentrent en prison, quand ils rentrent, les peines s'allongent, puisqu'on est passé de 6 mois à 11 mois.
03:26Et c'est cet allongement de la détention qui fait la surpopulation.
03:32Dans les pays nordiques, en fait, eux, ils sont sur des très courtes peines, donc il y a un turnover, et l'ultra-courte peine a un intérêt.
03:39C'est 7 à 14 jours, c'est qu'elle ne désocialise pas, elle n'est pas criminogène, dans le sens que vous n'avez pas le temps, évidemment,
03:46de rentrer dans une forme d'apprentissage en détention auprès de gens qui seraient beaucoup plus expérimentés sur une criminalité.
03:54Et elle est lisible, elle est visible, c'est-à-dire que c'est clair, ça s'applique, les règles sont connues, et pour le citoyen, c'est une réponse aussi.
04:05C'est-à-dire qu'aujourd'hui, la critique, c'est de dire, mais on ne comprend pas comment fonctionne la justice.
04:09Et on ne peut pas dire que la justice ne fonctionne pas et qu'elle ne condamne pas, mais elle n'est pas visible, elle n'est pas lisible dans son exécution des peines.
04:16Et c'est ça, en fait, qui favorise les polémiques.
04:20Donc vous avez d'un côté, de façon très polarisée, les gens qui disent « on est trop sévère », c'est pas vrai, et « on est trop laxiste », c'est pas vrai.
04:26Oui, je comprends. Je comprends, Béatrice Bougère. Bien sûr, je comprends.
04:30C'est beaucoup plus complexe que ça.
04:31Mais bien sûr, mais bien sûr.
04:32C'est plus une question d'efficacité.
04:33C'est une chose, suggestion de Gérald Darmanin.
04:36Il dit d'ailleurs qu'il veut changer la loi à l'automne, le code pénal, la loi pénale encore.
04:42Il suggère de supprimer le sursis, tout en partie. Qu'est-ce que vous en pensez ?
04:47Alors, en fait, moi je suis un peu réservée sur la question du sursis.
04:50Je vais vous dire pourquoi, parce que le sursis a un intérêt.
04:52On ne va pas mettre d'entrée de jeu pour des faits qui ne sont pas graves, en fait.
04:57On va parler des faits qui ne sont pas graves.
04:59Le sursis a un intérêt qui est celui du rappel à la loi, en disant attention, c'est un rappel intéressant.
05:05Pour quelqu'un qui n'a jamais commis de faits, qui aurait commis des faits très peu graves,
05:10attention, si dans un délai de 5 ans vous ne bougez pas, ou si vous avez une probation,
05:15on estime que vous n'avez pas besoin d'aller en prison.
05:19Donc je trouve que ça a un intérêt.
05:20Le problème aujourd'hui du sursis, parce qu'il existe dans tous les pays européens,
05:24c'est pas celui-là, c'est qu'il y a eu une réforme du sursis avec Christiane Taubira en 2014,
05:29qui a supprimé la révocation automatique du sursis.
05:33La logique du sursis, c'est que si vous n'avez pas entendu le rappel, ou en tout cas l'avertissement,
05:39et que vous revenez, il tombe.
05:41Donc il y a une progressivité.
05:43Or aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
05:44Aujourd'hui, ce qu'on ne comprend pas, c'est que vous pouvez cumuler plein de sursis,
05:48avec des sursis probatoires,
05:50et que maintenant le tribunal ne doit expressément motiver sa révocation.
05:55Donc ce n'est plus du tout lisible.
05:57Et ça, c'est une différence majeure,
05:59parce qu'en fait, ça change la philosophie du sursis.
06:03Je comprends.
06:03Et donc nous, on a un système d'une complexité qui fait qu'aujourd'hui,
06:07vous pouvez avoir des délinquants qui cumulent plein de sanctions,
06:10mais qui n'exécutent pas une peine de prison.
06:13Alors, Béatrice Bougère, dernière chose, le garde des Sceaux...
06:17Il faudrait revenir sur la révocation automatique, c'est ça qui serait intéressant.
06:21Oui, d'accord.
06:22Il faut revenir sur la révocation.
06:24Oui, il faut que les règles soient claires.
06:26C'est-à-dire, la première fois, ce n'est pas grave, vous avez le droit à une chance.
06:29Je trouve que c'est intéressant.
06:30En plus, il y a des gens qui ne reviennent pas, il y a plus de 35%, je crois.
06:33Ça marche en termes de prévention.
06:35Mais si vous revenez, alors il faut être crédible.
06:37Alors, à ce moment-là, ça tombe.
06:39Et dernière chose, la peine minimale.
06:41Alors, la peine minimale, c'est très intéressant parce que ça existe déjà dans notre code,
06:45notamment sur les crimes contre l'humanité ou d'autres crimes comme ça.
06:48Ça existait avant dans le code pénal.
06:50En fait, tout le code pénal avant, en 1994, avait des seuils maximums et des seuils minimums.
06:57La peine minimale, en fait, c'est une question de confiance dans le juge.
07:00Après 1994, on a dit qu'on va faire confiance au juge dans l'individualisation extrême.
07:04C'est-à-dire qu'on ne met que des maximums.
07:06Vous en courez jusqu'à 10 ans, jusqu'à 20 ans, jusqu'à 5 ans.
07:09Mais le minimum, c'est à l'appréciation du juge.
07:12Donc, ce système a déjà existé.
07:14Aujourd'hui, on voit bien qu'on n'a plus confiance dans l'appréciation individuelle du juge.
07:18Puisqu'en fait, l'idée, c'est de dire qu'on va revenir à des seuils minimums.
07:22Moi, j'y suis plutôt favorable.
07:23Je trouve que le système est intéressant parce qu'encore une fois, il a un intérêt.
07:27C'est-à-dire qu'il redonne de la lisibilité.
07:30Tout le monde est traité de façon un peu plus égale.
07:32Et notamment, et c'est peut-être ça qui est intéressant dans le projet du général Darmanin, que nous ne connaissons pas vraiment dans le détail,
07:38c'est que pour des infractions comme des atteintes sur les forces de l'ordre, etc., des peines minimales.
07:45Nous, on a travaillé avec des syndicats de police.
07:47Nous, ça semble intéressante pour dire, attention, il y a des sujets sur lesquels la République ne transigera pas.
07:53Et c'est très grave.
07:54Et on ne s'attaque pas aux forces de police.
07:56Et là, vous en courez un minimum qui sera connu de tout le monde.
07:59– Merci, Béatrice Brugère.
08:01C'est passionnant, Jean-François.
08:03– Oui, tout a déjà existé.
08:05– Absolument, finalement.
08:06– Oui, ça a existé, on l'a juste oublié.
08:08– Et puis, il suffit d'avoir juste oublié.
08:10– On a voulu faire évoluer la loi.
08:11– Mais c'est intéressant parce que c'est vraiment une question de confiance dans les magistrats.
08:14Vous savez, en 1791, excusez-moi, je déborde sur votre temps,
08:17on n'avait pas confiance dans les magistrats.
08:19Et là, on avait mis des peines fixes.
08:21C'est-à-dire qu'en fait, le magistrat était vraiment la bouche de la loi.
08:25Et il devait juste simplement exécuter des peines fixes.
08:27Et puis, au fur et à mesure, on a fait de plus en plus confiance.
08:30Et on voit qu'en France, parce que c'est un débat très français,
08:33si vous regardez autour de vous, il n'y a pas cette hystérie
08:36entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire.
08:39La défiance et la méfiance s'installent,
08:43y compris au sein des partenaires, police, politique.
08:47On le voit très bien aujourd'hui.
08:48Le débat devient de plus en plus libre.
08:51Et y compris chez les citoyens, puisque tous les sondages démontrent
08:54que la confiance est en train de régresser.
08:57Et puis, c'est comme dans tout, mon cher Jean-Jacques,
09:01la clé de résolution est dans la nuance.
09:03Oui, évidemment, c'est dans la nuance.
09:06En tant que j'en suis persuadé.
09:08C'est tout à fait notre proposition. Merci.
09:10Merci.
09:10Béatrice Brugère, qui est, je le rappelle,
09:13secrétaire générale du syndicat Unité Magistrat FO.
09:16Merci beaucoup d'être venue nous voir un lundi matin,
09:18comme ça, un lundi de Pentecôte.