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DB - 03-12-2025
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00:00L'audience est ouverte.
00:23Accusé, levez-vous.
00:25Quel est votre nom ?
00:27Jacques Mori.
00:27Votre date de naissance ?
00:2918 mars 1944.
00:31Votre adresse ?
00:328 Impasse Gallieny à Saunet.
00:34Votre profession ?
00:35Vendeur d'automobile.
00:38Vous êtes inculpé d'homicide volontaire sur la personne d'un inspecteur de police dans la soirée du 9 juillet 1972.
00:44Vous pouvez vous rasseoir.
00:48Nous allons maintenant procéder au tirage au sort de messieurs les jurés.
00:51Hissier ?
00:54Bonjour Muriel, qu'est-ce que tu fais ici ?
00:56Je fais mes débuts de chroniqueuse judiciaire au journal.
00:58Oh, félicitations.
01:00Et tu viens pour le procès Mori ?
01:01Oui, c'est commencé.
01:02On en est au tirage au sort des jurés.
01:04Avec les récusations, tu as tout ton temps.
01:05De toute façon, on se reverra.
01:07Merci.
01:07Monsieur Georges Castaire.
01:19Monsieur Patrick Villeneuve.
01:36Précusé.
01:37Je préfère avoir des personnes d'un certain âge qui comprendront mieux, je crois, la réaction de notre client.
01:55Madame Micheline Darieux.
02:05Elle est jeune, mais c'est une femme.
02:09En principe, elle devrait être sensible.
02:11Le jury est au complet.
02:15Les autres peuvent se retirer ou rester s'ils le désirent.
02:19Nous allons maintenant procéder à l'appel des témoins.
02:20Vous êtes encore en retard.
02:46Aucune importance, puisque je trouve toujours quelqu'un pour me renseigner.
02:49Au fait, m'en étant.
02:50Le président a fini d'interroger Mori.
02:52Il a dit quelque chose d'intéressant ?
02:53Non, il est incapable de se défendre.
02:56Il dit sans arrêt, je ne voulais pas le tuer, mais j'ai eu peur.
02:59Mais je pense que le président aurait dû l'aider.
03:00Il a essayé.
03:01Il lui tendait des perches tout le temps.
03:02Il n'a saisi aucune ?
03:03Non, il est complètement traumatisé.
03:06Il dit sans arrêt, j'ai eu peur pour ma femme et pour moi, et c'est tout.
03:10Et puis sans, il n'est pas intervenu ?
03:12Non.
03:12Vous dites que je le connais, il doit se réserver pour la déposition du policier.
03:15Il faut que j'aille téléphoner.
03:16Vous me rencontrez ?
03:17Bien sûr.
03:22Vous n'êtes ni parent ni allié de l'accusé.
03:25Il n'est pas à votre service, vous n'êtes pas au sien.
03:27Vous jurez de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité.
03:32Levez la main droite et dites, je le jure.
03:34Je le jure.
03:36Voulez-vous exposer très précisément les faits pour messieurs et mesdames les jurés ?
03:40Oui, monsieur le président.
03:41Je suis officier de police judiciaire et je suis chargé avec d'autres collègues de faire des rondes la nuit en voiture pour assurer la sécurité des passants.
03:49Nous surveillons particulièrement les jeunes voyous qui n'hésitent pas à agresser les paisibles citoyens qui rentrent tardivement chez eux.
03:55Dans la soirée du 9 juillet, j'étais de service à Bréval avec les inspecteurs Falaise, Larrier et Jamin.
04:04Vers minuit, nous nous trouvions sur la place du général Mangin, juste sous la rosace de l'église, devant le portail principal.
04:17La soirée avait été assez calme et nous discutions du dernier parcours à effectuer avant de rentrer.
04:22C'est alors que notre attention fut attirée par les phares d'un vieux cabriolet Sport.
04:27La carrosserie était couverte de vignettes autocollantes telles que les affectionnent certains jeunes peu recommandables.
04:32Nous avons eu l'impression que nous apercevons que le conducteur avait accéléré, comme pour s'enfuir.
04:38Et c'est d'un avis unanime que nous avons décidé de le suivre.
04:41Nous avions pris du retard sur le cabriolet.
04:53Et il nous fallut un certain temps pour découvrir ces feux rouges qui nous précédaient.
05:03Je demandais à l'inspecteur Jamin qui était au volant d'augmenter sa vitesse, pour nous rapprocher de l'autre véhicule.
05:08Je présume que Maury avait dû nous voir, puisqu'il accéléra pour nous distancer.
05:20Un feu de signalisation protégeant l'accès à une route nationale passa au rouge.
05:32Maury Stoppard.
05:34Ce qui nous permit d'avancer à sa hauteur pour l'observer.
05:39Mes collègues et moi avons d'abord été attirés par les suggestifs autocollants qui ornaient les bas côtés de la carrosserie.
05:50Le conducteur, qui était bien l'homme accusé aujourd'hui, nous regarda, puis détourna la tête pour éviter que nous le dévisagions.
06:00Et le feu passa au vert. Il démarra en trombe pour nous semer.
06:05Ce départ précipité était le signe évident d'une fuite devant un éventuel contrôle.
06:10Notre devoir nous commandait d'aller l'interpeller.
06:16Nous retrouvâmes bientôt le fuyard qui doublait à un autre véhicule.
06:20Croyant nous avoir distancés, il avait quelque peu ralenti son allure.
06:41Nous nous sommes rapprochés et lui avons fait plusieurs appels de phare pour signaler notre présence.
06:45A travers la lunette arrière de son cabriolet, nous pouvions constater qu'il nous avait parfaitement reconnus.
06:53Mais au lieu de s'arrêter ou de se rabattre pour nous laisser le doubler, il accéléra.
06:58Le doute n'était plus permis. Il tentait de nous échapper.
07:00Et la suite des événements ne pouvait que confirmer notre jugement.
07:06L'inspecteur Jamin accéléra pour le rattraper et lui fit de nouveaux appels de phare.
07:10Nous arrivions aux premières maisons de Juvier dont nous avons traversé une première fois la place.
07:21Au lieu de s'arrêter, Maurice se lança dans une série de brutales manœuvres prenant virage après virage, sans nous avertir avec ses feux de direction.
07:29Il espérait manifestement que nous perdrions sa trace.
07:32Mais Jamin était un excellent conducteur.
07:34Et malgré les astuces du fuyard, il ne se laissa pas distancer.
07:52Il devint évident que Maurice cherchait nous berner quand, après un dernier virage,
07:56il nous entraîna pour la seconde fois sur la place que nous avions déjà traversée.
08:02Il recommença vainement son cirque.
08:11Puis un peu plus loin,
08:14il s'engagea si brusquement dans une impasse
08:16que Jamin se laissa surprendre et dut reculer avant de reprendre sa poursuite.
08:27Maurice stoppa brusquement.
08:29Par sa précipitation, il ralluma ses feux rouges au lieu de les éteindre.
08:32Il courait pour s'enfuir quand je lui intimais l'ordre de s'immobiliser en lui présentant ma carte de police.
08:39Je lui demandais les papiers de sa voiture.
08:44Visiblement décontenancé, il me tendit une première carte grise.
08:51Ce n'était pas la bonne.
08:52Il m'en donna une seconde et en sortit une troisième de sa serviette.
08:56C'était pour le moins bizarre.
09:02J'allais regarder le numéro de la plaque minéralogique
09:05et constatais que la deuxième carte était conforme.
09:09Mais comme j'étais intrigué par l'attitude suspecte de Maurice,
09:12je lui demandais d'ouvrir le capot pour que nous puissions vérifier le numéro du moteur.
09:16Il ne s'exécuta.
09:17Mais il profita de ce que nous étions penchés pour se sauver en courant
09:29et pénétrer dans un immeuble.
09:32Naturellement, nous nous lançâmes à sa poursuite.
09:34En haut de l'escalier, une femme tenta de me barrer là.
09:43Mais j'ai pu voir l'accusé tirer un coup de fusil par la fenêtre.
09:47Inspecteur Larié, bouleversé, m'apprit que ce pauvre jamin était mort.
09:52Il avait été fauché en venant à notre secours.
09:55Je présentais ma plaque à Madame Maury
09:57et fonçais dans l'appartement pour désarmer le forcené.
10:00Reprenant que toute résistance était inutile,
10:02mais l'accusé se laissa abréhender.
10:05Suis-nous.
10:05Et nous pûmes l'emmener pour un premier interrogatoire.
10:11Après dix années de bons et loyaux services,
10:14notre malheureux collègue est mort d'une balle tirée en pleine tête.
10:20Laissant une femme jeune
10:21et deux enfants bas âge.
10:26Je comprends votre émotion, monsieur l'inspecteur.
10:29Je vous remercie.
10:31Maury, levez-vous.
10:32Avez-vous quelque chose à dire?
10:38Depuis deux ans, je suis bouleversé par cet accident, monsieur le Président.
10:42Je présente encore une fois mes condoléances à la famille.
10:51Silence!
10:53M. Buisson, avez-vous des questions à poser?
10:54Pour lutter contre les voyous,
10:58étiez-vous habillé comme aujourd'hui?
11:00Évidemment non, car on se fait appérer.
11:02Il est bien entendu que vous étiez armé en descendant de la voiture.
11:07Voulez-vous nous indiquer votre armement?
11:08J'avais un pistolet automatique et mes collègues étaient armés d'une mitraillette.
11:12Vous reconnaissez qu'il n'y avait pas d'éclairage public dans l'impasse où habite l'accusé?
11:16C'est exact.
11:18Il a été procédé par le magistrat instructeur à une reconstitution.
11:22J'y étais.
11:24Des photos ont été prises.
11:25Je souhaiterais que M. le Président les fasse passer à mesdames et messieurs les jurés.
11:38C'est à mon client que je voudrais maintenant parler.
11:42Mais je voudrais que le témoin reste à la barre.
11:45Messieurs de la Cour,
11:47mesdames et messieurs les jurés,
11:49vous voulez savoir la vérité.
11:52Je vais donc poser des questions à Maurice sous le contrôle de M. le Président.
11:55Maurice, levez-vous.
12:02Où étiez-vous ce soir-là?
12:05Je venais de dîner avec un client.
12:09Il allait se marier et il voulait changer son cabriolet qui était un peu trop voyant
12:13pour une voiture neuve et un peu plus sobre.
12:17Pourquoi prenez-vous sa voiture?
12:19J'hésitais à conclure le marché avant d'avoir vérifié l'état du véhicule d'occasion.
12:25Mais il était tard et je ne pouvais pas prévenir ma femme de mon retard puisque nous n'avons pas encore de téléphone.
12:32Mon client me proposa alors de faire l'essai de sa voiture en l'utilisant pour rentrer chez moi
12:36et de lui donner ma réponse le lendemain matin.
12:45Je détaillais les nombreuses vignettes qui ornaient le véhicule et je confiais à mon client que j'aurais préféré avoir eu le temps de les retirer.
12:54Étiez-vous habillé comme aujourd'hui?
12:55Oui. D'ailleurs mon client ne put s'empêcher de sourire en me voyant prendre place au volant d'un engin aussi extravagant avec mon costume à gilet et ma cravate.
13:07Vous avez pris la route pour rentrer chez vous?
13:10Et alors?
13:10En arrivant sur la place de Breval, je ralentis comme je le fais tous les soirs.
13:18Puis la voie étant libre, j'accélérais.
13:20Mais je n'avais pas du tout remarqué la présence des quatre personnes qui m'ont appris plus tard être des policiers et qui m'avaient suivi depuis Breval.
13:26Je continuais à rouler prudemment.
13:31D'ailleurs, avec cette vieille voiture fatiguée, elle ne m'aurait pas permis d'aller bien plus vite.
13:37Je ne voulais surtout pas la détériorer davantage.
13:44Quelques kilomètres plus loin, j'arrivais au croisement de la route nationale.
13:49Le feu passait au rouge et je stoppais.
13:51Une voiture à quatre phares du type Raleigh, à la moche et certains jeunes, s'arrêta à ma hauteur.
13:58Qui occupait cette voiture?
14:00Le chauffeur portait une veste jean et un col roulé rouge.
14:04Son voisin, l'inspecteur qui vient de déposer, avait un blouson de cuir et me toisa au fin d'un air qui me parut ironique.
14:12À l'arrière, un homme, coiffé d'une casquette à carreaux, me lança un regard que je crus vraiment agressif et je me suis senti mal à l'aise.
14:21Le feu passant au vert, je fus soulagé de m'éloigner de ces gens que je prenais pour des voyous, cherchant la bagarre ou un défi pour une dangereuse course-poursuite.
14:32Vous aviez peur?
14:33Un peu.
14:34Oui, j'étais contrarié de n'avoir que cette vieille voiture pour les distancer et s'ils voulaient jouer au plus fin avec moi.
14:39Et ensuite, que s'est-il passé?
14:42J'ai doublé une voiture occupée par un couple d'amoureux.
14:46Je ne sais pourquoi, mais cette nouvelle présence m'enleva toute inquiétude.
14:51Continuez.
14:54Très vite, j'aperçus la rallye des voyous.
14:58Ils doublaient la voiture des amoureux et se rapprochaient de moi.
15:02Ils me signalèrent leur présence par des appels répétés de leurs quatre phares qui me gênèrent.
15:06Comme ils ne me doublaient pas, j'accélérais, moi, pour voir s'ils me pourchasseraient.
15:13Je m'étais à peine éloigné qu'ils fonçaient pour me rattraper et me provoquaient par de nouveaux appels de phares.
15:17C'est alors que vous avez vraiment pris peur.
15:23Oui.
15:25J'étais paniqué, je le reconnais.
15:28Mais comme j'arrivais sur la place de Juvier,
15:31je me suis dit que je parviendrais bien à aller semer environ subitement dans les petites rues de cette ville,
15:35que je connais bien puisque j'y habite.
15:36Mais je réalisais que, malgré tous mes efforts, ils collaient toujours derrière moi.
16:06Je repassais de nouveau sur la place.
16:19Ils me suivaient encore.
16:36En arrivant près de chez moi, je m'engouffrais brusquement dans l'impasse où j'habite en pensant qu'ils n'assisteraient pas.
16:42Mais ils firent une marche arrière pour se lancer à mes trousses.
16:54Raffolé, je courus vers mon immeuble sans les regarder.
16:57Mais je dus m'arrêter car ils m'appelaient en me menaçant de leurs armes.
16:59Là, je ne sais si celui que je prenais pour le chef de la bande me présenta une plaque de police.
17:04Moi, je voyais que les mitraillettes.
17:05Mesdames et Messieurs les jurys le préprendront aisément.
17:08Poursuivez.
17:10Je sortis une puis d'autres cartes grises dont ils me parlaient.
17:17D'où teniez-vous ces cartes ?
17:20C'était celle de plusieurs voitures d'occasion dont je conserve soigneusement les papiers.
17:25C'est pas de cartes grises, hein ?
17:29Comment douter de leurs mauvaises intentions quand, après avoir regardé la plaque minéralogique,
17:35ils me poussèrent brutalement vers l'arrière du cabriolet dont ils m'ordonnaient d'ouvrir le capot.
17:42Naturellement, vous ne pensiez plus qu'à trouver un moyen de leur échapper.
17:46Bien sûr.
17:46Et je profitais de ce qu'ils trafiquaient, je ne sais quoi, dans le moteur pour m'enfuir en criant et en brisant une glace dans l'espoir d'alerter les voisins.
17:56Arrivée devant ma porte, ma femme m'a ouvert.
18:07Alors je me suis précipité à l'intérieur, j'ai saisi mon fusil et j'ai tiré par la fenêtre sans visée pour décourager mes poursuivants.
18:15J'ai réalisé que j'avais touché quelqu'un et j'ai été atterré.
18:20Ma femme m'annonça qu'il s'agissait d'un policier et je me suis laissé arrêter sans protester en exprimant ma surprise et mes regrets.
18:36Que vous ont-ils répondu ?
18:39Qu'ils ne me croyaient pas et que j'avais volontairement tiré sur un de leurs collègues.
18:42Alors ils m'emmenèrent à la police et là je tentais vêtement de leur expliquer qu'à ma place et devant des gens aussi parfaitement déguisés,
18:50eh bien eux aussi, ils se seraient crus en présence de voyous.
18:54Maury, vous pouvez voir ce pas. Je vous remercie, monsieur l'inspecteur.
18:59Monsieur l'avocat général, avez-vous quelques questions à poser ?
19:03Si vous le permettez, monsieur le président.
19:05Je ne sais pas que Maury est eu peur et nous avons sur sa moralité les meilleurs renseignements.
19:15Mais enfin, monsieur l'inspecteur, il faudrait qu'à partir du moment où il voit les trois hommes vérifier si les cartes grises
19:21correspondent bien au numéro minéralogique de sa voiture, il devait bien comprendre qu'il ne s'agissait pas de gangsters mais d'officiers de police.
19:29J'ai toujours admiré les raisonnements infaillibles et séduisants que leur auteur, confortablement assis dans son fauteuil,
19:41développe avec éloquence dans l'atmosphère sereine d'une cour d'assises.
19:46Mais il me semble excessif de demander à un brave homme qui voit surgir trois voyous mitraillettes au point
19:52de s'interroger avec tout le sang froid qu'on veut avoir en examinant posément un dossier.
19:59Témoin suivant.
20:05Heureusement qu'on ne peut plus une cigarette dans une suspension d'audience.
20:08Il faut que j'aille faire mon papier et téléphoner.
20:10Mais vous allez louper la plaidoirie de maître Buisson.
20:13Ou pas. De toute façon, Maury a eu peur, il sera acquitté, c'est évident.
20:17Sait-on jamais.
20:23J'en ai fini, mesdames et messieurs les jouets.
20:25Je suis le premier à reconnaître que l'argument de M. l'avocat général n'est pas sans valeur.
20:35On concevrait très bien qu'en voyant trois hommes descendre brusquement de voiture,
20:39habillés comme des voyous et armés jusqu'aux dents,
20:42mon client se soit enfui et saisit une arme et est même tiré.
20:45Mais, dit-il, lorsqu'ils se sont approchés de lui,
20:52puis ont montré leur plaque de police
20:53et ont exigé de vérifier le numéro du moteur,
20:56ils n'agissaient pas en voyous, mais en policiers.
20:59Ils auraient donc dû être rassurés.
21:03Pensez-vous vraiment qu'il a eu le temps de faire ce beau raisonnement ?
21:08Il est dans un état de panique indescriptible.
21:10Il voit les mitraillettes par les plaques de police.
21:12D'ailleurs, aucun d'entre vous a-t-il jamais vu une plaque de police ?
21:17Comment cela pourrait-il rassurer un homme mort de peur ?
21:22Avez-vous déjà vu des voitures de police banalisées ?
21:25Sans doute.
21:27Mais vous ne les avez pas identifiées.
21:31Avez-vous déjà rencontré des policiers déguisés en voyous ?
21:34Jamais.
21:34Moi non plus.
21:38L'homme est chez lui, mort de peur.
21:41Sa femme hurle dans l'escalier.
21:43Sa réaction, c'est de tirer un coup de fusil dans l'espoir d'effrayer ses poursuivants.
21:48Vous m'objecterez qu'il aurait pu tirer en l'air, c'est vrai.
21:52Mais il est persuadé qu'il n'y a personne sous sa fenêtre,
21:55puisqu'il a entendu des trois hommes monter en courant derrière lui.
22:00Le malheur veut que le chauffeur quitte son volant
22:04pour venir prêter main-forte à ses collègues.
22:06Et c'est au moment où il passe sous la tête de Maury
22:09que celui-ci va tirer, sans même l'avoir vu.
22:12Il va le tuer.
22:16Et puis, mesdames et messieurs les jurés,
22:19à tout crime, il faut un mobile.
22:21Pourquoi voulez-vous que ce garçon, parfaitement honnête,
22:26d'une moralité excellente, tire sur la police avec laquelle il n'a jamais eu aucune difficulté ?
22:31Et alors même, nous le savons, qu'il n'a absolument rien à se reprocher.
22:36C'est un drame de la panique,
22:39dont monsieur l'avocat général reconnaissait, avec beaucoup de loyauté,
22:43qu'elle était au début, tout au moins, justifiée.
22:48C'est pourquoi je suis bien certain que vous acquitterez cet homme.
22:53La jeune journaliste était trop optimiste.
23:04Maury n'a pas été acquittée,
23:06mais au contraire condamnée à trois ans de prison ferme.
23:10Vous avez vu à quel point l'avocat soignait ses récusations.
23:18Il voulait à tout prix avoir dans son jury des femmes,
23:24des retraités, des gens d'un certain âge,
23:28dans l'espoir qu'ils comprendraient mieux que d'autres
23:30la terreur panique qui s'était emparée de l'accusé.
23:35Ce qu'il ne savait pas,
23:38c'est que par suite d'une pratique déplorable
23:40qui avait cours à l'époque,
23:44lorsqu'un juré était retraité des postes, des douanes,
23:48on indiquait exactement sur la liste sa qualité.
23:53Par contre, s'il était retraité de la police,
23:56on se bornait à écrire retraité.
23:59Tant et si bien que sans le savoir,
24:01l'avocat avait laissé entrer dans son juré
24:03trois anciens policiers.
24:05Est-ce que ça veut dire pour autant que ceux-ci voulaient,
24:08par suite de je ne sais quelle rancune,
24:10venger leurs malheureux camarades ?
24:12Évidemment pas.
24:13Ce serait une hypothèse ridicule et odieuse.
24:16Seulement, ils avaient passé 30 ans dans la police.
24:21Si la même histoire leur était arrivée,
24:23ils auraient eu, eux aussi, très peur.
24:27Et puis, lorsqu'ils auraient vu exhiber une plaque,
24:31ils auraient été déjà à moitié rassurés.
24:34Et quand on aurait pris leur papier,
24:36qu'on les aurait contrôlés, vérifiés,
24:39ils auraient été tout à fait tranquilles
24:41et se seraient bornés à dire
24:42« Vous m'avez fait ruidement peur ».
24:45Seulement, le vendeur de voitures, lui,
24:48il n'avait jamais passé un quart d'heure dans la police
24:51et tous ces raisonnements,
24:52il était incapable de les faire.
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