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00:00Bienvenue dans le débat, il est consacré au narcotrafic une semaine après la mort à Marseille de Mehdi Kessassi,
00:11le petit frère du militant écologiste qui lutte contre le narco-banditisme Amine Kessassi.
00:17Dans une interview croisée pour Libération, Amine Kessassi et l'écrivain italien antimafia Roberto Saviano
00:23déplorent la solitude de leur action face au pouvoir économique extraordinaire des barons de la drogue.
00:29C'est la France qu'on teste, la République qu'on attaque, ont-ils ajouté.
00:33Tous deux évoquent non plus le narcotrafic, mais la narcocratie, une démocratie qui a en son sein le pouvoir économique du narcotrafic.
00:43Laurent Nunez et Gérald Darmanin ont fait le déplacement à Marseille.
00:46Le ministre de l'Intérieur a évoqué un crime d'intimidation qui constitue un point de bascule.
00:52Le garde des Sceaux, de son côté, a évoqué une bataille très très dure contre des narcotrafiquants
00:57qui génèrent entre 5 et 6 milliards d'euros.
01:01Emmanuel Macron avait organisé un sommet d'urgence.
01:04Mardi, le chef de l'État avait appelé à amplifier la lutte contre le narcotrafic
01:07en adoptant la même approche que pour le terrorisme, a-t-il dit.
01:11Alors comment le narcotrafic est-il devenu une narcocratie en France ?
01:15Comment lutter ? Faut-il adopter la même approche que dans la lutte contre le terrorisme ?
01:20On va poser ces questions à mes AVOT.
01:21Roselyne Fèvre est avec nous ce soir.
01:23Bonsoir Roselyne.
01:24Bonsoir.
01:24Chef du service politique à France 24.
01:26Merci d'être là.
01:27Karine Daniel, bonsoir.
01:29Bonsoir.
01:29Vous êtes sénatrice de la Loire-Atlantique du groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain,
01:33membre de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France
01:36et des mesures à prendre pour y remédier.
01:39Les conclusions ont été rendues en 2024.
01:42Et puis vous êtes également membre de la commission des affaires européennes.
01:45Bienvenue à vous.
01:46Paul Moreira est avec nous ce soir.
01:48Bonsoir.
01:48Journaliste, réalisateur, producteur pour Première Ligne.
01:51Votre documentaire Opioïdes, Business et Addiction, il est sorti il n'y a pas longtemps
01:57et il est disponible toujours sur la plateforme de franctv.fr.
02:01Bienvenue à vous.
02:02Merci.
02:03Yann Biziou est avec nous ce soir.
02:04Bonsoir.
02:05Vous êtes maître de conférence à l'université Paul-Valéry de Montpellier, spécialiste des politiques publiques de drogue.
02:11Bienvenue.
02:13Bonsoir.
02:13Avant de démarrer cette discussion, je vous propose de faire un petit point en image sur l'enquête justement sur l'assassinat de Mehdi Kessassi.
02:22Amine O est-il le commanditaire d'un assassinat depuis sa prison ?
02:28C'est la piste privilégiée par les policiers qui enquêtent sur le meurtre de Mehdi Kessassi, le frère du militant écologiste,
02:35très impliqué dans la lutte contre le trafic de drogue.
02:38Amine O, 31 ans, emprisonné depuis plusieurs années, est un narcotrafiquant réputé ultra-violent.
02:45L'un des chefs à Marseille de la DZ Mafia, le clan qui s'est imposé ces dernières années.
02:52En août dernier, il aurait lancé un contrat sur la tête de la famille Kessassi, notamment sur Amine, qui milite contre le trafic de drogue.
02:59Un contrat lancé derrière les barreaux et peut-être par téléphone, depuis la petite prison de Bourg-en-Bresse, ce syndicaliste n'est pas surpris.
03:12Est-ce qu'en le laissant à Bourg-en-Bresse, il était plus facile de le surveiller, de l'écouter ?
03:16C'est peut-être la raison pour laquelle on l'a laissé dans un régime plus souple.
03:22Selon une source proche du dossier, jugé enquêteur avait placé le narcotrafiquant sur écoute pour obtenir des informations.
03:30Amine O vient d'être transférée à la prison de haute sécurité de Condé-sur-Sarthe.
03:35Son histoire avec la famille Kessassi remonterait à un premier assassinat, le meurtre du demi-frère d'Amin Kessassi, impliqué lui dans le trafic.
03:44Le ministre de l'Intérieur est arrivé ce matin à Marseille pour évoquer l'affaire avec les enquêteurs.
03:50On va écouter tout de suite Amine Kessassi, le grand frère de Mehdi.
03:56Moi je ne peux pas me taire aujourd'hui, je ne peux pas me taire pour plusieurs raisons.
03:59Parce que mon petit frère est mort pour rien.
04:02Et ça je n'arrêterai pas de le dire, Mehdi est mort pour rien.
04:06Peu importe ce que j'ai fait, peu importe si j'ai écrit des livres ou pas.
04:09On ne devrait pas tuer mon petit frère comme ça et on ne devrait tuer aucun petit frère pour rien.
04:14A travers Mehdi c'est tout le monde qu'on a voulu tuer.
04:16A travers Mehdi on parle beaucoup, on est le pays qui parle le plus de la liberté d'expression.
04:20C'est la liberté d'expression qu'on a voulu tuer.
04:22A travers Mehdi c'est la République qu'on a voulu tester.
04:24A travers Mehdi c'est la France qu'on a voulu abattre.
04:27Et donc aujourd'hui on se doit pour Mehdi, pour les autres victimes et surtout pour Mehdi, on se doit de se lever.
04:33Karine Daniel, vous qui connaissez bien le dossier, il s'agit d'un crime d'intimidation, un crime d'avertissement comme il le dit ?
04:38Là on a affaire à un nouvel événement qui passe un cran effectivement dans ce qu'on peut voir apparent sur ces enjeux du narcotrafic.
04:50Donc effectivement ça a été qualifié de point de bascule.
04:53Vous diriez que c'est un point de bascule ?
04:54C'est un point de bascule et ce qui est édifiant et ce sur quoi la commission d'enquête et la loi contre le narcotrafic a essayé de lutter,
05:05c'est justement sur cet enjeu qui a été décrit de lutte contre le fait que l'on puisse commanditer du trafic ou commanditer des meurtres,
05:15alors même que l'on est en prison et ça c'est évidemment provoquant, c'est choquant et ça ne peut qu'alerter tous nos concitoyens et nos concitoyens.
05:25Yann Bizieux, vous êtes d'accord, vous aussi c'est bien un crime d'intimidation dont il s'agit, vous parleriez d'un point de bascule ?
05:33Non, moi je ne parlerais pas de point de bascule.
05:36Je pense que c'est malheureusement le prolongement d'un processus qui existe depuis plusieurs années
05:43et qui continue parce qu'il y a le drame de cet assassinat et deux jours après c'est Grenoble avec un gamin de 12 ou 13 ans qui se prend des balles.
05:54On est là devant quelque chose qui nous choque mais malheureusement ça fait 30 ans, 40 ans.
06:02Je rappelle quand même l'affaire Orsoni dans les années 80, c'était à peu près la même chose.
06:07Ça n'a pas évolué depuis ?
06:09Ça a évolué dans la violence, c'est-à-dire que ce qu'on constate c'est une augmentation des consommations et une augmentation massive du trafic,
06:18en particulier sur le trafic de cocaïne, ça c'est une évidence.
06:23Maintenant malheureusement les pratiques ultra violentes de certains groupes, de certaines mafias,
06:30on les a vues dans d'autres domaines et on est incapable d'y faire face, enfin c'est tout.
06:35Je suis surpris moi des déclarations que j'entends aujourd'hui, quand on me dit une guerre longue,
06:44enfin la guerre a commencé il y a 50 ans et il ne faut pas dire qu'il ne s'est rien passé depuis 50 ans.
06:49Le premier c'est Pierre Jox, 1989, qui annonce la lutte contre le blanchiment et qui lance la lutte contre le blanchiment.
06:55On est en 2025 et à chaque fois on nous annonce un nouvel outil, un nouvel acteur,
07:02donc le PNACO dans la loi narcotrafic, avec des moyens renforcés.
07:06On avait la même chose en 2020 avec l'OFAST et M. Castaner,
07:11on avait juste avant Nicolas Sarkozy qui avait fait une proposition en 2009.
07:16Moi j'entends toujours à chaque fois la même réponse, c'est la guerre est longue,
07:19donc on va avoir un service spécialisé avec des moyens d'exception et cette fois-ci ça va marcher.
07:25Pour l'instant ça n'a malheureusement pas fonctionné.
07:27Paul Morair, à vous, vous avez enquêté sur les gangs au Mexique et au Brésil,
07:33est-ce qu'on peut faire un parallèle entre ce qui se passe en France ?
07:36Donc là, Yann Biziot dit ce n'est pas nouveau, mais enfin bon, on voit quand même qu'il y a une aggravation,
07:41il y a des meurtres qui sont commis à Marseille de manière assez régulière.
07:44Est-ce qu'on peut faire un parallèle entre ces gangs, ce DZ mafia dont on parle à Marseille, et les gangs au Mexique ?
07:51Surtout au Brésil en fait, parce qu'au Mexique il s'agit quasiment d'un contre-État à Sinaloa,
07:56on peut dire que c'est le cartel qui contrôle l'État de Sinaloa.
08:00L'État représente plus grand-chose en fait.
08:03En revanche au Brésil, à Rio, c'est assez, en fait, Rio, les favelas,
08:08c'est comme une projection exagérée de ce qui est en train de se passer,
08:10c'est disons 40 ans de plus par rapport à ce qui est en train de se passer à Marseille.
08:15On a la même structure, c'est-à-dire en gros les favelas qui sont des quartiers
08:18où il y a deux siècles les esclaves avaient bricolé quelques baraques pour subsister,
08:25puis c'était petit à petit organisé en contre-société, totalement abandonné par l'État,
08:30jusqu'à créer une économie parallèle qui est l'économie de la drogue,
08:33économie qui allait générer une structure para-étatique
08:37qui est en gros des gamins avec des tongs et des fusils d'assaut.
08:42Il fut un temps où cette société parallèle veillait à être juste,
08:48au sens où toute mafia, si elle veut subsister,
08:51doit générer des liens avec la population.
08:55Là, ce que la DZ mafia a fait contre le frère de Amine,
09:00c'est quelque chose d'extraordinairement stupide d'un point de vue mafieux.
09:04C'est-à-dire c'est tuer quelqu'un qui est quelqu'un du tissu social du quartier d'où tu viens.
09:10Et ça, c'est quelque chose que les mafias brésiliennes et même mexicaines ont du mal à faire
09:15parce qu'ils veulent maintenir une sorte de « on vous offre une paix parallèle ».
09:20Donc ils sont moins professionnels à Marseille ?
09:22C'est peut-être la preuve que ce n'est pas vraiment une mafia,
09:25mais une bande d'idiots, meurtriers, assassins.
09:27Roselyne, à Marseille, Laurent Nunez et Gérald Darmanin ont fait le déplacement.
09:32Aujourd'hui, il y a effectivement cette impuissance de l'État,
09:36mais eux disent l'inverse.
09:39On va écouter tout de suite Gérald Darmanin.
09:40– On est prêts évidemment à répondre à toutes vos questions sur une situation à Marseille
09:47qui est une situation que nous connaissons aussi sur le reste du territoire national.
09:51D'abord parce que ce qui se passe au niveau de la dizaine mafia,
09:55comme l'a dit M. le ministre de l'Intérieur,
09:56touche au moins une dizaine d'autres départements,
09:58et notamment du sud de la France.
10:00Mais aussi parce que nous avons d'autres réseaux criminels
10:02que nous combattons avec la plus grande force
10:04et qui, je l'espère, grâce au moyen de la loi narcotrafic
10:08que nous venons de faire voter, très largement à l'Assemblée et au Sénat,
10:11va permettre de répondre à une menace qui tue énormément
10:16et qui est au moins équivalente à celle, comme l'a dit M. le ministre de l'Intérieur,
10:20du terrorisme sur le territoire national.
10:22Il faut donc changer de braquet.
10:23C'est ce que nous avons souhaité avec cette loi narcotrafic
10:26et c'est ce que nous devons appliquer aujourd'hui avec les magistrats et les services enquêteurs.
10:29– Cette loi narcotrafic, Roselyne,
10:31il a parlé d'une bataille très très dure contre les narcotrafiquants.
10:35Est-ce que, effectivement, l'État français agit comme il se doit ?
10:38Cette présence, d'ailleurs, à Marseille,
10:40ça voulait dire tout de même présence là où il y a eu une vraie victime ?
10:44– Alors, c'est vrai que Marseille a connu des plans, des visites,
10:4812 d'Emmanuel Macron.
10:52– 12 visites ?
10:53– Oui, 12 visites à Marseille.
10:55Il y a eu ce plan XXL Place Net.
10:58Et aujourd'hui, dans le fond, ça donne un sentiment d'impuissance.
11:01Je dis bien, j'appuie bien sur le sentiment d'impuissance,
11:04parce que je pense qu'il y a des choses qui sont faites.
11:06Mais il y a des manques de moyens,
11:08que ce soit policiers, magistrats.
11:12On voit que tout le tissu judiciaire, policiers, etc., a peur aussi.
11:18Même les associations ont peur de parler, ont peur d'agir.
11:23Et aujourd'hui, moi, ce que je vois comme ce point de bascule,
11:26c'est ce que vous disiez un peu tout à l'heure,
11:29c'est qu'avant, les meurtres à Marseille, c'était entre bandes, entre gangs.
11:34Là, ce qui vient changer et ce qui vient mettre de la lumière sur la conscience de ce qui arrive,
11:40c'est que c'est quelqu'un, le petit frère de quelqu'un qui lutte contre le narcotrafic.
11:47Et c'est ça qui vient terriblement marquer les esprits,
11:52c'est qu'Amin Kessassi est devenu le symbole.
11:56Et on a le sentiment qu'il est seul contre tous, en quelque sorte.
12:01Ce qui n'est pas vrai.
12:02Mais en tout cas, en tant que citoyen, oui, c'est quelqu'un qui porte sur ses épaules.
12:07Et il ne peut pas porter ça sur ses épaules.
12:09Et il le dit d'ailleurs, vous citiez cette interview passionnante,
12:12de Roberto Saviano, et qui dit d'ailleurs quelque chose d'intéressant.
12:18Il dit qu'il semble que la France soit en train de vivre l'une des pires périodes criminelles de son histoire.
12:24Oui, Karine Daniel, il dit aussi qu'on ne parle plus de narcotrafic, mais de narcocratie.
12:29Est-ce que vous êtes d'accord avec le terme qu'utilise justement Roberto Saviano dans cette interview ?
12:34Ce ne sont plus justement des gangs, ce n'est plus les gangs en Corse,
12:37mais il parle de narcocratie parce qu'il dit que les organisations ont fourni du capital,
12:42même à la bourgeoisie française.
12:44Il y a un vrai pouvoir économique en fait au sein, en France.
12:48Donc c'est une narcocratie.
12:50Alors ce que l'on a mesuré dans la commission d'enquête, c'est l'évolution.
12:54Alors même si c'est toujours difficile à évaluer,
12:57mais en tous les cas, on a estimé l'évolution des capitaux et des flux financiers liés à ce narcotrafic.
13:04Alors cette évolution, elle est très dynamique et exponentielle.
13:08Et c'est vrai que même si on met des moyens de l'État renforcés,
13:13ce renforcement reste toujours inférieur à la puissance de l'évolution des flux financiers qui sont générés par ce trafic.
13:23Mais ça, ça va avec la mondialisation ?
13:25Alors ça va avec la massification du marché, ça va avec la mondialisation du marché.
13:32Et ce qu'il faut mettre en parallèle de ça, c'est qu'avec ce volume d'argent, cette masse d'argent,
13:40la vie a de moins en moins de prix.
13:42Et le fait qu'on puisse tuer pour maintenir une place, pour maintenir son périmètre de marché,
13:52devient beaucoup plus courant et presque malheureusement anodin, ce qui est évidemment scandaleux.
13:59Donc on est dans ce moment-là où il faut avoir...
14:04Et la loi narcotrafic, de par son périmètre, a agi sur les outils de l'État,
14:10sur les outils des politiques publiques qui sont à notre main.
14:13Aujourd'hui, il faut renforcer les coopérations internationales
14:18pour lutter contre la mondialisation et le périmètre de ces marchés,
14:22au niveau européen et international.
14:24Et ensuite, il faut jouer sur les enjeux de consommation
14:29et passer d'une loi de répression à une loi de santé publique
14:35parce qu'on est aujourd'hui dans une telle massification du trafic et de la consommation
14:40qu'il faut aussi prendre le sujet de ce côté-là.
14:43Mes vrais ennemis se trouvent à Dubaï ou en Thaïlande.
14:46Ça, c'est ce qu'a dit aussi Amine Kessassi, Yann Bizou.
14:49Peut-être que c'est un peu la différence entre aujourd'hui et il y a 40 ans.
14:52Il dit aussi « je ne peux pas combattre seul un système ».
14:56Le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, Surix, a annoncé d'ailleurs
14:58avoir demandé aux Émirats l'extradition d'une quinzaine de narcotrafiquants présumés
15:03particulièrement signalés et recherchés par la France.
15:06Donc Dubaï, Thaïlande, ce sont des réseaux mondiaux dont on parle.
15:10Et ça va très vite puisque ce sont des flux financiers.
15:14C'est une des caractéristiques du trafic des stupéfiants depuis l'origine.
15:18Rappelez-vous de la French Connection dans les années 70.
15:26Et je ne doute pas d'ailleurs que la mesure soit efficace avec Dubaï.
15:29On va obtenir des interpellations, on va obtenir des saisies.
15:34La question, ce que disait la personne qui est intervenue juste avant moi,
15:39la question, c'est le rapport entre ce qu'on est capable de faire
15:46et ce qui est capable de faire le trafic.
15:48Et c'est vrai, si on n'est pas à un point de bascule pour moi,
15:51mais dans un processus long et continu,
15:53ce qui est vrai, c'est qu'on atteint des sommets.
15:56On a une consommation qui est à son maximum,
15:58on a un trafic qui est florissant,
16:01on a des prix qui sont très bas,
16:03on a une qualité qui est d'une pureté sans égale.
16:06Et ce que je constate, c'est que pour l'instant,
16:10la réponse publique,
16:12avec une surenchère d'interdits, de prohibitions, de moyens,
16:17elle n'a rien donné.
16:18Et quand on évoque la question de la prévention et de la santé publique,
16:23oui, ça me paraît un enjeu absolument essentiel.
16:26Et je rappelle que sur les saisies des drogues en France,
16:29il y a seulement 10% qui revient à la prévention.
16:3290% va sur les douanes, la gendarmerie, la police, la justice.
16:39Ça, c'est une décision interministérielle.
16:41Ça se change en 10 minutes.
16:44Et on peut déjà décider qu'une part conséquente des revenus,
16:49des saisies du trafic, peut être consacrée à la prévention.
16:53On va revenir sur la prévention.
16:54Avant cela, on va regarder un extrait d'un reportage de France Télévisions
16:58qui a été tourné en Guyane.
16:59File d'attente, obligatoire.
17:04À l'aéroport de Cayenne, impossible de prendre l'avion
17:08sans passer devant ces policiers.
17:11Bonjour.
17:12Alors, qui voyage ?
17:14Venez-moi les désinspirés.
17:16La brigade recherche des personnes qui transportent de la cocaïne
17:19de Guyane jusque dans l'Hexagone.
17:21Ceux qu'ils appellent les mules.
17:24Pour les repérer, les policiers questionnent...
17:26Du vent en Guyane ou en métropole ?
17:29Vérifient les antécédents judiciaires de chaque passager.
17:33Toute personne qui part de Guyane à destination de Paris est dans notre tableau.
17:37Il y a des enquêtes, un approfondissement est fait en fait, en fonction de leur profil.
17:41Au moindre doute, les suspects sont menés dans ces préfabriqués à l'arrière de l'aéroport
17:46pour un interrogatoire poussé.
17:49Ce jeune homme sans emploi a déjà été condamné pour transport de cocaïne.
17:53L'enquêtrice tente de savoir pourquoi et avec quel argent il voyage.
17:59Montrez-moi le débit sur votre compte bancaire et la carte qui a servi au paiement, s'il vous plaît.
18:04Incapable de répondre, il est interdit de sortie du territoire.
18:08Vous êtes interdit de voyager pendant 5 jours ?
18:11Madame, mon billet, je l'ai payé cher.
18:14Est-ce que vous allez signer l'arrêt dès que je vous remets ?
18:16Non, je ne modifie aucun billet, madame.
18:18Je remets sur moi, tu me dis, tu viens, il y a de la fil.
18:22Sa colère n'y changera rien, il ne prendra pas l'avion ce soir.
18:27Pour être transporté, la cocaïne est dissimulée sous toutes ses formes.
18:32De la cocaïne en poudre sous forme d'ovules destinées à être ingérées, transportées à l'intérieur du corps d'une personne.
18:39Ici, c'est de la cocaïne en poudre qui a été compactée sous forme de perles.
18:43Là, c'est déclaré huile de coco.
18:46Donc, pareil, vous mettez la cocaïne dans l'huile de coco et donc après, vous faites évaporer l'huile de coco.
18:51Un kilo ici, à peu près, on l'estime à 4000-4500 euros.
18:54En région parisienne, il est à 24 000 euros à peu près.
18:57Incités par ces sommes, les candidats pour servir de mule sont nombreux, comme ici, à l'ouest de Cayenne.
19:04On vit la vie, c'est pas facile, mais on est là, toujours là.
19:09Chicago, c'est le surnom donné à ce quartier gangréné par le trafic de drogue.
19:1470% des habitants y sont sans emploi.
19:18Parmi les jeunes que nous rencontrons, plusieurs avouent avoir servi de mule.
19:21Mais un seul accepte d'en parler devant notre caméra.
19:26Tout le monde est dans ça, qui est devenu banal.
19:28Williams a ingéré des centaines de boulettes de cocaïne
19:31et affirme avoir fait cinq allers-retours entre Cayenne et Paris.
19:36J'ai déjà fait des 800 grammes dans le ventre.
19:38Pour 800 grammes, tu peux atteindre les 10 000 euros, mais c'est pas de l'argent facile.
19:42On a différentes boulettes. Les deux huit qui sont là, ils sont gros comme ça.
19:45Moi, j'avais mal à la gorge.
19:46Mais vraiment, des bonnes douleurs de gorge, ça rigole pas.
19:49C'est limite comme si j'ai un tuyau qui est passif qui m'a défoncé la gorge.
19:52C'est comme ça.
19:55Et c'est un risque important aussi.
19:57C'est pas un jeu, tu vois.
19:58Pour les mules arrêtés, les sanctions peuvent être sévères.
20:04685 mules qui ont été arrêtées à l'aéroport de Cayenne,
20:07l'équivalent d'une tonne de cocaïne à destination de l'Hexagone.
20:10Paul Moreira, là, ça vous rappelle un peu le Brésil ?
20:12Pour le coup, le Mexique, puisque les Mexicains, les cartels de Sinaloa,
20:17tous les cartels sont ceux qui ont élaboré le plus de méthodes
20:20pour faire passer le fentanyl, principalement,
20:22parce que maintenant, ils ont arrêté quasiment la cocaïne.
20:25Ils font passer du fentanyl, c'est-à-dire des opioïdes de l'autre côté de la frontière.
20:29Mais il y a un truc que je voulais dire,
20:30parce qu'effectivement, pour lutter contre ce phénomène,
20:33il va falloir qu'il y ait des forces de l'ordre présentes dans les quartiers.
20:36Parce qu'en fait, il y a un problème territorial.
20:39Et non seulement il va falloir des forces de l'ordre,
20:41mais il va falloir se reposer la question de l'abandon de ces quartiers.
20:44Moi, j'ai un ami personnel, un type qui s'appelle Didier Bonnet,
20:46qui, pendant des années, a fait exister une régie de quartiers,
20:49qui est une entreprise qui servait à maintenir les cités à l'abricard des Castellanes,
20:55qui sont les cités concernées par le trafic de la désaide mafia.
20:59Et pendant des années, il s'est battu pour avoir des aides publiques
21:02pour faire exister sa boîte.
21:03Il faisait bosser 150 personnes.
21:05Je ne dis pas que c'est avec ça qu'on va lutter contre le trafic,
21:07parce que ce n'est pas en payant les gens au SMIC ou un peu plus
21:09qu'on va réussir à le faire briller leur vie.
21:10Mais au moins, ça crée des passerelles entre la société du milieu
21:15et ces sociétés exclues.
21:16Et tant qu'on n'aura pas à recréer ces passerelles-là,
21:19elles seront entre les mains de sociétés parallèles
21:21qui sont des sociétés mafieuses ou mafieusoïdes.
21:25Madame la sénatrice, la drogue est distribuée partout dans le monde,
21:27à partir des ports français.
21:29En tout cas, c'est ce que dit Roberto Saviano dans Libération.
21:32Et on voit la facilité, puisque Cayenne, c'est la France,
21:35effectivement, pour ses mules, de faire passer la cocaïne dans l'Hexagone.
21:39Qui devient un port pour l'ensemble de l'Europe, en fait, pour la cocaïne.
21:44C'est ce que dit Saviano.
21:46Effectivement, on a un enjeu spécifique sur les ports, sur les aéroports,
21:50avec un renforcement des équipements en scanner.
21:53Mais quand vous avez des scanners, et c'est vrai que c'est le cas maintenant
21:57de plus en plus dans les territoires d'outre-mer, départements d'outre-mer,
22:01il faut avoir les services de santé derrière
22:03pour traiter les gens qui ont ingéré des produits.
22:08Et donc, il faut que le service de santé soit dimensionné
22:13à la hauteur du service de détection aux frontières.
22:17Donc on a un enjeu, non seulement d'équipement des aéroports
22:21et des services qui sont derrière.
22:23Et ensuite, la question des ports, c'est vraiment une question stratégique.
22:27On parlait beaucoup de Rotterdam à une époque, et maintenant, on parle des ports français, Marseille.
22:31Quand on sécurise ou quand on améliore la visibilité et les interceptions sur un port,
22:39le trafic se déporte sur des ports qui sont moins surveillés et moins vus.
22:44Et quand on remet des moyens sur des ports secondaires,
22:49le trafic se passe en drop-off, c'est-à-dire qu'on lâche des produits en mer,
22:55qu'on se passe sur d'autres formes d'embarcations.
23:00Et donc, on voit que les trafiquants, ceux qui gèrent les flux, sont très agiles.
23:07Et on sait qu'à chaque fois qu'on met en place des dispositifs,
23:11il faut penser à l'effet de bord de ce dispositif
23:14et anticiper comment est-ce que les trafiquants,
23:18avec les moyens exceptionnels qu'ils ont à leur disposition, vont s'adapter.
23:23Et donc, il faut que les forces publiques et l'organisation publique
23:27aient toujours un coup d'avance par rapport à ce qui peut se passer,
23:31un coup d'anticipation.
23:33Et on sait que les prises de décisions, les moyens qui sont à notre disposition,
23:36ne sont pas forcément dans cette dynamique-là.
23:39Donc, il faut aussi qu'on change notre mode de raisonnement
23:41et notre mode d'action contre un trafic qui est très agile.
23:45C'est-à-dire être plus mondial dans l'approche, plus...
23:48Il faut être très agile.
23:50Il faut avoir des coopérations internationales renforcées
23:54parce que quand on a des trafics internationaux,
23:56il faut sécuriser et visibiliser le départ et l'arrivée.
24:01Et à sujet de la corruption aussi des douaniers.
24:02Et alors voilà.
24:03Ce qu'on a mis aussi en avant dans la commission d'enquête,
24:10c'est qu'avec ces moyens financiers très importants,
24:13arrive la corruption facile,
24:16ce qu'on appelle la corruption classique,
24:19mais aussi ce qu'on appelle la corruption de basse intensité
24:22qui fait qu'on peut corrompre différents niveaux, différents fonctionnaires
24:28avec des sommes qui peuvent apparaître comme étant maudiques pour le trafic,
24:32mais importantes par rapport au niveau de vie des gens qui vont être concernés.
24:36Et qui font partie du système, Roselyne Fèvre, justement, à différents niveaux.
24:40Sachant que sur la corruption passive, parfois cette corruption passive,
24:44elle est subie.
24:45Parce que quand on exerce des pressions sur votre famille, sur vos proches,
24:49évidemment que lutter contre cette corruption à titre individuel,
24:54c'est évidemment très compliqué.
24:56C'est parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafics.
24:59Voilà ce qu'a dit Emmanuel Macron, Roselyne,
25:02il y a quelques jours lors de son sommet d'urgence.
25:05Alors, les consommateurs sont-ils complices ou victimes ?
25:08Quelle est la responsabilité des consommateurs ?
25:10Oui.
25:11Ça rentre dans le débat.
25:12Il y a forcément...
25:14Alors là où le sujet est complexe,
25:16c'est que lorsque vous consommez de la drogue,
25:19vous devenez addict, donc c'est une maladie.
25:22Donc vous êtes traité comme un addict et c'est comme une maladie.
25:25Alors, certains, effectivement, ont la drogue festive.
25:30C'est ce qu'a l'air de viser Emmanuel Macron.
25:32C'est une façon d'opposer.
25:33Et d'ailleurs, Amine Kessassi le dit dans l'interview à Libération.
25:37Il dit la société est sous cam.
25:39Oui, il dit la société est sous cam.
25:41Et surtout, on oppose les bourgeois des beaux quartiers parisiens ou ailleurs
25:46qui font des soirées festives et puis les banlieues.
25:51Mais en fait, la réalité, c'est que la drogue est absolument partout.
25:57Elle est dans les campagnes, elle est dans tous les milieux sociaux.
26:00Et ce n'est pas que la bourgeoisie, si c'était que de la bourgeoisie.
26:05Mais c'est vrai que la bourgeoisie fait vivre aussi avec la cocaïne.
26:10Voilà, créer un lien particulier avec ce réseau, bien sûr.
26:17Il y a une bisou.
26:18Pardon, je finis juste.
26:20Là où ça devient problématique, et là on revient, on descend d'un cran.
26:25Mais par exemple, quand vous voyez que le cannabis est vendu,
26:28ou même les drogues de synthèse sont vendues à la sortie maintenant du collège,
26:33par d'autres jeunes d'ailleurs, ça devient compliqué.
26:38Le cannabis, comme on dit, vous fumez un oeuf, vous fumez un bœuf après.
26:44C'est-à-dire qu'il y a le côté escalatoire.
26:46Et donc, le problème se crée déjà à la sortie des écoles.
26:52Il y a une bisou.
26:53Il y a une responsabilité des consommateurs, comme le sous-entend Emmanuel Macron ?
26:57Il avait fait la même déclaration, je rappelle, le 2 septembre 2021, à Marseille déjà.
27:06En fait, enfin, non, ce n'est pas vrai.
27:08Ce n'est pas vrai pour une raison toute simple.
27:11Si vous avez un produit légal, le consommateur, il existe encore,
27:15et dans ce cas-là, il ne participe pas au trafic.
27:19Donc, ce qui fait qu'il y a une participation des consommateurs, c'est l'interdit.
27:23Après, ce qui est vrai, c'est que le consommateur va inciter à développer une offre.
27:35Et donc, on voit que l'augmentation de la consommation sur la cocaïne, par exemple,
27:39sur le cannabis, beaucoup moins, on a une légère baisse.
27:43On va bien sûr inciter les trafiquants à faire une proposition et une offre.
27:47Mais à la rigueur, c'est peut-être Laurent Nunez qui était plus dans le vrai.
27:52Quand Laurent Nunez disait, l'idéal, c'est qu'il n'y ait pas de consommateurs.
27:55Oui, mais, excusez-moi, même dans le monde des bisounours,
27:59quand je vois la couleur des nuages et des arcs en ciel, je me dis qu'ils ne doivent pas être sobres.
28:03Alors, après, on peut toujours dire, oui, il ne faut pas de consommateurs.
28:07Bien sûr, un, ça veut dire de la prévention.
28:10Et on ne fait rien.
28:12Deux, ça veut dire de l'accompagnement.
28:14Et ça veut dire aussi peut-être changer de modèle.
28:16Je soutiens, moi, le modèle de Québec.
28:21Et je rappelle quand même à Québec...
28:23La légalisation du cannabis, donc.
28:26Par l'État.
28:28Sous le contrôle de l'État.
28:30La légalisation du cannabis à Québec, ça commence en novembre 2019.
28:35Aujourd'hui, 70% des produits vendus le sont par l'État.
28:40Le trafic représente moins de 5%.
28:44Et quand on me parle des enjeux économiques, il faut commencer par là.
28:48Il faut retirer aux trafiquants ce marché.
28:51Et il faut que l'État le récupère et le contrôle dessus.
28:56Et c'est possible.
28:57On n'est pas plus...
28:58Enfin, on est capable de faire ce qu'ont fait les Canadiens.
29:00Et quand on voit le résultat au bout de 5 ans,
29:03comparer la situation en France 2019-2025,
29:07la situation à Québec 2019-2025 sur le cannabis, c'est très clair.
29:12Il y en a un qui a réussi à faire baisser le trafic, pas l'autre.
29:15Karine Daniel, vous êtes d'accord ?
29:16Vous, je sais qu'à gauche, il y en a un certain nombre
29:18qui prônent la légalisation du cannabis.
29:20Est-ce que c'est la solution à ce qu'on décrit
29:23comme quelque chose de tentaculaire ?
29:26Alors, c'est une idée qui est discutée
29:29et qui peut être avancée.
29:31Un acte anti-mafia très fort, a écrit Roberto Saviano.
29:35Le sujet, c'est que si on légalise le cannabis,
29:40ça ne réglera évidemment pas tous les problèmes.
29:43Il ne faut pas croire que c'est une solution miracle
29:44puisque maintenant, les trafics et les vendeurs sont multiproduits.
29:51Et on a...
29:52Ils ne vendent pas que du cannabis.
29:53Voilà, on aura sans doute un déport aussi
29:55sur des choses qui seront plus lucratives.
29:59Et aujourd'hui, ce qu'on voit augmenter beaucoup,
30:01c'est la cocaïne.
30:03Est-ce qu'on a une explication ?
30:04Vous avez regardé, en écrivant ce rapport,
30:07pourquoi la cocaïne explose aujourd'hui ?
30:09C'était une drogue des années 80, la cocaïne.
30:12Alors, il y a une question de prix de marché.
30:17C'est-à-dire que la cocaïne est devenue très peu chère
30:20et donc se démocratise.
30:22Très peu chère parce que beaucoup produite, plus...
30:24Voilà.
30:25Et puis ensuite, nous, ce qu'on regarde en termes prospectifs,
30:27c'est aussi le développement des drogues de synthèse
30:30puisque ça va être très difficile de tracer des drogues
30:33qui peuvent arriver de manière décomposée
30:36et qu'on peut recomposer à peu près partout sur le territoire.
30:39Et ça, ça devient un sujet en termes de traçabilité
30:43qui va être aussi compliqué à gérer.
30:45Paul Morat, sur cette explosion de la cocaïne,
30:48on en produit plus.
30:49Donc, il y a le Mexique, bien sûr, que vous connaissez bien
30:51et pas seulement.
30:52Oui, alors, effectivement, les prix ont un peu baissé
30:55mais j'ai l'impression que ce qui se passe,
30:57c'est qu'on vit dans des sociétés de plus en plus compétitives
30:59et que la cocaïne est venue se loger là-dedans.
31:02C'est-à-dire qu'il y a plein de gens qui travaillent avec de la cocaïne
31:05parce que c'est comme du super café,
31:07et ça vous réveille et ça vous donne un grand coup de fouet.
31:11Et je voulais poursuivre ce que disait monsieur
31:12sur la question de la légalisation.
31:14À vrai dire, il n'y a pas que le Québec
31:16qui a légalisé ou dépénalisé.
31:18Le quart des États américains ont...
31:21Enfin, vous allez en Californie, par exemple,
31:24il y a des coffee shops avec...
31:26Vous achetez la weed que vous voulez, machin.
31:28Il y a la Thaïlande, il y a l'Allemagne,
31:32le Portugal a dépénalisé toutes les drogues
31:34et a créé un réseau d'aides médicales et sociales
31:38pour accueillir les gens qui ont des problèmes.
31:40Les sociétés ne se sont pas écroulées.
31:42Et vous asséchez un peu...
31:43Mais est-ce que ça a apporté une solution ?
31:45Est-ce que ça a empêché l'explosion de la cocaïne ?
31:47Est-ce que ça a empêché...
31:47Il n'y a pas de solution miracle.
31:48On n'est que sur des petits bouts de trucs
31:50où on essaye et machin.
31:52Et moi, franchement, je serais bien en peine de dire ce qu'il faut faire.
31:55Mais ce qui est sûr, c'est qu'il faut considérer qu'il y a un problème.
31:58Je le redis, ce n'est pas un problème de produits uniquement.
32:01C'est un problème de territoire abandonné.
32:03Et que si on ne reprend pas ces territoires...
32:05Et ça, je l'ai vu au Brésil, je l'ai vu au Mexique.
32:08Quand même, le cartel de Sinaloa, vous allez vous les rencontrer.
32:11Vous dites, vous n'avez pas peur de la police.
32:12Ils disent, non, la police, elle est à nous.
32:14On n'a peur que d'un corps, c'est le corps de la marine.
32:17Et donc, il y a un moment où la question de la corruption dont on parle,
32:21ça devient de telles puissances financières
32:23que c'est vraiment des compétiteurs par rapport à l'État.
32:26C'est ça qu'il faut comprendre.
32:27Et que peut faire la puissance publique, justement ?
32:30La puissance publique, moi, je le redis, il y a une question...
32:33Donc, il y a un parc national anti-criminalité qui est organisé.
32:37Mise en place des quartiers de prison sécurisés pour les narcotrafiquants.
32:40Donc, ça, c'est la dernière...
32:42Alors, ça, moi, j'ai visité la prison de Vandal-Leviel récemment.
32:48L'enjeu de ce type de prison de haute sécurité,
32:52c'est de limiter et de vraiment proscrire le fait que,
32:57depuis sa prison, on puisse commander des meurtres,
33:02on puisse continuer à faire du trafic.
33:04Donc, on rend les prisons beaucoup plus hermétiques
33:07pour qu'on puisse pas, en théorie, avoir de téléphone, pas de réseau
33:11et qu'on limite les interactions entre les prisonniers eux-mêmes
33:15pour créer de nouveaux réseaux.
33:18C'est extrêmement cher.
33:20On a Vandal-Leviel, on a maintenant Condé-sur-Sarthe.
33:24Moi, je pose la question du flux des prisonniers
33:26parce que, là, on a 100 narcotrafiquants à Vandal-Leviel.
33:31Le trafic ne s'arrête pas.
33:33Donc, potentiellement, on aurait de nouveaux entrants dans cette prison.
33:37Comment est-ce qu'on gère les flux de ceux qui sortent ?
33:40Et là, on a un vrai sujet de moyens à mettre
33:43si c'est le modèle qui est choisi collectivement.
33:46Et on voit que, là, on aura aussi une limite en termes de moyens
33:49pour anéantir les interactions avec l'extérieur sur ce volet-là.
33:56L'association de police judiciaire, elle demande une direction générale
33:59de la police judiciaire forte, rassemblée et connectée à l'image de la DGSI.
34:03Ça aussi, ça fait partie de la discussion.
34:04Qu'on améliore la fluidité entre les services de l'État
34:08pour lutter de manière mieux coordonnée, ça, c'est une évidence.
34:11Et ça, on l'a bien vu dans la commission d'enquête.
34:14Maintenant, je le redis, au-delà de l'amélioration de la fluidité
34:19entre nos services, il faut mieux coordonner cette activité
34:23avec les services à l'extérieur et à l'international
34:27pour gérer ce marché qui est à cette échelle.
34:31Avec un régime de sanctions à l'échelle de l'Union européenne.
34:33Bien sûr.
34:33C'est ce qu'un certain nombre de politiques proposent aujourd'hui.
34:37Une politique de santé publique, Roselyne Fèvre, devrait accompagner.
34:40Est-ce que, finalement, elle existe en France, véritablement,
34:43cette politique de santé publique ?
34:44Non, bien sûr que non.
34:46Déjà, votre invité en visio disait,
34:50la prévention, le sujet de la prévention est extrêmement important.
34:55On a vu que Bruno Retailleau avait fait un clip il y a quelques mois
35:00sur les consommateurs.
35:03Je n'ai pas le sentiment que ça a frappé les esprits.
35:06Alors, on se souvient, dans les années 90,
35:08il y avait le policier et le médecin qui allaient,
35:10avec leur petite malette, dans les écoles,
35:12les faire pan-pan-cucu aux élèves en leur disant
35:14« Fumer, ce n'est pas bien, se droguer, ce n'est pas beau. »
35:17Mais, voilà, ça n'a absolument rien donné.
35:21Donc, il faut trouver...
35:22Ça ne marche plus aujourd'hui auprès des jeunes dans les écoles.
35:24Donc, soit il faut, effectivement, que ce soit des jeunes
35:27qui, peut-être, ont été pris à un moment dans la drogue
35:30qui puissent parler aux autres jeunes en disant
35:33« Voilà, comment ça a détricoté ma vie, comment ça a bousillé ma vie. »
35:36Parce que la drogue, dans le fond, elle vient toucher
35:38à tous les pans de la société.
35:39La violence, bien évidemment, la déscolarisation, la santé mentale.
35:44Quand on voit les hôpitaux psychiatriques, c'est juste à hurler.
35:49Et donc, aujourd'hui, il y a peu sur...
35:53Parce que c'est quand même l'effet domino, la drogue.
35:55Et on voit aujourd'hui à quel point on est démuni à tous les niveaux.
36:00Yann, allez-y, vous voulez...
36:01Je vois, par exemple, les échanges que l'on a sur le développement
36:05ou pas des salles de shoot.
36:07En fait, il faut quand même qu'à un moment,
36:09on ait accès aux consommateurs
36:11et singulièrement à ceux dont on pense qu'ils souhaitent
36:15et qu'ils veulent s'en sortir et que l'on peut aider.
36:17Donc, il y a cette question du développement des salles de shoot
36:20qui permettent quand même de canaliser
36:21et d'avoir une visibilité sur ces consommateurs.
36:24Et puis, deuxièmement, en termes de santé,
36:27il faut que l'on remette des médecins dans tous les territoires.
36:30La question des déserts médicaux est dévastatrice
36:34sur ces enjeux de prévention
36:36avec une défaillance encore plus importante
36:39sur la présence des addictologues.
36:41Est-ce que c'est une spécialité qui est reconnue ?
36:44Est-ce que c'est une spécialité que l'on développe ?
36:46Et ça, ça me paraît très très important,
36:48y compris dans les CHU aujourd'hui.
36:50On voit que ce sont des secteurs qui ne sont pas priorisés.
36:53Donc, c'est un vrai sujet en termes de développement de soins
36:56et aussi en termes de recherche.
36:57Yann Vizieux, vous auriez un pays que vous montrez en exemple
37:01sur la santé publique, justement, ou sur la dictologie,
37:04parce que vous parliez du Québec pour la légalisation du cannabis,
37:07mais en termes de santé publique ?
37:09Eh bien, je reprendrai le même exemple,
37:11parce qu'en effet, il y a beaucoup d'exemples de légalisation.
37:15La particularité du Québec, en fait, si vous voulez,
37:17c'est qu'ils n'en voulaient pas.
37:19Ils ne voulaient pas légaliser.
37:20La légalisation leur a été imposée
37:22et ils ont eu une approche, justement, sanitaire.
37:25Le résultat, l'argent du cannabis, il sert à quoi ?
37:30Il sert à faire de la prévention.
37:32Ils ont multiplié par dix, dès la première année,
37:34le budget de la prévention.
37:35Ils font des actions très pointues, très précises.
37:39Ils vont, par exemple, récupérer,
37:41puisqu'ils ont les coordonnées des consommateurs,
37:43ils vont les appeler, ils vont faire du phoning
37:45et ils vont leur parler des risques au volant.
37:48Et donc, on téléphone au consommateur,
37:51on lui dit, voilà, vous avez acheté il y a peu de temps du cannabis.
37:55On a des nouvelles études sur le cannabis au volant.
37:57Est-ce que vous auriez cinq minutes pour qu'on en parle ?
37:59Et on fait de la prévention très détaillée.
38:02Sur votre plateau, on le disait,
38:04le clip de Retailleau,
38:07je l'ai testé.
38:08Je l'ai testé, je l'ai montré à mes étudiants.
38:10Et je me doute que dans mes étudiants,
38:12il y en a qui consomment et il y en a qui ne consomment pas.
38:14Et ce qui était impressionnant,
38:16c'est que ceux qui consommaient n'étaient pas du tout,
38:19ou dont on se doute qu'ils consomment,
38:21n'étaient pas du tout réceptifs à ce clip,
38:23ça, je m'y attendais.
38:25Mais ce qui était beaucoup plus surprenant,
38:26c'est que ceux qui ne consommaient manifestement pas
38:28et ne connaissaient rien à nos stupéfiants,
38:31n'ont rien compris à ce clip.
38:33Donc, cette prévention générale,
38:34ou ces clips généraux, ça ne fonctionne pas.
38:37Pour faire de la prévention, il faut des moyens.
38:39Il y a des moyens qu'on peut dégager tout de suite.
38:41Et j'y reviens.
38:43Lesquels ?
38:44Le fonds de concours drogue,
38:47le fonds de concours drogue,
38:48c'est hors budget.
38:49C'est une somme d'argent importante.
38:51Ce sont les saisies qui sont faites sur les trafiquants.
38:53Il y a 10% seulement qui va à la prévention.
38:55C'est une décision interministérielle de 2007.
38:58On peut la changer demain.
39:00Paul Monrera, un mot de conclusion ?
39:03Souvent, il faut remarteler,
39:06réinvestissons les territoires.
39:07Moi, j'ai parlé une fois avec le maire de Sevran.
39:10Énorme problème, la drogue à Sevran.
39:11Et il me dit, en off, il me dit,
39:13mais moi, si j'ai un quart de CRS devant ma tour problématique,
39:19je n'ai plus de problème.
39:21Je n'ai plus de problème.
39:21Donc là, c'est la sécurité, ce dont vous parlez, la police.
39:24En fait, c'est deux jambes.
39:25Il faut la sécurité, il faut réinvestir les deux,
39:28il faut refaire du tissu économique, du tissu social.
39:31Il faut permettre qu'une alternative puisse exister.
39:35Ça paraît être du bon sens, ça paraît être des méthodes...
39:38Oui, mais la peur du policier, aujourd'hui,
39:39elle ne marche pas du tout à Marseille, par exemple.
39:43Il n'y en a plus.
39:44Donc, voyons voir.
39:45Est-ce qu'ils ont envie d'un échange de feu avec la police ?
39:48Les gars de la DZ mafia, pas sûr.
39:50Parce que c'est du sérieux, quand même.
39:52Madame la sénatrice.
39:52Moi, d'abord, j'aimerais dire que la situation et le cas qu'est s'assi
39:58doit tous nous interroger sur la prise en compte
40:03et la solidarité qu'il doit y avoir autour de cette affaire.
40:07Il y a une marche blanche qui est organisée samedi, d'ailleurs.
40:10Il y en aura dans beaucoup de villes.
40:12Il y en a une à Marseille, il y en aura une à Nantes.
40:14Moi, j'y serai.
40:15Et cette solitude, elle n'est plus entendable
40:19dans un mouvement de massification tel qu'on l'a.
40:23Donc, Benoît Payan, le maire de Marseille,
40:26a eu raison de dire qu'il ne faut pas avoir peur.
40:29Il ne faut pas avoir peur de parler de ce sujet.
40:32Ça ne doit pas être un tabou.
40:33Ça ne doit pas être un tabou pour les politiques.
40:35Il faut se mobiliser collectivement.
40:37Il faut se mobiliser collectivement.
40:38Parce qu'il y a beaucoup de familles qui sont concernées
40:41par des détresses de consommateurs
40:43et qui se sentent aussi esselées.
40:45Et ça, on ne peut plus l'accepter
40:46dans la situation dans laquelle on est aujourd'hui.
40:49Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
40:51Karine Daniel, Paul Morera, merci Roselyne, Roselyne Fèvre.
40:54Merci à vous, Yann Biziou.
40:56Merci à vous tous d'avoir suivi cette émission
40:58que vous retrouvez sur les réseaux sociaux.
41:00Restez avec nous.
41:00Sous-titrage Société Radio-Canada
41:05Sous-titrage Société Radio-Canada
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