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  • il y a 10 heures
L'invité du 7h50 de Benjamin Duhamel est Nicolas Bessone, procureur de la République de Marseille, deux jours après l'assassinat du petit frère du militant écologiste Amine Kessaci. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-17-novembre-2025-1955083

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Transcription
00:00Il est 7h50 sur France Inter, Benjamin Duhamel, votre invité et procureur de la République de Marseille.
00:07Bonjour Nicolas Besson.
00:09Bonjour Monsieur Duhamel.
00:10Merci d'être avec nous ce matin sur France Inter en direct de Marseille.
00:13Marseille toujours endeuillée après la mort de Mehdi Kessassi,
00:17un jeune homme de 20 ans qui n'avait rien à voir avec le trafic de drogue.
00:21Mais il était le petit frère d'Amin Kessassi, militant écologiste engagé contre le narcotrafic.
00:26Vous avez ouvert une enquête pour assassinat en bande organisée.
00:30Et on est encore sidéré Nicolas Besson de ce qui apparaît comme une volonté d'intimider, de faire taire.
00:36Est-ce que ce matin la piste de ce qu'on appelle un crime d'avertissement est bien la piste qui tient la corde ?
00:43C'est à ce stade la piste privilégiée.
00:46Mais naturellement nous sommes à quelques jours de ces faits dramatiques.
00:50Et nous nous devons en être professionnels et envisager toutes les hypothèses.
00:54Mais quand on constate que Mehdi Kessassi était totalement inconnu des services de police,
00:59il n'était jamais rentré dans un commissariat,
01:02sa volonté étant de rentrer par la grande porte en portant l'uniforme bleu de la République.
01:07Et puisque vous le savez, il était en train de passer le concours de gardiens de la paix.
01:11Donc rien à voir avec le narcotrafic.
01:14Son frère en revanche faisait l'objet de menaces et de pressions très fortes,
01:18à tel point qu'il était placé sous protection policière,
01:23probablement par son action associative dans les cités qui porte très fort.
01:29Il a un discours très clair sur les ravages causés par le narcotrafic.
01:33Il peut déranger ceux qui ont besoin d'un minimum de consensus social dans les dites cités
01:38pour pouvoir perpétuer leur trafic.
01:40Donc c'est l'hypothèse qui est privilégiée.
01:42Mais je le répète, nous devons rester malgré tout prudents
01:48puisque les investigations débutent à peine.
01:51Ça veut dire que son frère Amin Kessassi,
01:53qui est effectivement ce militant,
01:55qui a publié un livre qui se bat au quotidien
01:58pour aider notamment les familles de victimes du narcotrafic,
02:02il est en danger aujourd'hui ?
02:05Incontestablement, le ministère de l'Intérieur a pris la mesure du danger
02:09puisqu'il fait l'objet depuis quelques semaines de mesures de protection.
02:14Et puis l'assassinat de son frère démontre à l'évidence
02:20que l'on ne s'est pas trompé et qu'on a bien fait de le protéger.
02:24Ce qui crée la sidération, monsieur le procureur,
02:26c'est cette impression d'un point de bascule
02:27pour reprendre l'expression du garde des Sceaux Gérald Darmanin.
02:30Ça veut dire que vous avez maintenant en face de vous
02:32des narcotrafiquants qui n'ont plus aucune limite,
02:35qui sont prêts à tuer des individus
02:36qui n'ont rien à voir avec le trafic,
02:39avec comme seul objectif de terroriser, d'intimider.
02:43C'est un changement de dimension, un point de bascule ?
02:46Oui, si l'hypothèse privilégiée se révélait exacte,
02:51on aurait un véritable point de bascule.
02:53Ce n'est pas la première fois que des victimes
02:55totalement étrangères au trafic se produisent.
02:59Mais c'était le produit en quelque sorte de balle perdue.
03:02On pense à la jeune Sokaïna ou à Nessun Remdam,
03:06ce chauffeur de VTC.
03:08En revanche, là, on a une action délibérée
03:11pour tuer quelqu'un qui n'a rien à voir avec le trafic,
03:15pour faire taire vraisemblablement son frère.
03:20Pardonnez-moi, monsieur le procureur,
03:21mais Marseille, c'est quoi ?
03:22C'est en train de devenir le palerme des années 80 ?
03:24L'étape d'après, c'est quoi ?
03:27C'est des juges, des journalistes, des responsables politiques
03:29qui sont ciblés par les narcotrafiquants ?
03:31Écoutez, nous nous suivons avec une grande attention
03:34et puis au plus haut sommet de l'État.
03:36Le ministre de la Justice m'a téléphoné
03:39pour nous témoigner de son soutien.
03:43On voit très bien qu'il faut analyser cette situation.
03:48On n'en est pas fort heureusement à Palerme des années 80,
03:51mais effectivement, il faut être vigilant.
03:56Après, il ne faut pas avoir peur,
03:57il faut continuer à travailler naturellement.
03:59Vous vous sentez vous-même en danger
04:00comme procureur de la République de Marseille
04:02qui luttait au quotidien contre les narcotrafiquants ?
04:04Non, il faut être vigilant,
04:06mais je ne me sens pas du tout en danger.
04:09Vous entendez les expressions ?
04:10Je travaille, je suis à mon poste avec mes collègues.
04:12On a un parquet de 60 personnes
04:14qui est totalement mobilisé pour lutter contre ce phénomène.
04:17Vous entendez les expressions qui sont utilisées
04:19dans le débat public ?
04:21Mexicanisation de la France, narco-État.
04:23Est-ce que la France est en train de devenir un narco-État ?
04:28Non, nous n'en sommes pas là.
04:30En revanche, c'est une vraie menace très forte
04:33pour les institutions
04:35et il faut juguler ce phénomène et le réduire
04:39parce qu'il fonctionne de manière systémique.
04:43C'est une sorte de contre-société que nous avons en face.
04:47Et donc, nous devons les pouvoirs publics attaquer
04:51et répondre là aussi de manière systémique.
04:53Et à Marseille, on est malheureusement par la force des choses
04:55un peu en laboratoire
04:56et on essaie de mettre en œuvre des techniques nouvelles.
05:01C'est-à-dire ?
05:02Par exemple, un des nouveaux aspects de ce narcotrafique
05:06avec leur argent illimité
05:08est d'essayer de corrompre les autorités publiques
05:13grâce aux renforts qui m'ont été octroyés.
05:15J'ai créé au sein du parquet de Marseille
05:17une cellule anticorruption
05:18pour prendre la problématique dans la transversalité
05:20et pour essayer de remonter ces réseaux
05:25qui essaient de nous corrompre.
05:27C'est-à-dire concrètement, là encore,
05:29pour ceux qui nous écoutent ce matin,
05:30vous avez des narcotrafiquants
05:31qui essayent d'infiltrer la police, la douane,
05:35les greffiers pour tenter en quelque sorte
05:39de créer une sorte de contre-institution.
05:41Oui, alors là, ce n'est pas une contre-institution.
05:44Si vous avez le renseignement
05:46sur les intentions de ceux
05:49qui sont là pour vous combattre et vous poursuivre,
05:52vous avez un coup d'avance,
05:53si je peux me permettre cette expression triviale.
05:55Et donc, nous, nous devons évidemment
05:58de traiter les brebis galeuses
06:01qui peuvent exister dans plusieurs institutions.
06:04Il y a deux façons de voir les choses,
06:05monsieur le procureur,
06:06sur l'impuissance présumée de l'État
06:08quand on voit ce qui s'est passé effectivement
06:10il y a quatre jours à Marseille.
06:13Soit l'État n'arrive pas à juguler ce phénomène
06:17de violence exacerbée du narcotrafic,
06:20soit c'est au contraire,
06:21parce que l'État est efficace,
06:23que les méthodes des narcotrafiquants
06:24sont de plus en plus violentes.
06:26C'est exactement ça.
06:30Nous avons eu, et pas simplement qu'à Marseille,
06:33de très bons résultats,
06:35de nombreuses équipes de tueurs arrêtés.
06:37Pour vous donner un chiffre,
06:382000 personnes, plus de 2000 personnes
06:40sont mises en examen à Marseille
06:41pour des faits de narcotrafic.
06:45Donc, vous avez,
06:47et c'est une avancée considérable,
06:49la création de quartiers de lutte
06:51contre la criminalité organisée
06:53à Vendin-le-Vieille, à Condé-sur-Sarthe,
06:55qui les empêchent, qui les entravent.
06:58Et donc, vous pouvez avoir,
06:59et c'est pour ça que nous sommes très attentifs
07:01à ce qui s'est passé la semaine dernière,
07:03une dérive un petit peu nihiliste
07:05de personnes, finalement,
07:07qui n'auraient plus rien à perdre.
07:09Après, d'un autre côté, moi, j'ai pas votre...
07:11Donc, les opérations place net,
07:12contrairement à ce qu'on a pu entendre
07:14sur leur inefficacité présumée,
07:15ça a marché ?
07:17À place net, c'est pas la panacée,
07:20ça ne suffit pas en eux-mêmes,
07:22mais le pilonnage des points de deal,
07:25la fragilisation des organisations,
07:27dès lors que nous avons une police judiciaire
07:30suffisamment armée
07:31pour travailler sur les organisations
07:33et démanteler les réseaux,
07:35c'est un très bon complément
07:36de l'action judiciaire.
07:38Ça ne doit pas être que des opérations place net.
07:40Et moi, un des enjeux de demain,
07:43vous voyez, je parle même pas,
07:44je prêche même pas pour ma paroisse,
07:45mais un des enjeux de demain,
07:47c'est de réarmer la filière judiciaire
07:50de la police nationale,
07:51nous avons des policiers extraordinaires,
07:53mais nous n'en avons pas assez
07:55pour faire des enquêtes,
07:57et des enquêtes complexes,
07:58pour remonter les réseaux de blanchiment.
08:00En quelques mots,
08:01M. le procureur,
08:02sur la responsabilité des consommateurs.
08:04L'ancien garde des Sceaux,
08:05Eric Dupond-Moretti,
08:06avait eu cette formule,
08:07celui qui fume son petit pétard,
08:08ce pétard, il a le goût du sang séché.
08:10Est-ce que vous le rediriez,
08:11là notamment après l'assassinat
08:14du petit frère de Damien Kessassi ?
08:17Oui, absolument.
08:19Il y a deux aspects.
08:21Il y a le toxicomane lourd
08:23qui doit faire l'objet
08:24à la fois d'une répression,
08:26mais également d'une démarche de soins.
08:28Et puis, il y a ce qu'on appelle
08:31le fumeur récréatif,
08:34celui qui va consommer de la coque
08:36également en soirée.
08:37Celui-là, l'ancien ministre,
08:40avait tout à fait raison.
08:41Il faut qu'il pense à son frère d'Humanité,
08:44le jeune de 16 ans
08:44qui grandit dans les quartiers nord,
08:46qui n'a pas eu la même chance que lui.
08:48Et on se livra à cette consommation
08:49quelque part très indirectement,
08:51bien sûr,
08:52mais il peut être aussi
08:54à l'origine de ces faits dramatiques.
08:56Et puis, si on est cynique et pragmatique,
08:59si vous réduisez la demande,
09:00vous réduisez la taille du marché
09:03et vous réduisez les moyens
09:05de ces jeunes gens,
09:06de ces narcotrafiquants.
09:08Merci beaucoup Nicolas Besson,
09:09procureur de la République de Marseille.
09:10Et merci Benjamin Duhamel,
09:12il est 7h59 déjà.
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