Pular para o playerIr para o conteúdo principal
  • há 2 dias
En 1911, Henry de Monfreid quitte la France pour l'Abyssinie. Au coeur des régions interdites du Yémen et de l'Ethiopie, il sera pêcheur de perles, marchand d'armes et de haschich, et même espion. Navigateur insatiable, il affronte la mer Rouge et ses tempêtes. Contrebandier, photographe, dessinateur et écrivain épris de liberté, Henry de Monfreid ne cesse d'écrire sa propre légende. Ce personnage ambivalent a fasciné des générations de lecteurs par sa profonde singularité, son jusqu'au-boutisme, et son ambigüité. Son histoire peut aussi se comprendre comme celle d'un Occident malade venant se regénérer au contact de l'Afrique et de son mysticisme.

Categoria

😹
Diversão
Transcrição
00:00:00Qui n'a pas rêvé un jour de découvrir des régions lointaines et inexplorées ?
00:00:10De voir ce que nul n'a jamais vu.
00:00:15Au début du XXe siècle, Henri de Montfred part à la rencontre du mystère absolu.
00:00:21Les terres sauvages et fabuleuses de la corne de l'Afrique.
00:00:30La mer Rouge.
00:00:36Les côtes arabiques où aucun chrétien n'est encore entré.
00:00:45Écrivain prolifique et aventurier rimbaldien, l'énigmatique Montfred s'invente un destin parmi les pêcheurs de perles.
00:00:56Les matelots Somalie.
00:01:00Les abyssins.
00:01:03Les yéménites.
00:01:07Les guerriers d'Ankali.
00:01:11Il fut successivement négociant, navigateur, trafiquant d'armes et de hachiches, espion, photographe de génie.
00:01:21Avec ses milliers de clichés qu'il colorise lui-même, il compose une esthétique de l'aventure.
00:01:31Filmé sur les hauts plateaux éthiopiens, ou en mer, avec ses marins,
00:01:42Montfred laisse des archives éblouissantes, qui révèlent une vie de liberté absolue.
00:01:48Se jouant de toutes les lois, cet aventurier solitaire aux allures de pirate forgera sa propre légende,
00:02:02inspirant Joseph Kessel, Hergé ou Hugo Pratt.
00:02:07Mais à quel prix ?
00:02:13Rien ne prédestinait Henri de Montfred à une vie héroïque.
00:02:29Lorsqu'en 1911, il fait ses valises pour Djibouti, c'est un jeune homme brisé.
00:02:40Sans diplôme, il est tour à tour vendeur porte à porte, chauffeur,
00:02:46responsable de la crème pour la société magie dont il se fait renvoyer.
00:02:50Il achète alors une ferme, elle est inondée par la grande crue de la Seine.
00:03:04Il n'a pas trouvé sa place dans la France de la Belle Époque,
00:03:09ni auprès de son père, Georges Daniel.
00:03:14Ce rentier excentrique ami du peintre Paul Gauguin vit dans un château avec sa maîtresse.
00:03:20Il a transmis au jeune Henri, à défaut de l'avoir élevé,
00:03:24son goût pour l'art et pour la navigation.
00:03:33Enfant sauvage et solitaire, Henri a grandi près de Lecate, au bord de la Méditerranée.
00:03:41J'ai été élevé par mes grands-parents maternels.
00:03:46Et loin de tout, je n'avais aucun camarade, je n'avais rien.
00:03:52Et c'est, je crois, ce qui a fait le fond de mon caractère,
00:03:56ou plutôt qui a aidé à développer le germe qui y était déjà.
00:04:01Ce germe, c'est sa soif d'aventure.
00:04:03A 31 ans, Montfred n'a plus rien à perdre.
00:04:10Alors, sur les conseils de son père,
00:04:12il décide de tout quitter pour assouvir son désir d'horizon.
00:04:18Il embarque à Marseille pour l'Abbissigny, un aller simple en poche.
00:04:24Il laisse sur le quai Armengard Freudenfeld,
00:04:27une jeune Allemande artiste peintre, folle amoureuse de lui.
00:04:30Elle rêve de l'épouser, mais Henri a le cœur vide.
00:04:39Il a besoin de s'exiler pour se révéler à lui-même.
00:04:45Ce sera l'Afrique.
00:04:46Après neuf jours de traversée,
00:04:53son paquebot est ravitaillé à Port Saïd, en Égypte.
00:04:58Puis s'engage dans le canal de Suez
00:05:00et descend la mer Rouge vers Djibouti.
00:05:05Montfred s'apprête à découvrir une région mythique,
00:05:09la Corne de l'Afrique.
00:05:10Depuis la fin du XIXe siècle,
00:05:14les empires coloniaux italiens, britanniques et français
00:05:17se la partagent, autant pour ses ressources
00:05:20que pour sa position stratégique.
00:05:29Dédié au commerce avec l'Ethiopie
00:05:31et aux besoins de la navigation coloniale,
00:05:34Djibouti est un protectorat français depuis 1885.
00:05:37Montfred est sidéré.
00:05:46Cette ville nouvelle semble surgir du néant.
00:05:51Il bute sur la piraille de cet ancien désert
00:05:54foulé par les nomades
00:05:55et arpente la ville dans un état second.
00:05:59Pour imprimer ses sensations,
00:06:07il photographie.
00:06:09Son ombre apparaît parfois en bas du cadre.
00:06:16Ses clichés illustrent les lettres
00:06:18qu'il envoie à son père.
00:06:19Je n'ai pas eu le courage de t'écrire hier
00:06:23tant la chaleur est formidable.
00:06:26Il faisait dans ma chambre 46 degrés
00:06:28à 9h du soir.
00:06:30Et, paraît-il, c'est normal.
00:06:33Je t'embrasse de tout cœur
00:06:34ton fils.
00:06:35Dans le quartier européen,
00:06:42Montfred croise les coloniaux.
00:06:45Jean-Pur,
00:06:46poseur,
00:06:48cancagné.
00:06:49C'est la lille de la société
00:06:50qui vient ici épanouir
00:06:51ce qu'elle a de plus sale
00:06:52et de plus ridicule.
00:06:59Démuni,
00:07:00sans argent,
00:07:01il ne trouve pas sa place
00:07:02parmi ses semblables.
00:07:03Quand je suis arrivé là-bas,
00:07:07les Européens m'ont déçu
00:07:08parce qu'ils ne comprenaient rien
00:07:10à tout ce qui les entourait.
00:07:12J'ai vu des indigènes
00:07:13qui venaient de pays inconnus,
00:07:15de pays dont on ne revenait pas,
00:07:17et je n'avais qu'une idée.
00:07:19Aller voir ce qui se passait
00:07:21de l'autre côté du décor.
00:07:24Alors j'ai rompu
00:07:25avec ces Européens
00:07:26à manie et à apéritif.
00:07:29J'ai laissé le casque de côté.
00:07:33Montfred est au milieu du guet.
00:07:38Il se sent loin des Européens
00:07:40et n'a pas encore rencontré
00:07:41les Africains.
00:07:46L'aventure humaine
00:07:47commence lorsqu'il quitte
00:07:49la grande ville
00:07:50pour le désert.
00:07:51son regard est encore
00:07:54celui d'un homme blanc
00:07:55qui se sent menacé
00:07:57par ce monde
00:07:58totalement étranger.
00:08:03La vie somalie
00:08:03est très curieuse.
00:08:05C'est un vrai peuple
00:08:06de sauvages
00:08:07et il faut aller en bande
00:08:09si on ne veut pas disparaître.
00:08:14Montfred éprouve
00:08:15un mélange de peur
00:08:17et de fascination
00:08:18mais il ne peut plus reculer.
00:08:26Son père lui a trouvé
00:08:27une place de négociant
00:08:29à 300 kilomètres
00:08:30de Djibouti
00:08:31sur les hauts plateaux
00:08:32du Harar
00:08:33où il achètera
00:08:34du café
00:08:34et du cuir.
00:08:35Le voyage en train
00:08:56est dangereux.
00:08:58Les attaques à main armée
00:08:59sont fréquentes.
00:09:01Dans cette Éthiopie instable
00:09:02où le règne de Ménélique II
00:09:04touche à sa fin,
00:09:05peu d'Européens
00:09:07osent se risquer
00:09:08dans ces terres
00:09:10réputées impénétrables.
00:09:16Pendant le trajet,
00:09:19il ne parle à personne.
00:09:22Inventer sa vie
00:09:23signifie
00:09:24affronter le vertige
00:09:26d'un face-à-face
00:09:27avec soi-même.
00:09:31Montfred n'a plus
00:09:31aucun repère.
00:09:32bercé par des sonorités
00:09:35nouvelles,
00:09:37il marche
00:09:37sur les traces
00:09:38d'Arthur Rimbaud.
00:09:41La nature sauvage
00:09:42n'a pas changé
00:09:43depuis le passage
00:09:44du poète
00:09:45il y a 30 ans.
00:09:50Un désert
00:09:51de lave noire
00:09:52couvert de buissons
00:09:54épineux
00:09:55étant sur 300 kilomètres
00:09:57une inexorable solitude
00:09:59jusqu'au plateau
00:10:00du Harare.
00:10:02Seuls les Issa,
00:10:03sauvages et cruels,
00:10:05y vivent en nomades.
00:10:06La lance
00:10:07et le poignard
00:10:07toujours prêts
00:10:08pour achever
00:10:09le voyageur blanc
00:10:10que le soleil
00:10:10n'aurait pas tué.
00:10:11Montfred descend
00:10:19à Diredawa
00:10:20et continue
00:10:21son périple
00:10:22vers la ville
00:10:23d'Harare.
00:10:38Émerveillé
00:10:38par le spectacle
00:10:39de la nature,
00:10:41il prend des photos
00:10:42à la volée
00:10:42sans descendre
00:10:43de sa mule.
00:10:52Ces forêts
00:10:52dépassent
00:10:53tout ce que j'avais
00:10:54pu imaginer.
00:10:55C'est la forêt
00:10:56primitive
00:10:56des temps lacustres.
00:10:59Ce sont des bois
00:11:00de cauchemar
00:11:01où tout est étrange.
00:11:04C'est l'absence
00:11:05absolue de parfum.
00:11:09Pour s'adapter
00:11:15à la vie
00:11:16dans les montagnes
00:11:16auprès des abyssins,
00:11:18il porte le turban,
00:11:20marche pieds nus
00:11:21et apprend
00:11:22à parler l'arabe.
00:11:26Conscient du danger,
00:11:26il se lance
00:11:27néanmoins
00:11:27à corps perdu
00:11:28sur ses terres isolées
00:11:30et se grise
00:11:31de sa nouvelle liberté.
00:11:33sans calcul,
00:11:46sans méthode,
00:11:47comme si la vie
00:11:47n'avait toujours
00:11:48pas d'importance.
00:11:49Il parcourt
00:11:50des kilomètres
00:11:50de brousse,
00:11:51dort dans des campements
00:11:52avant d'atteindre
00:11:54enfin
00:11:54Harare.
00:11:58Il est hypnotisé.
00:11:59Sous-titrage Société Radio
00:12:29Dans ce carrefour
00:12:32de la culture islamique
00:12:33et du commerce éthiopien,
00:12:35Montfred doit négocier
00:12:36en arabe
00:12:37pour acheter
00:12:37du cuir
00:12:38et du café
00:12:39qu'il acheminera
00:12:40par caravane
00:12:41jusqu'à Djibouti.
00:12:44Harare
00:12:45ou Arthur Rimbaud
00:12:46vécut des heures
00:12:47sinistres.
00:12:50Mais qui sait
00:12:50combien peuvent durer
00:12:51mes jours
00:12:52dans ces montagnes-ci
00:12:53et je puis disparaître
00:12:55au milieu
00:12:56de ces peuplades
00:12:56sans que la nouvelle
00:12:58en ressorte
00:13:00jamais.
00:13:09Montfred
00:13:09s'installe à proximité
00:13:11dans un village
00:13:12de montagne
00:13:13à 2500 mètres
00:13:14d'altitude.
00:13:28Il souffre
00:13:29de solitude.
00:13:30Aussi,
00:13:31il épouse
00:13:32les coutumes locales
00:13:33et achète
00:13:33une femme somalie,
00:13:35Fatouma.
00:13:35Elle meurt
00:13:41accidentellement
00:13:41d'une balle perdue
00:13:42alors que l'employé
00:13:43de Montfred
00:13:44nettoyait son arme.
00:13:47Montfred
00:13:47dira l'avoir pleuré
00:13:48comme un enfant.
00:13:52Il se console
00:13:53en écrivant
00:13:53à son ami
00:13:54Armengart
00:13:55qui depuis un an
00:13:56ne l'a pas oublié.
00:13:58Dans leur correspondance,
00:14:00il lui raconte
00:14:01avoir acheté
00:14:01d'autres servantes
00:14:03maîtresses.
00:14:03« Tu me demandes
00:14:06si les femmes
00:14:07sont jolies ? »
00:14:10À mon sens,
00:14:11elles sont fort belles.
00:14:14Le rôle de ces femmes
00:14:15est celui
00:14:15de l'esclave de l'homme.
00:14:18Elles chassent
00:14:18les mouches
00:14:19pendant son sommeil.
00:14:21Elles les vantent.
00:14:23Et tout cela
00:14:23avec une patience
00:14:24dont nous n'avons pas idée.
00:14:33Armengart
00:14:37ne les jalousent pas.
00:14:39Elles rêvent toujours
00:14:40de le rejoindre,
00:14:42mais il la tient
00:14:43à distance.
00:14:46Si tu viens,
00:14:47tu vas vouloir
00:14:47repartir bien vite
00:14:49car tu es à sans lieu
00:14:50de te douter
00:14:51de ce qu'est ici
00:14:52ma vie.
00:14:56Ma maison
00:14:56est faite
00:14:57de branchages
00:14:58et le vent
00:14:58passe à travers
00:14:59les murs
00:14:59comme les cambrioleurs
00:15:01parisiens.
00:15:04Pour ne pas être
00:15:05incommodé,
00:15:06on reste assis par terre.
00:15:09Je mange
00:15:10comme les indigènes,
00:15:11sans assiettes
00:15:12ni fourchettes.
00:15:14Il m'est arrivé
00:15:14de manger
00:15:15de la viande crue
00:15:16comme les abyssins.
00:15:20Soucieux
00:15:20de leur regard,
00:15:22il veut
00:15:22inspirer
00:15:23leur respect.
00:15:23Pour s'imprégner
00:15:32de leurs rites
00:15:32et rêveries
00:15:33millénaires,
00:15:35Montfred,
00:15:35l'explorateur,
00:15:36photographie
00:15:37les tribus
00:15:38Gala,
00:15:38Afar
00:15:39et Somalie.
00:15:41Il est le premier
00:15:42européen
00:15:43qu'ils acceptent
00:15:44parmi eux.
00:15:49Ému
00:15:50par ce qu'il voit,
00:15:51Montfred
00:15:52tente de saisir
00:15:53le reflet
00:15:54de leur âme.
00:16:00Ce n'est pas
00:16:00toujours facile.
00:16:02Les femmes
00:16:02fuient
00:16:03devant un appareil
00:16:04comme sous la menace
00:16:05d'un canon.
00:16:06Elles ont
00:16:07la superstition
00:16:08que ça leur enlève
00:16:09de la vie
00:16:10pour la fixer
00:16:10sur un papier magique.
00:16:17Ces plaques de verre
00:16:18partent en bateau
00:16:19jusqu'à Marseille.
00:16:20Montfred,
00:16:21ethnologue malgré lui,
00:16:23demande à son père
00:16:24d'en prendre soin,
00:16:25comme si la trace
00:16:26de son passage
00:16:27pouvait disparaître
00:16:28à tout moment.
00:16:29Deux ans ont passé
00:16:42depuis son départ.
00:16:44Montfred
00:16:44doute encore
00:16:45de lui.
00:16:46Il perd de l'argent
00:16:47avec le cuir
00:16:48et le café.
00:16:50Un nouvel échec.
00:16:51Alors il décide
00:17:01de rentrer
00:17:01en France
00:17:02en 1913
00:17:03pour épouser
00:17:04Armengardt.
00:17:05Elle a enfin
00:17:06obtenu gain de cause.
00:17:09Leur fille Gisèle
00:17:10naîtra
00:17:10un an plus tard.
00:17:14Mais Montfred
00:17:15repart seul
00:17:16en Abyssinie.
00:17:17Une nouvelle idée
00:17:18en tête.
00:17:19tenter l'aventure
00:17:20sur une des mers
00:17:21les plus dangereuses
00:17:22du monde
00:17:23où bataille pirate,
00:17:25récif
00:17:25et courant capricieux.
00:17:27A 34 ans,
00:17:43Henri de Montfred
00:17:43accomplit enfin
00:17:44son rêve.
00:17:46Naviguer
00:17:47sur la mer Rouge,
00:17:48ce grand coup
00:17:49de sabre
00:17:50qui tranche net
00:17:51et sépare
00:17:52l'Afrique de l'Asie.
00:17:53dans un corps
00:17:59à corps
00:17:59quotidien
00:18:00avec la mer,
00:18:01il se révèle
00:18:02un marin
00:18:02hors pair.
00:18:11Tout est mystère.
00:18:13Je longe
00:18:14la côte
00:18:15et je vois
00:18:15défiler
00:18:16emporté
00:18:16dans une course
00:18:17rapide
00:18:18les décors
00:18:19les plus fantastiques
00:18:20qu'aucune imagination
00:18:21n'aurait pu concevoir.
00:18:23L'éblouissement
00:18:29ressenti,
00:18:30il le traduit
00:18:31en peignant
00:18:32ses photographies.
00:18:35Les couleurs
00:18:35brutes
00:18:35reflètent
00:18:36sa vision intérieure.
00:18:39Ses sensations
00:18:39priment
00:18:40sur le réel.
00:18:43Il invente
00:18:43sans le savoir
00:18:44une esthétique
00:18:46de l'aventure.
00:18:50Il écrit
00:18:51un journal
00:18:51de bord
00:18:52dont les indications
00:18:53sont dignes
00:18:54d'un géographe.
00:19:02Montfred
00:19:02cartographie
00:19:03les côtes
00:19:03et les îles
00:19:04où il fait escale.
00:19:08Il découvre
00:19:09un désert
00:19:10de pierres
00:19:10calcinées
00:19:11au pied
00:19:12aux pieds
00:19:12de volcans
00:19:12états.
00:19:14On a l'impression
00:19:15de voir
00:19:16des choses
00:19:16d'une autre planète,
00:19:19d'un monde géologique
00:19:20différent
00:19:21de celui
00:19:21de notre terre.
00:19:33Il pénètre
00:19:34une île
00:19:34inhabitée.
00:19:40Nous sommes stupéfaits
00:19:41devant la végétation
00:19:42qui nous entoure.
00:19:43je suis ébahi,
00:19:46je crois rêver.
00:20:01Une herbe haute
00:20:02nous arrive
00:20:03à mi-jambes.
00:20:05Des arbres
00:20:05vraiment terrestres
00:20:06sont remplis
00:20:07de perruches jaunes
00:20:08et vertes
00:20:09et de bengalies.
00:20:11Nous partons
00:20:11comme des fous
00:20:12en riant
00:20:12et en criant
00:20:13de joie.
00:20:14Partout,
00:20:15des prairies,
00:20:16du trèfle,
00:20:17de la luzerne,
00:20:19je tombe
00:20:20en extase
00:20:21devant
00:20:21des coquelicots.
00:20:33Il faut avoir
00:20:34été blanchi
00:20:35de sel
00:20:36par les embruns
00:20:37séchés
00:20:37à même la peau.
00:20:39Il faut avoir
00:20:39été pénétré
00:20:40par toute l'horreur
00:20:41hostile
00:20:41de cette nature
00:20:42privée de vie
00:20:43où les éléments
00:20:44se heurtent
00:20:45et se combattent
00:20:46sans trêve
00:20:46pour éprouver
00:20:48cette joie
00:20:49de retrouver la vie.
00:21:03Montfred
00:21:04est en train
00:21:04de renaître
00:21:05et de reprendre
00:21:06goût
00:21:06à l'existence.
00:21:09Il a de l'énergie
00:21:18et de l'audace.
00:21:19Il se lance
00:21:20dans le commerce
00:21:20des perles
00:21:21et navigue
00:21:22d'île en île
00:21:23pour trouver
00:21:23des plongeurs
00:21:24qui acceptent
00:21:25de partir
00:21:25avec lui.
00:21:26ces pêcheurs
00:21:35sont les seuls
00:21:36à connaître
00:21:37les lieux
00:21:37où essaiment
00:21:38les bancs d'huîtres.
00:21:40Ils peuvent rester
00:21:41plusieurs minutes
00:21:42en apnée
00:21:43dans des fonds marins
00:21:44d'une richesse
00:21:45exceptionnelle.
00:21:45ils partent à l'aube
00:21:52et parfois
00:21:53ne reviennent jamais
00:21:54emportés par le courant
00:21:56ou dévorés
00:21:57par les requins.
00:21:58de l'avis
00:22:11de l'automne
00:22:12C'est parti.
00:22:42La mer rouge peut se montrer imprévisible et impitoyable.
00:22:46Alors que Montfred note dans son journal, nous reprenons la mer après deux jours d'escale par un matin venteux et clair, son boutre est pris dans une tempête.
00:23:03Les dômes de roche émergent des abîmes bleus comme des cathédrales irréelles.
00:23:12Des vagues échevelées d'écumes courent en cercle et forment une sorte de tourbillon.
00:23:19Un cri perse se tumulte et une forme noire passe dans l'écume.
00:23:27C'est Ahmed.
00:23:28Le coup de mer l'a emporté.
00:23:31Nous sommes prêts à couler, le navire est rempli d'eau.
00:23:35Je me retourne et j'aperçois Ahmed cramponné au cordage qui traîne.
00:23:38Il racontera des années plus tard que son adhésion à l'islam est liée à cet ouragan.
00:23:52Au moment où le navire allait chavirer, j'ai promis de me faire musulman si je survivais.
00:23:57Aussitôt, une force mystérieuse nous a jetés hors du tourbillon.
00:24:04C'était le miracle.
00:24:10Devenir musulman permet à Montfred d'ouvrir de nouvelles portes.
00:24:15Celles du trafic d'armes dans des régions interdites aux chrétiens.
00:24:18Montfred, l'opportuniste, prend le nom d'Abdelhaï, l'esclave du vivant, se fait circoncire et respecte scrupuleusement sa nouvelle religion.
00:24:36Pour développer sa contrebande, il obtient la concession de l'île Mascali au large de Djibouti.
00:24:44Il s'y établit loin des regards de l'administration.
00:24:49Officiellement, il pêche des huîtres.
00:24:52Officieusement, il vend des armes qu'il cache dans l'île.
00:25:01Son père, cet artiste bohème à mille lieues du trafic d'armes, les lui procure et les envoie par paquebots à Djibouti.
00:25:11Tandis qu'Armgard l'avertit par des pêches de l'arrivée de sa cargaison.
00:25:15La faim justifiant les moyens, il entraîne son état d'âme, ses proches dans son sillage.
00:25:25Montfred est devenu un hors-la-loi.
00:25:27Il contourne les pirates pour se rendre à Aden, au Yémen, cité antique puissante et grand port stratégique.
00:25:38Le mode opératoire de Montfred est unique.
00:25:48Il est le seul européen à se livrer au trafic d'armes à la manière d'un Yémenite, à la barre d'un bateau de contrebandiers.
00:25:55Il vend à des Bédouins, des Somalies et des Arabes, auxquels il est strictement interdit de fournir des armes.
00:26:07Sans aucun contact, Montfred s'aventure seul dans un monde qui le fascine.
00:26:15J'ai voulu voir certaines choses que nul n'avait vues et qu'on ne verra plus.
00:26:27Il y avait une civilisation magnifique et un pays impénétrable.
00:26:32Car il ne faut pas se faire d'illusions.
00:26:34Ces indigènes nous méprisent et ils n'ont pas tort.
00:26:37Août 1914, la première guerre mondiale éclate.
00:26:51Le gouvernement français fournit des armes aux chefs arabes pour lutter contre l'Empire ottoman
00:26:56qui entre en guerre aux côtés de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie.
00:27:01L'État se resserre autour des trafiquants.
00:27:05Montfred est arrêté.
00:27:07Il est incarcéré trois mois à la prison de Djibouti
00:27:12où il reçoit les lettres désespérées d'Armengart.
00:27:16Pour tuer le temps, il réfléchit à de nouvelles sources de revenus.
00:27:21Le commerce d'opium, trop risqué.
00:27:24Et s'il demandait au jardinier de son père de cultiver en France le chanvre ?
00:27:29Pourquoi pas ?
00:27:32Le transport de passagers entre Djibouti et le golfe d'Aden ?
00:27:36Trop peu rémunérateurs.
00:27:38Ce sera alors le trafic lucratif de hashish, fumé dans toutes les grandes villes d'Egypte.
00:27:46Son commerce est exclusivement aux mains des Anglais qui occupent le pays et contrôlent le canal de Suez.
00:27:57Tandis que l'État égyptien récupère les taxes.
00:28:02Montfred l'incontrôlable jubile.
00:28:05Il sera le premier contrebandier français à pénétrer ce marché.
00:28:15Il doit naviguer sur la mer Rouge pendant un mois chargé d'une cargaison de 480 kg de hashish achetés en Grèce.
00:28:23Tout mon équipage Varsanghelis a accepté de me suivre sans être payé.
00:28:33Ils m'ont dit, comme la chose la plus simple du monde, que, puisqu'ils avaient eu des bénéfices quand mes affaires allaient bien,
00:28:39il était juste qu'ils partagent avec moi les moments difficiles.
00:28:42C'est là un principe qui n'est plus gai en usage dans notre société supérieurement civilisée.
00:29:02Sur cette mer brûlante, l'aventurier entouré de ses hommes est enfin heureux.
00:29:12Comme si la menace des tempêtes, des trafiquants arabes ou des pirates aranigues n'existaient pas.
00:29:25Montfred le devint subjugue son équipage en prédisant l'arrivée d'écueils qu'il a mémorisés sur sa carte.
00:29:38Il est parvenu à nouer une relation de confiance avec ses marins.
00:29:42Qu'il photographiera pendant des années.
00:29:46Cher Issa, Raskallah Amar, Abdi, Mohamed Mali, Saïd Hassan, Yousouf, Abdallah.
00:29:55En remontant la mer rouge, Montfred s'arrête parfois pour peindre leur portrait.
00:30:08Des aquarelles qu'il qualifiera plus tard de choses bâclées en quelques minutes.
00:30:14Une sorte de peinture de musical.
00:30:16En route pour le golfe de Suez, Montfred, l'électron libre, est chargé par le gouvernement français d'espionner les forces turques au Yémen.
00:30:32Il accepte cette mission pour naviguer en zone interdite et continuer à repérer les côtes pour ses différents trafics.
00:30:42Il est considéré comme un individu dangereux par les autorités djiboutiennes.
00:30:53Mais qui mieux que lui connaît les mouillages et les populations locales ?
00:30:58Alors qu'il doit photographier des installations ennemies, il est inquiété à Mokka.
00:31:10Nous jetons l'encre devant un amas de ruines lamentables.
00:31:14C'est comme une ville fantôme.
00:31:17Et j'attends l'apparition d'êtres fantastiques, de spectres, d'un autre âge.
00:31:20Une espèce d'arabe bardé de poignards et de cartouches et armé d'un Remington nous demande nos papiers.
00:31:30C'est un soldat turc, probablement.
00:31:33Il nous dit de le suivre.
00:31:37Montfred s'en sortira indemne après l'avoir échappé Belle.
00:31:44Il arrive à destination.
00:31:46Le golfe de Suez.
00:31:50Il cache sa cargaison de hachiche sur une île à proximité.
00:31:59Armgard l'attend en Égypte.
00:32:02Marié depuis un an, mais vivant sur deux continents,
00:32:05il se retrouve enfin pour leur voyage de noces.
00:32:12Tandis qu'il la mitraille avec son appareil photo,
00:32:15elle comprend qu'elle lui sert de couverture
00:32:17afin qu'il puisse écouler son hachiche de contrebande auprès de réseaux locaux.
00:32:28Armgard, la courageuse, se compromet une fois de plus.
00:32:32Elle a déjà quitté son salon bourgeois et feutré
00:32:42pour épouser un hurluberlu qui vit à des milliers de kilomètres d'elle.
00:32:48Alors, devenir complice d'un trafiquant de drogue l'amuse plus que cela ne l'effraie.
00:32:52Les larmes seront pour plus tard.
00:33:08Ces semaines qu'il passe amoureusement au Caire
00:33:11sont sans doute les plus heureuses de l'existence d'Armgard.
00:33:14Alors qu'à la nuit tombée,
00:33:19Montfred vend sa marchandise à la barbe des Anglais.
00:33:33En 1916, le couple s'installe enfin ensemble à Hobok.
00:33:37Dans ce village côtier, en face de Djibouti,
00:33:45Montfred peut contourner la douane
00:33:47et amarrer son bateau à l'abri des regards.
00:33:51Leur fille Gisèle grandit,
00:33:54bientôt suivie par Amélie,
00:33:56puis Daniel.
00:33:58Montfred photographie sa vie de famille
00:34:01comme s'il voulait retenir ses moments précieux,
00:34:04preuve tangible de leur vie si singulière.
00:34:10À Hobok, lieu de refuge familial,
00:34:14les enfants vivent loin de leur père,
00:34:16trop occupés par ses trafics en tout genre,
00:34:18sa passion pour la mer
00:34:20et sa nouvelle obsession,
00:34:23le grand chantier de l'Altaïr.
00:34:25Il a entièrement dessiné ce bateau hybride
00:34:34qui associe un grémant breton
00:34:36pour tenir contre les vents
00:34:37à une coque de boutre arabe
00:34:40pour l'élancement des lignes.
00:34:45Montfred se révèle un architecte naval d'exception.
00:34:48Il récupère du métal et des clous
00:34:54sur de vieilles épaves
00:34:55et envoie ses ouvriers d'Ankali
00:34:58chercher le bois au fin fond de la forêt.
00:35:02Il paie le matériel,
00:35:04les ouvriers, les charpentiers.
00:35:10Montfred est prêt à tous les efforts
00:35:12pour que son bateau voit le jour.
00:35:14La volupté des premiers pas sur le pont,
00:35:25la profondeur de la cale vide
00:35:26où rien n'est encore aménagé,
00:35:29tout cela me grise.
00:35:31Mon navire me paraît énorme,
00:35:33invincible.
00:35:34Je l'aime comme une partie de moi-même.
00:35:40Les années passent.
00:35:42Daniel, dont la naissance
00:35:44avait été prédite par un marabout,
00:35:46est musulman,
00:35:48circoncis
00:35:48et fréquente l'école coranique.
00:35:52Montfred emmène parfois Gisèle
00:35:53dans ses voyages d'affaires
00:35:55et apprend à Daniel à naviguer.
00:36:09Pour fuir les 48 degrés
00:36:11à l'ombre d'Aubok,
00:36:12Montfred installe sa famille
00:36:14l'été sur les plateaux du Harare,
00:36:17à Araoué.
00:36:24Grâce aux hachiches,
00:36:26il a fait fortune.
00:36:32Il blanchit son argent
00:36:34en investissant dans une exploitation agricole,
00:36:36une usine électrique
00:36:38et une minoterie.
00:36:43L'aventurier en quête d'absolu
00:36:46s'est transformé en industriel.
00:36:48à 45 ans,
00:36:57il est désormais propriétaire
00:36:58et sédentaire.
00:37:00Il acquiert un vaste domaine
00:37:02où son père,
00:37:03Georges Daniel,
00:37:05lui rend enfin visite
00:37:06depuis 15 ans qu'il est parti.
00:37:12Montfred construit son Éden,
00:37:14un jardin luxuriant
00:37:16ou se côtoie
00:37:17dans un apparent bonheur,
00:37:20famille
00:37:20et employé.
00:37:36Il s'est fait aimer des Éthiopiens
00:37:38en s'habillant comme eux,
00:37:39en parlant comme eux
00:37:41et en pratiquant
00:37:42la même religion qu'eux.
00:37:46Était-ce dans le but
00:37:47de mieux les dominer ?
00:37:50Il écrit à propos de celui
00:37:57qu'il appelle son fidèle Gabré,
00:38:00« J'ai en lui un véritable esclave,
00:38:03car le terme de serviteur
00:38:04ne serait pas exact.
00:38:07Et je m'y suis attaché
00:38:08comme à un bon chien. »
00:38:13Montfred se comporte-t-il
00:38:15comme ces coloniaux
00:38:16qu'il déteste tant ?
00:38:19Dans son havre de paix,
00:38:26celui qui porte désormais
00:38:27une chemise blanche
00:38:28et se fait servir le thé
00:38:30a envie d'écrire un livre.
00:38:34Armgard, convaincu de son talent,
00:38:35l'encourage,
00:38:37mais il lui confie.
00:38:39Les projets littéraires
00:38:40à la réflexion me laissent froid.
00:38:42À quoi bon ?
00:38:44Amuser le public ?
00:38:45Je n'y tiens pas.
00:38:47Je ne vaux que
00:38:48parce que j'ai vécu,
00:38:49mais pour le reste,
00:38:50je suis un médiocre,
00:38:52car je ne sais exprimer
00:38:53ce que je pense.
00:38:54Alors cette impuissance
00:38:56me décourage.
00:38:56En 1930,
00:39:03une rencontre
00:39:04va bouleverser
00:39:05son existence.
00:39:07Joseph Kessel,
00:39:09célèbre journaliste
00:39:10et écrivain,
00:39:11a eu vent
00:39:11de cet aventurier fou,
00:39:13grand connaisseur
00:39:14de la corne de l'Afrique
00:39:15et des populations locales.
00:39:18Il prépare un reportage
00:39:20sur les derniers marchands
00:39:21d'esclaves en Éthiopie,
00:39:23au Yémen
00:39:23et au Ejaz.
00:39:25Montfred accepte
00:39:28de le guider
00:39:29dans ce périple
00:39:29à haut risque,
00:39:31alors que le gouverneur
00:39:32de Djibouti,
00:39:33Chapombésac,
00:39:35s'oppose
00:39:35à l'expédition.
00:39:43Il traverse
00:39:44ensemble
00:39:44les plateaux
00:39:45du Harar,
00:39:46la brousse
00:39:47éthiopienne,
00:39:48le désert,
00:39:49les étendues
00:39:50de pierres
00:39:51hantées
00:39:51et entre
00:39:52au Yémen,
00:39:54point culminant
00:39:55de l'enquête.
00:40:00Kessel publie
00:40:01à la une du matin
00:40:0220 articles
00:40:03qui dénoncent
00:40:04la traite
00:40:04des esclaves.
00:40:08Dans l'un d'entre eux,
00:40:10il rend hommage
00:40:11à Montfred
00:40:12et crée
00:40:13instantanément
00:40:14son mythe.
00:40:17Kessel le décrit
00:40:18ainsi.
00:40:18il a inspiré
00:40:20une légende
00:40:21sur les côtes
00:40:21tragiques
00:40:22de la mer Rouge.
00:40:25Ses yeux
00:40:25d'un bleu intense
00:40:26sous des sourcils
00:40:27noirs
00:40:27font songer
00:40:28à la fois
00:40:29à la brousse
00:40:29et à la mer.
00:40:34Il est d'ailleurs
00:40:35que les autres hommes.
00:40:36dès le premier coup
00:40:38d'œil
00:40:38on reconnaît
00:40:38que son vrai
00:40:39vêtement
00:40:39c'est le feu
00:40:41du soleil
00:40:41le vent
00:40:42du large.
00:40:48Montfred
00:40:49avait donné
00:40:49à Kessel
00:40:50ses journaux
00:40:50de bord.
00:40:52Vous qui faites
00:40:53des livres
00:40:53peut-être
00:40:54y trouverez-vous
00:40:55matière à en écrire.
00:40:57Il me les rendit
00:40:58après une nuit
00:40:59de lecture
00:40:59en me disant
00:41:00ce serait un plagiat
00:41:01il faut les publier.
00:41:06Il venait
00:41:07de me révéler
00:41:07à moi-même.
00:41:11Grâce à Kessel
00:41:12Montfred
00:41:13devient écrivain.
00:41:15En 1931
00:41:17il signe
00:41:17son livre fondateur
00:41:19Les secrets
00:41:20de la mer rouge
00:41:21Carm Gart
00:41:22a relu
00:41:22et corrigé.
00:41:26Le succès
00:41:27de son roman
00:41:27d'aventure
00:41:28est phénoménal.
00:41:32Évidemment
00:41:32quand je parle
00:41:33de la mer
00:41:34je le fais autrement
00:41:35qu'un chef de rayon
00:41:36du bon marché.
00:41:39Sa consécration
00:41:40lui donne des ailes
00:41:41pour écrire.
00:41:44Il n'aura
00:41:44de cesse
00:41:44de nourrir
00:41:45son propre mythe
00:41:46dans ses 74
00:41:47romans d'aventure
00:41:48dont il est
00:41:49le héros invincible.
00:41:52Il mêle
00:41:53tant de fiction
00:41:53à ses récits
00:41:54autobiographiques
00:41:55qu'il est impossible
00:41:56d'y déceler
00:41:57sa vérité.
00:41:58Gabriel Mono-Herzon
00:42:10physicien
00:42:11et aventurier
00:42:12baroque
00:42:13le filme
00:42:13pendant plusieurs semaines.
00:42:16Il le met en scène
00:42:17avec son équipage
00:42:18dans une séquence
00:42:19où ils se font
00:42:20dérober du bois.
00:42:21Montfred est-il parti
00:42:35de cet épisode
00:42:36pour imaginer
00:42:36un récit
00:42:37où il poursuit
00:42:38des pirates
00:42:39et met le feu
00:42:40à leur navire ?
00:42:41Alors une flamme
00:42:51verdâtre
00:42:52jaillit
00:42:52au centre
00:42:53du bateau
00:42:54en même temps
00:42:55que la détonation
00:42:55sèche
00:42:56de la dynamite.
00:43:00En quelques secondes
00:43:01le zarogue
00:43:01coule
00:43:02et tout
00:43:02ce qui vivait
00:43:03à bord
00:43:04nage.
00:43:05Les hommes
00:43:09se chargent
00:43:10d'en faire
00:43:10une légende épique
00:43:11qui fera son chemin
00:43:12de bouche en bouche.
00:43:15C'est le début
00:43:15de cette interminable légende
00:43:17qui est attachée
00:43:18à mon nom
00:43:19et qu'enrichit
00:43:20tous les jours
00:43:21l'imagination
00:43:22des conteurs.
00:43:27Montfred
00:43:27L'orgueilleux
00:43:29L'écriture
00:43:32est devenue
00:43:32son nouvel
00:43:32espace d'aventure
00:43:34où il décrit
00:43:35un monde
00:43:35inaccessible
00:43:36à ses lecteurs.
00:43:45Le sorcier
00:43:46découvre la plaie
00:43:47en prononçant
00:43:48les premières paroles
00:43:49de la fatwa.
00:43:54L'opérateur
00:43:55plonge la main
00:43:56toute luisante
00:43:56de peur
00:43:57dans cette
00:43:58plaie saignante.
00:44:01Le sorcier
00:44:02prend alors
00:44:02délicatement
00:44:03par le ventre
00:44:04les termites
00:44:05qu'on lui présente.
00:44:07Il présente
00:44:08à ses pinces
00:44:08naturelles
00:44:09les deux peaux
00:44:10mortes
00:44:11à réunir.
00:44:12L'insecte
00:44:13mort
00:44:14et aussitôt
00:44:15le sorcier
00:44:16lui coupe
00:44:17le ventre.
00:44:19La tête
00:44:19reste figée.
00:44:21C'est le premier
00:44:22point de suture.
00:44:28Pendant que
00:44:28son mari
00:44:29peaufine
00:44:29sa légende,
00:44:31Armgard
00:44:31devient
00:44:32l'ombre
00:44:32d'elle-même.
00:44:35Elle élève
00:44:36seule
00:44:36leurs trois
00:44:37enfants
00:44:37entre
00:44:37Hobock
00:44:38et Araoué.
00:44:39Montfred
00:44:41l'a initiée
00:44:42à l'opium.
00:44:43Elle en devient
00:44:43dépendante
00:44:44et souffre
00:44:45de dépression.
00:44:47Elle écrit
00:44:48dans son journal
00:44:49« D'où vient
00:44:51cette horrible
00:44:52tristesse
00:44:53qui a envahi
00:44:54tout mon être ?
00:44:55L'idée
00:44:56de me détruire
00:44:56me hante.
00:44:59Montfred
00:44:59lui promet
00:45:00à chaque voyage
00:45:01que ce sera
00:45:02le dernier.
00:45:04C'est un
00:45:04vœu pieux. »
00:45:10Un jour
00:45:11de 1932,
00:45:12de retour
00:45:12du Caire,
00:45:14il découvre
00:45:14Araoué
00:45:15déserté.
00:45:19Armgard
00:45:23et les enfants
00:45:24sont rentrés
00:45:24en France,
00:45:25à Paris,
00:45:26dans une maison
00:45:27qu'ils trouvent
00:45:28glaciale.
00:45:35Montfred
00:45:36est complètement
00:45:37abattu.
00:45:38Le personnage
00:45:39fictif
00:45:40de ses romans,
00:45:41l'aventurier
00:45:42flamboyant
00:45:42fait place
00:45:43au personnage
00:45:43réel.
00:45:46Armgard
00:45:47était son pilier.
00:45:49sa confidente
00:45:50se serait-il
00:45:51attaché à elle
00:45:52plus qu'il ne le pensait.
00:45:58Il projette
00:45:59dans la nature
00:46:00son humeur.
00:46:03Je m'enfuis
00:46:03m'asseoir
00:46:04en bord
00:46:04de la falaise,
00:46:05ma chemise
00:46:06ouverte
00:46:06dans le vent
00:46:07chaud et sec.
00:46:09Je me sens
00:46:10chez moi
00:46:10à côté
00:46:11de ce buisson
00:46:11qui fait chanter
00:46:12le vent
00:46:13sur cette terre
00:46:14tiède.
00:46:14ma seule joie
00:46:20est de m'enfoncer
00:46:22dans l'immensité
00:46:23et la toute-puissance
00:46:25de la matière.
00:46:28Un peu comme
00:46:29le croyant
00:46:30se perd tout entier
00:46:31dans l'adoration
00:46:32de Dieu.
00:46:34Crois-moi,
00:46:36c'est la seule chose
00:46:37qui donne la quiétude
00:46:38quand on sent
00:46:39monter l'ombre
00:46:40du soir
00:46:40de la vie.
00:46:46L'isolement
00:46:47dans la nature
00:46:48me séduit
00:46:49et m'attire.
00:46:56C'est peut-être
00:46:57la raison
00:46:57de ma vie
00:46:58parmi les noirs.
00:46:59Ces hommes
00:47:00sont assez loin
00:47:00de moi
00:47:01pour n'être
00:47:01qu'un élément
00:47:02de cette nature
00:47:03éternelle,
00:47:04indifférente
00:47:05et implacable
00:47:06comme la mer
00:47:08ou le désert.
00:47:10Montfred
00:47:14est partout
00:47:14en exil.
00:47:16En Afrique,
00:47:17loin de la France
00:47:18et loin des Africains
00:47:20qu'il sait
00:47:20au plus profond
00:47:21de lui-même
00:47:22inaccessible.
00:47:27Alors qu'il fait
00:47:28l'aveu de sa solitude
00:47:29parmi les hommes,
00:47:31à 6000 kilomètres
00:47:32de là,
00:47:33son père,
00:47:34Georges Daniel,
00:47:35s'éteint.
00:47:36Et le sort
00:47:41s'acharne.
00:47:42Il ne tire plus
00:47:43un sou
00:47:43de ses usines.
00:47:45Il met l'Altaïr
00:47:45aux enchères.
00:47:47Il a le cœur brisé.
00:47:49Armgard ne reviendra pas,
00:47:51mais il continue
00:47:52à lui écrire.
00:47:54Sa vie
00:47:55est de plus en plus sombre,
00:47:57de plus en plus amère.
00:47:59C'est la nuit d'hiver
00:48:00qui couvre tout
00:48:01de son linceul froid.
00:48:03aurait-il perdu
00:48:06sa capacité
00:48:07d'émerveillement ?
00:48:10Le ciel
00:48:11s'assombrit encore
00:48:13lorsque Montfred
00:48:14est suspecté
00:48:15d'avoir assassiné
00:48:15un homme
00:48:16qui gênait
00:48:17ses multiples trafics.
00:48:19Acquitté,
00:48:20faute de preuve,
00:48:21il doit néanmoins
00:48:22quitter les affaires.
00:48:24Grâce à sa notoriété,
00:48:26il devient journaliste.
00:48:28En 1933,
00:48:30il publie
00:48:30dans Le Petit Parisien,
00:48:32diffusé à un million
00:48:33d'exemplaires
00:48:33des articles
00:48:35sur les conditions
00:48:36de vie
00:48:36des Éthiopiens.
00:48:38Il dénonce
00:48:39la politique
00:48:40du dernier empereur,
00:48:41Aïlé Sélassier,
00:48:42autoproclamé
00:48:43roi des rois.
00:48:48Son aura
00:48:48est messianique
00:48:49du fait
00:48:49de sa prétendue
00:48:50ascendance
00:48:50avec la reine
00:48:51de Saba.
00:48:54Couronné
00:48:55empereur
00:48:55en 1930,
00:48:57le Négus
00:48:58a adhéré
00:48:58à la Société
00:48:59des Nations,
00:49:00l'organisation
00:49:01internationale
00:49:02créée en 1919
00:49:03pour préserver
00:49:05la paix.
00:49:07Il veut
00:49:07transformer
00:49:07à marche forcée
00:49:09l'Éthiopie
00:49:10et ses
00:49:11nombreuses tribus.
00:49:16Dans ses articles,
00:49:18Montfred décrit
00:49:19la pauvreté,
00:49:20la famine,
00:49:22les mœurs
00:49:22et la justice
00:49:23féodale,
00:49:24l'esclavage,
00:49:25les châtiments
00:49:26corporelles
00:49:26comme les doigts
00:49:27et les mains
00:49:28coupées.
00:49:31Il pense
00:49:32avec orgueil
00:49:32et naïveté
00:49:33peser sur la politique
00:49:34intérieure
00:49:35du Négus,
00:49:36mais Sélassier,
00:49:38furieux,
00:49:39saisit sa propriété
00:49:40d'Araoué,
00:49:41ses usines
00:49:42et le banni
00:49:43d'Éthiopie.
00:49:47Montfred rentre
00:49:48en France
00:49:49avec une seule idée
00:49:50en tête,
00:49:51repartir.
00:49:52Armgard qu'il retrouve
00:49:55s'effondre.
00:49:56De quoi
00:49:57vont-ils vivre ?
00:50:00Montfred a pour seule
00:50:02source de revenus
00:50:03sa plume
00:50:03et ses photographies
00:50:04qu'il a peintes
00:50:05pendant toute sa vie.
00:50:07Pour se venger,
00:50:09il continue de publier
00:50:10des articles incendiaires
00:50:11sur les exactions
00:50:12de celui
00:50:13qui est devenu
00:50:14son ennemi personnel.
00:50:22Il profite
00:50:32de sa popularité
00:50:33pour raconter
00:50:34ses péripéties
00:50:35en donnant
00:50:36des conférences
00:50:36à tour de bras
00:50:37qu'il prépare
00:50:38grâce à un storyboard
00:50:40où il met en scène
00:50:41l'exotisme
00:50:42de ses aventures.
00:50:43Les secrets
00:50:54de la mer rouge
00:50:55est adapté
00:50:56pour le cinéma.
00:50:58Montfred y joue
00:50:59son propre rôle.
00:51:02Mais à 56 ans,
00:51:04cet accomplissement
00:51:04ne comble
00:51:05ni la perte
00:51:05de ses biens
00:51:06ni sa nostalgie
00:51:08de la Bissignie.
00:51:13C'est alors
00:51:17qu'il se rapproche
00:51:17dangereusement
00:51:18de Benito Mussolini.
00:51:23Le dictateur
00:51:24fasciste italien
00:51:25rêve de conquérir
00:51:26l'Ethiopie
00:51:27pour satisfaire
00:51:27ses aspirations
00:51:28coloniales
00:51:30et profiter
00:51:30de ses richesses
00:51:31naturelles.
00:51:34Montfred y voit
00:51:36l'occasion inespérée
00:51:37de récupérer
00:51:37ses biens.
00:51:43Il devient correspondant
00:51:48pour Paris Soir
00:51:49et couvre le conflit
00:51:51qui s'ouvre
00:51:51en Éthiopie
00:51:52le 4 octobre 1935.
00:52:00Dans son livre
00:52:01« Guerrier de l'Ogadène »,
00:52:03il glorifie
00:52:03l'expédition italienne
00:52:05et prône
00:52:05pour l'Abbissignie
00:52:06un nouvel ordre
00:52:07fasciste.
00:52:09Montfred
00:52:10entre dans la période
00:52:11la plus sombre
00:52:12de son histoire.
00:52:13Célassier
00:52:19décrète
00:52:19la mobilisation générale.
00:52:24500 000
00:52:25Éthiopiens
00:52:26s'engagent
00:52:26alors qu'ils sont
00:52:27très largement
00:52:28sous-équipés.
00:52:38Montfred
00:52:39photographe de guerre
00:52:40est enfin
00:52:41de retour
00:52:42en Éthiopie.
00:52:43Les Italiens
00:52:47le considèrent
00:52:47comme un interlocuteur
00:52:48privilégié
00:52:49du fait
00:52:50de sa connaissance
00:52:50du terrain.
00:52:52Il devient
00:52:52interprète
00:52:53et informateur
00:52:54auprès des troupes
00:52:55du général
00:52:55Graziani.
00:52:59Une amitié sincère
00:53:00se noue
00:53:01avec celui
00:53:01qui sera qualifié
00:53:02de boucher
00:53:04de boucher
00:53:04de l'Éthiopie.
00:53:06Graziani
00:53:06lui décernera
00:53:08la croix de guerre.
00:53:09L'offensive italienne
00:53:14est un véritable carnage.
00:53:17À bord d'un avion
00:53:18de reconnaissance,
00:53:19Montfred est témoin
00:53:20des missions aériennes.
00:53:29Il s'était émerveillé
00:53:31des beautés
00:53:31de la corne
00:53:32de l'Afrique.
00:53:34Il assiste
00:53:35désormais
00:53:35à la destruction
00:53:36de tout ce qu'il a aimé.
00:53:38est-il devenu fou ?
00:53:49L'Italie victorieuse,
00:53:54c'est l'acier
00:53:55doit fuir
00:53:56en Angleterre.
00:53:59Montfred retrouve
00:54:00sa propriété
00:54:00et ses usines
00:54:01mais il ne rentre
00:54:03pas seul.
00:54:05Pendant le tournage
00:54:06des secrets
00:54:06de la mer Rouge,
00:54:08il est tombé
00:54:08fou amoureux
00:54:09de la scripte,
00:54:10Madeleine Villaroge
00:54:11qui, malgré
00:54:12ses 24 ans
00:54:13de moins que lui,
00:54:14accepte de le suivre.
00:54:24Il a gagné
00:54:25sa bataille
00:54:26contre Sélacier.
00:54:27Néanmoins,
00:54:28il écrit
00:54:29qu'une drôle
00:54:30d'angoisse
00:54:31le suit
00:54:31comme l'ombre
00:54:32d'un malheur.
00:54:36Armgard,
00:54:36devenu complètement
00:54:37opiomane
00:54:38pour soulager
00:54:38sa mélancolie
00:54:39sombre
00:54:40et meurt
00:54:41à 51 ans
00:54:42à Paris,
00:54:44entouré
00:54:44de ses enfants.
00:54:47Il n'assiste pas
00:54:48à son enterrement.
00:54:51Sa plus fidèle alliée
00:54:53est morte
00:54:53d'abandon
00:54:54et d'épuisement.
00:54:58Elle avait écrit
00:54:59dans son journal
00:55:00à son attention
00:55:01« Comprendras-tu
00:55:04comprendras-tu la tristesse
00:55:05d'une femme
00:55:05d'une femme qui t'aime
00:55:06et qui t'attend,
00:55:08qui prend une laine blanche,
00:55:10une mouette,
00:55:11un rien du tout
00:55:12pour la mâture
00:55:12de ton bateau,
00:55:17qui voudrait voler
00:55:18sur la pointe
00:55:19du ras-bière
00:55:20pour voir
00:55:21si tu n'es pas
00:55:22derrière
00:55:22en vue.
00:55:23Comme une petite fille,
00:55:30j'ai tant de fois
00:55:31marmotté cette prière,
00:55:33ce vœu insensé.
00:55:36Bon Dieu,
00:55:38laisse revenir mon mari,
00:55:40cette fois encore,
00:55:42cette fois seulement.
00:55:43où se loge
00:55:58sa tristesse
00:55:59et son deuil
00:56:00alors qu'il vit
00:56:01sa passion
00:56:01avec Madeleine
00:56:02dans son jardin d'Éden.
00:56:11Pendant que le monde
00:56:12s'effondre
00:56:13avec la Seconde Guerre mondiale,
00:56:15ils partagent
00:56:15une existence recluse.
00:56:20Montfred continue
00:56:21d'écrire ses récits
00:56:22et récupère
00:56:23l'argent
00:56:23de ses usines.
00:56:30En 1941,
00:56:32les Anglais
00:56:32chassent
00:56:32les Italiens
00:56:33d'Éthiopie.
00:56:37Célacier,
00:56:38de retour au pouvoir,
00:56:39organise
00:56:39plusieurs attentats
00:56:40contre le couple.
00:56:43ils en réchappent
00:56:44miraculeusement,
00:56:45notamment grâce
00:56:46à leur
00:56:46mangouste
00:56:47Ruiki
00:56:47qui donne l'alerte.
00:56:52Mais un an plus tard,
00:56:53leur vie bascule.
00:56:55Montfred,
00:56:56suspecté d'intelligence
00:56:57avec l'ennemi,
00:56:58est arrêté
00:56:58par les Anglais.
00:57:01Il est transféré
00:57:01à 63 ans
00:57:03dans un camp
00:57:04de prisonniers
00:57:04au pied du Mont Kenya.
00:57:06Il souffre
00:57:10de son isolement
00:57:10et de sa séparation
00:57:12avec Madeleine.
00:57:17Je ne savais pas
00:57:18combien j'aimais
00:57:18profondément.
00:57:20Et du même coup,
00:57:21j'ai compris que
00:57:22c'était pour la première fois.
00:57:24De tels amours
00:57:25tardifs sont terribles.
00:57:26Elles débordent
00:57:27les limites de l'être
00:57:28et reportent sur l'autre
00:57:30toute raison de vivre.
00:57:32L'aventurier
00:57:34à la vie frondeuse
00:57:35si épris de liberté
00:57:37est en train de mourir.
00:57:41Personne ne fera un geste,
00:57:43ne dira un mot
00:57:43capable d'arrêter
00:57:44ou seulement
00:57:45d'amortir
00:57:46la brutalité
00:57:47de ma chute vertigineuse.
00:57:55J'assiste toujours
00:57:57à l'agonie
00:57:58de ma personnalité
00:57:59quand je regarde
00:58:01d'un vêtement
00:58:02ou quelques objets
00:58:03familiers
00:58:03de ma vie passée.
00:58:05J'ai l'impression
00:58:06douloureuse
00:58:06de retrouver
00:58:07ceux d'un mort.
00:58:09Je suis
00:58:09le mort conscient
00:58:11du tombeau.
00:58:21Un séisme intérieur
00:58:22le traverse.
00:58:24Il découvre
00:58:25que les autres
00:58:26existent.
00:58:28La fraternité
00:58:28des prisonniers
00:58:29l'a touchée.
00:58:35La détention
00:58:37l'humanise.
00:58:39Manfred,
00:58:39le misanthrope,
00:58:40a rejoint
00:58:40le troupeau
00:58:41qu'il méprisait
00:58:43tant.
00:58:51Manfred
00:58:51est libéré
00:58:52en 1943
00:58:53grâce à un non-lieu.
00:58:56Encore un.
00:58:57Cependant,
00:58:58il attend 1947
00:58:59pour rentrer en France
00:59:01où il a peur
00:59:02d'être inquiété.
00:59:06Il s'installe
00:59:07avec Madeleine
00:59:07et leur chacal
00:59:08dans le Berry,
00:59:10loin de la vie
00:59:10en société.
00:59:14Il alimentera
00:59:15son mythe
00:59:16jusqu'à son dernier souffle.
00:59:17J'ai un âge
00:59:21assez avancé,
00:59:22je n'ose pas le dire,
00:59:23ça se voit
00:59:23assez en me regardant,
00:59:24ça suffit.
00:59:25Eh bien,
00:59:26je l'oublie,
00:59:28je ne veux pas
00:59:28le savoir
00:59:28et je ne songe
00:59:30qu'à une chose
00:59:31maintenant
00:59:31de repartir là-bas.
00:59:34S'il meurt
00:59:35dans son lit
00:59:36à 95 ans
00:59:37sans avoir pu
00:59:37retourner en Abyssinie,
00:59:40son âme
00:59:40n'est-elle pas
00:59:41restée là-bas,
00:59:42sur les rives
00:59:43de la mer Rouge ?
00:59:45À la fin de sa vie,
00:59:48il écrivit
00:59:49cette histoire
00:59:50comme si cet oiseau noir
00:59:52était une métaphore
00:59:53de lui-même.
00:59:56Tandis que je regardais
00:59:57défiler lentement
00:59:58ces paysages dantesques,
01:00:01j'ai senti un souffle
01:00:02qui n'était pas celui
01:00:03d'une brise
01:00:03et,
01:00:05levant la tête,
01:00:06je vis tournoyer
01:00:07dans la grand voile
01:00:08un oiseau noir
01:00:10que les marins
01:00:10redoutent et vénèrent
01:00:11comme l'incarnation
01:00:12d'une âme errante.
01:00:15Je me souviens
01:00:16d'un soir
01:00:17où l'un d'eux
01:00:18s'étant posé
01:00:19sur mon épaule,
01:00:20je le pris
01:00:21délicatement
01:00:21à la main.
01:00:23Je n'ai pu oublier
01:00:24l'étrange impression
01:00:25que me fit
01:00:26son extrême légèreté.
01:00:32C'était vraiment
01:00:33une ombre d'oiseau,
01:00:35un fantôme,
01:00:36un être immatériel.
01:00:38Et je ne pus
01:00:39me défendre
01:00:40d'une crainte
01:00:41superstitieuse
01:00:42comme si mon geste
01:00:43eût été sacrilège.
01:00:45Mes marins
01:00:47me regardaient
01:00:48effrayé
01:00:49car aucun d'eux
01:00:50n'aurait osé
01:00:50retenir cet oiseau
01:00:51de l'Empire des Morts.
01:00:54À quelques distances,
01:00:57nous découvrons
01:00:57le cadavre
01:00:58d'un homme
01:00:59à peu près nu.
01:01:01Mes hommes
01:01:01ne doutaient pas
01:01:02que ce fut
01:01:03l'âme errante
01:01:04de cet homme
01:01:04qui tout à l'heure
01:01:06était venu
01:01:07sous la forme
01:01:07de l'oiseau noir
01:01:08nous demander
01:01:09sa sépulture.
01:01:10de l'Empire
01:01:12de l'Empire
01:01:13de l'Empire
01:01:15de l'Empire
01:01:16de l'Empire
01:01:16Sous-titrage FR ?
01:01:46Tout de suite.
Seja a primeira pessoa a comentar
Adicionar seu comentário

Recomendado