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00:00Bonjour et bienvenue en Tête à Tête sur France 24.
00:12Notre invité cette semaine est Thiemann Hubert Koulibaly.
00:15Il est ancien ministre malien des Affaires étrangères et de la Défense.
00:19Il est exilé en Côte d'Ivoire depuis le coup d'État et il est avec nous depuis Abidjan.
00:25Merci beaucoup.
00:27C'est moi qui vous remercie.
00:30Avant d'en venir aux enjeux sécuritaires qui secouent le Mali et la région plus largement,
00:36je vais évoquer un drame qui a profondément ému le pays, celui de Mariam Sissé,
00:41une jeune influenceuse qui a été fusillée sur la place centrale de son village de Tonka,
00:47c'est dans le nord du pays, près de Tombouctou,
00:50par des membres présumés du groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, le Jnim,
00:55qui lui reprochait de collaborer avec l'armée malienne.
00:59Votre réaction à ce drame et à l'émotion suscitée au Mali ?
01:03Vous dites bien que c'est un drame et c'est juste cette jeune femme innocente et naïve
01:14qui, comme beaucoup de jeunes hommes et femmes de son âge très actifs sur les réseaux sociaux,
01:25pensait bien faire, d'exprimer son soutien pour l'armée malienne
01:31et certainement d'encourager les soldats qui sont projetés dans le centre du Mali.
01:36Bref, elle pensait mener des actions que n'importe quel jeune patriote
01:42ou en tout cas sentant le besoin d'être à côté de son armée pourrait faire.
01:47Et elle ne savait pas qu'au bout de cet exercice innocent,
01:53la mort l'attendrait d'une manière aussi cruelle et spectaculaire.
01:59Mais vous comprenez, c'est le procédé des terroristes que de donner des exemples comme ça
02:07de manière à faire taire tout le monde.
02:08Alors, c'est symptomatique d'une situation sécuritaire passée hors contrôle.
02:15Et nous sommes en droit de nous demander qui pourrait protéger les citoyens
02:21qui, de manière, comme je le disais, innocente, pensent devoir et pouvoir s'exprimer
02:27parce que l'espace public est fait pour ça.
02:31Donc, d'un côté, vous avez des Maliens qui sont pris entre deux feux.
02:36Celui des groupes armés terroristes et puis d'autres qui sont pris sous le feu de l'agente militaire.
02:47Alors, vous voyez ce piège extraordinaire qui s'est refermé sur les Maliens.
02:56Mariam, si c'est jeune femme tuée publiquement,
03:00nous devrions y ajouter toutes ces jeunes femmes qui sont enlevées de manière régulière
03:09sous prétexte d'aller faire la lessive ou la cuisine pour des groupes armés
03:14et qui sont certainement abusées.
03:17Et beaucoup de jeunes femmes dans le centre du Mali et ailleurs ont subi des viols,
03:25des groupes armés, mais aussi des mercenaires qui sont embauchés par le gouvernement malien.
03:32Et donc, notre pays est devenu, en quelques années, une espèce de no man's land juridique.
03:40Aucun droit humain n'y est respecté.
03:43Et comme je vous le disais, nous sommes en droit de nous poser la question
03:47de qui pourrait protéger ceux qui, aujourd'hui, se font le devoir de soutenir notre armée
03:55ou se font le devoir, en tout cas, de soutenir une cause nationale.
03:59Alors, depuis le mois de septembre, le JNIM, qui est affilié à Al-Qaïda, je le rappelle,
04:04mène ce qu'on peut décrire comme une stratégie d'étranglement de l'économie malienne.
04:08Malienne, elle impose des blocus sur les convois de carburant, sur plusieurs localités.
04:13Et dans une vidéo publiée fin octobre, ils annoncent que tous les axes autour de Bamako
04:19sont considérés comme des zones de guerre.
04:22On a vu des pénuries de carburant, des fermetures des écoles.
04:26Est-ce que les djihadistes sont en train de gagner la guerre, petit à petit, au Mali ?
04:32D'un point de vue opérationnel, c'est effectivement très difficile pour l'armée malienne.
04:36Vous vous souvenez, Marc, vous m'aviez interviewé il y a, je pense, il y a bientôt un an,
04:43quand une attaque a été portée contre la gendarmerie, puis contre l'aéroport de Bamako.
04:51Et je vous avais dit, lors de cette interview, que je préconisais un dialogue
04:58entre l'État malien et les groupes armés qui sont animés par les Maliens,
05:04en excluant de ce débat tout groupe dirigé ou animé par des étrangers.
05:10Aujourd'hui, je pense qu'il n'est pas encore trop tard pour que ce gouvernement,
05:20bien que je le trouve tout à fait incompétent, puisse écouter la voix de la raison,
05:27parce que beaucoup de gens le disent, je ne suis pas le seul.
05:30Beaucoup de gens qui ont souci du Mali, qui ont souci de son avenir, de sa jeunesse, le disent.
05:35Il faut trouver les moyens d'engager un dialogue avec les acteurs qui sont capables de le faire
05:42et de donner une chance à une vie nationale débarrassée de cette violence aveugle.
05:49Parce que ce que vous dites, est-ce que le JNIM gagne la guerre, ça, je ne peux pas l'affirmer.
05:56Ce que je puis affirmer, c'est que les choix sécuritaires qui ont été faits par ce gouvernement malien
06:07n'ont pas été pertinents, ni le choix d'abandonner tous les efforts engagés pour la paix dans le cadre de l'accord,
06:21encore moins le recours à des mercenaires étrangers qui, au lieu d'aider à stabiliser le Mali,
06:29ont aggravé les violences et ont commis des actes qui étaient inédits dans notre pays.
06:35Et le résultat est que l'armée est sous une pression inédite.
06:41Et comme vous dites, les principaux corridors d'approvisionnement, notamment la RN1,
06:48par laquelle passent à peu près entre 65 et 70% de nos importations,
06:54les voies d'évacuation du peu que nous exportons, à part l'or qui fait l'objet de gros trafics,
07:02tous ces corridors-là, aujourd'hui, sont des corridors à risque.
07:06Je ne dis pas que Jnime gagne la guerre, mais en tout cas, les solutions proposées par la junte militaire
07:13qui s'est saisie du pouvoir en 2020 sont totalement inefficaces.
07:16– Alors, il est clair, quand même, on a vu les pays occidentaux demander à leurs ressortissants
07:23de quitter le Mali.
07:25Selon le patron des services de renseignement français,
07:28l'objectif des djihadistes est bien la chute de la junte.
07:33Est-ce que, dorénavant, peut-être parce que les mercenaires russes,
07:36c'était Wagner avant, maintenant c'est l'Afrique à Corse,
07:39ont peut-être décidé qu'ils n'allaient plus autant combattre ?
07:42Est-ce qu'on peut, en effet, penser que Bamako pourrait tomber aux mains des djihadistes ?
07:48C'est ce qui avait failli se passer lorsque la France était intervenue.
07:53La France est depuis partie. Est-ce qu'aujourd'hui, c'est réaliste ?
07:55– Dans une telle situation, vous savez, toutes les issues peuvent être analysées.
08:01Plusieurs hypothèses peuvent être émises, encore que la prudence s'impose.
08:10Jnime a certainement une posture qui, de par sa nature asymétrique,
08:22inflige avec peu de moyens de très, très gros dommages,
08:27non seulement à l'armée malienne, mais à l'économie malienne.
08:30Et par ailleurs, d'un point de vue social, il y a une psychose qui s'est installée dans le pays.
08:37Et donc, il est clair qu'aujourd'hui, il y a un danger à laisser cette espèce de harcèlement,
08:49non seulement des forces, mais aussi de harcèlement des acteurs économiques.
08:54Il faut trouver le moyen d'arrêter cela.
08:57Parce qu'autrement, même si jnime, je pense, parce que tenir le siège sur une ville comme Bamako,
09:04militairement, c'est très difficile.
09:06Ça nécessite une chaîne logistique, ça nécessite des dispositions,
09:12dont je doute, sans être un expert super militaire,
09:16mais enfin, je réfléchis un peu à ces questions-là.
09:20Je doute qu'aujourd'hui, et pour, comme certains le disent les semaines à venir,
09:27il y ait une chute de Bamako, entre guillemets,
09:30je pense plutôt qu'une pression va continuer de s'exercer,
09:35et cela pourrait conduire à un désordre général.
09:38Et dans le désordre, tout peut arriver.
09:39C'est déjà assez le désordre.
09:42Donc, encore une fois, je pense que si les tenants du pouvoir à Bamako
09:49avaient gardé un peu d'attention, un peu de bon sens,
09:58il serait grand temps d'envisager une autre voie que celle de la guerre totale.
10:05Et que dire du moral des troupes elles-mêmes ?
10:08Cela aussi, il faut l'analyser.
10:11Je pense qu'il y a eu assez de dissonances cognitives
10:13entre le commandement et les troupes,
10:18parce que le commandement fait plus de politique que de militaires,
10:22et donc, ça crée une situation qui affaiblit l'armée.
10:25Bref, pour répondre à votre question,
10:27est-ce que Jnime gagne la guerre ?
10:29Je ne peux pas l'affirmer.
10:30Ce que je puis encore affirmer, c'est que l'armée malienne est en difficulté.
10:35Est-ce que, pour résumer, vous dites que le général Goïta doit parler à Iyad Akrali ?
10:47Je vous l'avais déjà dit il y a un an.
10:50Iyad Akrali est un Malien.
10:51Donc, il a le droit à l'expression, comme tous les autres Maliens.
10:58Iyad Akrali a sa place dans le Mali.
11:02Mais la violence n'a pas sa place dans le Mali.
11:04D'où qu'elle vient.
11:06Et en cela, le général Goïta,
11:10qui aujourd'hui, de fait, est chef de l'État du Mali,
11:15doit comprendre qu'il doit épargner, non seulement à notre armée,
11:17mais surtout à notre population, plus de souffrance.
11:21Et il est urgent d'ouvrir les voies du dialogue,
11:27de manière à ce que les Maliens se retrouvent.
11:29Et surtout, non seulement parler avec Iyad,
11:32mais je pense reconnaître enfin que les choix qui ont été opérés,
11:38et principalement celui d'inviter des mercenaires
11:41qui ne connaissent pas notre pays,
11:44qui, passez-moi l'expression,
11:48mais qui ne s'en préoccupent pas,
11:51rentrent chez eux,
11:53afin que nous puissions nous occuper de nos problèmes nous-mêmes.
11:57Et c'est cela qu'il faut faire.
11:58Donc, ces deux mesures sont essentielles.
12:01Accepter d'ouvrir un dialogue,
12:04pas que Iyad, il y a d'autres leaders
12:06et d'autres Maliens qui doivent participer à cette conversation nationale,
12:11mais surtout, arrêter cette aventure
12:16avec ces mercenaires russes
12:20qui, aujourd'hui, ont fait plus de mal au Mali qu'autre chose.
12:24Hubert Tiemann-Coulibaly,
12:26merci beaucoup d'avoir répondu aux questions de France 24
12:30depuis Abidjan en Côte d'Ivoire.
12:32Et merci à vous d'avoir suivi cette émission sur nos antennes.
12:36Sous-titrage Société Radio-Canada
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