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  • 2 days ago

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Transcript
00:00Quand j'ai pris la balle, je me souviens très bien de la sensation dans le corps.
00:03C'était tellement pas réel en fait que j'ai rigolé en me disant
00:06« Ah, c'est vraiment comme dans les films ! »
00:08et j'ai rationalisé absolument tout ce qui se passait.
00:10Je me suis dit « Bon, la douleur ne peut pas être une option,
00:13là on oublie, la douleur n'existe pas. »
00:15Je me suis dit « Là, tu te mets en position pour te sécuriser au maximum. »
00:30J'étais très près de la scène,
00:56donc quand celui qui a explosé, j'étais vraiment très près
00:59avec Fraise, on a reçu des morceaux.
01:03Heureusement que c'était un terroriste qui a explosé.
01:06J'ai mis un point d'honneur à sortir de la debout,
01:10alors que je ne savais pas du tout.
01:12J'ai dit « Non, attendez, je vais me lever, je crois que je peux. »
01:15J'ai escaladé le monsieur, je me suis agrippée à lui.
01:19Et en fait, on a fait deux pas et je suis tombée dans les pommes
01:22parce que je pense que j'étais allongée quand même depuis deux heures
01:25en perdant du sang, donc c'était pas...
01:28et je me suis réveillée en passant la porte du Bataclan.
01:31Donc je ne suis pas tombée dans les pommes très longtemps.
01:33J'ai ouvert les yeux au moment où je vois qu'on passe la porte.
01:37Et là, j'ai la sensation, je me dis « Ah, je viens de faire un cauchemar horrible ! »
01:41Mais alors, c'était mes...
01:43Et là, je réalise que ce n'est pas un cauchemar, que ça s'est vraiment passé.
01:45J'étais chez des amis dans le 11e arrondissement, justement, à un dîner.
01:50Et mon téléphone se met à sonner.
01:52Le rédacteur en chef me dit « Est-ce que tu as vu un peu ce qui se passe ? »
01:55Et je suis arrivé devant le Bataclan où la police venait au même moment quasiment que moi.
02:00Moi, je me suis approché du Bataclan parce qu'on ne savait pas vraiment ce qui se passait à l'intérieur.
02:05Et là, il y a un policier qui m'a dit de reculer.
02:06Il m'a dit « Surtout pas, mettez-vous là-bas. »
02:10Et c'est là où j'ai commencé à appeler la rédaction avec mon téléphone portable et à leur faire des directs.
02:16Et j'ai quasiment fait pendant trois heures, toute la soirée, en fait.
02:21Je n'ai pas raccroché mon téléphone parce que nous, on était à la radio passée en édition spéciale.
02:26Et donc, on avait des journaux toute la soirée.
02:29Quand je me suis réveillée à l'hôpital, j'ai eu l'impression de ne pas reconnaître mon corps.
02:32J'ai tout de suite eu l'impression d'être à côté d'un corps et qu'on m'avait mise dans le corps de quelqu'un d'autre que je ne reconnaissais pas.
02:39Il y avait vraiment quelque chose de très étrange comme sentiment.
02:42Même mon odeur avait changé.
02:44Tout d'un coup, il y a une forme de dissociation aussi.
02:46J'avais l'impression d'être double.
02:48Et je pense que c'est pour ça, oui, qu'il y a eu besoin de travailler sur le corps.
02:51Parce que j'ai eu le besoin de me sentir réalignée, donc de réinvestir ce corps qui ne m'appartenait plus.
02:57Et donc de le faire à nouveau mien.
02:59Ce nouveau corps, d'une certaine manière, qui était meurtri, qui avait des douleurs que je ne connaissais pas, qui ne réagissait plus comme d'habitude.
03:05Ce soir du 13 novembre, les attentats, des gens blessés par des blessures de balle, des blessures de guerre en fait,
03:15ça ne s'est pas passé à 10 000 km ou à 5 000 km de la France.
03:19Ça s'est passé dans ma ville, là où j'habite, un soir normal.
03:23Ça ne veut pas dire que quand c'est loin, ce n'est pas grave.
03:26Mais c'est juste que quand on habite quelque part et que ça se passe chez nous, tout de suite on prend conscience,
03:30peut-être vraiment dans notre chair, de ce que ça veut dire, de ce que c'est que des zones dangereuses,
03:38de ce que c'est que des blessures par balle, etc., qu'on n'a pas l'habitude de voir.
03:41Et là, tout d'un coup, paf, ça arrive chez soi en fait.
03:44Les États ne sont jamais prêts à affronter une violence politique qui surgit dans son espace social.
04:00La France avait des législations antiterroristes qui n'avaient eu de cesse d'évoluer vers plus de centralisation et de spécialisation.
04:07Cela n'a pas empêché les attentats à partir de 2015.
04:11Et on a bien vu comment les stratégies de passage à l'acte, revendiquées notamment par l'État islamique,
04:21étaient des stratégies qui s'adaptaient au type de sécurité qui était mise en place.
04:27Face à une lutte antiterroriste qui s'est renforcée, le type d'attentat a modifié, a évolué.
04:34On a demandé à des personnes qui n'étaient pas parties en Syrie de passer à l'acte de manière individuelle,
04:39de manière spontanée presque.
04:43Et pour les services de lutte antiterroriste, ce type de pratique est devenu des pratiques extrêmement difficiles à anticiper.
04:50Si la question c'est de savoir si ces procès servent à quelque chose, pour moi c'est oui, évidemment que ça sert à quelque chose.
05:10Ça sert aux familles, aux victimes, ça leur sert de raconter, de dire leurs douleurs, qu'on les entende, qu'on les reconnaisse comme victimes,
05:23qu'on partage un tout petit peu leurs douleurs, même si c'est rien, mais qu'on les écoute.
05:29Pour moi ça c'était vraiment essentiel pendant ce procès.
05:33Ça sert aussi à rendre la justice, à répondre d'une manière démocratique.
05:45Je ne crois pas avoir de syndrome post-traumatique, comme peuvent en avoir des victimes ou des gens qui peut-être étaient à l'intérieur et ont vraiment vécu la scène.
05:57En revanche, j'avais développé une forme de stress et quand je rentrais quelque part dans un restaurant, dans un bar, dans une salle de spectacle ou quoi,
06:09je regardais toujours où est-ce qu'il y avait des fenêtres, où est-ce qu'il y avait une porte de sortie
06:13et comment m'asseoir par exemple au restaurant pour facilement accéder à cette porte et ne pas être bloqué par rapport au mur
06:21en me disant, on ne sait jamais si ça fait comme au Bataclan et qu'il y a une équipe de terroristes qui arrive,
06:27au moins j'aurais repéré un peu les lieux et voilà.
06:32Et ça je n'avais pas du tout ça avant, maintenant ça fait dix ans, je l'ai moins, mais en tout cas c'est venu avec le Bataclan.
06:39Moi je me suis sentie très seule pour trouver un psy qui va pouvoir m'accompagner.
06:44Et c'est difficile de trouver sa place du coup à nouveau dans la société, d'exister là-dedans sans avoir tout le temps son statut de victime aussi.
06:52J'ai envie de dépasser ça.
06:53C'est assez étonnant ce qui se passe après.
06:56Il se passe tellement de choses qu'on ne se souvient pas de tout.
06:59Il y a un policier qui m'a évacuée, qui m'a portée sur un brancard de fortune qui était fait avec les barrières Vauban, je crois qu'on appelle ça,
07:07qui restait deux minutes avec moi et il m'a cherchée pendant des mois sur les réseaux sociaux.
07:12Il a essayé de me retrouver pour savoir si j'étais vivante ou pas.
07:16Donc il y a des rencontres, alors que moi je m'en souvenais à peine.
07:20Moi je l'ai pris pour un secouriste, je n'ai pas vu que c'était un policier.
07:24Là aussi, évidemment qu'il devait avoir écrit de police en énorme dessus, ça devait être très identifiable.
07:29Je me suis dit, bon c'est un secouriste, mais il doit être débutant parce qu'il allait un peu impressionner.
07:34C'était pas son métier de me tenir la main à ce moment-là.
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