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  • il y a 2 jours
Mardi 21 octobre 2025, retrouvez Claire Dissaux (Responsable de la recherche macroéconomique, Groupe Axa) dans SMART BOURSE, une émission présentée par Grégoire Favet.

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Transcription
00:00Et nous enchaînons à présent avec Marché à thème, le dernier quart d'heure thématique de Smart Bourse
00:14où nous allons aujourd'hui faire un focus sur les marchés émergents.
00:19Pour en parler, nous avons le plaisir de recevoir sur le plateau de Smart Bourse Claire Dissot.
00:22Bonjour Claire Dissot.
00:23Bonjour Nicolas.
00:24Merci d'être avec nous, vous êtes responsable de la recherche macroéconomique du groupe AXA.
00:29On va commencer par évoquer évidemment les pays d'Asie en matière de pays émergents.
00:34Alors on suit au quotidien ou presque les soubresauts sur les sujets de la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis.
00:43Les Etats-Unis qui ont mis en place un certain nombre de tarifs, de tarifs douaniers vis-à-vis de plusieurs pays d'Asie.
00:48Il n'y a pas que la Chine.
00:50Quel impact ces tarifs ou ces annonces de tarifs ont-ils eu sur le secteur importateur en Asie, Claire Dissot ?
00:56Oui. La bonne surprise, c'est que la guerre commerciale, pour l'instant, n'a pas trop touché la croissance des pays asiatiques,
01:02qui sont pourtant les plus ouverts au commerce international.
01:04Pour nous, l'impact est plutôt retardé, plutôt qu'annulé.
01:07D'accord.
01:07D'abord, il y a deux effets. Il y a le premier effet qui est le retard pris pour mettre en place ces tarifs.
01:14Donc à chaque fois que Trump les a annoncés, souvent il y a eu beaucoup de semaines et des délais pendant lesquels il y avait une exemption des tarifs.
01:20La deuxième raison, c'est qu'il y a eu un comportement des entreprises qui ont anticipé dès janvier la hausse des tarifs.
01:25Donc il y a eu une forte importation de la part des Etats-Unis.
01:29Donc finalement, la demande adressée à l'Asie a été plus forte qu'attendue au premier semestre.
01:33Donc ils en ont plutôt bénéficié ?
01:34Donc jusqu'à juillet-août, ils en ont plutôt bénéficié. On commence à voir les signes de retournement.
01:38C'est-à-dire que sur la Corée, par exemple, les exportations sur les 20 premiers jours d'octobre sont maintenant connues.
01:44Et on voit qu'il y a un ralentissement.
01:45La deuxième chose, c'est que l'écart entre les tarifs imposés aux pays asiatiques hors Asie et la Chine est peut-être plus faible que ce qu'on pensait.
01:53Donc c'est moins favorable aux pays hors Chine.
01:55D'accord.
01:56Il y a un autre facteur qui est moins favorable à ces pays-là, c'est simplement le fait que les Etats-Unis cherchent à interdire tout ce qui est redirection des exportations chinoises vers d'autres pays asiatiques.
02:06D'accord, oui.
02:07En mettant des tarifs spéciaux.
02:09Donc ces pays-là avaient bénéficié lors de la première guerre commerciale des tarifs contre la Chine.
02:14C'est-à-dire que maintenant, les importations américaines en provenance de l'ASEAN, par exemple, sont plus importantes que les importations en provenance de la Chine.
02:21Donc clairement, il y avait eu des flux, des investissements chinois dans ces pays pour pouvoir exporter à moindre coût.
02:26Pour contourner quelque part en investissant dans les pays à côté.
02:29Exactement.
02:30Et ça, c'est vraiment dans le viseur de l'administration Trump.
02:32Donc les pays asiatiques risquent d'être plus vulnérables.
02:35Et le dernier facteur, c'est simplement que les secteurs clés pour ces pays ne sont pas encore totalement clairs sur les tarifs qui seront appliqués.
02:45C'est-à-dire que les tarifs sur les semi-conducteurs ne sont pas annoncés.
02:47Les tarifs sur les produits pharmaceutiques sont distingués entre les tarifs pour les marques de médicaments et ceux pour les génériques.
02:54D'accord.
02:54Donc rien sur les génériques, c'est très positif pour l'Inde.
02:57Oui, pour les tarifs sur les marques, mais seulement si les entreprises en question n'ont pas investi aux Etats-Unis.
03:02Donc Singapour est protégé parce que ces entreprises investissent aux Etats-Unis.
03:06Donc ces facteurs spécifiques font que les exportations asiatiques ont pour l'instant été assez résistantes et la croissance asiatique de même.
03:13Mais on suivra de près ce qui se passera sur les prochains mois parce que c'est là où on verra réellement les impacts.
03:18Exactement.
03:19Et c'est vrai qu'on entend souvent dire que le secteur exportateur chinois est plutôt préservé dans le sens où il exporte beaucoup en Asie.
03:26Là, ce que vous nous dites, c'est attention puisque l'administration Trump a ça en tête.
03:30Oui, c'est en ligne de mire. Donc la stratégie de la Chine, ça va être aussi de déverser ses exportations, pas seulement vers l'Asie, mais aussi vers tous les autres pays émergents.
03:39On voit une accélération d'abord vers l'Afrique.
03:41D'accord, émergents.
03:42D'abord émergents vraiment sur des pays comme les pays africains ou d'autres pays latino-américains.
03:47Et oui, aussi sur l'Union européenne, on voit une accélération déjà des exportations chinoises.
03:51Mais il faut souligner que le choc est beaucoup plus grand pour les pays émergents que pour l'Europe, par exemple, parce que ces pays sont pris en tenaille.
03:58C'est-à-dire que la Chine continue à gagner des parts de marché sur les biens à faible valeur ajoutée qui nécessitent peu de qualifications,
04:04parce qu'elles s'automatisent beaucoup plus vite que les autres pays émergents.
04:08Donc c'est vraiment un choc beaucoup plus grave pour les pays émergents, dont les pays asiatiques.
04:13Si on regarde la croissance chinoise au troisième trimestre, on est aux alentours de 4,8%, si je ne dis pas de bêtises, en glissement annuel.
04:23Certains constatent la décélération par rapport au deux premiers trimestres.
04:26D'autres constatent au contraire la résilience de l'économie chinoise.
04:30C'est vrai qu'on voit quand même une certaine résilience de ces économies à l'heure actuelle.
04:33Est-ce qu'on constate dans les pays émergents, ce que l'on évoquait juste avant d'ailleurs dans l'émission vis-à-vis de l'économie américaine,
04:40à savoir quand même une économie à deux vitesses, avec ceux qui bénéficient effectivement des potentiels de croissance et des relais de croissance,
04:46et d'autres qui restent un petit peu plus sur le bas-côté ?
04:49Oui, alors en Chine, il y a une économie qui croît très vite, c'est l'économie du digital, l'économie de l'énergie renouvelable.
04:54Ça, ce sont des secteurs clés.
04:56Tous les secteurs qui sont en lien avec l'innovation sont favorisés par le gouvernement.
05:00D'accord.
05:00Donc les secteurs plus traditionnels sont en perte de vitesse.
05:03Je regarderais plutôt la différenciation entre hommes de demande.
05:05Donc on sait que pour la Chine, le principal objectif, c'est de rééquilibrer sa croissance,
05:09qui a été trop dirigée par les exportations, par l'investissement, et pas assez par la consommation,
05:14ce qui est un risque social à terme.
05:16À l'heure actuelle, on voit un petit rééquilibrage de la croissance,
05:20puisque les exportations contribuent maintenant à deux points à peu près de croissance,
05:24donc moins qu'auparavant, et la consommation privée et publique a remonté.
05:28L'investissement reste à la traîne, y compris dans l'immobilier et dans le secteur manufacturier,
05:33et c'est en partie dû à cet effort pour lutter contre les surcapacités de production.
05:37Donc en conclusion, il y a encore beaucoup à faire pour rééquilibrer la croissance vers la consommation,
05:43mais le choc externe va être l'occasion, justement lors du Congrès, de prévoir des mesures dans ce sens.
05:50Et les progressions, notamment de secteurs comme celui-là, vous parlez effectivement de tech ou de nouvelles technologies,
05:56est-ce que ça porte l'emploi, par exemple, en Chine ou dans ces pays-là ?
06:00C'est moins intensif en emploi, et c'est ça qu'on observe qui est assez intéressant,
06:03c'est que même avec des taux de croissance de 5 à 6 %,
06:06de gros pays comme la Chine, l'Inde ou l'Indonésie, ont un taux de chômage des jeunes qui est très élevé.
06:11D'accord.
06:11Alors il y a un effet de mauvaise adéquation entre l'offre et la demande d'emploi,
06:16donc de plus en plus de jeunes diplômés qui ne trouvent pas les emplois qualifiés,
06:19qui vont finalement être créés dans les services, mais qui ne sont pas encore là.
06:22Donc ça, c'est un premier effet.
06:24Et puis le deuxième effet, c'est simplement qu'il y a beaucoup de robotisation et que la production crée moins d'emplois.
06:29Donc c'est un problème effectivement social.
06:31En Chine, les données sont publiées toujours avec retard et l'incertitude sur les données est plus forte,
06:38mais c'est entre 15 et 18 % pour ces trois pays, pour le chômage des jeunes.
06:42Donc la croissance est moins intensive en emploi.
06:45Ça reflète aussi le fait que cette croissance est sans doute inférieure au potentiel.
06:48Donc depuis la pandémie, on a quand même eu une cicatrice sur le marché du travail.
06:52Et que ce soit en Inde ou en Indonésie, on croit certainement en dessous de la tendance,
06:57ce qu'on voit d'ailleurs dans l'inflation qui est faible.
06:59Donc le point positif, c'est qu'il y a des marges de manœuvre pour assouplir la politique monétaire.
07:04Bien sûr.
07:04Et qu'il faut en plus mener des réformes pour pouvoir justement favoriser l'expansion de secteurs
07:08qui vont créer des emplois pour les jeunes.
07:10Justement pour ceux qui nous écoutent et qui ne sont pas forcément experts en banque centrale des pays émergents,
07:14quand on voit que la Fed peut décider d'assouplir sa politique monétaire
07:17en lien avec la situation du marché du travail,
07:19est-ce qu'on peut voir des banques centrales indiennes, singapouriennes, chinoises ou autres
07:24faire le même mouvement ?
07:28Oui. Alors ce qui est intéressant, c'est que les pays émergents ont assoupli bien avant la Fed.
07:31Ils n'ont pas attendu.
07:33Ça, c'est déjà le test de leur crédibilité.
07:36Donc ils avaient réussi à avoir une bonne crédibilité en termes de ciblage de l'inflation
07:39et en termes d'indépendance des banques centrales.
07:42Dans les pays asiatiques, le choc des tarifs et des inflationnistes,
07:46donc autant il est inflationniste aux États-Unis et il peut gêner la Fed malgré la faiblesse du marché de l'emploi,
07:51autant dans les pays asiatiques, c'est un choc qui va diminuer l'inflation.
07:55L'inflation sous-jacente est déjà en dessous des cibles, que ce soit en Indonésie ou en Inde,
08:00et la baisse des taux a commencé.
08:02Ce qui est intéressant de voir, c'est que dans ces pays-là comme en Indonésie ou en Chine,
08:06c'est la marge de manœuvre budgétaire qui va être la plus importante.
08:09Donc on est peut-être proche de la fin des cycles d'assouplissement monétaire.
08:13Par contre, on a encore des bilans des gouvernements centraux en Chine, par exemple,
08:17qui sont assez forts pour pouvoir absorber le coût de la crise immobilière
08:20et aussi soutenir la consommation des ménages en Chine.
08:22En Inde, on a aussi le même phénomène.
08:24Donc certes, la dette est beaucoup plus élevée,
08:27donc elle est déjà un problème en termes de dynamique de dette sur le long terme.
08:30Par contre, à court terme, il y a eu de la marge de manœuvre pour baisser une taxe sur la consommation.
08:35Et ça va certainement aider à favoriser la croissance,
08:38alors même qu'il y a un tarif élevé imposé par les États-Unis sur les exportations.
08:42Justement, vous parlez d'inflation.
08:44Est-ce qu'on va voir la tendance déflationniste se poursuivre en Chine ?
08:48Oui, c'est vraiment une tendance qui est bien ancrée.
08:50Donc on l'a vu dans les chiffres du PIB,
08:52c'est-à-dire que le déflateur continue de baisser, 1% en glissement annuel.
08:55Donc c'est un phénomène qui est inquiétant
08:57parce que la dette est de moins en moins soutenable
08:59plus cette tendance déflationniste s'installe.
09:02C'est une tendance que les autorités prennent très au sérieux.
09:06Donc d'abord parce que ça veut dire que c'est un obstacle aussi à leurs exportations
09:09puisqu'il y a des mouvements qui s'opposent
09:11au déversement des exportations chinoises sur nos marchés
09:14parce que les prix à l'exportation sont plutôt à la baisse.
09:17Donc les autorités chinoises ont pris une série de mesures
09:19pour essayer de lutter contre la déflation,
09:21en particulier dans les secteurs automobiles ou panneaux solaires.
09:24Pour nous, ce sera beaucoup moins efficace que par le passé
09:27parce qu'il s'agit d'entreprises privées.
09:29Donc l'État n'a pas forcément la main sur cette compétition.
09:32Mais c'est une tendance qui est installée malheureusement
09:34à cause des conséquences du marché immobilier.
09:38Le seul point positif, c'est qu'il y a assez de marge de manœuvre budgétaire
09:41pour lutter contre cette tendance en soutenant la consommation
09:45et en aidant les développeurs immobiliers à résoudre leur crise.
09:49Il nous reste un tout petit peu de temps.
09:51Un dernier sujet que j'aimerais évoquer avec vous, Claire Disso,
09:53c'est un sujet budgétaire.
09:54Alors on en parle beaucoup quand on parle de la France.
09:56C'est un sujet aussi dans certains pays émergents
09:58et notamment en Amérique latine.
10:00Oui.
10:01Oui, au-delà de la guerre commerciale pour l'Amérique latine,
10:03les deux thèmes qui vraiment vont modeler les tendances
10:06pour l'année prochaine, c'est le cycle électoral
10:08et les contraintes budgétaires.
10:11Donc que ce soit au Brésil,
10:12où les élections générales sont à peu près dans un an,
10:15en Argentine où elles sont la semaine prochaine
10:16et en Colombie où les élections sont au printemps prochain,
10:20ce sont vraiment les tendances qui vont dicter la croissance.
10:23Donc on a vu une détérioration budgétaire par exemple en Colombie
10:27qui est très importante, une suspension des règles budgétaires.
10:30Au Brésil, le cadre n'est pas non plus crédible,
10:32ce qui veut dire que ces pays payent des taux d'intérêt très élevés
10:35pour s'endetter.
10:36Et leur banque centrale ne peut pas,
10:38contrairement aux banques centrales asiatiques,
10:40ne peuvent pas assouplir les taux d'intérêt
10:43parce qu'elles ne sont plus assez crédibles.
10:45Il y a un risque de dominance budgétaire,
10:47c'est-à-dire qu'elles soient mises à contribution
10:48par le gouvernement pour financer l'État.
10:51Du coup, on se retrouve avec des taux très élevés au Brésil,
10:53des taux réels qui sont proches de 10 %,
10:55de la même manière aussi en Colombie.
10:58Et donc on n'a pas de possibilité de soutenir la croissance à court terme.
11:02Et donc ça, c'est un sujet à suivre de près.
11:05Ces pays-là seront-ils capables de gérer leur situation budgétaire,
11:08si je comprends bien ?
11:09Oui, et l'espoir, c'est qu'il y a un changement
11:11de politique grâce à un mouvement vers la droite
11:16plutôt que vers la gauche dans ces pays-là
11:17et qu'on rétablisse une crédibilité budgétaire.
11:20Et avec cet ancrage budgétaire,
11:22on pourrait amorcer une descente des taux en 2026.
11:25Merci Claire Disso de nous avoir accompagné
11:27dans Marché à Thème, dernière partie de Smart Bourse.
11:30Je rappelle que vous êtes responsable
11:31de la recherche macroéconomique du groupe AXA.
11:33Merci beaucoup.
11:33Merci.
11:34Merci à vous également de nous avoir suivis.
11:37Et je vous donne rendez-vous demain à 17h
11:39pour un nouveau numéro de Smart Bourse
11:41présenté par Grégoire Favet.
11:43À demain.
11:43Sous-titrage Société Radio-Canada
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