- il y a 7 semaines
Cours du vendredi par Stéphane Goudet, critique et programmateur. Dans le cadre de la thématique Résiste ! Enregistré au Forum des images le vendredi 10 octobre 2025.
Tous les vendredis à 18h30, venez écouter des personnalités issues du monde du cinéma, mais aussi des arts visuels, des sciences sociales ou de la société civile, explorer des problématiques artistiques, sociétales, en écho à la programmation pop culture du Forum des images.
Tous les vendredis à 18h30, venez écouter des personnalités issues du monde du cinéma, mais aussi des arts visuels, des sciences sociales ou de la société civile, explorer des problématiques artistiques, sociétales, en écho à la programmation pop culture du Forum des images.
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00:00:00Merci beaucoup de votre présence, ça me fait très plaisir, je suis toujours intimidé d'être dans cette salle,
00:00:09et a fortiori quand les cours sont devenus payants, je me dis qu'il n'y aura personne, et vous êtes là.
00:00:13Merci tout particulièrement à Zeynep Jouvenot et Muriel Dreyfus pour cette invitation à prendre part,
00:00:18au cycle Résiste dans cette maison que j'aime et fréquente depuis longtemps,
00:00:21et à Nicolas Céton pour le montage des extraits.
00:00:25Une maison au passage dans laquelle j'espère que le cinéma continuera à occuper une place centrale,
00:00:28y compris au-delà des prochaines élections municipales, voilà, le ton est donné.
00:00:33Je précise que la dernière fois que je suis intervenu, c'était pendant le débat entre Macron et Marine Le Pen pour les élections présidentielles.
00:00:39Cette fois, on attend de savoir si on aura ou non un Premier ministre, et s'il sera communiste au Rassemblement national.
00:00:45Je sais, j'exagère un peu.
00:00:47Donc à votre place, moi je réfléchirai avant de me confier une prochaine conférence.
00:00:50Ça ne porte chance ni au Forum des images, ni à la France.
00:00:53Je termine par une blague lue sur Internet, qui donne une petite idée du contexte autour du rire de l'existence à mes yeux.
00:01:01C'est une blague lue hier.
00:01:02Un Premier post, Emmanuel Macron pourrait prendre la parole mercredi, vendredi ou dimanche,
00:01:07et quelqu'un a répondu « On croirait une livraison chronopost ».
00:01:10Bon, je précise du coup à toutes fins utiles que l'ensemble de mes propos pendant une heure trente n'engageront que moi,
00:01:16et nullement l'institution qui m'accueille, qui n'a rien relu.
00:01:20On n'est jamais trop prudent, et je dédie cette conférence à mes grands-enfants, Florian et Mathias.
00:01:25Bon, commençons par nous intéresser rien que ça à l'état du monde, et au Forum des images, on rajoute, et du cinéma quand même.
00:01:32Il s'agit de dépeindre dans cette introduction le contexte de cette énonciation pour éclairer l'idée de résistance du titre.
00:01:40Donc posons cela.
00:01:41Nous vivons une période d'un carnavalesque dévoyé.
00:01:45Rappelons que dans son ouvrage de 1940, qui est dû attendre 25 ans pour être publié en Union soviétique,
00:01:51« L'œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen-Âge et sous la Renaissance »,
00:01:55Mireille Bakhtine définissait le carnavalesque comme, je cite,
00:01:58« L'occasion pour le peuple de renverser de façon symbolique et pendant une période limitée
00:02:03toutes les hiérarchies instituées entre le pouvoir et les dominés,
00:02:07entre le noble et le trivial, entre le haut et le bas,
00:02:10entre le raffiné et le grossier, entre le sacré et le profane ».
00:02:14Ce n'est pas Bakhtine qui dit ça, mais l'affiche Wikipédia, qui est extrêmement bien faite.
00:02:18Aujourd'hui, nous assistons à un renversement consenti,
00:02:21et qu'on espère lui aussi de courte durée,
00:02:24non pas entre les puissants et les faibles, entre les riches et les pauvres,
00:02:26mais entre les sérieux, dont la parole fait foi et acte,
00:02:29et les faussaires, les producteurs de faux ou de post-vérités,
00:02:33comme on appelle désormais les mensonges institutionnalisés
00:02:36de la propagande de l'international réactionnaire,
00:02:39homophobe, nationaliste, xénophobe et souvent sexiste,
00:02:44de Poutine, Erdogan, Trump et Netanyahou,
00:02:47pour ne citer que les démocraties dites illibérales,
00:02:49sans parler évidemment du fanatisme des islamistes
00:02:52qui exercent leur terreur en mains en droit du monde.
00:02:56Point culminant de notre société du spectacle occidental,
00:03:00les fous du roi ont été élus rois.
00:03:03Le bouffon Trump, animateur de l'émission de télé-réalité The Apprentice,
00:03:07a accédé par deux fois au pouvoir suprême
00:03:08pour continuer sur la scène internationale son numéro de stand-up,
00:03:12pathétique et risible,
00:03:14comme sur la scène de l'ONU tout récemment,
00:03:16pour expliquer en substance, entre autres,
00:03:18que le réchauffement climatique est une fiction socialiste.
00:03:21avec l'Oscar, pardon,
00:03:23le prix Nobel de la paix et l'enrichissement personnel,
00:03:26familial et national comme objectif suprême,
00:03:29raté pour le prix Nobel,
00:03:31ce qui est une excellente nouvelle pour maintenir un an la pression
00:03:34sur la prélibération fortement heureuse des otages israéliens.
00:03:38Comment faire rire encore
00:03:47quand, en plein massacre de masse des Palestiniens,
00:03:49le président Trump relaie en février dernier
00:03:51une vidéo réalisée grâce à l'intelligence artificielle générative
00:03:54qui transforme Gaza en rivières de luxe du Moyen-Orient
00:03:58et en terre promise aux promoteurs immobiliers.
00:04:01Les seuls Arabes visibles sont des barbus
00:04:03aux formes féminines exécutant une danse du ventre,
00:04:05une statue géante en or massif de Trump
00:04:08reprend la figure du dictateur de Chaplin.
00:04:10Elle orne les décors sur lesquels pleuvent des millions de dollars
00:04:13sur des enfants sans visage,
00:04:14tandis qu'Elon Musk mange en souriant et avec appétit
00:04:17avant que Trump et Netanyahou ne sirotent un cocktail
00:04:19couché dans des transats.
00:04:25The Guardian a retrouvé le créateur de la vidéo,
00:04:28Solo Avital, américain né en Israël.
00:04:31Il se dit, je cite,
00:04:32vraiment surpris par la viralité de cette vidéo relayée sans son autorisation
00:04:36et qui, insiste-t-il, est bien une satire et pas du tout une provocation.
00:04:41À ses yeux, c'est, je cite,
00:04:42une satire sur cette idée mégalomane de mettre des statues du président à Gaza.
00:04:47Mais c'est la dualité de la satire politique, explique-t-il, je cite,
00:04:51« Elle dépend du contexte que vous lui associez et que vous lui fournissez
00:04:54pour en faire soit une blague, soit un slogan.
00:04:59Sans le vouloir, le rire de résistance est devenu un rire de collaboration avec le pouvoir.
00:05:05Or, cette réversibilité est précisément une des caractéristiques de la parodie.
00:05:09La chasse aux Juifs, par exemple, dans Borat de Sacha Baron Cohen,
00:05:13qui devient dans Borat 2 une chasse aux Américains,
00:05:16pourrait parfaitement se trouver au tout premier degré
00:05:18dans un documentaire antisémite.
00:05:21En reprenant à son compte cette vidéo parodique,
00:05:23Donald Trump espère coloniser le terrain et neutraliser, voire détruire,
00:05:27la possibilité même de l'humour, en occupant au premier degré la place du clown roi.
00:05:33Le motif central de l'inversion, cher aux rieurs et aux humoristes,
00:05:36a été repris par le pouvoir même,
00:05:38comme lorsque l'extrême droite mondiale s'érige en chantre
00:05:40de la liberté d'expression menacée pour jouer sur les peurs
00:05:44et accabler chaque jour un peu plus la figure de l'étranger,
00:05:47à la seule fin de désigner un bouc émissaire commode
00:05:50pour continuer de protéger les intérêts des plus puissants
00:05:53et maintenir tel quel l'ordre établi des injustices.
00:05:57Tout peut dès lors être transformé en blague pourvu qu'en en paraisse l'auteur.
00:06:01Où est le rire vrai alors, me direz-vous ?
00:06:05Encore et toujours dans l'opposition aux abus de pouvoir, quels qu'ils soient,
00:06:09dans la contestation des puissants dans les champs politiques, économiques, médiatiques, religieux.
00:06:14Le pire est le meilleur terrain d'expérimentation du rire.
00:06:17Mais le rire est en crise depuis le début du siècle.
00:06:20Sans cesse, il est contesté, attaqué, mis en cause, comme tous les contre-pouvoirs démocratiques.
00:06:26A nos yeux, il s'agit bien d'une des questions politiques majeures de notre époque.
00:06:30Car ce siècle ouvert par les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis
00:06:34s'est poursuivi 14 ans plus tard par les attentats terroristes de Paris,
00:06:37en particulier nous concernant celui de Charlie Hebdo.
00:06:40Ce sont le rire et la liberté d'expression qu'on a essayé d'assassiner
00:06:43en tuant une partie du comité de rédaction de l'hebdomadaire.
00:06:47Cet acte terroriste odieux visant des caricaturistes et des éditorialistes
00:06:50aurait pu susciter un sursaut de conscience pour défendre la satire.
00:06:54Au contraire, il a ouvert une ère de frilosité
00:06:57où l'on s'est mis à regarder l'humour de travers
00:07:00en interrogeant constamment sa légitimité et sa pertinence
00:07:07au nom du droit à se sentir heurté, blessé, froissé.
00:07:13Une approche psychologisante qui autorise à dénoncer sur tous les sujets
00:07:16des interdits et des blasphèmes,
00:07:18en cédant bien souvent du terrain aux censures religieuses et politiques.
00:07:23La vraie bataille pour préserver l'humour politique sur France Inter
00:07:26a commencé avec l'arrivée sur le marché du groupe Bolloré,
00:07:29écrivait Laurence Bloch, ancienne directrice de France Inter,
00:07:32dans Le Monde, ce mardi même.
00:07:35Elle commençait son texte par cette phrase
00:07:36« L'humour politique est un petit rappel à l'ordre des puissants,
00:07:41parfois injuste, mais utile à la démocratie.
00:07:45Les auditeurs, comme beaucoup de Français, affectionnent ce contre-pouvoir qui leur ressemble.
00:07:49On voit d'ailleurs assez peu d'humoristes dans les régimes autoritaires. »
00:07:54Sans remonter jusqu'à l'interruption décisive
00:07:56par Vincent Bolloré des guignols de l'info sur Canal+, en juin 2008,
00:08:00concentrons-nous sur la période la plus récente.
00:08:02Le 7 octobre 2023, autre acte terroriste ignoble,
00:08:07sur fond de revendications légitimes quant aux droits des Palestiniens
00:08:10à disposer d'un territoire et d'un État qui leur soit propre.
00:08:13Le 7 octobre, donc, a décuplé les polémiques autour des humoristes.
00:08:17Citons en France
00:08:18« Le licenciement pour faute grave de Guillaume Meurice du service public de l'audiovisuel
00:08:22au terme de ce que la presse a appelé le prépuce-gate.
00:08:26Les débats parfois houleux autour du Molière,
00:08:28du meilleur spectacle comique attribué à sa némésis, Sophia Aram.
00:08:33Les affrontements sur les réseaux sociaux et dans la presse
00:08:35autour du sketch de Blanche Gardin et Emmerich Lompré
00:08:38sur l'antisémitisme de gauche.
00:08:40Le renvoi provoqué par son apparence salafiste,
00:08:43je cite ma quasi-homonyme,
00:08:45Mme Goulet, sénatrice centriste,
00:08:47de Merwan Benlazard de l'émission « C'est à vous » sur France Télévisions,
00:08:50renvoi annoncé par la ministre de la Culture elle-même.
00:08:54Plus récemment encore, aux États-Unis,
00:08:57après la mise au placard programmée de Stephen Colbert sur CBS,
00:09:01la chaîne américaine ABC, propriété de Disney,
00:09:03suspendait provisoirement Jimmy Kimmel
00:09:05à la demande probable de la Maison-Blanche
00:09:08après qu'il s'est moqué de l'exploitation politicienne
00:09:11de l'assassinat du propagandiste, suprématiste et sexiste Charlie Kirk,
00:09:16avant de le remettre à l'antenne, nécessairement fragilisé.
00:09:20Pour tous ces humoristes politiques,
00:09:22comme pour les cinéastes que nous allons étudier,
00:09:23une question se pose cependant,
00:09:25l'humour se dissout-il dans la volonté de transmettre,
00:09:28en citoyen et ou en moraliste,
00:09:31un message politique,
00:09:32voire un message partisan ?
00:09:35Spoiler,
00:09:36parfois.
00:09:37Le décor contemporain étant planté,
00:09:40nous pouvons aborder cette notion de rire de résistance
00:09:42promue par Jean-Michel Ribes
00:09:44dans un livre éponyme paru en 2007
00:09:47pour le premier tome sous-titré de Diogène à Charlie Hebdo
00:09:50et en 2010 pour le tome 2,
00:09:54c'est une mise en scène,
00:09:55intitulé de Plaute à Réseur.
00:09:57Il y a assez peu de place pour le septième art
00:10:00et pour les femmes dans le premier de ces catalogues manifestes,
00:10:03comme ils les appellent,
00:10:04riches et plaisants,
00:10:05qui se présentent sous forme d'abécédaires,
00:10:07de citations, de textes et d'images,
00:10:08qui célèbrent tous,
00:10:10tous ceux, je sais,
00:10:11trib,
00:10:11qui nous ont libérés par un humour tendre ou féroce
00:10:14des pesanteurs du monde.
00:10:16Le deuxième tome,
00:10:17plus singulier,
00:10:18corrige le tir
00:10:19et vise plus juste.
00:10:21Je dévoile enfin la problématique
00:10:23qui sous-tend cette conférence,
00:10:24qui ne suffira évidemment pas à épuiser la question.
00:10:27Une question que peut se poser
00:10:29à la fois un universitaire et un programmateur,
00:10:31un père aussi,
00:10:32quant à la dimension potentiellement éducatrice du rire.
00:10:35Quelle scène de comédie patrimoniale ou contemporaine
00:10:38nous aide à résister aux démons du XXIe siècle,
00:10:41à contester par conséquent les formes nouvelles
00:10:43qu'empruntent le fascisme décontracté,
00:10:46à repenser et dénoncer
00:10:47les rapports de domination
00:10:49que l'histoire a porté et figé,
00:10:50le patriarcat,
00:10:52l'hétéronormativité,
00:10:54la domination de classe,
00:10:55le suprématisme blanc
00:10:57et le repli nationaliste,
00:10:58le racisme et l'antisémitisme,
00:11:01la soumission du vivant
00:11:02aux seuls enjeux économiques
00:11:03au détriment de la diversité,
00:11:05de l'écologie,
00:11:06donc de la planète.
00:11:08Je n'aurai naturellement pas le temps de traiter,
00:11:10je n'aurai naturellement le temps de traiter
00:11:12que quelques exemples,
00:11:13parmi mille autres possibles,
00:11:15d'autant que l'enjeu est dans le même temps
00:11:16d'interroger le sens et la portée de ce rire
00:11:18et donc in fine de déterminer
00:11:20si l'efficience
00:11:21ou les limites du rire de résistance.
00:11:24Aussi,
00:11:24vais-je commencer par me poser une question
00:11:26qu'on étudie finalement assez peu,
00:11:27quand et comment rit-on dans les films ?
00:11:30Pour y répondre succinctement,
00:11:32par l'exemple,
00:11:33j'ai choisi un documentaire et une fiction.
00:11:34Le documentaire le plus puissant
00:11:37et le plus troublant que j'ai vu sur la question,
00:11:39sur le rire,
00:11:40grâce à Olivia Cooper-Adjant
00:11:41de la cinémathèque du documentaire,
00:11:43est probablement
00:11:44Le Portrait of Jason
00:11:45de Shirley Clark,
00:11:47tourné en une nuit,
00:11:48en décembre 1966,
00:11:50dans le mythique Chelsea Hotel de New York.
00:11:53Jason se raconte,
00:11:54deux nuits plus que deux jours,
00:11:56notamment lorsqu'il fait office de serveur
00:11:57dans des soirées huppées.
00:12:00Premier extrait.
00:12:00Elle avait une robe
00:12:02avec des lampshades
00:12:03faits comme la robe
00:12:04et des draperies
00:12:05et c'était une taffeta
00:12:07et c'était un appartement d'une salle
00:12:09sur l'E64.
00:12:11Elle était toujours
00:12:12dans la rue
00:12:12et je n'étais pas dans la maison
00:12:14faisant rien,
00:12:16comme s'il y a de mon côté,
00:12:18lire les magazines,
00:12:19manger tous les lobsters,
00:12:21manger tous les snails.
00:12:24Et le moment que j'ai entendu
00:12:24venir,
00:12:25j'ai été occupé.
00:12:26Et elle a été
00:12:27et m'a dit,
00:12:28«Jason,
00:12:29has Edgar been here?
00:12:31Fix me
00:12:32some of my chicken! »
00:12:34Ils ont toujours
00:12:34envie de faire du chicken,
00:12:35parce qu'ils connaissent
00:12:36tous les gens
00:12:37qui connaissent
00:12:37les choses.
00:12:38Je serai dans la maison
00:12:39prie mon arme.
00:12:40«Yes,
00:12:41Miss Howard,
00:12:42elle a pas été
00:12:43mariée en 20 ans
00:12:44et elle s'appelle
00:12:44et elle a pas été
00:12:45dans la maison.
00:12:46Et ce mec,
00:12:47c'est bon,
00:12:47c'est bon,
00:12:48c'est bon.
00:12:48Donc,
00:12:49c'est bon.
00:12:49Un jour, elle m'a dit, «Jason, nous allons faire un petit déjeuner, et j'étais dans la maison, tout le travail, et j'ai dit, «Oh, non, je n'ai pas envie de venir et parler avec les guests. »
00:12:59Vous dites toujours ça, vous savez, mais vous avez probablement tous les guests' numéro de téléphone.
00:13:05Vous dites, «No, vous ne voulez pas vraiment faire un déjeuner, parce que vous êtes là à travailler. »
00:13:09Oh, ils disent, «C'est comme ça. » Elle dit, «Oh, c'est Halloween. »
00:13:12Elle dit, « Vous n'allez rien. » Elle dit, « Vous n'allez rien. »
00:13:13Elle dit, « Vous n'allez rien. »
00:13:16Je regardais les deux et j'ai roulé. Je me suis roulé.
00:13:21Je me suis roulé.
00:13:24Je me suis roulé.
00:13:26Je me suis roulé.
00:13:27Tu sais, « Vous avez pris votre position de nouveau. »
00:13:28Une une fois, je me suis dit, «Jason, je n'ai jamais beaucoup de gens. »
00:13:34« Tu es le premier, je me suis vraiment aimé. »
00:13:37Je me suis dit, « Oh, c'est très bon. »
00:13:39Je me suis dit, « Je dois avoir de la position. »
00:13:41« Une longtemps. »
00:13:43Et je vais retourner dans la maison et je me disais qu'elle s'est tombé dans la maison.
00:13:49Et après le moment je me disais,
00:13:51«Jasen, vous avez pris votre robe de blanche, et vous voyez ! »
00:13:55Ils sont très gentils, ils prennent tout ce qu'ils ont donné.
00:13:59Tout ce qu'ils ont donné, tout ce qu'ils ont donné.
00:14:01Et ils ont des choses.
00:14:05Oui, il y a beaucoup de matériaux.
00:14:07Je vais vous donner un peu plus tard.
00:14:09Oh, je dois dire.
00:14:13Ok, je vous en prie.
00:14:29Ok, Jason.
00:14:33Jason rit, beaucoup, trop parfois.
00:14:37À la fin de cette séquence, couché, il se vautre même dans le rire
00:14:40que le flou et le fondu absorbent.
00:14:42Ce rire-là est incroyable, car il reste en suspens très longtemps.
00:14:46Jason ne respire plus, et on ne sait pas si son rire est achevé ou continu.
00:14:50Comme s'il était mort de rien, avant de renaître lors de la prise suivante.
00:14:54Mais à y regarder de plus près, son rire a plusieurs raisons d'être successives.
00:15:00Au début, il rit en racontant son histoire de serveur ou de serviteur noir dans un milieu bourgeois et blanc de haute culture.
00:15:06Il rit, ou plutôt se rit, de leur racisme, de leurs préjugés.
00:15:10Les Noirs cuisent bien le poulet, par exemple, et de leur mépris de classe, qui se manifeste jusque dans leur bienveillance,
00:15:16dans leur façon d'élire le bon nègre qu'ils accepteront à leur côté pour se prouver leur tolérance et rejeter tous les autres.
00:15:24Ce mépris se manifeste aussi dans l'idée qu'on lui propose d'être un fantôme pour Halloween.
00:15:30« Trêve » met fin au jeu de dupes, à la comédie qu'ils se sentent obligés de jouer pour travailler et gagner de l'argent,
00:15:37tout en trouvant visiblement du plaisir à ce double jeu.
00:15:41De ce point de vue, le film offre un contre-champ documentaire assez passionnant au délirant et anticapitaliste
00:15:47« Sorry to bother you » de Boots Riley, 2018, qui sera projeté dans ce cycle,
00:15:52dans lequel un paumé réussit dans le télémarketing en adoptant une voix de blanc
00:15:57avant de découvrir sur quoi repose la logique libérale du mérite et le prix de sa réussite personnelle.
00:16:04Devant la caméra de Shirley Clark, Jason rit aussi de ce qu'on le juge incapable d'avoir conscience de sa situation
00:16:10et encore moins de la raconter, voire de la donner en spectacle.
00:16:14Car le rire de Jason est aussi par moments un rire fin, un rire faux,
00:16:18qui le désigne comme acteur et transforme le documentaire de Shirley Clark en possible fiction.
00:16:24Le rapport au spectateur évolue constamment.
00:16:27L'analyse politique de la situation de Jason, victime aussi de discrimination en raison de son homosexualité,
00:16:33suscite potentiellement tour à tour du rire, de la compassion, de l'empathie et de l'admiration.
00:16:38Mais son rire excessivement prolongé, surjoué, suscite aussi parfois une gêne, un malaise tangible
00:16:45et devient la marque même de sa fragilité, au plus près du rire du fou, qui serait ici le contraire du fou rire.
00:16:53L'extrait de fiction que j'ai choisi est quant à lui bien plus court.
00:16:57Il est tiré de L'inconnu du Nord Express, réalisé par Alfred Hitchcock en 1951.
00:17:02Voyons donc pourquoi et comment Robert Walker rit.
00:17:06Oui, le film est en version française, mais les acteurs à ce moment-là parlent français.
00:17:11Extrait.
00:17:13Est-ce que vous connaissez l'histoire du crampement ?
00:17:15Rires
00:17:18Oui, je la connais.
00:17:20Vraiment ?
00:17:21Je la connais, je la connais toute.
00:17:22Ma chère, raconte-lui donc celle des trois chères, elle est toute récente celle-là.
00:17:25Oh non, j'ai mieux vu en dire une autre.
00:17:26Eh bien alors, raconte-lui donc celle qui se passe sur l'épaule.
00:17:28Le rire ici produit d'abord de la connivence, du partage.
00:17:40Bruno Anthony et Madame Darville rient ensemble parce qu'ils savent tous les deux drôles
00:17:44la blague qui vient d'être évoquée pour son seul sujet.
00:17:47Mais ce rire produit aussi immédiatement de l'exclusion.
00:17:51Exclusion d'Anne Morton, qui ne connaîtra pas la blague à peine esquissée
00:17:55et qui dans l'ignorance a le temps de lire et de reconnaître la broche
00:17:59qui permet d'identifier le rieur.
00:18:01Exclusion et frustration du spectateur aussi,
00:18:04qui ne connaîtra jamais lui non plus la chute de la blague annoncée.
00:18:07Deux acteurs rient mais sans les spectateurs,
00:18:10qui savent de surcroît que Bruno joue la comédie
00:18:13pour s'attirer les bonnes grâces des Français
00:18:16qui fréquentent le couple illégitime que constituent la fille du sénateur Morton et Guy Haynes,
00:18:21ce tennisman réputé que Bruno entend poursuivre et menacé
00:18:25jusqu'à ce que ce dernier exécute sa part du contrat.
00:18:28On a donc là aussi affaire à un acteur,
00:18:31à un homme qui simule le rire pour s'intégrer,
00:18:34pour être accepté socialement à des fins criminelles cette fois.
00:18:38Or comme par hasard, la blague écourtée a elle aussi trait à la mort.
00:18:43C'est l'histoire du croque-mort, qu'on interrompt par le rire,
00:18:47qui unit ici une victime potentielle et un assassin avéré.
00:18:52Où l'on retrouve pleinement l'ironie morbide d'Alfred Hitchcock.
00:18:57De ces deux seuls exemples, on déduira que souvent au cinéma,
00:19:00le rire réunit et divise à la fois,
00:19:02créer une communauté dans le même temps qu'il exclut.
00:19:05On songe à la blague racontée par Runde V. Bakshi, alias Peter Sellers,
00:19:09l'étranger invité par erreur dans la partie de Black Edwards, 1968,
00:19:14et au rire déplacé qu'il produit à contretemps
00:19:16lorsque le récit porte cette fois sur un cambriolage bien réel.
00:19:21Car politique ou non, le rire est d'abord affaire de timing et de communauté.
00:19:26C'est aussi parce qu'il tombe au mauvais moment parfois que le rire fait scandale,
00:19:30que l'on songe au rire de Victoria Abril, Rebecca,
00:19:33qui offusque sa mère, Becky, jouée par Marisa Paredes,
00:19:37dans «Talon aiguille » de Pedro Almodovar, 1991.
00:19:41Présentatrice de télévision, elle est prise d'un fou rire
00:19:43alors qu'elle évoque le nombre de victimes faits par les attentats de l'ETA,
00:19:47poseurs de bombes inclus, à proximité d'une école maternelle.
00:19:51Vraiment pas de quoi rire.
00:19:53Mais c'est plus fort qu'elle.
00:19:55Offense à la raison, à la décence, au bon goût,
00:19:58le rire est irrécupérable et en l'espèce inarrêtable.
00:20:02Il échappe à tout contrôle, à toute justification,
00:20:05et ne peut que susciter la réprobation de sa mère,
00:20:07qui venait tout juste de la retrouver,
00:20:09et de la société entière.
00:20:12Messieurs les jurés,
00:20:14lit-on dans « L'étranger » d'Albert Camus,
00:20:17« Le lendemain de la mort de sa mère,
00:20:19cet homme prenait des bains,
00:20:21commençait une liaison irrégulière
00:20:23et allait rire devant un film comique.
00:20:26Je n'ai rien de plus à vous dire. »
00:20:28Camus ne précise pas quel est le film de Fernandel que voit Meursault
00:20:34en revenant de l'enterrement de sa mère,
00:20:36où, crime de lèse-majesté, il n'a pas versé la moindre larme.
00:20:40Désireux de déployer le mystère du rire,
00:20:43François Ozon, adaptant ce chef-d'œuvre de la littérature mondiale cette année,
00:20:47avait d'abord pensé à inclure la scène du léchage des pieds de Fernandel
00:20:51par une chèvre qui provoque son hilarité dans « François 1er » de Christian Jacques, 1937.
00:20:57Mais la lecture de l'adaptation de « L'étranger » en bande dessinée par Jacques Fernandez
00:21:01lui a ouvert une autre voie.
00:21:03Meursault y emmène sa nouvelle amie, Marie, voir le « Spuns » de Marcel Pagnol, 1938.
00:21:08La scène choisie par l'auteur de la bande dessinée est celle des Essais d'Irénée,
00:21:12l'acteur débutant interprété par Fernandel,
00:21:15s'est s'achève par une version comique de la phrase du code civil,
00:21:19phrase préférée de Stendhal pour son côté tranchant,
00:21:22son allitération hantée et l'apocope qui supprime judicieusement la fin du mot « tête ».
00:21:28« Tout condamné à mort aura la tête tranchée ».
00:21:32Cette version, qui René annonce comique, déclenche, avec ou contre l'acteur,
00:21:37le rire de toute l'équipe de tournage, le caractère morbide de la phrase,
00:21:42qui indique chez Pagnol combien le rire s'affirme contre la mort et la défie,
00:21:48se meut chez Ozon en prophétie ironique sur le sort de Meursault.
00:21:53Une fois définis trop rapidement ces quelques caractéristiques du rire,
00:21:57qui, nécessairement clivants, résistent ontologiquement au bon goût,
00:22:02à la mièvrerie et au confort tiède du consensus,
00:22:06venons-en à l'étude des films qui peuvent nous aider à rire contre le fascisme et le nazisme.
00:22:13Peut-on, dans ces cas extrêmes, parler avec ou sans jeu de mots d'un rire de résistance ?
00:22:18Deux films s'imposent alors qui font évidemment partie de la programmation de ce cycle « résiste » au Forum des Images.
00:22:24« Le dictateur » de Charlie Chaplin, 1941, et « To be or not to be » d'Ernst Lubitsch, 1942,
00:22:31à la fois pour leur qualité exceptionnelle et pour les circonstances de leur création en pleine Seconde Guerre mondiale.
00:22:39Rappelons que les deux films ont deux points communs principaux.
00:22:42Le réalisateur tchèque Alexander Korda a initié le premier,
00:22:46c'est du moins ce que raconte Chaplin dans son autobiographie,
00:22:49et Korda a produit le second, qui sera projeté après cette conférence.
00:22:54Les motifs communs sont ceux du double ou de la doublure, puis de l'imposture,
00:22:59du côté du sosie involontaire chez Chaplin, de l'acteur grimé chez Lubitsch,
00:23:04dans un jeu virtuose de mise en abîme du théâtre.
00:23:08Mais un fait d'histoire les distingue radicalement.
00:23:11Le Chaplin précède l'entrée en guerre des États-Unis, provoquée par l'Allemagne.
00:23:16Le second lui succède.
00:23:18Ni l'un ni l'autre mesure réellement ce qu'impliquent les mots avec lesquels ils jouent tous les deux,
00:23:23de camps de concentration, jusqu'à donner chez Lubitsch ce surnom à l'un des personnages centraux,
00:23:29Concentration Camp Erhardt.
00:23:32Dans ces deux classiques immortels, j'ai essayé de choisir des séquences assez courtes
00:23:36et un peu moins commentées que d'autres.
00:23:39Dans la revue française Voilà, le 21 avril 1939, Charlie Chaplin explique son projet.
00:23:46« Le dictateur pourrait être le titre d'un drame, d'une comédie ou d'une tragédie.
00:23:51J'ai voulu faire un cautel de tout cela pour réaliser la silhouette de l'homme à la fois grotesque et sinistre
00:23:57qui se croit un surhomme et pense que seul son avis et sa parole ont de la valeur.
00:24:02En fait, poursuit-il, le dictateur est le procès d'une certaine classe de l'humanité
00:24:07et celui d'une pauvre foule bélante. »
00:24:10Petit aparté, il utilise pour ça une image tirée de l'ouverture des temps modernes, son film précédent.
00:24:17« Donc une pauvre foule bélante qui veut un maître, préfère le bâton au biftec,
00:24:22et aime hurler et lever le bras, que siffler, sifflotter au vent et s'en aller au long des chemins,
00:24:29le cœur joyeux, les mains dans les poches. »
00:24:32Le 17 mai 1939, le consulat britannique à Los Angeles envoie un courrier au News Department du Foreign Office de Londres,
00:24:39qui s'inquiète que le projet de Chaplin soit contraire à la politique de dialogue de Chamberlain.
00:24:54Le 17 mai 1939, le consulat britannique à Los Angeles envoie un courrier au News Department du Foreign Office de Londres
00:25:01qui s'inquiète que le projet de Chaplin soit contraire à la politique de dialogue de Chamberlain.
00:25:07Signataire avec Hitler, Mussolini et Daladier des fameux accords de Munich, le 30 septembre 1938.
00:25:14Christian Delage, dans son ouvrage consacré au film, précise que le Foreign Office ira jusqu'à, je cite,
00:25:20« faire pression sur la commission Hayes pour empêcher la sortie du dictateur aux États-Unis ou le soumettre à la censure ».
00:25:27Voici donc un extrait de la réponse du consulat britannique à Los Angeles.
00:25:32D'après ce que nous savons, la rivalité entre les deux dictateurs sera traitée sur le mode de la satire hilarante.
00:25:38On aura recours à quelques astuces telles que l'insistance de chacun à dominer physiquement l'autre,
00:25:44forme de concurrence mise en œuvre jusque chez le coiffeur où les deux dictateurs se retrouvent côte à côte
00:25:49et relèvent subrepticement leur fauteuil à tour de rôle. »
00:25:53C'est la première partie de la scène que nous verrons.
00:25:55Et l'auteur de la lettre ajoute, « Nous avons eu des entretiens personnels avec M. Chaplin
00:26:01et estimons qu'il s'engage dans la production du dictateur avec un enthousiasme fanatique.
00:26:06Ses sympathies en matière raciale et sociale vont aux classes et aux groupes qui souffrent le plus sous les régimes dictatoriaux.
00:26:15Et il nous a informé qu'il était bien décidé à garantir la diffusion du film,
00:26:25même s'il devait lui être nécessaire de consacrer une nouvelle partie de sa fortune considérable à cet effort.
00:26:33Le caractère direct de son attaque semble être pour lui le seul motif et la seule raison d'être du film. »
00:26:42À sa sortie, à la sortie du film, Chaplin refusera le terme de film de propagande.
00:26:47Il écrira par exemple, « La propagande, c'est didactique et sinistre. »
00:26:52Mais il ajoute, « Je n'aime pas l'idée qu'un individu ou un système traite sans ménagement toute une masse de petites gens sans défense. »
00:26:59À noter ici que de part et d'autre, jamais le mot « juif » n'apparaît dans les commentaires sur le film.
00:27:06Certains trouvent cependant qu'à la sortie, que cette question de l'antisémitisme hitlérien est trop présente, disproportionnée, voire obsolète.
00:27:17Le journaliste conservateur Ed Sullivan ira jusqu'à écrire, je cite,
00:27:21« Charlie a commencé l'écriture de son scénario il y a un an et demi, tandis que la persécution séculaire des juifs atteignait un sommet en Allemagne. »
00:27:29« Mais 18 mois, c'est une longue période en ces temps où tout va vite. Depuis, les persécutions sont déjà du passé. »
00:27:37« Et le monde entier a pris feu. La persécution des juifs a perdu sa valeur dramatique. »
00:27:44Voyons donc enfin un extrait du dictateur Adéloïd Inkel, qui évoque évidemment Adolf Hitler, est allé chercher à la gare Napaloni, alias Mussolini,
00:27:56qui jusque dans son nom se prend pour Napoléon.
00:27:59L'urgence est pour eux de discuter de l'imminente invasion de l'Osterlich, autrement dit de l'Anschluss,
00:28:04qui, je le rappelle, désigne le rattachement de l'Autriche à l'Allemagne en mars 1938.
00:28:09Après une traversée de la ville fortement inspirée par le documentaire Mussolini in Deutschland de 1937,
00:28:17même échelle de plan, même axe de caméra, même attitude des deux dictateurs,
00:28:21Inkel et Napaloni sortent d'un face-à-face où le dictateur italien, après avoir été assis au plus près du sol,
00:28:28s'est assis de lui-même sur le bureau du Führer.
00:28:31On les retrouve ici au salon de coiffure du palais de la capitale de Tomeni,
00:28:35décor qui fait écho au salon du barbier juif dans le ghetto, un barbier qu'interprète également Charlie Chaplin.
00:28:41La philosophe Anna Arendt écrira en 1944,
00:28:44dans Le dictateur, Chaplin essaye, en confrontant le petit homme et le grand homme,
00:28:49les deux entre guillemets, de jouer par le biais de son double rôle,
00:28:53le caractère monstrueux et bestial de Superman.
00:28:57Extrait.
00:28:59Et dans mon palais de la capitale, j'ai une barbierière.
00:29:02C'est ça ?
00:29:04Oui, c'est un mur.
00:29:05Il a aussi des des grilles.
00:29:09Je ne me dis pas.
00:29:10Ah oui.
00:29:12Avec des guillemets dans le fonds.
00:29:14Des guillemets dans le fonds ?
00:29:16Oui.
00:29:17Vous ne pouvez pas, ils sont tous morts.
00:29:19C'est pourquoi je vais construire un nouveau barbershop.
00:29:24C'est très intéressant, c'est très intéressant.
00:29:25Vous voulez ça ?
00:29:31C'est le Hinkle Stadium.
00:29:33Avant une demi-million de spectateurs,
00:29:35le plus grand display d'armes le monde a jamais vu,
00:29:37marcher en revue.
00:29:39Notre ami fouille et il digga-ditch,
00:29:41vous êtes prêts à ce moment-là.
00:29:43Quoi ?
00:29:45N'importe quoi !
00:29:47C'est juste un peu !
00:29:49Vous avez besoin d'un peu de pinot ?
00:29:51Merci, j'ai hâte d'un.
00:29:53Oh, c'est bon.
00:29:55C'est bon.
00:29:57C'est bon.
00:29:59C'est bon.
00:30:01Je vais vous montrer mes nouveaux bombings.
00:30:03J'ai juste appelé un demi-heure et je vais commencer.
00:30:05Où sont-ils ?
00:30:06A Roma ?
00:30:07A Roma ? C'est 400 mètres.
00:30:08C'est bon.
00:30:10C'est bon.
00:30:11C'est bon.
00:30:13C'est bon.
00:30:15C'est bon.
00:30:18C'est bon.
00:30:19Et ici sont les armées de l'armée de la france de Tomania.
00:30:23Le plus de design, le plus de la mot de modern warfare.
00:30:28Wait a minute, où sont les propellers ?
00:30:30Peugeot ?
00:30:30Sure, ils vont dans le water.
00:30:32Tanks que vont dans le water ?
00:30:33Submarine word !
00:30:34Vous n'avez jamais entendu des marines de l'armée de l'armée de l'armée ?
00:30:37Quoi ?
00:30:38Tanks que vont dans le water et vont dans le air.
00:30:41Oh oui, ces sont absolues maintenant.
00:30:43Nous nous concentrons sur les drones.
00:30:45Les drones ?
00:30:46Comme annoncé dans le courrier qui précède le tournage,
00:31:10il s'agit bien ici d'un jeu puéril pour déterminer qui est le plus grand, le plus fort, le plus haut.
00:31:15Jeux systématiquement relancés par Hinkle, Napaloni se contentant d'égaliser,
00:31:20de rattraper à chaque fois Hinkle pour se lisser à sa hauteur jusqu'à l'effondrement final de Hinkle.
00:31:27On est entre le manège pour enfants, pour voler le plus haut,
00:31:31et pardon, mais le concours de BIP, la dimension sexuelle de cette élévation et réaction,
00:31:37étant par ailleurs suggérée par le plafond de verre que viennent d'évoquer les deux dictateurs,
00:31:42qui permet explicitement de regarder sous les jupes des femmes pendant les balles,
00:31:47jusqu'à la débandade finale d'Hinkle.
00:31:50On relève que le narcissisme supérieur de Hinkle, constant dans son palais comme dans la ville,
00:31:54se perçoit cette fois dans le redoublement de son image par le miroir,
00:31:58tandis que le corps de Napaloni ne s'y reflète pas.
00:32:01Ce concours de virilité grotesque est reconduit immédiatement après,
00:32:06dans le concours qui vise à déterminer qui est la plus grosse armée,
00:32:10ce qui nous évoque au présent les défilés militaires en Chine, en Russie, en Corée du Nord,
00:32:14sur les Champs-Élysées le 14 juillet, ou désormais aux États-Unis depuis cette année.
00:32:19Un mot pour finir sur le découpage et sur la mise en scène de ces séquences.
00:32:23Dans la première séquence, la caméra doit effectuer un travelling arrière pour prendre du recul,
00:32:27afin de filmer la démesure des égaux qui ne cessent de gonfler,
00:32:30jusqu'à atteindre un point de rupture,
00:32:33qui serait l'équivalent de l'explosion de la tête qui enfle dans l'homme à la tête de caoutchouc
00:32:37chez Georges Méliès,
00:32:39contre-champ de la légendaire explosion du globe terrestre dans le dictateur.
00:32:43C'est dans mon contrat, je dois placer un film de Méliès dans toutes mes conférences.
00:32:48Chaplin a évidemment assumé et dépeint ces deux modèles historiques,
00:32:52en évoquant leurs contrastes.
00:32:54Hitler, confiait-il au journal Look en septembre 1940,
00:32:57est en fait un neurasthénique méchant et mesquin,
00:33:00chez Mussolini, on devine un personnage tout à fait différent,
00:33:03trop voyant, trop bruyant, vantard et profondément paysan.
00:33:08L'entretien s'intitule « J'ai fait le dictateur, parce que je hais les dictateurs ».
00:33:13La deuxième séquence est, comme souvent chez Chaplin, d'une sobriété exemplaire.
00:33:18Seule est vue la tribune à travers trois plans frontaux.
00:33:21Après l'abandon des cacahuètes,
00:33:22dont les détriptus ont jeté sur Hinkle pour l'humilier et l'animaliser,
00:33:26commencent là aussi un travelling arrière pour élargir le champ
00:33:29sur une autre rangée de témoins officiels en tenue militaire.
00:33:33La mastication s'est précédemment substituée à l'échange verbal,
00:33:37non sans introduire le motif du silence.
00:33:40Un raccord dans l'axe avant permet de se recentrer sur le premier rang occupé
00:33:44par Napaloni, Hinkle et Ehring,
00:33:46pour le concours parfaitement virtuel de tanks aéromarins et de cuirassés volants.
00:33:51L'évocation de cette conquête spatiale autorise ensuite
00:33:54à pratiquer un raccord dans l'axe arrière
00:33:56pour rouvrir le champ et réintégrer les témoins du rang supérieur.
00:34:00Afin de jouer sur leurs réactions synchronisées,
00:34:02ils agissent littéralement comme un seul homme
00:34:04face au looping prodigieux d'une aviation
00:34:08dont l'origine reste à déterminer.
00:34:11Comme dans la séquence précédente,
00:34:12le mouvement de la scène repose sur une aspiration vers le haut
00:34:15et se terminera par une chute.
00:34:17Mais le spectacle lui-même, commenté par une voix hors champ,
00:34:20nous demeure totalement invisible,
00:34:23comme l'était le train qui projetait ses ombres et ses lumières
00:34:26sur le quai de l'opinion publique,
00:34:28A Woman of Paris, 1923.
00:34:31Effet qui avait particulièrement impressionné
00:34:33un certain Ernst Lubitsch,
00:34:35autre génie de la litotte,
00:34:37de l'ellipse et de la suggestion.
00:34:41On rit d'abord ici de la rivalité puérile des deux hommes
00:34:43qui prétendent avoir l'armée la plus forte, la plus moderne,
00:34:46la plus technologique pour impressionner l'autre
00:34:48et rabattre son caquet.
00:34:49On rit de la médiocrité de Hering pris de court à leur côté
00:34:53et de ses inventions ridicules, verbales cette fois.
00:34:56Mais on rit aussi du caractère astucieux, voire génial,
00:34:58du dispositif qui consiste à ne strictement rien nous montrer
00:35:02d'un défilé militaire supposé en mettre plein les yeux.
00:35:07Astuce particulièrement économique pour Chaplin, producteur,
00:35:11mais productrice aussi d'un comic sonore remarquable,
00:35:14notamment quand la légèreté de l'artillerie se traduit par l'absence totale de son
00:35:19et la défaillance de l'aviation par un violent crash hors champ,
00:35:23donc un écrasement hors sol qui affecte de nouveau Hinkle,
00:35:27évidemment, comme dans le salon de coiffure.
00:35:30La formule célèbre de Clausewitz se trouve inversée.
00:35:34Ici, la politique n'est que la continuation de la guerre par d'autres moyens,
00:35:39y compris entre dictateurs supposément alliés,
00:35:42mais réellement rivaux, en plein défilé militaire.
00:35:46Le scénario prévoyait ici une autre mise en scène,
00:35:48plus proche de la salle de contrôle patronale du travail des ouvriers,
00:35:52par écran interposé dans les temps modernes,
00:35:55autre film majeur incarnant le rire de résistants chez Chaplin.
00:35:58Pour la revue militaire, écrit Christian Delage,
00:36:01Chaplin avait d'abord imaginé une séquence dans une salle de télévision
00:36:04où les deux chefs d'État pourraient voir en direct
00:36:06les manœuvres navales qui se déroulent en mer du Nord.
00:36:10Hering vantait les mérites de ces nouvelles technologies auprès de Napaloni
00:36:13en expliquant « Dans un avenir proche,
00:36:16un amiral pourra livrer bataille depuis son bureau.
00:36:18La vie sur l'océan appartiendra au passé. »
00:36:22Cette scène de la Television Room Sequence
00:36:24a été supprimée le 25 août 1939,
00:36:28moins d'une semaine avant l'invasion de la Pologne par l'Allemagne
00:36:31et l'entrée en guerre de la France et du Royaume-Uni,
00:36:34deux jours plus tard.
00:36:36Un mot avant de quitter le dictateur
00:36:38sur le mythique et controversé monologue final
00:36:40du barbier pris pour son sosie Hinkle
00:36:42sur fond de décors urbains œcuméniques
00:36:46où se côtoient des bâtiments symboliques
00:36:47des religions juives, catholiques et musulmanes.
00:36:51À propos de cette bouleversante adresse au monde,
00:36:53face caméra,
00:36:54dont la naïveté lui sera reprochée,
00:36:56y compris par la presse de gauche,
00:36:58Chaplin dira, je cite,
00:37:00« Il fallait que je le fasse.
00:37:02Il le fallait vraiment.
00:37:04Il n'y avait pas de moyen plus approprié
00:37:05pour exprimer ce que je ressentais très fort.
00:37:08Le temps était venu où je devais tout simplement
00:37:10arrêter de rigoler.
00:37:11Ils ont eu leur ration de rire,
00:37:13et c'était drôle, non ?
00:37:15Mais maintenant,
00:37:16je voulais qu'ils écoutent.
00:37:18Je voulais qu'ils arrêtent d'être contents.
00:37:19Non, cette guerre n'est pas comme les autres.
00:37:22Le fascisme signifie la fin de notre monde. »
00:37:26Chaplin a longtemps refusé de prendre la parole
00:37:28quand le cinéma est devenu sonore en 1927.
00:37:31En 1939,
00:37:33l'histoire la contraint à sortir définitivement du silence
00:37:36et à renoncer au rire le temps du monologue final
00:37:38pour rappeler les valeurs fondamentales de l'humanisme,
00:37:42valeurs qui sont de nouveau menacées aujourd'hui,
00:37:44y compris en France.
00:37:46Pourtant, à l'heure d'écrire ses mémoires,
00:37:48Chaplin écrira cette phrase demeurée célèbre.
00:37:52Je cite
00:37:52« Si j'avais connu les réelles horreurs
00:37:54des camps de concentration allemands,
00:37:56je n'aurais pas pu réaliser le dictateur.
00:37:59Je n'aurais pas pu tourner en dérision
00:38:01la folie homicide des nazis. »
00:38:05Ernst Lubitsch, qui, contrairement à Chaplin,
00:38:07est la légende entretenue à son sujet par les nazis,
00:38:10est bel et bien né dans une famille juive,
00:38:13ne connaissait pas non plus la réalité
00:38:15des camps de concentration et d'extermination
00:38:17lorsqu'il a réalisé en 1942
00:38:19« To be or not to be ».
00:38:20Pour mémoire, c'est le 20 janvier 1942
00:38:23qu'a lieu la convention de Van Zee
00:38:27qui enterrine la solution finale.
00:38:30Là encore, j'ai essayé de choisir un extrait politique,
00:38:32mais relativement peu commenté,
00:38:34de ce grand classique
00:38:35qui a suscité des centaines d'analyses
00:38:37un peu partout dans le monde.
00:38:38Le film étant projeté juste après cette conférence,
00:38:40j'ai aussi essayé d'en dévoiler le moins possible
00:38:42et me refuse même à situer cet extrait.
00:38:45De toute façon, je suis parfaitement d'accord
00:38:47avec François Truffaut qui disait
00:38:49« Une heure après l'avoir vu,
00:38:51et même si vous veniez à le revoir
00:38:53pour la sixième fois,
00:38:55je vous mets au défi de raconter l'histoire
00:38:57de « To be or not to be »,
00:38:58c'est juste impossible. »
00:39:01Précisons simplement que le film se déroule
00:39:03essentiellement, et notamment ici,
00:39:05à Varsovie, en Pologne,
00:39:06qui vient d'être envahie par les troupes nazies.
00:39:10Extrait suivant.
00:39:11– Sous-titrage Société Radio-Canada
00:39:13– Sous-titrage Société Radio-Canada
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00:39:27– Sous-titrage Société Radio-Canada
00:39:28We're not brutal. We're not monsters.
00:39:30Now tell me, do I look like a monster?
00:39:33Of course not, Professor.
00:39:36You say that as though you really meant it.
00:39:38I do.
00:39:39We're just like other people.
00:39:41We love to sing. We love to dance.
00:39:43We admire beautiful women.
00:39:46We're human.
00:39:48And sometimes very human.
00:39:51I'm convinced of that.
00:39:53Why don't you stay here for dinner?
00:39:54I can imagine nothing more charming
00:39:56and before the evening is over
00:39:58I'm sure you'll say Heil Hitler.
00:40:01I would like to accept your invitation
00:40:03but just as you want to represent
00:40:05the Nazi case in the very best light
00:40:06I would like to represent the Polish case
00:40:09in a more suitable dress.
00:40:10I understand perfectly.
00:40:12Please don't let me wait too long.
00:40:13Au revoir.
00:40:14Just a moment.
00:40:18I'm looking forward to it.
00:40:19So am I.
00:40:22This lady is permitted to leave.
00:40:23Yes, sir.
00:40:24This is a very difficult place to get in
00:40:28but it's much more difficult to get out.
00:40:30Oh, I'm terribly frightened
00:40:31and terribly thrilled.
00:40:32Bye.
00:40:33Bye.
00:40:33Bye.
00:40:33Heile Hamlet
00:40:42Peut-on lire pendant le générique du film ?
00:40:45Rien qu'à voir cet extrait-ci,
00:40:47on mesure à quel point
00:40:47To Be or Not To Be
00:40:48multiplie les vertiges du double sens
00:40:51en s'appuyant sur la profession
00:40:52des personnages principaux,
00:40:54des acteurs et actrices d'un côté
00:40:55qui alternent les répétitions de Shakespeare
00:40:57et d'une pièce parodique
00:40:58anti-nazie intitulée Gestapo
00:41:00et de vrais nazis de l'autre
00:41:02ou des traîtres qui les servent
00:41:04comme le professeur Silitsky ici,
00:41:07autrement dit des hommes politiques
00:41:08ou des espions
00:41:09qui, en dictature plus encore
00:41:11qu'en démocratie,
00:41:12jouent la comédie du savoir
00:41:14et du pouvoir.
00:41:16Le génie de Lubitsch dans cette scène,
00:41:18comme dans tout le film,
00:41:19consiste d'abord à confronter
00:41:21sans cesse le vrai et le faux.
00:41:23Par exemple,
00:41:23le professeur Silitsky,
00:41:25Stanley Ridges,
00:41:26est en réalité un espion
00:41:27à la solde des nazis.
00:41:28Il propose à Maria Thura,
00:41:30jouée par Carole Lombard,
00:41:31un rôle d'espionne,
00:41:33ce à quoi elle répond
00:41:33qu'elle a déjà joué une espionne,
00:41:35une matahari en quelque sorte,
00:41:37comme Greta Garbo à l'écran.
00:41:40Elle ne semble pas choquée,
00:41:41mais c'est pour mieux masquer
00:41:42qu'elle joue littéralement
00:41:43à ce moment-là double jeu
00:41:45en travaillant en réalité
00:41:47pour la résistance
00:41:47que menace le professeur.
00:41:49Un double jeu
00:41:50qui nous inclut comme complices,
00:41:51notamment lorsqu'elle semble
00:41:53penser à voix haute
00:41:53en disant par exemple
00:41:54sans le faire réagir
00:41:55et ceux qui ne veulent pas être heureux
00:41:57n'auront pas de place
00:41:58dans ce monde heureux.
00:42:00Oui, ça fait sens.
00:42:02Comme si elle parlait en aparté
00:42:03sur une scène de théâtre
00:42:05en osant l'équivalence ironique
00:42:08être heureux
00:42:08égale être nazi.
00:42:11Cette séquence fait aussi sourire
00:42:13en jouant d'une autre saute
00:42:14d'un registre à l'autre,
00:42:16la séduction amoureuse
00:42:17et la séduction des idées.
00:42:19À l'image du travelling avant
00:42:20qui se resserre sur le duo
00:42:22ou de la saisie de la main
00:42:23de Maria par le professeur,
00:42:25ce registre est parasité
00:42:26par une autre confusion
00:42:27entre la liberté
00:42:29et la contrainte,
00:42:30voire la terreur.
00:42:32Maria Tura a été emmenée
00:42:34de force à l'hôtel
00:42:35où réside le professeur Sieletsky
00:42:37qui cherche à décoder
00:42:38le sens caché
00:42:39de la citation shakespearienne
00:42:41« to be or not to be ».
00:42:43Et la tentative de séduction
00:42:44puis l'invitation à dîner
00:42:46se termine par le rappel
00:42:47des menaces
00:42:47qui ouvraient la séquence
00:42:49« il faut choisir le bon camp ».
00:42:52Et le rappel du pouvoir
00:42:53que possède l'homme,
00:42:54lui seul décide
00:42:55qui entre et sort
00:42:56de sa chambre prison,
00:42:58lieu qui incarne l'ambivalence.
00:43:01Mais si j'aurais tenu
00:43:02cette séquence,
00:43:03c'est pour la merveilleuse invention
00:43:05avec laquelle Lubitsch détruit
00:43:06la stratégie de communication
00:43:09ou de normalisation du nazi
00:43:10qui se révèle une formidable leçon
00:43:13pour démasquer
00:43:14les porteurs de cravates
00:43:15de l'extrême droite actuelle.
00:43:18Lorsque le professeur Sieletsky
00:43:19susurre
00:43:20« Dites-moi,
00:43:21ai-je l'air d'un monstre ?
00:43:23Nous sommes comme les autres.
00:43:24Nous aimons chanter et danser.
00:43:26Nous admirons les jolies femmes.
00:43:28Nous sommes humains
00:43:29et parfois très humains. »
00:43:31Lubitsch lui fait parodier Shakespeare.
00:43:34Et pas n'importe quelle pièce
00:43:35de Shakespeare.
00:43:36Non pas Hamlet, cette fois,
00:43:38mais le marchand de Venise.
00:43:40Une pièce que rêve de jouer
00:43:41Greenberg,
00:43:42l'un des figurants
00:43:43qui ouvre et referme le film.
00:43:45Il rêve précisément
00:43:46de jouer le rôle de Shylock,
00:43:49usurier juif jaloux
00:43:50de son rival chrétien,
00:43:51le marchand de Venise du titre,
00:43:53avec lequel il entrera
00:43:54en conflit et en procès
00:43:56potentiellement mortel
00:43:57pour l'un ou l'autre.
00:43:59Et c'est chez Shakespeare,
00:44:01en tant que juif,
00:44:02qu'il prononce
00:44:02ces phrases fameuses
00:44:04« N'ai-je pas des yeux,
00:44:06n'ai-je pas des mains,
00:44:07des organes,
00:44:08des dimensions,
00:44:09des sens,
00:44:10des affections,
00:44:11des passions ?
00:44:13Ne suis-je pas nourri
00:44:13de la même nourriture,
00:44:15blessé par les mêmes armes,
00:44:17sujet aux mêmes maladies,
00:44:19guéri par les mêmes remèdes,
00:44:20réchauffé et glacé
00:44:21par le même été
00:44:22et le même hiver ?
00:44:24Si vous nous piquez,
00:44:25ne saignons-nous pas ?
00:44:27Si vous nous chatouillez,
00:44:28ne rions-nous pas ?
00:44:29Et si vous nous empoisonnez,
00:44:31ne mourrons-nous pas ? »
00:44:33Pardon.
00:44:35Écorché Shakespeare,
00:44:36c'est dommage.
00:44:37Lubitsch a d'ailleurs choisi
00:44:38pour jouer
00:44:39la lebardier juif Greenberg,
00:44:40acteur de complément,
00:44:42l'acteur Félix Bressard,
00:44:44dont Adolf Hitler lui-même
00:44:45aurait dit
00:44:46« Un acteur merveilleux,
00:44:48dommage qu'il soit juif ».
00:44:51Dans ce monologue,
00:44:52Lubitsch a coupé
00:44:53la mention réitérée
00:44:55par Shakespeare
00:44:55du mot « juif »,
00:44:57probablement
00:44:58pour se conformer
00:44:59aux attentes
00:44:59de la censure hollywoodienne.
00:45:02Résultat,
00:45:02c'est autant
00:45:03le figurant
00:45:04qui parle
00:45:04que le juif
00:45:05de la pièce.
00:45:07Mais surtout,
00:45:08en créant un écho
00:45:09entre le discours
00:45:10du juif
00:45:11et celui du nazi,
00:45:12il démasque
00:45:13le nazi
00:45:14et révèle
00:45:15que celui-ci
00:45:15joue la comédie,
00:45:17ment,
00:45:17triche lui aussi
00:45:18pour arriver
00:45:18à ses fins,
00:45:20la conquête
00:45:20de la femme,
00:45:21mais surtout
00:45:22la conquête
00:45:23des idées
00:45:24pour imposer
00:45:24sa loi
00:45:25totalitaire
00:45:26et antisémite.
00:45:28Tandis que
00:45:28le figurant lui
00:45:29se révélera
00:45:30d'une profondeur,
00:45:32d'une sincérité
00:45:33et d'un humanisme
00:45:34bouleversant.
00:45:37« Bientôt,
00:45:37je suis sûr
00:45:38que vous direz
00:45:38« Heil Hitler »,
00:45:40prédit dans cette séquence
00:45:41le professeur Sieletsky,
00:45:43sûr de son pouvoir
00:45:43de conversion
00:45:44ou de séduction.
00:45:46De fait,
00:45:47Maria Thura
00:45:48finira par le dire
00:45:49et le mimer
00:45:50en même temps
00:45:51« Heil Hitler »,
00:45:53mais sur un ton
00:45:54tellement alangui
00:45:55qu'elle joue
00:45:56clairement la femme
00:45:57conquise,
00:45:58vaincue par des charmes
00:45:59auxquels elle ne saurait
00:46:00résister,
00:46:01en contrepoint
00:46:02du narcissique
00:46:03« Heil myself »
00:46:05que prononce
00:46:06un hilarant
00:46:06Hitler d'opérette.
00:46:09Hélas,
00:46:10Carole Lombard
00:46:11ne verra jamais
00:46:12le film achevé
00:46:13« Pendant la post-production
00:46:15de To be or not to be,
00:46:16elle mourra
00:46:17dans un crash aérien
00:46:18bien réel
00:46:19alors qu'elle prenait
00:46:20part à l'effort de guerre
00:46:21en distribuant
00:46:22des bons dans le Nevada.
00:46:24On a un temps
00:46:25soupçonné
00:46:25que ce crash
00:46:26ait été l'œuvre
00:46:27d'espions nazis
00:46:28cachés en Amérique,
00:46:30mais rien
00:46:30n'a jamais pu le prouver. »
00:46:33Le choix de la comédie
00:46:34revêtait clairement
00:46:35pour Lubitsch
00:46:36des enjeux pédagogiques
00:46:38et politiques.
00:46:39Il confiait
00:46:40« Il m'est apparu
00:46:41que le seul moyen
00:46:42de faire réagir
00:46:43un public
00:46:44autrement tenu
00:46:45dans l'ignorance
00:46:46de la prise de contrôle
00:46:47de la Pologne
00:46:48était de faire
00:46:49une comédie.
00:46:50Dès lors,
00:46:51il se prendrait
00:46:52d'empathie
00:46:53et d'admiration
00:46:53pour des gens
00:46:54encore capables
00:46:56de rire
00:46:56de leur tragédie. »
00:46:59Alors,
00:47:00rire de résistance
00:47:01dans ces deux classiques,
00:47:03sans aucun doute.
00:47:05Mais aller revoir
00:47:05à cette aune,
00:47:06on est aussi frappé,
00:47:08surtout dans le film
00:47:09de Lubitsch,
00:47:10de constater
00:47:10que de très nombreux
00:47:11gags
00:47:11ne reposent pas
00:47:12sur la critique
00:47:13du nazisme,
00:47:14mais relèvent davantage
00:47:15d'une logique
00:47:16de vaudeville
00:47:16où l'on se moque
00:47:18à la fois
00:47:18des infidélités
00:47:20des uns
00:47:20et de la jalousie
00:47:22et de l'égo
00:47:23démesuré
00:47:23de l'autre.
00:47:25Peut-être est-il
00:47:26temps d'admettre
00:47:27que très rares
00:47:29sont les comédies
00:47:30qui,
00:47:30à l'instar
00:47:30du Chaplin,
00:47:31font totalement
00:47:32mouche
00:47:32sur un plan politique
00:47:34en proposant
00:47:35un rire de résistance
00:47:36capable de donner lieu
00:47:37à une véritable
00:47:38analyse historique,
00:47:39sans jamais dévier
00:47:40de leurs sujets.
00:47:42En 2019,
00:47:43Jojo Rabbit,
00:47:44de Taika Waititi,
00:47:45ne remplissait pas
00:47:46totalement ce contrat,
00:47:47en dépit de gags
00:47:48réussis,
00:47:49notamment là aussi,
00:47:50sur l'apprentissage
00:47:51du salut nazi
00:47:52par un enfant
00:47:53mentoré
00:47:54par son avis
00:47:55imaginaire
00:47:56du nom
00:47:57d'Adolf Hitler.
00:47:59Mais combien de scènes
00:48:00des producteurs
00:48:01de Mel Brooks,
00:48:01par exemple,
00:48:02en 1968,
00:48:03pour citer
00:48:04un tout dernier exemple,
00:48:05ont une vraie portée
00:48:06satirique,
00:48:07non pas sur le monde
00:48:08du spectacle là encore,
00:48:10mais sur la permanence
00:48:11du nazisme.
00:48:12On pense à deux scènes
00:48:13en particulier,
00:48:14très drôles l'une et l'autre,
00:48:15quand les deux producteurs
00:48:16viennent rencontrer
00:48:17l'auteur nazi
00:48:17qui nourrit ses pigeons
00:48:19et qu'il prend leur arrivée
00:48:21pour une arrestation,
00:48:22il leur dit
00:48:23« je n'ai rien fait,
00:48:24je n'ai fait qu'obéir
00:48:25aux ordres ».
00:48:26Réminiscence probable
00:48:27du procès de Nuremberg,
00:48:3022 ans plus tôt.
00:48:31Et quand dans la cuisine,
00:48:32le même auteur nazi
00:48:33se livre en contre-plongée
00:48:34à une comparaison
00:48:35point par point
00:48:36entre Hitler
00:48:37et Churchill,
00:48:39il relève
00:48:40en hurlant
00:48:41la supériorité
00:48:41du Führer
00:48:42qui était selon lui
00:48:43plus beau,
00:48:45meilleur danseur,
00:48:46meilleur chanteur
00:48:47et meilleur peintre.
00:48:48Et il ajoute
00:48:49cette phrase mémorable,
00:48:52il ne faut pas
00:48:52que je la loupe,
00:48:54il pouvait peindre
00:48:55une façade
00:48:55en quatre heures,
00:48:57deux couches,
00:48:58mais ça n'a aucun sens.
00:49:00Au-delà
00:49:01de ces deux scènes,
00:49:02le rire porte davantage
00:49:03sur la nullité
00:49:04des deux producteurs
00:49:05et leur incapacité
00:49:06à produire un échec
00:49:07supposait leur rapporter
00:49:09une fortune.
00:49:10Des films entiers
00:49:11peuvent donc rarement
00:49:12être retenus
00:49:12pour illustrer
00:49:13cette expression
00:49:14de rire de résistance
00:49:15et instrumentaliser
00:49:16le cinéma
00:49:17dans une perspective
00:49:17exclusivement politique
00:49:19ou de pédagogie citoyenne
00:49:21ou filiale
00:49:22est assez rarement
00:49:23concluant.
00:49:25Mais des séquences entières
00:49:26peuvent néanmoins
00:49:26remplir ce rôle
00:49:27de contre-pouvoir
00:49:29par le comique.
00:49:31Je voudrais vous proposer
00:49:32au mieux la découverte,
00:49:33au pire,
00:49:34la révision
00:49:34et l'analyse
00:49:35de certaines
00:49:35de ces séquences
00:49:36qui peuvent nous aider
00:49:37à penser,
00:49:38avec un A ou un E,
00:49:40notre présent
00:49:40et notre avenir
00:49:41en résistant
00:49:43à ce que j'appelais
00:49:43en ouverture
00:49:44les démons
00:49:45du XXIe siècle.
00:49:47Dans la continuité
00:49:48du thème précédent,
00:49:49alerté sur les fascismes
00:49:51en marche,
00:49:52un film s'est imposé,
00:49:53y compris par la
00:49:54multidiffusion
00:49:55d'un de ces deux
00:49:56extraits à venir
00:49:57sur les réseaux sociaux
00:49:58après la réélection
00:49:59de Donald Trump.
00:50:00Rappelons,
00:50:02pour les faire raisonner
00:50:03avec le dit extrait,
00:50:04les propos sur Trump
00:50:05de son ancien chef
00:50:06de cabinet
00:50:06à la Maison Bloch,
00:50:08Blanche,
00:50:08John Kelly,
00:50:09juste avant l'élection.
00:50:11Donald Trump
00:50:11a le profil
00:50:12d'un fasciste
00:50:13qui pourrait gouverner
00:50:14comme un dictateur
00:50:15s'il était élu.
00:50:16Donald Trump
00:50:17lui-même
00:50:17affirmait en août
00:50:18qu'il n'était pas
00:50:20un dictateur,
00:50:22qu'il n'aimait pas
00:50:22les dictateurs,
00:50:24mais que les Américains
00:50:26aimeraient beaucoup
00:50:26avoir un dictateur
00:50:27au pouvoir.
00:50:29Et pendant la campagne,
00:50:31il se voyait très bien
00:50:32en, je cite,
00:50:33« dictateur d'un jour ».
00:50:36Le vice-président
00:50:37Mike Pence,
00:50:38Rudy Giuliani,
00:50:39Donald Trump
00:50:39et le Covid-19
00:50:40sont les cibles explicites
00:50:41de Borat 2,
00:50:43réalisé en 2020
00:50:44par Sacha Varankohen,
00:50:46intitulé
00:50:46« Nouvelle mission filmée »,
00:50:48film très inégal.
00:50:50Mais les deux scènes
00:50:51que nous allons voir,
00:50:52prises dans un film
00:50:53lui-même assez inégal,
00:50:54à vrai dire,
00:50:55parlent bien de meux
00:50:56du monde dans lequel
00:50:57nous vivons.
00:50:58Voici donc
00:50:59l'autre dictateur,
00:51:01réalisé en 2012
00:51:02par Sacha Varankohen.
00:51:05Premier extrait
00:51:05qui intervient
00:51:06près du début du film.
00:51:09Avec la pression
00:51:10de l'adresse,
00:51:11Aladin a abordé
00:51:12sa nation aujourd'hui.
00:51:26«
00:53:38Ce qui m'intéresse ici, c'est à la fois la mise en scène du rire dénonçant le mensonge qui ne peut être contenu, avec ce geste génial de la main passée devant le visage, comme une ardoise magique, pour essayer de retrouver une poker face, donc un visage impassible et sérieux.
00:53:53En vain, car le masque craque de nouveau lorsque fuite la haine irrépressible et antisémite vouée à Israël.
00:54:00Le rire de résistance dévoile la vérité documentaire cachée derrière les mensonges à peine voilés du régime iranien notamment.
00:54:08L'adolescent qui survit en moi rit aussi, je l'avoue, de l'arme désignée comme signe de puissance sexuelle.
00:54:16Filmée en très gros plan, pointant vers le haut avec une musique symphonique et martiale, pour accompagner sa présentation, elle paraît grosse et menaçante, mais dès que le champ s'élargit, elle se révèle d'une taille ridicule qui affecte immédiatement le dictateur qui se croit là encore surpuissant.
00:54:32La mise en relation entre l'arme et le corps passe d'ailleurs par ce geste assimilé au missile de l'index tendu qui traverse l'extrait.
00:54:40La fin de l'extrême est également en scène la façon dont les régimes autoritaires travaillent toujours à leur propre destruction, symbolisée ici par les condamnations à mort en série de toute personne prise en défaut ou simplement contestataire.
00:54:54Mais ce qui retient mon attention aussi, c'est combien le contexte de réception du film change le regard qu'on porte sur lui et potentiellement la quantité voire la qualité du rire.
00:55:05Le territoire imaginaire de Ouadiyah est une caricature de l'Iran, enrichissant son uranium officiellement à des seules fins civiles.
00:55:12Et Mahmoud Ahmadinejad, président de la République islamique d'Iran de 2005 à 2013, est cité en fin d'extrait comme un allié du tyran Al-Aadine, mélange d'Aladin et de Ben Laden.
00:55:22Revoir aujourd'hui cette séquence après la guerre des douze jours qui a opposé en juin dernier Israël et l'Iran en modifie quelque peu la perception.
00:55:31C'est en 2012, année de sortie du film Le Dictateur, que l'ancien chef d'état-major de Tsaal, Shaul Mofaz, affirme que Benjamin Netanyahou est attiré, je cite,
00:55:41« par une conviction messianique de bombarder l'Iran ».
00:55:45Dix ans plus tôt, Netanyahou disait déjà, je cite, « il n'y a aucun doute que Saddam Hussein a le projet, travaille et développe l'arme nucléaire.
00:55:55Aucun doute. Et il n'y a aucun doute qu'une fois qu'il l'aura, l'histoire changera immédiatement.
00:56:00Aujourd'hui, les États-Unis doivent détruire ce régime parce que Saddam, doté de l'arme nucléaire, mettrait le monde entier en danger. »
00:56:08Six mois plus tard, écrit Le Monde en 2012, les États-Unis se lançaient dans la guerre contre l'Irak sous prétexte de la présence d'armes de destruction massives prétendument cachées par le régime,
00:56:18mais aussi en raison des arguments de Netanyahou au sujet d'un programme nucléaire irakien.
00:56:24« Difficile, continue Le Monde, de ne pas faire le parallèle avec le dossier iranien, farouchement hostile à un accord sur le nucléaire iranien,
00:56:31certain que l'Iran veut se doper de l'arme nucléaire.
00:56:33Il est fort à parier que le Premier ministre israélien évoquera aujourd'hui encore à la tribune de l'ONU le risque de la prolifération nucléaire.
00:56:42La première mention de l'imminence de l'enrichissement de l'uranium par l'Iran à des fins militaires dans la bouche de Netanyahou date d'octobre 1996,
00:56:50rappelle l'INA et l'humanité cette année.
00:56:53Pendant près de 30 ans, il a tenu le même discours incitant dès 2009 à une guerre préventive,
00:56:58guerre préventive déclenchée avec l'appui probable des États-Unis en juin 2025.
00:57:03Sans qu'aucun expert pour le moment n'ait pu réellement certifier ni avant ni après le caractère réellement imminent d'une menace,
00:57:10qu'on ne peut pas pour autant balayer d'un revers de la main, évidemment.
00:57:14Pour drôle qu'elle est, cette scène raisonne donc avec ce discours récurrent de Benjamin Netanyahou,
00:57:21qui conduit à une guerre jugée inévitable et dite donc préventive.
00:57:25Rappelons qu'Israël possède l'arme atomique, n'est pas signataire du traité de non-prolifération des armes nucléaires,
00:57:32et refuse la présence des inspecteurs de l'AIEA sur son sol.
00:57:36Or, contrairement à ce que j'ai entendu hier encore à la télévision française,
00:57:41cette guerre a bel et bien fait des victimes.
00:57:43Selon l'ONG Human Rights Activist basée à Washington,
00:57:47les bombardements israéliens puis américains sur l'Iran durant cette guerre de 12 jours en juin 2025
00:57:52ont fait au moins 1054 morts et 4476 blessés,
00:57:57dont 417 morts civiles et 2072 blessés civils.
00:58:01On ne peut donc pas célébrer hier les discours humanistes de Robert Badinter
00:58:07sur le caractère sacré de toute vie humaine, quelle qu'elle soit, ma croyance fondamentale,
00:58:12et considérer comme dommages collatéraux et quantité négligeable les morts civiles des guerres en cours.
00:58:19D'autant que la répression en Iran a elle aussi été désastreuse,
00:58:22en se fondant notamment sur de fausses accusations de collusion avec l'ennemi israélien,
00:58:26on estime que près d'un million et demi d'Afghans ont été expulsés d'Iran en 2025.
00:58:33L'histoire avec un H majuscule ayant ici inversé pour un temps le puissant et le faible,
00:58:38au moins sur un plan militaire et diplomatique,
00:58:41le rire pendant cette scène se colore des ombres portées de ce victime déjà oublié.
00:58:47Pour autant, j'ai souhaité vous projeter un deuxième extrait du même film,
00:58:51celui qui a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux cette année,
00:58:53pour sa stupéfiante actualité politique.
00:58:57Cette séquence de conférences de presse est évidemment une réponse comique, celle-là,
00:59:02de Sacha Baron Cohen au monologue de Hinkle et du Barbier juif dans Le dictateur de Chaplin.
00:59:09Extrait suivant.
00:59:09Cette institution n'est rien que la licence pour les entreprises de l'eau et de l'interesse
00:59:16pour détruire mon ami Ouadiyah.
00:59:19Ouadiyah va rester un dictateur.
00:59:22Oh, be quiet.
00:59:34Why are you guys so anti-dictateurs?
00:59:38Imagine if America was a dictatorship.
00:59:40You could let 1% of the people have all the nation's wealth.
00:59:45You could help your rich friends get richer by cutting their taxes and bailing them out when
00:59:51they gamble and lose.
00:59:53You could ignore the needs of the poor for healthcare and education.
00:59:58Your media would appear free but would secretly be controlled by one person and his family.
01:00:03You could wiretap phones.
01:00:06You could torture foreign prisoners.
01:00:08You could have rigged elections.
01:00:10You could lie about why you go to war.
01:00:13You could fill your prisons with one particular racial group and no one would complain.
01:00:18You could use the media to scare the people into supporting policies that are against their interests.
01:00:27I know this is hard for you Americans to imagine, but please try.
01:00:32I will tell you what democracy is.
01:00:35Democracy is the worst.
01:00:37Endless talking and listening to every stupid opinion and everybody's vote counts,
01:00:42no matter how crippled or black or female they are.
01:00:47Democracy.
01:00:48Democracy has hairy armpits and could lose five pounds.
01:01:03Democracy looks like a midget in a chemo wig.
01:01:07Democracy kisses you because she wants to, not because her father is in the next room
01:01:12chained to a radiator with electrodes attached to his nibbles.
01:01:16Democracy is flawed.
01:01:19She is not perfect.
01:01:22But democracy.
01:01:26I love you.
01:01:29And that is why I call for real democracy.
01:01:32A real constitution.
01:01:34And real elections in Wadiya.
01:01:36This monologue is composed of three terms.
01:01:45The first one refers to the signature of an agreement which is, of course,
01:01:49fin to the dictatorship, but, thanks to the figure of the traitor incarnated by Ben Kingsley, ex-Ghandi,
01:01:55the richness of the country's soul to a foreign power, in the case, essentially the Chine,
01:01:59to a fine, naturally, of enriching personal.
01:02:01The second party does the eloge of the dictatorship and shows, in an eye of Trump, the intérêts
01:02:07that the États-Unis would have to adopt to this regime.
01:02:09Mais ce discours est à la fois drôle et particulièrement mordant, puisqu'il permet de dénoncer
01:02:15ce qui, déjà dans le fonctionnement démocratique, produit des résultats proches de ce qu'obtient
01:02:23une dictature en matière d'inégalité, de privation des droits et de discrimination.
01:02:29À la manière d'un Montesquieu dans les lettres persanes, Baron Cohen met en scène et interprète
01:02:34un personnage extérieur à la société américaine qui en décrit les principaux travers et pose
01:02:39l'air de rien à une question de philosophie politique essentielle, et effrayante à la
01:02:45fois, qui interroge le temps présent et l'avenir, y a-t-il entre la dictature et la démocratie
01:02:51une différence de nature ou de degré ?
01:02:54Or, cette capacité à sortir de soi, à s'inventer une extériorité pour se moquer
01:02:59de soi, est sans doute l'un des traits les plus marquants de l'humour juif, humour si décisif
01:03:04lorsqu'on parle de résistance par le rire.
01:03:07Quant à la troisième partie du discours, celle du revirement en faveur de la démocratie,
01:03:14en écho à la démocratie stunk dans le discours d'Inkel chez Chaplin, elle s'accompagne
01:03:20d'un coup de foudre et d'une parodie du wokisme et du féminisme contemporain qui
01:03:25nous conduit tout droit vers le thème suivant, de l'humour appliqué au nouveau rapport entre
01:03:30les hommes et les femmes.
01:03:31Le nombre de films, notamment contemporains, est évidemment très conséquent sur le sujet
01:03:35central d'une lutte contre le patriarcat et d'une réinvention des relations entre
01:03:39les sexes, entre les genres, y compris pour contester l'hétéronormativité.
01:03:44Dans la programmation du cycle du Forum des Images, deux comédies sont traversées par
01:03:48la question des rapports hommes-femmes, le film tchécoslovaque sur la joie, la dépravation
01:03:53et la liberté de deux jeunes femmes joueuses, Marie et Marie, les Petites Marguerites, de
01:03:58Vera Chytilova, 1966.
01:04:01Et le film américain produit par Margot Robbie, mais réalisé par l'actrice, écrivaine
01:04:08et productrice anglaise Fenouille Emerald, c'est comme ça que Wikipédia traduit son nom,
01:04:13Emerald Fenel, Promising Young Woman, de 2020, avec Carrie Mulligan qui excelle dans le rôle
01:04:19principal.
01:04:19Autour du motif de l'inversion du pouvoir, j'ai d'abord pensé à vous montrer un extrait
01:04:24drôle et émouvant de « La belle verte » de Colline Serrault, 1996, dans lequel Vincent
01:04:30Lindon, chef de service à l'hôpital, explique qu'il est incapable d'accoucher une femme
01:04:33qui ne sait pas comment faire, ni même ce que ressent la jeune femme qui accouche.
01:04:37L'extrait, que vous ne verrez donc pas reposer sur le dedans et le dehors, Colline
01:04:41Serrault, extraterrestre, demande à Vincent Lindon si elle peut venir chez lui, mais pour dormir
01:04:45à l'extérieur. Elle se trouve donc littéralement à coucher dehors, donc sur le balcon, en écho
01:04:51à la sortie de l'enfant hors du ventre, au terme d'un accouchement. Voilà une blague,
01:04:56à coucher dehors. Ouais.
01:04:58Bref, cette femme au balcon, là, m'a conduit à privilégier un film bien plus récent,
01:05:05« Les femmes au balcon », de l'actrice et réalisatrice montreuilloise, je dois aussi
01:05:10par contrat citer Montreuil au moins une fois par conférence, Noémie Merlan, film co-scénarisé
01:05:15avec Céline Sciamma, qu'elle avait révélé dans « Portrait de la jeune fille en feu » en 2019.
01:05:19Je précise que lorsque nous avons accordé l'an dernier au cinéma Le Méliès de Montreuil,
01:05:25deux fois, une carte blanche à Noémie Merlan, elle avait choisi de commenter « Les petites
01:05:30marguerites » de Vera Chytilova en indiquant que le film était l'une de ses sources d'inspiration
01:05:35principales. Pour des contraintes de durée des extraits, j'ai légèrement amputé la première
01:05:40scène de quelques minutes post-générique. Nous prenons donc le film en marche alors que nous
01:05:46changeons d'immeuble dans ce travelling qui balaye des façades de cette cour marseillaise
01:05:50plombée par une chaleur suffocante.
01:05:54Extrait suivant.
01:06:54Allez, arrête ton cinéma !
01:06:56Oh, Denise ! Le bouge est fin !
01:07:03Denise !
01:07:08T'avais dit de ne pas laisser les portes ouvertes, tu ne m'écoutes pas !
01:07:24Quel cinéma il me fait !
01:07:27Après,ACHR visiblement…
01:07:28Jamais « ben bon ! »
01:07:31Verset
01:07:40Ce article
01:07:44Sous-titrage Société Radio-Canada
01:08:14...
01:08:44Je commencerai par commenter le point tournant
01:09:12de l'extrait, à savoir
01:09:14la violence du jet d'eau jeté au visage
01:09:16de la femme couchée sur le balcon.
01:09:19Y compris pour signaler que ce jet
01:09:20pourrait évoquer le fameux
01:09:21Lisistrata d'Aristophane,
01:09:24littéralement celle qui congédie l'armée,
01:09:27pièce de théâtre fondée
01:09:28sur une grève du sexe par
01:09:30les femmes, 2500
01:09:32ans avant Ovidie,
01:09:34et accessoirement 411 ans avant Jésus-Christ.
01:09:37Dans ce qui reste
01:09:38l'une des premières et des plus célèbres comédies
01:09:40féministes de l'Histoire, on peut lire
01:09:42cette plainte du coriffé des hommes
01:09:44« Qu'est-ce que tu dirais si tu savais
01:09:46jusqu'où elles se déchaînent ?
01:09:48Entre autres outrages, elles nous ont douchés
01:09:50du contenu de leurs bras,
01:09:52nos pauvres frusques sont à tordre
01:09:54comme si nous avions pissé dedans. »
01:09:57Mais ce jet
01:09:58violent au visage produit aussi le réveil
01:10:00de la femme racisée, battue,
01:10:02maltraitée, à l'œil aubert noir,
01:10:05potentiellement violée
01:10:06elle aussi. L'extrait joue
01:10:08donc à figurer littéralement le wokisme,
01:10:11l'éveil,
01:10:12après le chaos des coups portés par le gros
01:10:14beau-ouf. Pas de quoi rire
01:10:16a priori. Mais les modalités
01:10:18de la revanche sont pourtant comiques
01:10:20dans ce film qui, Compromising
01:10:22Young Woman, joue avec les codes
01:10:24de la comédie noire et du film
01:10:26dit The Rape and Revenge.
01:10:29Si rire il y a, il est produit
01:10:30par l'arme du crime, le fessier
01:10:32de la femme qui s'assoit
01:10:34sur le visage de son agresseur.
01:10:35Sa position et son petit sourire
01:10:38évoquent à la fois le fait
01:10:39de se soulager, dans cette scène
01:10:41la violence se paye en liquide,
01:10:44mais surtout détourne un fantasme
01:10:46ou un jeu sexuel,
01:10:48le face-seating,
01:10:49en acte criminel et libérateur.
01:10:52Et le gros con meurt.
01:10:55Cette ouverture a aussi un effet miroir,
01:10:57miroir de la suite du film
01:10:59puisqu'il y aura de nouveaux
01:11:00viols et morts d'hommes,
01:11:01miroir surtout du cinéma.
01:11:02Ce que le dialogue dit clairement,
01:11:05presque trop, deux fois,
01:11:07arrête ton cinéma.
01:11:09Or, cet incipite est de fait
01:11:11démonstratif.
01:11:13Il fait du cinéma.
01:11:15Il joue et surjoue
01:11:16des mouvements amples
01:11:17et des synchronisations
01:11:18des apparitions sur les balcons
01:11:19et aux fenêtres
01:11:20pour préparer le contre-champ
01:11:22sur les trois héroïnes
01:11:23et leurs voisins sexys.
01:11:24Mais surtout,
01:11:26il se présente évidemment
01:11:27comme une réécriture féministe
01:11:29de fenêtres sur cours
01:11:31d'Alfred Hitchcock,
01:11:321954.
01:11:34Ce que confirmait,
01:11:35juste avant notre extrait,
01:11:37en réalité c'est dedans,
01:11:38la présence commune
01:11:39d'une danseuse
01:11:40faisant des exercices.
01:11:42Comme nous voyons
01:11:43dans ce mouvement
01:11:43d'appareil complexe
01:11:44une femme debout
01:11:45et un homme tête en bas,
01:11:47il s'agit bien
01:11:48d'inverser les rôles
01:11:49et les données
01:11:50du chef-d'œuvre d'Hitchcock
01:11:51dans lequel règne aussi
01:11:53une chaleur torride.
01:11:56Toutes fenêtres ouvertes,
01:11:57James Stewart croit
01:11:58avoir un féminicide
01:11:59de l'autre côté
01:12:00de sa cour d'immeuble.
01:12:02En inversant les rôles,
01:12:03Noémie Merlan
01:12:04renvoie aussi
01:12:05l'ascenseur à Hitchcock,
01:12:06désormais accusée
01:12:07de harcèlement
01:12:08et d'agression sexuelle
01:12:09par Tippi Hedren,
01:12:11l'actrice principale
01:12:12des Oiseaux
01:12:12et de Pas de printemps
01:12:13pour Marnie.
01:12:15L'actrice réalisatrice
01:12:16interroge aussi
01:12:17ou prolonge
01:12:17par le rire,
01:12:18le grotesque,
01:12:19voire l'horreur.
01:12:20Le sens du film d'Hitchcock
01:12:21qui fait en sorte
01:12:23que seul le passage à l'acte
01:12:24et la prise de risque
01:12:25de la femme
01:12:25interprétée par Grace Kelly
01:12:27rendent le mariage possible.
01:12:30Le passage à l'acte ici
01:12:32est cathartique et symbolique,
01:12:34retourner la violence
01:12:35contre les agresseurs
01:12:36par un moyen presque bouffon
01:12:38pour interroger
01:12:39la banalisation désolante
01:12:41des pratiques
01:12:42et des représentations
01:12:43des violences faites aux femmes
01:12:45dans la vie
01:12:46comme au cinéma.
01:12:49Et puis à un moment,
01:12:50j'ai bien dû me confronter
01:12:51à la question
01:12:51que je fuyais.
01:12:53En tant que spécialiste
01:12:54de l'œuvre de Jacques Tati,
01:12:55serais-je capable
01:12:56d'affirmer
01:12:56qu'il y a bien chez lui
01:12:58un rire de résistance ?
01:13:00Et si oui,
01:13:01résistance à quoi ?
01:13:02Les mauvais esprits ?
01:13:04Ça existe,
01:13:05hors de cette salle.
01:13:06Dirait certainement
01:13:07résistance à la modernité,
01:13:10aux progrès techniques,
01:13:11aux idées de gauche même,
01:13:13pour celui qui eut peur
01:13:14que l'arrivée de la gauche
01:13:15au pouvoir en 1980
01:13:16ne s'accompagne
01:13:17d'un défilé de chars russes
01:13:19sur les Champs-Élysées.
01:13:20Le rire de résistance
01:13:22aurait alors trouvé
01:13:22un point d'achoppement.
01:13:24Il pourrait aussi être conservateur.
01:13:26Et nul doute
01:13:27qu'il le soit parfois,
01:13:29notamment dans le dessin de presse.
01:13:31Je serai évidemment
01:13:32plus nuancé et positif.
01:13:34J'affirmerai même,
01:13:35là aussi,
01:13:36que le contexte
01:13:37de réception du film
01:13:38en a modifié
01:13:39le sens politique,
01:13:40voire que le glissement
01:13:42à droite
01:13:42de toute notre société
01:13:44pourrait bien finir
01:13:44par faire de Jacques Tati
01:13:45un vrai cinéaste de gauche
01:13:47qui pensait possible
01:13:48de rassembler
01:13:49dans le même espace
01:13:50le restaurant
01:13:51du Royal Garden
01:13:52de Playtime
01:13:53toutes les catégories sociales
01:13:55sans exclusion
01:13:56autour d'une fête populaire.
01:13:58Mais ne forçons
01:13:59ni le sens
01:14:00ni le trait.
01:14:03J'aurais pu prendre un exemple,
01:14:04un extrait de Mon oncle
01:14:06et rappeler que le film
01:14:07a inspiré
01:14:07de fortes réserves
01:14:08à Truffaut
01:14:09qui parlaient
01:14:09d'un univers concentrationnaire
01:14:11qui glace le rire
01:14:12et des doutes politiques
01:14:13à son père adoptif,
01:14:14André Bazin,
01:14:15qui intitulait son article
01:14:16« Mon oncle est-il réactionnaire ? »
01:14:19Et je pense,
01:14:19en lisant ce titre,
01:14:20à cette jeune miste
01:14:21en masculin-féminin de Godard
01:14:22à qui on demande
01:14:23dans une séquence documentaire
01:14:24que je cite de mémoire
01:14:25« Pour vous,
01:14:26c'est bien d'être réactionnaire ? »
01:14:27Et elle répond
01:14:28« Ben oui,
01:14:29ça veut dire qu'on réagit, quoi. »
01:14:31Je pourrais paraphraser Tati
01:14:32en disant
01:14:33qu'il a voulu nous alerter
01:14:34sur la façon
01:14:34dont nous habitons l'espace
01:14:36et nous faisons contrôler
01:14:38par lui
01:14:38qu'il n'a jamais voulu
01:14:39discréditer la modernité
01:14:41ou la rejeter
01:14:41mais se la réapproprier.
01:14:43Mais j'ai préféré revenir
01:14:44à son film
01:14:45le plus visionnaire,
01:14:46Playtime,
01:14:47pour montrer
01:14:48ce qu'il prophétise
01:14:49et anticipe.
01:14:51J'en rappelle
01:14:51l'argument sommaire,
01:14:53un groupe d'américaines
01:14:54débarque à Aurelie
01:14:54pour visiter Paris
01:14:55en 24 heures
01:14:56mais,
01:14:57même si les visites
01:14:58s'effectuent au pas de course,
01:15:00elles en passent
01:15:00par ce petit détour.
01:15:02Extrait.
01:15:03Oui, alors la tour est faite,
01:15:05c'est fait,
01:15:05c'est d'accord.
01:15:06C'est noté.
01:15:06C'est tout,
01:15:07mesdames,
01:15:07ladies and gentlemen,
01:15:09please.
01:15:10You can see me.
01:15:10Hello.
01:15:11I'm pointing to this
01:15:12number of the right man.
01:15:13Mesdames,
01:15:13if you please.
01:15:15Regroupez-vous,
01:15:16on va partir.
01:15:17612.
01:15:18Allô, Stockholm?
01:15:19Nanani,
01:15:19je préviens un heure
01:15:20plus, Stockholm.
01:15:21Arrivée 8h30.
01:15:23Un neige,
01:15:239h10.
01:15:25Pour Miami,
01:15:26on a un stop
01:15:26en New York.
01:15:27Oui, oui,
01:15:28une heure d'arrière à New York.
01:15:29Allô,
01:15:30j'ai confirmé Mexico.
01:15:30pour samedi,
01:15:32vol 612,
01:15:3214h30.
01:15:3312h10,
01:15:34j'ai apporté.
01:15:35I want to go to New York tonight
01:15:36and be in Boston
01:15:37for breakfast.
01:15:38Allô, FTA,
01:15:39je suis complet pour Moscou.
01:15:40Ah bon, on va en a,
01:15:41excusez-moi,
01:15:41s'il te plaît,
01:15:41une petite seconde.
01:15:42C'est ça,
01:15:42alors POA,
01:15:43406,
01:15:43non-stop,
01:15:44au-mail.
01:15:44Mets deux places
01:15:45au New Delhi,
01:15:45s'il vous plaît.
01:15:46Non, intercontinental,
01:15:47madame.
01:15:47Yes, sir,
01:15:47gratuite.
01:15:48Allô,
01:15:48je vous plaît.
01:15:49Allô,
01:15:49quel putain ?
01:15:50Oui,
01:15:51ça me fait,
01:15:51un monsieur,
01:15:52du sel d'or,
01:15:52ce fort.
01:15:53Le vol est un nulé,
01:15:54bien sûr,
01:15:55il parle de train,
01:15:55je...
01:15:55Oui, une seconde.
01:15:56Oui, passez-moi la ligne.
01:15:57Par la T de Bollyway.
01:15:58Mexico,
01:15:59je vous écoute.
01:16:00Non,
01:16:00San Francisco,
01:16:01première,
01:16:02ou touriste ?
01:16:02Bueno,
01:16:03on m'emmène tout au pas,
01:16:03par exemple.
01:16:04Alors,
01:16:04le Bourget,
01:16:05Orly,
01:16:05rien pour le 11 ?
01:16:06Pour le 12 ?
01:16:07Je vous écoute.
01:16:08Le 16,
01:16:08le 20,
01:16:09tout first class,
01:16:09tickets New York,
01:16:10départ de Paris ou de Londres ?
01:16:11De Londres ?
01:16:12Oui, monsieur,
01:16:13je vous écoute.
01:16:14Oui, mais alors là,
01:16:15vous changez absolument
01:16:15à New Delhi.
01:16:16Oui, c'est ça,
01:16:17ma'amui ?
01:16:17Alors,
01:16:17votre lâche au clair,
01:16:18à ce moment-là,
01:16:18vous repartez pour Oslo.
01:16:19Je vais vous donner un peu de la ligne.
01:16:20Le nom est Lax,
01:16:21all right ?
01:16:22Oui, madame,
01:16:23un moment.
01:16:23Il est là,
01:16:23il est là.
01:16:24Il est là.
01:16:24Il est là.
01:16:25Il est là.
01:16:29Il est là.
01:16:30Nous allons aller.
01:16:31S'il vous plaît,
01:16:32le car est là-bas.
01:16:33Vous l'aurez,
01:16:34votre avion.
01:16:36À coste ou poste ?
01:16:37Un moment.
01:16:39Coste,
01:16:39coste,
01:16:40coste.
01:16:436h30,
01:16:44Chicago,
01:16:44à 9h30.
01:16:453,
01:16:453,
01:16:463,
01:16:468h20.
01:16:47Vous voyez,
01:16:48enfant,
01:16:48il est là.
01:16:49Ah bon,
01:16:50il est là.
01:16:51Monsieur,
01:16:52il est là.
01:16:52Est-ce que je vous ferme ?
01:16:54D'accord.
01:16:56L'image est vraiment plus belle
01:17:02sur mon écran,
01:17:02sur le autre.
01:17:04Le film ressort en 2026.
01:17:06Vous voyez-le,
01:17:07en grande salle
01:17:07et en copie numérique.
01:17:09Quelle idée géniale
01:17:11que de parler du développement
01:17:13du tourisme de masse,
01:17:14du sourd-tourisme,
01:17:15comme on dit désormais,
01:17:16et de la mondialisation
01:17:17des échanges,
01:17:18en filmant non pas
01:17:19la visite de Paris
01:17:20réduite à ne plus apparaître
01:17:21dans le film
01:17:21que dans les reflets
01:17:22des façades de verre,
01:17:24mais en visitant
01:17:25une agence de voyage.
01:17:27Or,
01:17:27dans cette agence,
01:17:28on découvre les affiches
01:17:29des capitales du monde entier
01:17:30avec systématiquement pour visuel
01:17:32les mêmes immeubles
01:17:33de style international
01:17:34assortis d'un détail pittoresque.
01:17:36Les mêmes immeubles
01:17:37que ceux qu'on vient
01:17:37de croiser
01:17:38dans une rue parisienne.
01:17:39Or,
01:17:40que fait le vendeur
01:17:40de l'agence ?
01:17:41Il répond au téléphone
01:17:42en annonçant lui aussi
01:17:43des noms de villes
01:17:44du monde entier
01:17:45et grâce à sa chaise
01:17:47à roulette,
01:17:48s'efforce d'être
01:17:49en même temps
01:17:49ici et là,
01:17:50à New York
01:17:51et à Calcutta
01:17:52ou Zurich.
01:17:53Voilà précisément
01:17:54le sens de cette séquence.
01:17:55La modernité
01:17:56nous promet d'acquérir
01:17:57un don d'ubiquité
01:17:58et en étant ici,
01:18:00nous sommes en même temps là,
01:18:02dans chacune des villes
01:18:03qui se ressemblent
01:18:04partout dans le monde,
01:18:05en détruisant
01:18:06l'identité singulière
01:18:07des hommes
01:18:08et des lieux,
01:18:09nous avons rendu
01:18:09le tourisme
01:18:10parfaitement inutile.
01:18:11À quoi bon se déplacer
01:18:12si c'est pour voir
01:18:13exactement de l'autre côté
01:18:14de la Terre
01:18:15ce qu'on peut apercevoir
01:18:17en ouvrant sa fenêtre ?
01:18:19Il va sans dire
01:18:19que loin d'être réactionnaire,
01:18:21cette question
01:18:21a une longueur d'avance,
01:18:23à la fois sur des problématiques
01:18:24écologiques,
01:18:25y compris sur l'usage abusif
01:18:26de l'avion,
01:18:27état-il était,
01:18:28écolo et profondément européen,
01:18:30et sur des enjeux
01:18:31d'aménagement du territoire,
01:18:33ici comme ailleurs.
01:18:35Quel intérêt
01:18:35que nos centres-villes
01:18:37se ressemblent tous
01:18:38à ce point
01:18:39et alignent
01:18:40dans le même ordre
01:18:41les mêmes enseignes
01:18:42commerciales ?
01:18:44Alors il reste
01:18:45le pouvoir d'en rire
01:18:46grâce à l'observation
01:18:47que pratique ici Hulot
01:18:49qui voit l'agent de vente
01:18:50comme un danseur,
01:18:52comme le précise le scénario.
01:18:53La qualité d'un acteur comique
01:18:55se mesure à son jeu de jambes,
01:18:56aimait à dire Tati.
01:18:57Mais pas le temps d'en rire,
01:18:59M. Hulot est renvoyé
01:19:00de ce lieu aussi.
01:19:02Je m'arrête sur ce gars
01:19:03qui fait figure de métaphore
01:19:04à la toute fin de la séquence.
01:19:06L'employé se baisse
01:19:07et les poignées de la porte
01:19:08forment des cornes.
01:19:10Tati est donc chassé
01:19:11par un bouc
01:19:12qu'il voit tel quel
01:19:13puisqu'il prend peur.
01:19:15Mais en réalité,
01:19:16c'est la nature elle-même
01:19:17qui a été bannie
01:19:18de l'univers de Playtime.
01:19:19Elle est réduite
01:19:20à la portion congrue
01:19:21à l'image
01:19:22de la petite vieille
01:19:23qui vante encore
01:19:23quelques fleurs
01:19:24sur un coin
01:19:25de trottoir bitumé.
01:19:28Mais la nature
01:19:28a surtout trouvé refuge
01:19:30dans les métaphores
01:19:30comme celle du bouc.
01:19:31Ailleurs,
01:19:32le béton l'a avalé,
01:19:34effacé.
01:19:35Les lampadaires,
01:19:36cependant,
01:19:37se transforment encore
01:19:38en bouquets de muguets
01:19:39à la toute fin du film.
01:19:41Glissement logique
01:19:42vers le terrain
01:19:42de l'écologie
01:19:43où l'on aurait pu aborder
01:19:44Ogja de Bong Joon-ho
01:19:45présent dans la programmation
01:19:47du cycle
01:19:47ou le sous-estimé
01:19:48La Petite Bande
01:19:49de Pierre Salvadori
01:19:50qui tous deux offrent
01:19:51des rires de résistance
01:19:52pour sauver la planète.
01:19:54Mais puisque je n'ai plus
01:19:55guère le temps,
01:19:55je vais surtout me demander
01:19:56s'il ne faut pas aussi
01:19:57sauver le cinéma.
01:19:59C'est naturellement
01:20:00le film de Nanny Moretti
01:20:01qui nous servira
01:20:02pour cela de conclusion.
01:20:03Tandis que Mathieu Malric
01:20:05qui joue à son tour
01:20:06le producteur,
01:20:07lui lance une dernière piste
01:20:08pour sauver son film
01:20:09in extremis
01:20:10qu'il a lui-même plombé
01:20:12par ses malversations.
01:20:14Dernier extrait
01:20:14vers un avenir radieux
01:20:16de Nanny Moretti
01:20:172023.
01:20:19Ah et Giovanni,
01:20:20tu n'as pas oublié
01:20:21ce que je t'ai dit.
01:20:22Devi andare da Netflix.
01:20:23C'est le seul moyen
01:20:24de sauver le film.
01:20:25Si.
01:20:26Ciao Pierre.
01:20:27Ciao.
01:20:28Ciao a tutti.
01:20:35San Michele
01:20:36aveva un gallo
01:20:37dei fratelli italiani
01:20:39era un bellissimo film
01:20:42politico
01:20:42ma anche poetico
01:20:44e finiva
01:20:45con il suicidio
01:20:47del protagonista
01:20:48proprio come
01:20:49il mio film
01:20:50San Michele
01:20:52aveva un gallo.
01:20:54Si,
01:20:54ma voi dovete essere
01:20:55più ambiziosi.
01:20:56Si.
01:20:57I nostri prodotti
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01:20:58in 190 paesi.
01:21:00190 paesi.
01:21:02190 paesi.
01:21:04In questo film
01:21:05qual è il percorso
01:21:06del protagonista?
01:21:07Qual è il suo
01:21:08arco narrativo?
01:21:10Come cambia?
01:21:11Ma nella vita
01:21:12nessuno cambia mai
01:21:13veramente.
01:21:14È una cosa
01:21:14che si vede
01:21:16solo nei film.
01:21:17I nostri prodotti
01:21:18vengono visti
01:21:19in 190 paesi.
01:21:20E questo
01:21:20l'abbiamo detto.
01:21:21Purtroppo
01:21:22la sua sceneggiatura
01:21:23è uno slow burner
01:21:23che non esplode.
01:21:25No.
01:21:26No.
01:21:27Puff.
01:21:28Gli spettatori
01:21:29decidono
01:21:29se continuare
01:21:30a guardare un film
01:21:30nei primi due minuti.
01:21:32Bisogna arrivare
01:21:32prima all'incidente
01:21:33scatenante
01:21:34che adesso
01:21:34è al minuto?
01:21:36Sette.
01:21:36Mentre il primo
01:21:37turning point
01:21:38arriva al minuto?
01:21:3962.
01:21:40Troppo tardi?
01:21:41Allora
01:21:4235.
01:21:4412.
01:21:4614.
01:21:49117.
01:21:51391.
01:21:522.
01:21:532 è troppo presto.
01:21:54Troppo presto.
01:21:55Comunque
01:21:56c'è un grosso problema.
01:21:57In questo film
01:21:58manca un momento
01:21:59what the fuck?
01:22:11Comunque
01:22:12i nostri due protagonisti
01:22:13sono degli attori
01:22:14eccezionali, eh?
01:22:15Sì.
01:22:15No.
01:22:16Forget about
01:22:16Italian actors.
01:22:17Of course.
01:22:18Guardi,
01:22:19non parliamo di attori.
01:22:20In Italia
01:22:20non avete uno star system
01:22:22mentre i nostri prodotti
01:22:23sono visti in
01:22:24190 paesi.
01:22:26190 paesi.
01:22:28190 paesi.
01:22:29190 paesi.
01:22:29What the fuck?
01:22:50Voilà,
01:22:50je trouvais que c'était
01:22:51une bonne conclusion
01:22:51terminée par
01:22:52What the fuck?
01:22:53Mais je rebondis quand même
01:22:54un tout petit peu
01:22:54sur le génie total
01:22:55de l'acteur Moretti
01:22:56quand il se fige
01:22:57après l'annonce
01:22:58de la nécessité
01:22:59d'un effet
01:22:59what the fuck
01:23:00et sur le travail
01:23:02ici sur le langage
01:23:03évidemment
01:23:03notamment avec l'usage
01:23:05de cette expression
01:23:05l'arc narratif
01:23:06qui s'est effectivement
01:23:07répandu largement
01:23:08dans les milieux
01:23:09du cinéma.
01:23:10Eux ne se rendent pas
01:23:11compte de leur
01:23:11pouvoir comique
01:23:12et évidemment
01:23:13c'est eux
01:23:14l'effet what the fuck
01:23:15du film
01:23:15surtout quand on se
01:23:17souvient de Palombe
01:23:18Bélarossa
01:23:18et de ces mots
01:23:20de Nani Moretti
01:23:21qui hurle sur une
01:23:21journaliste
01:23:22mais comment tu parles?
01:23:24Voilà,
01:23:25j'espère que mes mots
01:23:25à moi auront su
01:23:26vous convaincre
01:23:27que sans naïveté
01:23:28sur les pouvoirs
01:23:28du cinéma
01:23:29comme acte de résistance
01:23:30certains films
01:23:31aident malgré tout
01:23:32à faire un pas de côté
01:23:33pour transformer
01:23:34notre regard
01:23:34sur le monde
01:23:35afin de le rendre
01:23:36plus habitable
01:23:37plus drôle
01:23:38et plus ouvert
01:23:39dans 190 pays.
01:23:41Je vous remercie
01:23:42de votre attention
01:23:43et de vos rire.
01:23:43Applaudissements
01:23:44Sous-titrage Société Radio-Canada
01:23:45Sous-titrage Société Radio-Canada
01:23:46Sous-titrage Société Radio-Canada
01:23:48Sous-titrage Société Radio-Canada
01:23:49Sous-titrage Société Radio-Canada
01:23:50Sous-titrage Société Radio-Canada
01:23:52Sous-titrage Société Radio-Canada
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