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  • il y a 1 jour
Cours de cinéma par Raphaëlle Pireyre, critique de cinéma. Dans le cadre de la thématique Elles sont là pour rester. Enregistré au Forum des images le Vendredi 04 avril 2025.

Tous les vendredis à 18h30, venez écouter des personnalités issues du monde du cinéma, mais aussi des arts visuels, des sciences sociales ou de la société civile, explorer des problématiques artistiques, sociétales, en écho à la programmation pop culture du Forum des images.
Transcription
00:00:00Merci d'être nombreux pour ce dernier cours de cinéma de notre cycle.
00:00:07Elles sont là pour rester consacrées à dix réalisatrices françaises.
00:00:11Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir Raphaël Pirère,
00:00:13critique de cinéma, qui va nous offrir le cours sur Alice Vinaugour,
00:00:17qui clôture en beauté notre cycle.
00:00:19Merci à vous et bonne séance.
00:00:22Merci.
00:00:28Bonsoir à toutes et tous.
00:00:30Je suis très heureuse de vous parler d'Alice Vinaugour ce soir,
00:00:34avant que vous puissiez découvrir ou redécouvrir, revoir Paris tout à l'heure.
00:00:39Le premier terme, je pense, qu'il faut utiliser pour définir le cinéma d'Alice Vinaugour,
00:00:46c'est celui de l'obsession.
00:00:48C'est vraiment une cinéaste obsessionnelle,
00:00:51qui dit elle-même qu'elle est dévorée par les sujets auxquels elle s'intéresse,
00:00:56elle est dévorée par les histoires qu'elle se met à écrire,
00:00:58ce qui fait par exemple qu'elle n'écrit qu'un film à la fois,
00:01:02ce qui est assez rare chez les cinéastes qui ont souvent plusieurs projets en même temps,
00:01:05comme un film, ça met très longtemps à se fabriquer,
00:01:08cinq ans, six ans,
00:01:10souvent ils ont différents projets à plusieurs stades.
00:01:13Elle, elle, elle vit complètement dans le sujet qui l'occupe,
00:01:19dans l'histoire sur laquelle elle est en train de travailler,
00:01:22elle ne parle que de ça, en tout cas c'est ainsi qu'elle se décrit.
00:01:26Et quand elle s'intéresse à une question, à un personnage, à un sujet,
00:01:32elle se documente de façon compulsive sur cette question-là.
00:01:37Et donc, étant moi-même une grande obsessionnelle,
00:01:39je suis toujours ravie de voir ce trait de caractère chez les cinéastes,
00:01:43ça me fait une sorte de thérapie de me rendre compte qu'il y a plus obstiné que moi.
00:01:48Donc je remercie Pauline Franchon d'avoir découvert son pressenti,
00:01:53ce trait de mon caractère.
00:01:55Et donc l'obsession, c'est vraiment un mot qui va revenir extrêmement souvent
00:01:59dans mon intervention de ce soir,
00:02:01parce que non seulement cette obsessionnalité lui sert de méthode de travail,
00:02:09aller au fond d'une question, aller au fond de la recherche documentaire sur un sujet,
00:02:15mais ça lui permet aussi de créer des personnages qui sont des opiniâtres,
00:02:21qui sont des entêtés, qui sont déterminés à quelque chose et qui ne lâchent jamais.
00:02:26Et donc les films d'Alice Binocourt suivent un personnage qui a un but, une quête,
00:02:32qui est dans un état dont il essaie de sortir, dont il essaie de se libérer.
00:02:36Et le film va suivre ce fil à chaque fois de manière extrêmement continue.
00:02:45Et puis, là où il faut parler d'obsession également,
00:02:50c'est qu'elle a des obsessions de cinéaste.
00:02:53Il y a des motifs qui reviennent dans ces films.
00:02:55Alors que, si vous avez une idée de son œuvre,
00:02:59vous percevez quand même que ces films se baladent entre des époques extrêmement différentes,
00:03:05l'époque contemporaine ou bien le XIXe siècle d'Augustine,
00:03:08entre des lieux, des milieux sociaux qui sont extrêmement variés.
00:03:12Et pourtant, on retrouve de façon extrêmement troublante
00:03:16des plans qui sont presque identiques,
00:03:19ou des motifs, des traits de caractère qui reviennent d'un film à l'autre.
00:03:25Qui sont souvent des traits de caractère personnel,
00:03:32qui viennent s'injecter dans tous les sujets qu'elle va aborder.
00:03:35Le premier de ces motifs, c'est celui du trauma.
00:03:40Elle en parle souvent en interview.
00:03:42J'imagine qu'elle en parlera demain lors de la rencontre avec ses collaborateurs.
00:03:48Alice Binokour est née dans une famille marquée par la Shoah.
00:03:52Son arrière-grand-père d'un côté, son grand-père de l'autre ont été déportés à Auschwitz.
00:03:59Son grand-père était un juif ukrainien qui est venu en France pour fuir les pogroms.
00:04:03Et donc, cette histoire-là est constitutive de sa famille,
00:04:06de l'atmosphère dans laquelle elle a grandi,
00:04:09et de l'histoire dans laquelle elle s'est construite.
00:04:14Donc, cette idée de la transmission du traumatisme de la Shoah,
00:04:18c'est ce qu'on voit très bien dans le beau film de Jesse Eisenberg,
00:04:21« Real Pain », qui est sorti il y a quelques semaines.
00:04:23C'est « Qu'est-ce que ça veut dire qu'être élevée par des personnes,
00:04:27qui ont été élevées par des personnes, qui ont vécu la barbarie absolue ? »
00:04:32Et donc, ce motif, même si elle ne l'aborde pas de façon frontale,
00:04:37le motif du trauma va revenir par différentes portes,
00:04:41chez ses personnages, dans ses films.
00:04:44Et je vous disais qu'elle se documente extrêmement précisément.
00:04:47Elle fait vraiment presque un travail universitaire de recherche sur chacun de ses sujets.
00:04:52et donc, très souvent, elle rencontre des psychiatres, des thérapeutes,
00:04:57sur ces questions-là, de « Qu'est-ce que c'est qu'un trauma ? »
00:04:59et « Comment ça se manifeste ? »
00:05:02Un autre de ces motifs, c'est celui du corps.
00:05:08La plupart de ces personnages sont des personnages qui vivent une aventure corporelle,
00:05:12une aventure vraiment dans leur organisme,
00:05:16où leur corps ne fonctionne pas tout à fait de façon normale,
00:05:20soit parce qu'ils doivent accomplir quelque chose d'exceptionnel,
00:05:23soit parce que le monde les projette dans un environnement
00:05:28qui fait qu'ils ne sont pas en mesure de fonctionner tout à fait comme ils devraient.
00:05:38Cette idée-là, le fait que le corps, c'est un de ces motifs récurrents,
00:05:44ça a pour corollaire que son cinéma ne peut pas être marqué par une grande sensorialité.
00:05:51Donc, une attention portée à ce que ressentent ces personnages,
00:05:54à ce qu'ils éprouvent d'un point de vue sonore, du toucher,
00:05:57comment ils perçoivent le monde.
00:05:59On est dans un cinéma qui est très subjectif,
00:06:01qui va vraiment essayer d'épouser le regard des personnages,
00:06:03mais ça se transmet aussi par capillarité au spectateur
00:06:08qui va être plongé dans un cinéma de la sensorialité
00:06:12où nos émotions à nous passent par un trouble du regard,
00:06:17par le fait que le montage va être fragmenté,
00:06:19par le fait que le son va être un peu troublé.
00:06:21Donc, d'un point de vue de la mise en scène
00:06:25et de comment le film arrive à notre corps,
00:06:29eh bien, il y a souvent un parallèle qui est tracé comme ça
00:06:32entre ce que vivent les personnages
00:06:34et ce que vit le spectateur, évidemment, dans une moindre mesure.
00:06:39Cette question du corps, ça a aussi pour corollaire le choix d'acteurs
00:06:42qui sont des acteurs très physiques.
00:06:44Et c'est étonnant de constater que les acteurs masculins
00:06:47qu'on voit chez Alice Vinocourt
00:06:49ont presque tous un peu le même rôle.
00:06:53Elle choisit des acteurs masculins très animaux, très instinctifs,
00:06:57ce qui n'empêche pas la technique par ailleurs,
00:07:00mais qui sont vraiment des natures physiques imposantes
00:07:04qui se posent dans le film,
00:07:07comme Vincent Lindon, comme Mathias Schoenhardt dans « Maryland »,
00:07:13qui viennent vraiment donner quelque chose de très animal à leur personnage.
00:07:18Et puis, du côté des actrices,
00:07:21elle va pousser aussi ces actrices à des traitements très intenses,
00:07:25je vous en reparlerai de façon plus précise à partir des films.
00:07:30Et Alice Vinocourt, elle a eu une grande cinéphilie très dévoratrice.
00:07:37Elle a vu beaucoup, beaucoup de films, de classiques,
00:07:40quand elle était enfant, qu'elle revoyait beaucoup, beaucoup de fois,
00:07:42et notamment les films d'Hitchcock.
00:07:43Donc, la blonde Hitchcockienne est un type de personnage
00:07:47qui revient dans ces films également.
00:07:49Cette question du corps,
00:07:54elle est très marquée aussi par les lieux que ces personnages habitent.
00:07:58Et ces personnages, ils sont plongés dans un décor
00:08:02avec lequel ils entrent en contact de manière très physique aussi.
00:08:09Ce décor n'est pas un simple lieu,
00:08:12mais va devenir soit une réflexion de leur psyché,
00:08:15soit une agression.
00:08:16Et c'est très frappant de constater à quel point
00:08:21tous les scénarios, non seulement qu'elle met en scène,
00:08:24mais aussi qu'elle a écrits pour d'autres,
00:08:25parce qu'initialement, c'est quelqu'un qui est scénariste,
00:08:28qui s'est formé comme scénariste à la FEMIS.
00:08:30Donc, elle a travaillé pour beaucoup de cinéastes,
00:08:33pour notamment Denise Gamzeer-Güven,
00:08:47la réalisatrice de Mustang.
00:08:49On est vraiment aussi dans une histoire de libération
00:08:53de jeunes filles qui sont dans un carcan moral extrêmement fort,
00:08:57prisonnières d'une maison,
00:08:58prisonnières des valeurs coercitives de leurs parents,
00:09:01et qui vont prendre le pouvoir sur leur vie.
00:09:07C'est le cas aussi de Lost Country,
00:09:09le film de Vladimir Pericic,
00:09:11qui date de 2023,
00:09:14qui est vraiment un très beau film sur un jeune garçon
00:09:16qui prend l'autonomie par rapport à sa mère,
00:09:19dont il se rend compte que, politiquement,
00:09:20ils sont en fait très, très éloignés l'un de l'autre.
00:09:22Donc, cette question de la libération,
00:09:24ça traverse vraiment tous les projets sur lesquels elle travaille,
00:09:28ses films intimes,
00:09:29et puis ses films qui sont moins personnels,
00:09:32et qui sont plus des commandes, en tout cas.
00:09:37Ce qui est très frappant aussi,
00:09:39c'est que, très souvent,
00:09:42ses films partent d'une question intime
00:09:45qu'elle va traiter par des sujets
00:09:48qui sont extrêmement loin d'elle.
00:09:50Elle n'est pas du tout une patiente
00:09:52du professeur Charcot au XIXe siècle,
00:09:55et pourtant, ça lui permet d'aborder
00:09:57cette question du trauma,
00:09:58de regarder Augustine pendant une heure et demie.
00:10:01Elle n'est pas un ancien soldat des forces spéciales,
00:10:04et pourtant, regarder Mathias Schoenartz
00:10:06dans Maryland,
00:10:07ça lui permet de régler aussi des questions personnelles.
00:10:10Donc, il y a un effet comme ça
00:10:11de très proche et de très lointain
00:10:13vis-à-vis de ses personnages,
00:10:14qui est très récurrent.
00:10:16Et enfin, une dernière constante
00:10:19des motifs de son cinéma,
00:10:22c'est la question de l'image.
00:10:23On est, dans ses films,
00:10:25face à des personnages qui regardent le monde
00:10:28et qui regardent la représentation du monde.
00:10:33Et dont le regard est abîmé, obstrué,
00:10:38dont le regard est empêché
00:10:39par des tas de raisons,
00:10:41de l'environnement qui les porte.
00:10:47C'est justement une image
00:10:49qui est à l'origine d'Augustine,
00:10:50son premier long-métrage en 2012.
00:10:53Cette image, c'est un tableau
00:10:55du peintre André Brouillet
00:10:56qui s'appelle
00:10:57Une leçon clinique à la salle pétrière,
00:11:00un tableau qui date de 1887
00:11:02et qui montre une femme
00:11:04qui est en train de défaillir,
00:11:05qui est en train d'avoir une crise,
00:11:07et puis une quinzaine d'hommes
00:11:09en costume, très sérieux,
00:11:11tous massés dans un coin du tableau
00:11:14qui sont en train de l'observer.
00:11:16Et cette image s'est mise à la hantée,
00:11:18au point qu'elle s'est mise à se renseigner
00:11:21sur ses leçons cliniques à la salle pétrière,
00:11:24qui était quand même un moment très particulier,
00:11:27puisque le professeur Charcot
00:11:28donnait des leçons de médecine
00:11:31à partir de cas réels
00:11:32dans l'ensemble de la salle pétrière,
00:11:36des leçons publiques.
00:11:37Comme moi, je vous parle de cinéma aujourd'hui.
00:11:39Lui, il amenait ses patientes
00:11:41et devant un public comme vous,
00:11:42il décrivait les symptômes
00:11:44et il montrait comment leur corps
00:11:46était affecté par la maladie
00:11:48et par la maladie mentale.
00:11:49Jean-Martin Charcot,
00:11:53c'est un neurologue de génie
00:11:55qui est un des tout premiers à comprendre
00:11:57que le cerveau n'est pas une zone homogène,
00:12:01mais qu'il a des zones
00:12:03qui correspondent à des usages
00:12:04et à des fonctions différentes.
00:12:08Et il va avoir,
00:12:09sur les maladies du cerveau,
00:12:11une influence extrêmement importante
00:12:14au point qu'il est le grand maître de Freud.
00:12:16Il travaille sur la neurologie
00:12:18avant la mention de la psychanalyse.
00:12:19Au point que Sigmund Freud
00:12:21va appeler son fils Jean-Martin,
00:12:22ce qui n'est pas rien quand même.
00:12:24C'est vraiment quelqu'un de très important
00:12:26à ce moment-là
00:12:26qui est entre une médecine
00:12:29très expérimentale,
00:12:31vraiment à la pointe,
00:12:32et entre quelque chose
00:12:34d'absolument spectaculaire.
00:12:36Il met en scène ses patients,
00:12:38sa pratique,
00:12:39et il a à la fois une envie de pédagogie,
00:12:43de montrer au grand public,
00:12:45de sensibiliser aux cas
00:12:47sur lesquels il travaille,
00:12:48mais aussi avec un sens du voyeurisme
00:12:52qui est assez déplaisant
00:12:54et qu'on retrouve tout à fait
00:12:55dans le film Augustine.
00:12:59Augustine, c'était sa patiente préférée,
00:13:01ce qui déjà montre un rapport
00:13:03entre patient et médecin
00:13:04un peu tordu,
00:13:06un peu troublé.
00:13:07Elle a séjourné
00:13:09une douzaine d'années
00:13:10à la salle pétrière
00:13:11et un jour,
00:13:12elle s'est déguisée en homme,
00:13:13elle s'est enfuie
00:13:14et on ne l'a jamais revue.
00:13:15Donc il y a une relation entre eux
00:13:18qui est assez trouble
00:13:19de l'ordre de l'emprise.
00:13:22Augustine est une bonne
00:13:23qui a 19 ans
00:13:24quand elle arrive
00:13:25à la salle pétrière,
00:13:26elle a fait une crise
00:13:27inconnue,
00:13:29non identifiée
00:13:30chez ses maîtres
00:13:30pendant un dîner
00:13:31et donc on l'envoie
00:13:33à l'hôpital
00:13:33et elle est observée
00:13:35comme ça
00:13:35par ce médecin
00:13:37et par tous les hommes
00:13:42qui gravitent
00:13:43autour de lui
00:13:43et surtout
00:13:46ce qui est important
00:13:47dans le film Augustine
00:13:48outre ce rapport
00:13:51entre un homme de science
00:13:53et une femme du peuple
00:13:54qui vont être réunis
00:13:56alors que socialement
00:13:58ils sont à des endroits
00:14:00très éloignés l'un de l'autre.
00:14:02Ce qui est important aussi
00:14:03c'est qu'en 1861
00:14:05où à peu près ils se rencontrent
00:14:07c'est l'avènement
00:14:09de la photographie.
00:14:11En France, dans le monde
00:14:12c'est un moment
00:14:12où il y a un goût
00:14:13pour les images
00:14:14qui est extrêmement prononcé,
00:14:15très fort
00:14:16et la photographie
00:14:19elle existe depuis 1839
00:14:20mais pour qu'elle devienne
00:14:23instantanée
00:14:24il faut attendre
00:14:24quelques dizaines d'années
00:14:25donc en 1860
00:14:27c'est possible
00:14:28de prendre des photos instantanées
00:14:29et donc Charcot
00:14:30va documenter aussi
00:14:32d'un point de vue photographique
00:14:34ses patientes
00:14:35c'est les crises
00:14:37qu'elles font
00:14:37il va provoquer les crises
00:14:39qu'il traite après
00:14:40par l'hypnose
00:14:41et hop
00:14:42vite il les photographie
00:14:44donc ça c'est possible
00:14:45parce qu'il y a cette rencontre
00:14:47à ce moment là
00:14:47d'un règne de l'image
00:14:49et d'un règne de la médecine
00:14:50et d'une médecine
00:14:51très positiviste
00:14:52qui est très sûre d'elle-même
00:14:54et sûre de l'amélioration
00:14:56qu'elle va pouvoir
00:14:57permettre au monde.
00:15:00Donc c'est ça
00:15:01qui intéresse
00:15:01Alice Vinocourt
00:15:02dans son premier long-métrage
00:15:04Augustine
00:15:04c'est cette rencontre
00:15:05entre les deux
00:15:06cette question de l'image
00:15:07comment on représente
00:15:09la médecine
00:15:10et cette question
00:15:11de comment
00:15:11on se met à observer
00:15:13on se met à considérer
00:15:14quelque chose
00:15:15qui est de l'ordre
00:15:15de l'invisible
00:15:16une maladie
00:15:17qui est une maladie mentale
00:15:19et qui est une maladie sociale
00:15:20Je vous propose
00:15:22qu'on regarde
00:15:22un premier extrait
00:15:24donc un extrait
00:15:25d'Augustine
00:15:26elle est déjà patiente
00:15:29de Charcot
00:15:30elle est déjà
00:15:31à la salle pétrière
00:15:32et donc on voit
00:15:32l'extrait
00:15:35on les voit tous les deux
00:15:36qui est une maladie mentale
00:15:38qui est une maladie mentale
00:15:39qui est une maladie mentale
00:15:41qui est une maladie mentale
00:15:42Merci.
00:16:12Merci.
00:16:42La paralysie s'est déplacée à gauche selon une ligne parfaitement géométrique.
00:16:58On dirait un dessin de maître.
00:17:01La main est paralysée à gauche en griffes, insensible au froid et au chaud.
00:17:12Le tic-tac d'une montre appliquée sur son oreille gauche est à peine perçu.
00:17:38Il est entendu à 10 centimètres de l'oreille droite.
00:17:42La température vaginale est constante, sans variation.
00:17:50Augustine ne distingue à gauche que le rouge.
00:17:54À droite, elle a la notion de toutes les couleurs, sauf du violet.
00:17:56L'odorat est aboli à gauche, un peu diminué à droite.
00:18:13Le sucre, le sel, le poivre ne sont pas perçus.
00:18:15Mis sous hypnose, elle manifeste une rigidité totale,
00:18:32qui permet de conserver la posture dans laquelle on l'a mise pendant un temps assez long.
00:18:37Nous n'avons jamais poussé l'expérience plus de 4 ou 5 minutes.
00:18:43Une charge de 40 kilos sur son ventre ne fait pas fléchir le corps.
00:18:46Hier, Augustine a rêvé qu'on achevait des bêtes dans un abattoir.
00:19:07Elle a vu tomber des bêtes, couler du sang.
00:19:09Le matin, elle avait ses règles pour la première fois.
00:19:12Caractère.
00:19:14Augustine est active, intelligente, affectueuse, impressionnable.
00:19:17La vue des hommes lui est agréable.
00:19:19Elle aime à se montrer et désire qu'on s'occupe d'elle.
00:19:21Elle est coquette, met beaucoup de soin à sa toilette,
00:19:24à disposer ses cheveux qui sont abondants,
00:19:26tantôt d'une façon, tantôt de l'autre.
00:19:28Les rubans, surtout de couleurs vives, font son bonheur.
00:19:30Est-ce que je peux prendre une pomme ?
00:19:56Non.
00:20:00Ce qui m'intéressait dans cette séquence, c'est ce nom de la fin.
00:20:08C'est l'idée que lui a la parole, il a la parole savante,
00:20:12il a la parole sociale, et elle, non.
00:20:16Elle n'est pas un personnage de parole.
00:20:18Et puis ce qui m'intéressait aussi, c'est le fait qu'on voit vraiment,
00:20:22dans cette séquence, je trouve, à quel point s'affrontent dans le film
00:20:27deux visions du monde différentes.
00:20:29Augustine, qui est couchée dans l'herbe, qui contemple,
00:20:32qui prend le temps de regarder une fournie,
00:20:34qui est toute l'observation de ses sensations et du monde.
00:20:39Et le regard de Charcot, qui lui, est un regard scientifique,
00:20:44qui analyse, qui mesure, qui n'est pas du tout dans le même type de regard,
00:20:50et qui mesure le monde, quoi.
00:20:55Et on sent bien la différence de mise en scène entre ces deux instants.
00:21:01Augustine avec des plans longs, larges, qui laissent du champ,
00:21:06et puis les plans sur Charcot, sur la façon dont son regard découpe Augustine,
00:21:11vraiment comme si c'était un quartier de viande.
00:21:14Le cinéma vient découper sa main, son visage, les parties de son corps,
00:21:20et la voix haute vient préciser toutes les mesures de son organisme.
00:21:28Et donc, la mise en scène vient en soutien du fait que la perception de cache-Arcot du monde,
00:21:34c'est une perception qui vient mesurer et qui regarde Augustine comme si elle était un objet.
00:21:41Donc, d'un côté, on a une malade qui, au cours du film, va devenir un sujet,
00:21:46et qui va devenir un sujet, paradoxalement, dans le fait qu'elle est regardée par Charcot
00:21:51comme un animal, comme une malade, et pas du tout comme un sujet.
00:21:58Et la phrase qu'a Alice Vinocourt à ce sujet-là, c'est qu'elle dit
00:22:03« Je voulais prendre dans ce film le point de vue du rat de laboratoire ».
00:22:07Et ça, c'est très frappant dans ce film, mais aussi dans tous ces films,
00:22:11à quel point, quand elle choisit un sujet, elle en déplace le point de vue.
00:22:16Et là, au lieu de se mettre du côté de la parole, qui est la parole savante,
00:22:20elle va mettre, placer son regard du côté d'Augustine,
00:22:23et de comment Augustine fait varier, fait vaciller cette parole savante,
00:22:28et de comment est-ce que les deux paroles viennent s'entrechoquer
00:22:31pour créer quelque chose qui déborde, en fait, la relation entre médecin et patiente,
00:22:37et qui va même beaucoup, beaucoup la déborder à la fin du film,
00:22:40jusqu'à la transgresser totalement.
00:22:45Et puis, dans ce moment très positiviste de la science,
00:22:49il y a un côté vraiment foire, pipe chaud,
00:22:51qui vient complètement déroger au sérieux des recherches scientifiques de Charcot,
00:22:57et qui vient en faire une espèce de charlatan aussi,
00:23:00ou de profiteur, qui se sert des femmes qui sont ses patientes,
00:23:04pour faire sa gloire, faire sa renommée.
00:23:08Dans le film, on entend notamment un article qui a été publié par Guy de Maupassant,
00:23:13qui était allé voir une de ses leçons du mardi,
00:23:15où Charcot présentait ses patientes.
00:23:18Et donc, Maupassant fait une analyse de cette séance,
00:23:23à laquelle il a assisté,
00:23:25et la question même qui se pose dans ses séances,
00:23:28c'est est-ce que ce que Charcot nomme l'hystérie existe ?
00:23:33Est-ce que ces femmes sont des comédiennes ?
00:23:35Est-ce que leurs crises sont fausses ?
00:23:38Est-ce que cette chose-là existe ?
00:23:40Et donc, le film s'attache comme ça à montrer l'invisible,
00:23:44à montrer qu'est-ce que c'est que le trouble
00:23:47qui oppresse les femmes dans la société à cette époque-là,
00:23:51à un tel point que leur corps ne répond plus.
00:23:54Et ce qui est très frappant, c'est que...
00:23:58C'est que...
00:24:03Comme ce qui opprime et oppresse les femmes à cette époque-là,
00:24:09c'est la question de la sexualité,
00:24:10la sexualité qui leur est déniée et qui leur est souvent imposée.
00:24:13Augustine, la vraie Augustine, elle a été violée dans sa vie,
00:24:17donc la sexualité s'impose complètement à elle.
00:24:19Finalement, la maladie mentale se manifeste comme ça
00:24:24par des postures très obscènes
00:24:25qu'adoptent les patientes de Charcot et qu'on voit dans le film.
00:24:30Et Alice Vinocourt filme cette obscénité
00:24:33en montrant des femmes qui sont nues,
00:24:36à la peau très blanche, très blafarde,
00:24:38au milieu d'hommes en complet veston.
00:24:40Et donc, il y a une obscénité dans ces scènes-là
00:24:42qui est très forte et qui vient nous raconter quelque chose
00:24:44d'une violence de cette société-là
00:24:46qui met les hommes et les femmes à des niveaux extrêmement différents.
00:24:51Et ce qui est très impressionnant aussi
00:24:55dans la façon de montrer la salle pétrière,
00:24:58c'est que Charcot avait créé la cité des femmes
00:25:01où il y avait 2000 malades
00:25:02et une petite poignée d'hommes
00:25:05qui s'occupaient d'elles et qui les traitaient,
00:25:07mais qui aussi les montraient.
00:25:08Et ce sujet-là, il a été traité encore par Mélanie Laurent
00:25:13dans le film Le bal des folles,
00:25:15adapté du roman de Victoria Mass,
00:25:18et aussi par Arnaud Depallière dans le film Captif,
00:25:21qui se passe juste, je crois, l'année après le départ
00:25:24de la salle pétrière de Charcot.
00:25:27Mais voilà, cette question-là,
00:25:28elle est perçue très différemment entre 2012,
00:25:31le moment où Alice Vinocourt fait son film Augustine,
00:25:35et puis ces deux films qui sont beaucoup plus récents,
00:25:38sur un même sujet et sur un même fait historique.
00:25:43Je vous parlais du choix des acteurs
00:25:45opéré par Alice Vinocourt.
00:25:48Là, pour jouer à Augustine,
00:25:49elle a choisi une chanteuse et comédienne
00:25:52qui s'appelle Soko,
00:25:53qui partage avec elle l'histoire
00:25:56d'une famille qui a été marquée par la Shoah.
00:26:00Sauf que dans la famille de Soko,
00:26:02on n'en parle pas du tout,
00:26:03et c'est un tabou qui n'est jamais brisé.
00:26:09Et Soko s'astreint pour ce rôle-là
00:26:12à une préparation très difficile.
00:26:18Elle va travailler avec une danseuse
00:26:19qui s'appelle Cindy Van Acker,
00:26:20qui est une danseuse qui fait des mouvements
00:26:23vraiment très...
00:26:25qui tiennent de la contorsion
00:26:28vraiment très vive,
00:26:31presque du choc électrique,
00:26:33comme s'il y a un choc électrique
00:26:34entré dans son corps.
00:26:36Et donc, elle va aider Soko
00:26:39à trouver ces mouvements-là,
00:26:41qui sont des mouvements d'un corps
00:26:43possédé par une force,
00:26:45qui est celle de la maladie.
00:26:47Et elle va aussi subir des scènes
00:26:50extrêmement difficiles
00:26:51au moment où ces crises sont filmées,
00:26:53puisqu'il y en a plusieurs dans le film.
00:26:57Et Alice Vinocourt l'attache à des filins.
00:27:01Et il y a des techniciens
00:27:02qui tirent le corps de Soko
00:27:03très fortement dans une direction
00:27:05ou dans l'autre,
00:27:06comme quand on écartelait
00:27:08des coupables au Moyen-Âge.
00:27:11Et sachant que Soko n'a pas notion
00:27:15de quelle partie de son corps
00:27:16va être tirée à quel moment
00:27:17et selon quelle force.
00:27:18Donc, c'est un tournage
00:27:20qui est extrêmement physique,
00:27:21extrêmement difficile
00:27:22et où l'actrice subit
00:27:24quelque chose d'assez dur
00:27:26pour représenter
00:27:27ce que pouvait vivre Augustine.
00:27:31Et donc, elle est prise dans un harnais
00:27:33qui la secoue comme ça,
00:27:34qui met son corps vraiment en expérience
00:27:37de quelque chose d'extrêmement brutal.
00:27:42Je vous recommande aussi
00:27:43sur cette question-là de l'hystérie
00:27:45une série de documentaires
00:27:48de France Culture
00:27:49qui s'appelle
00:27:49Les fantômes de l'hystérie
00:27:51de Pauline Chanut
00:27:52qui vient d'être diffusée
00:27:53il y a quelques semaines,
00:27:54qui est vraiment très intéressante
00:27:55sur cette question-là
00:27:56et qui permet de repenser
00:27:57les questions que se pose
00:27:59Alice Vinocourt,
00:28:00mais aussi à l'aune
00:28:03d'un point de vue contemporain.
00:28:06J'ai choisi uniquement
00:28:07des extraits de films
00:28:09réalisés par Alice Vinocourt.
00:28:11Je vais vous montrer
00:28:12des extraits de ces quatre longs-métrages
00:28:14et un d'un court-métrage.
00:28:16Je n'ai pas choisi
00:28:17d'extrait de films
00:28:17qu'elle a scénarisés
00:28:18et j'ai choisi un parcours
00:28:21qui n'est pas tout à fait chronologique.
00:28:23Et donc, on va passer à Proxima
00:28:27maintenant qui est son troisième long-métrage
00:28:28qui date de 2019.
00:28:32Et Augustine,
00:28:35c'était le travail de fin d'études
00:28:37qu'Alice Vinocourt avait écrit
00:28:39à la Fémice.
00:28:42C'était son scénario
00:28:43de travail final.
00:28:47Et il n'était pas du tout prévu
00:28:48qu'elle le réalise.
00:28:49Et puis finalement,
00:28:50en cherchant quelqu'un
00:28:51pour le mettre en scène,
00:28:52elle ne trouve pas
00:28:53ou elle ne trouve pas
00:28:54quelqu'un qui lui convienne,
00:28:55dont la vision soit vraiment
00:28:57complète la sienne.
00:29:00Donc, elle décide finalement
00:29:01de réaliser ce film-là elle-même.
00:29:03Mais c'est comme une espèce
00:29:04d'accident dans son parcours.
00:29:06Elle, ce qu'elle voulait faire,
00:29:07c'était vraiment écrire.
00:29:09Initialement,
00:29:09elle a fait des études de droit
00:29:10et puis elle a passé
00:29:11le concours de la Fémice
00:29:12un peu comme ça.
00:29:14Et mue par une grande cinéphile
00:29:17qu'elle avait,
00:29:18mais initialement,
00:29:19son envie,
00:29:19c'était vraiment d'écrire,
00:29:21d'écrire des histoires
00:29:21et pas du tout de réaliser.
00:29:25Ce qui est intéressant
00:29:26dans la façon
00:29:26dont elle passe
00:29:27le concours de la Fémice,
00:29:29c'est que,
00:29:30je ne sais pas si vous savez,
00:29:31mais pour le concours de la Fémice,
00:29:33il y a un grand dossier
00:29:34qu'il faut rendre.
00:29:35Il y a un thème
00:29:35qui est le même pour tout le monde
00:29:37et il faut produire
00:29:38un dossier documentaire,
00:29:41fictionnel,
00:29:41avec plein de réflexions
00:29:43sur un sujet très vague.
00:29:45Et son année à elle,
00:29:46le sujet,
00:29:47c'était la chute.
00:29:48Et donc,
00:29:48pour ouvrir son dossier
00:29:50sur son sujet,
00:29:51elle est allée
00:29:51faire une chute libre.
00:29:53Elle qui est prise de vertige,
00:29:56elle s'est lancée dans le vide
00:29:57comme ça
00:29:57pour commencer son travail
00:29:59sur la question de la chute.
00:30:01et je trouve que cette anecdote,
00:30:03elle nous dit bien
00:30:04à quel point
00:30:05elle s'engage
00:30:06dans ses films
00:30:07de façon très intime,
00:30:08de façon très physique
00:30:09et à quel point aussi
00:30:10elle engage
00:30:11ses comédiens
00:30:12et ses comédiennes
00:30:13pour les films.
00:30:18Proxima,
00:30:19c'est un film
00:30:20qui relie,
00:30:21de fait,
00:30:21une question
00:30:21qui est extrêmement intime,
00:30:23comment on fait
00:30:24pour être mère,
00:30:25pour travailler,
00:30:27pour se séparer
00:30:28et son enfant
00:30:28et une question
00:30:30qui est extrêmement loin d'elle
00:30:32qui est
00:30:33qu'est-ce que c'est
00:30:33qu'être une astronaute
00:30:34et qu'est-ce que c'est
00:30:35que quitter la Terre
00:30:36pour s'apprêter
00:30:38à partir dans l'espace.
00:30:39Ces deux idées-là,
00:30:41elles sont venues
00:30:41un peu en même temps
00:30:43de façon concomitante
00:30:44et se sont rejointes
00:30:45finalement dans un scénario
00:30:46de manière assez
00:30:47contre-intuitive.
00:30:51L'idée,
00:30:52donc,
00:30:52de sa fascination
00:30:53d'enfance pour l'espace,
00:30:54elle l'a creusée
00:30:55avec des recherches
00:30:56documentaires très poussées
00:30:57comme elle le fait
00:30:58à chaque fois
00:30:58et puis ça a rejoint
00:31:00sa question du moment
00:31:01qui était qu'elle avait
00:31:02une fille
00:31:03qui était petite
00:31:04et qu'elle se disait
00:31:05mais comment on fait
00:31:06pour continuer
00:31:07à travailler,
00:31:07à faire un travail
00:31:08aussi exigeant
00:31:09que celui du cinéma
00:31:11et puis comment on fait
00:31:12pour donner tout
00:31:13à un enfant
00:31:14avec la perspective
00:31:15que si tout se passe bien,
00:31:17il va nous quitter
00:31:17et il ne pensera pas
00:31:19trop à nous.
00:31:22Si on pense au fait
00:31:24que quand elle écrivait
00:31:24ce scénario,
00:31:25il y avait une photo
00:31:26d'Alien
00:31:26de James Cameron
00:31:29au-dessus de son bureau.
00:31:30Les deux pendants
00:31:32de ce scénario
00:31:32s'intègrent parfaitement
00:31:34bien l'un à l'autre
00:31:35et ça rejoint aussi
00:31:40ce que je vous disais
00:31:41sur Augustine
00:31:42et sur le fait
00:31:42qu'elle a tendance
00:31:43à décaler son regard
00:31:45et à changer
00:31:46le point de vue
00:31:46sur un sujet.
00:31:48Et donc,
00:31:48alors que les astronautes
00:31:50dans le cinéma
00:31:51qui est plutôt
00:31:51un cinéma américain,
00:31:52le cinéma de l'espace,
00:31:53c'est quand même
00:31:54plutôt un cinéma
00:31:54hollywoodien,
00:31:55on les voit
00:31:56plutôt comme des surhommes,
00:31:57plutôt dans l'espace,
00:32:00plutôt comme des personnages
00:32:01qui font face
00:32:03à toutes les situations.
00:32:04Eh bien,
00:32:04Alivine au cours,
00:32:06elle va voir
00:32:06des vrais astronautes
00:32:07et ce qui la frappe
00:32:08d'emblée,
00:32:09c'est à quel point
00:32:09ils sont fragiles,
00:32:10à quel point
00:32:11ils sont surentraînés,
00:32:12que ce sont des êtres
00:32:13exceptionnels
00:32:14qui ont fait des études
00:32:15dingues,
00:32:16mais aussi à quel point
00:32:18l'idée de quitter la Terre,
00:32:19d'aller dans l'espace,
00:32:22d'aborder d'autres planètes,
00:32:23c'est une idée
00:32:25qui met leur humanité
00:32:26complètement en fragilité.
00:32:28Et donc,
00:32:28c'est ça qui va devenir
00:32:29le sujet de son film Proxima,
00:32:31c'est à quel point
00:32:32l'idée de se séparer,
00:32:34sacrée de la fragilité
00:32:36chez l'humain.
00:32:37Pour jouer le rôle
00:32:43de son astronaute femme,
00:32:44elle demande à Eva Green
00:32:45d'incarner ce personnage
00:32:50de Sarah,
00:32:51qui est donc une astronaute
00:32:52qui s'apprête à partir.
00:32:54Ça fait des années
00:32:54qu'elle étudie,
00:32:55qu'elle se prépare
00:32:56et là, enfin,
00:32:57elle est appelée
00:32:58pour une mission,
00:32:59une mission internationale.
00:33:04Et donc,
00:33:05je vous propose
00:33:05qu'on regarde l'extrait
00:33:06qui est le tour
00:33:07au début du film
00:33:08appartient même
00:33:10du générique.
00:33:13Moi, je serai dans la capsule
00:33:15et on va s'accrocher
00:33:16à la station.
00:33:18Le truc,
00:33:19c'est qu'elle tourne
00:33:19à 28 000 km heure.
00:33:21Super vite.
00:33:22Mais c'est quand
00:33:24vous flottez ?
00:33:26T'es dans la capsule,
00:33:28tu sors de l'atmosphère,
00:33:30tu passes de l'autre côté,
00:33:33t'es en apesanteur.
00:33:35Tu flottes.
00:33:36Cologne 1,
00:33:41un-contained fire.
00:33:42Cologne 1,
00:33:43un-contained fire.
00:33:44de l'atmosphère,
00:33:53cologne 1,
00:33:54cologne 1,
00:33:54cologne 1,
00:33:55cologne 1,
00:33:56cologne 1,
00:33:57et on va s'accrocher.
00:34:00J'ai pas de
00:34:04dessus.
00:34:05Sous-titrage Société Radio-Canada
00:34:35Sous-titrage Société Radio-Canada
00:35:05Sous-titrage Société Radio-Canada
00:35:35Sous-titrage Société Radio-Canada
00:36:05Sous-titrage Société Radio-Canada
00:36:35Sous-titrage Société Radio-Canada
00:37:05Sous-titrage Société Radio-Canada
00:37:35Ce qui m'intéresse dans cette séquence, c'est l'effet de montage qui entremêle les deux rôles de Sarah, son rôle de mère et son rôle d'astronaute qui est en entraînement intensif et à quel point le montage les met donc ensemble en commençant par son rôle de mère.
00:37:57Mais ce n'est pas seulement qu'on a des séquences qui sont en montage alterné ou parallèle, c'est aussi que dans sa conversation avec sa fille, elle raconte ce que c'est que son travail, elle raconte ce que c'est que partir en mission, elle lui parle de décollage d'une fusée et donc leur relation elle-même est en train de, dès le début, de devenir une métaphore, ou plutôt le travail en tant qu'astronaute devient une métaphore de ce que c'est que l'éducation.
00:38:25Lancer la fusée pour la séparation, pour le décollage.
00:38:28Donc les deux, dans les dialogues, dans le fait d'être tout le temps en mouvement, dans la succession des petites séquences comme ça, vient nouer un lien entre ces deux mondes qui sont a priori pas très proches,
00:38:46celui d'une mère célibataire, d'une mère divorcée, et puis celui d'une astronaute de haut niveau qui s'apprête pour sa mission internationale.
00:38:54Donc il y a cet effet de continuité, et puis on sent aussi à quel point le corps d'Eva Green est mis à rude épreuve dans le film, le corps d'Eva Green et le corps de Sarah, les deux en même temps.
00:39:11Eva Green, on la connaît pour son rôle de James Mongerl dans Casino Royale, au début des années 2000, et puis pour ses rôles chez Tim Burton, où elle incarne quelque chose de très gothique,
00:39:24et le romantisme gothique, c'est quelque chose qui plaide beaucoup à Alice Vinocourt, qui est proche de sa culture, elle a beaucoup lu Les Sœurs Bronté à l'adolescence,
00:39:34et c'est quelque chose qui imprime ces films. On le sent beaucoup dans Augustine, cette idée de, je ne sais pas si vous avez en tête le plan du paysage tout brumeux,
00:39:46ça fait vraiment Angleterre victorienne. Donc ce gothique chez Eva Green la séduit, et en même temps, elle la prend dans son film pour le gommer totalement,
00:40:00et pour enlever tout ce qu'on connaissait d'elle en tant que comédienne. Et donc elle la montre assez souvent dénudée, en soutien-gorge, qui va dans sa douche,
00:40:09mais son corps n'est pas du tout glamourisé comme une Jasmine Girl, il n'est pas du tout montré comme quelque chose de sensuel,
00:40:16et il n'est pas regardé avec un œil qui irait du côté de la séduction, d'être séduit par ce corps et d'essayer de séduire le spectateur.
00:40:26Au contraire, il est regardé comme un corps surpuissant, surmusclé, qui sait affronter toutes les difficultés.
00:40:32Et la difficulté, c'est autant celle d'éteindre un incendie dans une capsule que celle d'être à l'heure pour donner le bain, bien quand il faut.
00:40:42Et ce que j'aime beaucoup dans ces deux séquences, que toutes les mères et tous les parents qui ont des enfants connaissent,
00:40:48c'est à quel point les deux doivent être toujours sur la même hauteur, et à quel point il faut se soumettre aux deux.
00:40:56C'est une course continue et qu'on a toujours l'un et l'autre en tête.
00:41:02Donc le montage organise ça, et puis ce corps d'Eva Green qu'on connaît dans un cinéma très international,
00:41:09à la fois on le découvre dans un univers domestique dans lequel on ne l'avait jamais trop vu,
00:41:17et on le retrouve dans un univers beaucoup plus international, avec Matt Dillon qui va partir en mission avec elle,
00:41:25avec son ancien mari qui est Lars Edinger, qui est un comédien de théâtre allemand de la troupe de Ostermeyer,
00:41:33et puis qu'on voit aussi dans les films d'Olivia Sayas, dans Irma Wepp, sa série, dans Sils Maria, dans Personal Chopper.
00:41:42Donc c'est un acteur qu'on voit un peu au cinéma, mais qui amène autre chose aussi que ce cinéma américain très grand public.
00:41:51Et puis il y a un acteur russe aussi qui vient du théâtre, qui s'appelle Alexei Fateyev,
00:41:56et Sandra Huller, qu'on ne présente plus, qui était moins connue à l'époque, mais que tout le monde connaît maintenant,
00:42:02et qu'elle avait vue dans Tony Erdman de Marénadeux.
00:42:06Donc ça fait comme ça une famille de cinéma qui vient de plein d'horizons différents,
00:42:11non seulement de nationalités, mais aussi de types d'images, de types de récits très variés,
00:42:16et qui évidemment crée un espèce de feuilletage, un effet de mise en abîme entre ce que raconte le film
00:42:24et puis ce qu'il nous raconte de comment il est en train de se fabriquer.
00:42:28Et c'est un film qui est tourné beaucoup à Cologne, là où se trouve l'agence spatiale européenne,
00:42:37où Alice Winocourt est allée en résidence très longuement.
00:42:42En fait, l'agence spatiale européenne, elle organise comme ça des résidences,
00:42:46c'est un peu comme Charcot avec ses leçons de pédagogie.
00:42:50L'agence spatiale européenne, elle fait venir des artistes pour qu'ils travaillent,
00:42:53qu'ils observent les astronautes, les préparateurs, tout cet argent public
00:43:00qui est mis dans cette conquête de l'espace, et pour en faire la promotion,
00:43:05et pour en faire la pédagogie.
00:43:07Et si vous avez lu la BD de Marion Montaigne, Dans la peau de Thomas Pesquet,
00:43:11elle s'est aussi immergée en résidence à l'agence spatiale européenne,
00:43:16et donc elle a fait le même parcours qu'Alice Winocourt,
00:43:19à regarder comment les gens travaillent, à parler avec eux à la cantine,
00:43:22et à donc s'imprégner de leur quotidien, de qu'est-ce que c'est qu'une journée pour eux,
00:43:27et comment est-ce qu'ils travaillent, et quelle est leur vie.
00:43:30Et leur vie, donc, elle est très internationale.
00:43:32Donc elle a filmé à Cologne, elle a filmé aussi à Baïkonour,
00:43:36et son tournage reflète ça.
00:43:39Elle est dans une équipe internationale avec des acteurs qui viennent de partout,
00:43:44et qui reflète ce que va être la mission que va connaître Sarah.
00:43:49On est dans un scénario qui joue sur la frustration,
00:43:51puisque le film ne décolle jamais vraiment.
00:43:54C'est un film sur la question de la séparation,
00:43:56mais qui est l'avant de la séparation,
00:43:59et qui ne nous soumet pas vraiment,
00:44:03qui se pose la question de ce que c'est que le manque,
00:44:05ce que c'est que rompre,
00:44:07mais rompre avec la terre, rompre avec sa fille,
00:44:09mais sans nous y confronter,
00:44:12elle se confronte seulement à l'idée.
00:44:15L'idée de départ d'Alice Winocourt,
00:44:17c'était que son personnage féminin soit une super-héroïne.
00:44:22Elle voulait faire un film comme un Marvel,
00:44:24avec une super-héroïne qui serait mère de famille,
00:44:27et puis cette idée est tombée, finalement,
00:44:30remplacée par la question spatiale,
00:44:32sauf qu'elle ne s'est pas complètement effacée.
00:44:34Elle est restée quand même dans le scénario comme une espèce de substrat,
00:44:37parce que vous voyez bien que dans la séquence
00:44:38que je vous ai montrée,
00:44:41Sarah, elle est filmée comme une super-héroïne,
00:44:44et ça va être ça pendant tout le temps du film,
00:44:46une super-héroïne qui a des problèmes d'agenda,
00:44:49de planning, de garde,
00:44:51et qui doit amener sa fille en réunion
00:44:52parce qu'elle n'a pas pu la faire garder.
00:44:54Il y a plein de séquences comme ça,
00:44:55où le fait d'être mère,
00:44:57le fait d'avoir ses règles aussi, d'être une femme,
00:44:59ça crée une distance avec les hommes
00:45:02qui ne sont pas habitués à ça.
00:45:04Mais donc elle est filmée quand même
00:45:06comme un espèce de corps surpuissant,
00:45:08et de corps surhumain
00:45:10qui est proche de celui de la super-héroïne,
00:45:12et ça, ça passe vraiment par la mise en scène.
00:45:15Je ne sais pas si vous avez remarqué aussi
00:45:17que quand on voit son corps incliné comme ça,
00:45:22presque à l'horizontale,
00:45:24ça reprend en fait le plan qu'on a vu d'Augustine
00:45:27qui est en crise hystérique,
00:45:29qui est hypnotisée,
00:45:31et quand Charcot dit,
00:45:32on peut lui mettre des poils de 40 kg sur le ventre
00:45:35si on a envie de s'amuser,
00:45:36et on la voit sur deux chaises,
00:45:39et donc c'est étonnant,
00:45:40parce que c'est vraiment un motif inconscient
00:45:42qui revient comme ça d'un film à un autre,
00:45:44de mettre les femmes à l'horizontale
00:45:46et de voir ce que ça fait.
00:45:47Donc ce que Charcot produit chez Augustine,
00:45:51Alice Binocourt le reproduit chez ces actrices.
00:45:54Ce film-là, c'est donc un récit d'apprentissage
00:46:05où Sarah apprend deux choses très contradictoires,
00:46:08qui est à la fois le contrôle absolu
00:46:15de sa situation professionnelle,
00:46:17et puis le lâcher prise total de sa situation maternelle,
00:46:21où elle doit laisser sa fille
00:46:22et où elle doit voir qu'elle grandit sans elle.
00:46:24Et je vous disais que les images sont très importantes
00:46:26dans le cinéma d'Alice Binocourt.
00:46:30C'est le cas, on ne le voit pas dans cette séquence,
00:46:33mais dans le film Proxima,
00:46:35il y a énormément d'images prises au téléphone.
00:46:37Et donc cette question de la distance,
00:46:38de la séparation,
00:46:39elle passe beaucoup par le fait
00:46:40que la petite fille grandit loin de sa mère
00:46:44et que maintenant elle se voit par images interposées.
00:46:47Ou les images de la Terre reproduites,
00:46:50ou les images de grandes astronautes
00:46:52qui sont en portrait dans les couloirs de la station européenne,
00:46:58tout ça, ça fait des images auxquelles se confronter.
00:47:00Et j'avais envie de vous montrer cet extrait-là,
00:47:03ce tout début du film,
00:47:04parce que j'aime bien le fait qu'on commence dans le noir
00:47:07avec la voix d'une mère qui raconte une histoire à sa fille,
00:47:10parce que le film est conçu comme ça.
00:47:13Et le film est conçu comme...
00:47:16En fait, l'histoire qu'on devrait raconter aux enfants,
00:47:21c'est plutôt celle de grandes astronautes
00:47:24qui ont conquis la planète
00:47:25plutôt que de leur raconter des histoires
00:47:27de peau d'âne qui ne veut pas épouser son père
00:47:31ou du petit chaperon rouge qui ne doit pas aller dans la forêt.
00:47:33Et donc, c'est comme si elle revisitait
00:47:36les contes pour petite fille
00:47:38à l'aune d'un récit de super-héroïne comme ça.
00:47:41Donc j'aime bien qu'on commence par quelque chose
00:47:42d'extrêmement intime dans le noir,
00:47:45une petite voix murmurée
00:47:46pour nous raconter une très grande histoire.
00:47:49Et...
00:47:50Je voulais vous montrer un extrait de Kitchen,
00:47:57qui est son tout premier court-métrage,
00:47:59qui est un film qui se passe essentiellement dans une maison
00:48:04et beaucoup, beaucoup dans une cuisine
00:48:07et où les choses ne se passent pas tout à fait comme il faudrait.
00:48:11C'est pourtant une situation beaucoup plus simple.
00:48:13Là, c'est une femme qui a prévu de faire un dîner à son mari
00:48:18et il lui a dit qu'elle pouvait cuisiner ce qu'elle voulait.
00:48:22On regarde l'extrait de Kitchen avec la géniale Elina Lovenzon.
00:48:29C'est un salopard.
00:48:57...
00:48:59C'est parti.
00:49:29C'est parti.
00:49:59C'est parti.
00:50:29C'est parti.
00:50:59C'est parti.
00:51:29C'est parti.
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00:53:29C'est parti.
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00:57:29C'est parti.
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01:09:29C'est parti.
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01:10:59C'est parti.
01:11:29C'est parti.
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01:13:29C'est parti.
01:13:59C'est parti.
01:14:29C'est parti.
01:14:59C'est parti.
01:15:29qui se touche.
01:15:59C'est parti.
01:16:29C'est parti.
01:17:59C'est parti.
01:18:29C'est parti.
01:18:59C'est parti.
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