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00:00...
00:00Bonjour, Rebecca, soyez la bienvenue au Think Tank Marie-Claire.
00:15Rebecca, vous êtes docteur en économie, vous êtes fondatrice de la fameuse newsletter Les Glorieuses.
00:22Vous êtes médiatiquement connue pour avoir lancé un mouvement qui sensibilise à quelque chose dont on parle depuis le début de cette matinée.
00:28Je veux parler de l'inégalité en termes de salaire entre les hommes et les femmes.
00:33Ce mouvement, il porte la date à partir de laquelle les femmes travaillent gratuitement par rapport aux hommes en raison des inégalités.
00:38Vous nous en direz un mot tout à l'heure.
00:41Alors derrière tout ce qu'on a dit depuis le début de cette matinée, il y a évidemment cette notion d'égalité qui est piétinée de femmes à qui on cherche à mettre un couvercle
00:49et qui cherche à le faire un petit peu voltiger.
00:52Il y a aussi un film de Béninique Loubert dont on n'a pas parlé depuis le début de cette matinée.
00:57Je vous propose vraiment, je vous conseille vraiment d'aller le voir.
01:00C'est un film qui retrace les combats de certaines femmes pour gagner leur émancipation.
01:05Il est sur YouTube et il s'appelle Émancipation des femmes, une histoire d'argent.
01:11Il est en accès gratuit sur YouTube.
01:14Alors ce qui m'a marquée en regardant ce film, Rebecca Amselem, c'est la farouche détermination de certaines femmes à certaines époques.
01:21Et on les oublie, ces femmes, des femmes qui se sont battues pour que l'égalité financière soit un acquis.
01:29Ce monde-là, celui du courage féminin, est-ce qu'il est selon vous révolu ?
01:34On a le sentiment qu'il s'évapore un petit peu.
01:38Est-ce que c'est pour toutes ces femmes qui se sont battues avant nous, à une époque au cours desquelles on n'existait pas,
01:45que vous avez, vous, fondé les Glorieuses ?
01:47C'était une longue introduction.
01:50Merci pour votre invitation.
01:53J'ai créé la newsletter des Glorieuses il y a une dizaine d'années déjà.
01:58C'était avant MeToo, c'était avant qu'on ait tous ces essais fabuleux qui aujourd'hui trônent sur nos bibliothèques.
02:06C'était un monde qui était vraiment très différent il y a dix ans.
02:08Et je pense que la raison pour laquelle j'ai créé cette newsletter, c'est parce que, déjà, je ressentais un manque.
02:16Dans un premier temps, je trouvais que je ne lisais pas suffisamment de textes qui permettaient de comprendre ce que ça voulait dire
02:23de devenir féministe en France, à l'époque j'avais 25 ans.
02:27Et dans un deuxième temps, je voulais transmettre cette sorte de conversion féministe que j'étais en train de vivre.
02:35Et j'utilise le terme de conversion féministe que j'emprunte à Marguerite Durand,
02:39qui a créé le premier journal féministe en France qui s'appelle La Fronde.
02:43Elle disait que devenir féministe, c'était une jonction, une conversion, donc, de lecture d'un côté,
02:50de lecture de romans, d'essais, et puis d'expériences de la vie de femme.
02:54Et en fait, j'avais envie de continuer cette activité, cet exercice qu'elle avait fait avec La Fronde.
03:02Et c'est pour ça que j'ai créé Les Glorieuses.
03:05Vous parliez dans votre question de la question du courage,
03:09et ça m'a fait penser à ces quelques mots de la philosophe Simone Veil,
03:12donc avec un W pour parler de celle-ci.
03:14Elle disait, dans le courage, il y a des moments où on est indifférent au danger.
03:18Le sentiment qui accompagne le courage, c'est la peur.
03:21Dans tous les actes héroïques, il y a ce sentiment surmonté.
03:26Et quand on se réfère à cette définition, on comprend que le courage des femmes,
03:29c'est le courage des femmes qu'on croise tous les jours.
03:31C'est une femme qui décide d'aller porter plainte,
03:33sachant bien que son agresseur a uniquement 4% de chances d'être condamnée.
03:38C'est une femme qui décide de porter une mini-jupe et puis de prendre le métro le soir.
03:41C'est une femme qui entreprend.
03:43C'est une femme qui décide d'avoir des enfants à un certain moment donné de sa vie.
03:46C'est une femme qui décide de ne pas avoir d'enfants à un autre moment donné de sa vie.
03:49Le courage des femmes, c'est ça.
03:51En fait, c'est le courage de toutes les personnes, de toutes les femmes qui décident à un moment donné
03:54de ne pas se conformer entièrement, parfaitement à cet idéal qu'on attend de nous.
03:59À travers vos propos, Rebecca, vous êtes en train de nous dire
04:02que l'égalité, elle se questionne à travers de nombreux thèmes.
04:06Et ça peut être la culture, la philosophie, l'art, la politique, l'amour.
04:11Pourquoi cette question d'argent, elle est aussi centrale aujourd'hui ?
04:16Vous parliez dans votre introduction de cette phrase tout à fait éloquente de Gisèle Halimi
04:21qui disait que l'indépendance financière est la clé de la libération.
04:25Et dans un entretien qu'elle a fait, elle avait dit, elle avait un peu développé ce thème.
04:30Elle avait expliqué qu'une femme indépendante financièrement permet de, en tout cas peut se réaliser
04:36dans tout un tas de domaines, y compris en amour.
04:39Et je trouvais ça intéressant le fait qu'elle intègre cette notion-là.
04:42On me pose souvent la question des raisons de mon engagement pour l'égalité salariale.
04:46J'ai souvent droit au « ah, c'est pour qu'elle fasse plus de shopping ».
04:49C'est vraiment pas une blague.
04:51Si jamais je me bats pour faire en sorte qu'on vive, en tout cas que l'égalité salariale
04:57advienne en France, c'est pour une question de sécurité.
05:00Et je parle toujours de cette analogie, cette situation potentielle que j'espère ne jamais commettre,
05:08que personne ne connaîtra jamais dans cette salle.
05:11C'est l'idée d'avoir l'égalité salariale.
05:13C'est pour faire en sorte que si un jour, pour une raison X ou Y, une femme décide de se lever au milieu de la nuit,
05:20de prendre ses enfants et de partir, mon objectif est qu'à aucun moment,
05:25l'argent ne rentre en compte dans sa prise de décision.
05:28C'est pour ça, aujourd'hui, que je me bats pour l'égalité salariale.
05:31Comment est-ce que vous expliquez que l'indépendance financière,
05:34que cet accomplissement financier que vous portez viscéralement, on le sent dans vos propos,
05:39comment expliquez-vous qu'il ne soit pas suffisamment valorisé aujourd'hui ?
05:43En fait, c'est hyper intéressant parce qu'on vit un moment où il y a vraiment deux courants très opposés qui s'affrontent.
05:51Alors après, effectivement, c'est le lot de notre société contemporaine.
05:54D'un côté, il va y avoir des femmes, des jeunes femmes qui vont investir très tôt,
06:00qui vont suivre Héloïse Bolle sur les réseaux sociaux et qui vont appliquer ces très très bons conseils tous les jours.
06:05On va accueillir Héloïse Bolle, qui est là et qui est prête à monter sur scène.
06:09On va l'accueillir dans quelques instants.
06:11Et donc, c'est des jeunes femmes qui ne font pas les mêmes erreurs que moi j'ai fait quand j'étais plus jeune.
06:16C'était quoi ces erreurs alors ?
06:17Je pense que c'est des erreurs de ne pas investir suffisamment tôt, le fait de peut-être ne pas négocier quand on est en position de négocier aussi.
06:27Et il y a un autre courant que vous avez souligné quand même, qui est un courant conservateur,
06:33qui enjoint les femmes à rentrer, à rester chez elles, même pas à sortir de chez elles, à rentrer, à rester chez elles.
06:39Et ce courant qu'on peut communément parler d'appeler les tradwives, je ne sais pas si vous en avez, vous avez vu quelques tendances peut-être sur les réseaux sociaux.
06:50On va d'ailleurs publier une enquête sur les tradwives dans la newsletter des Glorieuses.
06:53Alors peut-être qu'il faut que vous expliquiez un peu pour les gens qui sont dans la salle, en quelques secondes.
06:57C'est un mouvement qu'on voit souvent sur les réseaux sociaux, où on va voir une femme cuisiner, s'occuper de ses enfants,
07:03faire la promotion d'un mode de vie qui ressemble davantage à un mode de vie de certaines femmes au foyer dans les années 50,
07:10et qui va dire finalement que ça va être une manière douce de vivre sa vie.
07:17Et ça me permet d'enchaîner sur le fait que les raisons que les tradwives, donc ces femmes, évoquent pour justifier leur mode de vie,
07:28ce sont des raisons, je pense, qu'on partage un peu toutes aujourd'hui dans cette salle.
07:34Dans un premier temps, c'est le constat qu'on vit dans une société avec beaucoup moins de connexions, avec beaucoup moins de sens.
07:41Le fait de se consacrer à sa famille, aussi à ses enfants, finalement, permet de remettre du sens aussi dans sa vie.
07:48Dans un deuxième temps, il y a cette question hyper intéressante du monde du travail,
07:53le fait que le monde du travail, c'est un monde qui n'est pas adapté aux femmes.
07:56Encore aujourd'hui, c'est les femmes qui doivent s'adapter à ce monde-là,
08:00et c'est un monde qui peut être violent, du coup, pour les femmes.
08:02Et donc, de manière assez naturelle, le fait de se mettre en retrait de ce monde-là
08:06permet d'avoir une vie plus douce.
08:10Et enfin, je pense que c'est plus simple aussi de se conformer aux attentes d'un idéal patriarcal
08:15que de le confronter tous les jours.
08:17Et je dis ça, non pas pour vous convaincre d'être tradwives,
08:20mais pour vous montrer, en fait, le danger de l'argumentaire de ces mouvements conservateurs,
08:27notamment sur les réseaux sociaux,
08:28parce que ça commence avec une petite vidéo pour faire un petit gâteau au chocolat.
08:32Et en fait, ça termine, grâce à cet algorithme qui est dominé par des personnes conservatrices
08:37et qui ont un agenda politique,
08:39à faire en sorte de véhiculer des idées transform,
08:44des idées anti-immigration, des idées d'extrême droite.
08:47Alors, Rebecca Amsel, on a un peu pris par le temps, je suis désolée,
08:49on a pris beaucoup de retard depuis le début de cette matinée.
08:53Quel pourrait être, selon vous, le point de bascule ?
08:56Je parlais de oser, vous avez beaucoup parlé de courage.
08:59Quel pourrait être le point de bascule pour qu'il y ait un chemin différent
09:03qui soit tracé par les femmes à partir de ce matin ?
09:06Prenons des engagements.
09:07Alors, je pense qu'effectivement, il y a tout un discours autour du fait
09:11qu'on demande aux femmes d'oser.
09:13Je pense que les femmes, elles osent déjà, elles osent chaque jour, finalement.
09:17Je pense qu'en revanche...
09:17Il y a une différence entre oser et courage.
09:19Elles ont du courage, mais est-ce qu'elles osent suffisamment en termes de placement ?
09:22Marianne le disait tout à l'heure, elles n'osent pas assez.
09:24Je pense qu'au-delà de la question d'oser,
09:27je pense qu'il faut que ce soit la société qui soit à la hauteur de l'audace des femmes.
09:32Il faut qu'on construise ce système qui permet de faire en sorte
09:36que lorsqu'une femme osent, elle est récompensée.
09:38Et ne pas faire en sorte que, comme malheureusement souvent aujourd'hui,
09:41quand une femme osent, finalement, elle n'est pas récompensée.
09:44Voir on lui dit qu'elle est ambitieuse.
09:45Complètement.
09:46Et puis finalement, ça va être un trait qui ne va pas être considéré
09:49comme étant très féminin, l'ambition chez une femme.
09:52Et donc, c'est pour ça qu'on publie des études tous les ans,
09:57notamment en faveur de l'égalité salariale.
09:58On est allé voir dans d'autres pays ce qui se faisait
10:01et ce qui avait permis d'endiguer considérablement les inégalités salariales.
10:06Il y a par exemple la question de la transparence des salaires,
10:08comme en Californie.
10:09Et heureusement, il y a une directive européenne
10:11qui fait en sorte qu'à partir de 2026,
10:14il y a une transparence des salaires obligatoire
10:16pour les entreprises de plus de 250 salariés.
10:18Mais rien n'empêche toutes les entreprises
10:20de l'appliquer finalement dès maintenant.
10:22Il y a aussi la question d'augmenter les minimas sociaux
10:27des métiers diféminisés.
10:28Ça a été évoqué très justement par Rachel Silveira.
10:31Une des causes aujourd'hui fondamentales
10:33qui permet d'expliquer les inégalités de salaire,
10:34c'est la ségrégation professionnelle.
10:36C'est le fait que les femmes sont très majoritaires
10:40dans les métiers du soin, dans les métiers de l'éducation.
10:42Et comme l'économiste Rachel Silveira l'a souligné,
10:46ce sont des métiers qui sont essentiels à notre société.
10:49Sans le soin et sans l'éducation,
10:51on ne peut plus faire société.
10:52Et donc, qu'est-ce qu'a fait la Nouvelle-Zélande ?
10:54C'est vraiment hallucinant.
10:55Ils sont allés comparer les différents métiers
10:58en fonction de la compétence,
11:00du nombre d'études nécessaires et de la pénibilité.
11:03Et par exemple, ils se sont rendus compte
11:05qu'étaient équivalents deux métiers,
11:08qui étaient les infirmières et les policiers.
11:12Et j'utilise le mot genré à chaque fois à Escien,
11:14ce qui fait qu'ils ont remonté les minimas sociaux
11:16des infirmières en Nouvelle-Zélande.
11:18Et aujourd'hui, les deux catégories
11:19sont payées de manière équivalente.
11:22Et ça permet aussi de ne pas rajouter
11:24une couche supplémentaire de culpabilité aux femmes,
11:26à savoir, si jamais vous voulez gagner plus,
11:29arrêtez d'être infirmière
11:30et allez travailler dans le numérique.
11:32En fait, je n'ai rien contre le numérique,
11:34je travaille dans le numérique,
11:36mais sans infirmière, on n'a pas de société.
11:39On restera là-dessus.
11:40Merci infiniment.
11:41Rebecca Amtélène, on va les applaudir.
11:43Merci à vous.
11:44Sous-titrage Société Radio-Canada

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