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  • il y a 2 jours
Mardi 2 septembre 2025, retrouvez Simon Rolin (Avocat et agent d'artistes) dans ART & MARCHÉ, une émission présentée par Sibylle Aoudjhane.

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Transcription
00:00Je suis ravie de vous retrouver pour une nouvelle saison d'art et marché, votre rendez-vous hebdomadaire qui vous ouvre les portes du marché de l'art.
00:15Lorsqu'un artiste vend une œuvre d'art, un taux de 5,5% s'applique, mais lorsqu'il la vend via une société, est-ce la même chose ?
00:25Nous allons voir comment une décision de la Cour de justice de l'Union Européenne met ce sujet en perspective.
00:31Nous serons avec Simon Rollin, avocat spécialiste du marché de l'art au cabinet Fournol Avocat.
00:42Un artiste peut vendre une œuvre d'art via sa société et profiter d'un taux de TVA à 5,5%.
00:48C'est ce que confirme la récente décision.
00:55La récente décision de la Cour de justice de l'Union Européenne.
00:58Et Simon Rollin, vous êtes avocat auprès des acteurs de la création et aussi agent d'artiste.
01:01Vous êtes présent pour nous détailler tout ça.
01:03Merci beaucoup.
01:04Merci à vous de me recevoir.
01:06Est-ce que tout d'abord, vous pouvez nous résumer en quelques mots l'arrêt récent qui a eu lieu ?
01:10Peut-être l'histoire, parce que c'est l'histoire au départ d'une galerie d'art.
01:14Tout à fait.
01:14Avec un artiste et la société de cet artiste-là et l'œuvre d'art que la galerie a souhaité vendre.
01:20Tout à fait.
01:21Alors, je vais peut-être juste dans un premier temps rappeler le contexte de la réglementation en matière de taxes sur la valeur ajoutée.
01:28Donc, la TVA touche toutes les ventes de biens.
01:31Et l'Union Européenne, parce que c'est une réglementation qui est harmonisée au sein de l'Union Européenne,
01:36afin de favoriser l'entrée sur ce territoire d'œuvres d'art, lorsqu'elles sont apportées ou lorsqu'elles sont nouvellement créées,
01:44prévues des règles spécifiques avec des taux favorables ou des modalités de vente favorables.
01:50Donc, on a soit un taux réduit de 5,5% qui, jusqu'au 1er janvier 2025, ne concernait que les ventes par l'artiste ou alors les importations d'œuvres d'art.
01:59Et on a également ce qu'on appelle la TVA sur la marge.
02:02C'est-à-dire que là, ça ne concerne que les galeries d'art ou les marchands.
02:06La TVA sur la marge, c'est qu'on ne va plus calculer la TVA sur le montant total de la vente,
02:10mais on va calculer la TVA sur la marge.
02:13C'est-à-dire, par exemple, si une galerie prend 50% de marge, la TVA ne va pas être calculée sur le prix total,
02:17mais seulement sur 50%, ce qui permet finalement de vendre des œuvres d'art à des prix plus attractifs.
02:23Pour bénéficier de ces deux règles, il faut remplir deux conditions.
02:30Il faut tout d'abord que ce soit une œuvre d'art au sens du droit fiscal.
02:33Et la définition d'une œuvre d'art au sens du droit fiscal est très précisément prévue par les règles européennes
02:39et par le Code général des impôts.
02:41Il y a sept types d'œuvres qui sont considérées comme des œuvres d'art.
02:44Et à chaque fois, on voit, notamment pour les tableaux, que ces œuvres d'art doivent être créées par l'artiste.
02:50Il doit y avoir une intervention de la main de l'artiste, exactement.
02:53Donc, il faut une œuvre d'art.
02:56Et ensuite, jusqu'au 1er janvier, pour le taux réduit, seules les ventes par des artistes ou leurs ayants droit des œuvres
03:04pouvaient avoir un taux réduit à 5,5%.
03:07Et les importations d'œuvres d'art.
03:10Concernant la TVA sur la marge, c'était seulement les importations ou les acquisitions auprès d'artistes.
03:15Donc, il fallait que ce soit un artiste qui vende.
03:17C'est ça. Il y a eu beaucoup d'échanges entre l'Union Européenne, le ministère et tout ça, tous les professionnels du marché de l'art ont agi.
03:24Parce que depuis le 1er janvier 2025, maintenant, toutes les ventes d'œuvres d'art sont assujetties à un taux de 5,5%, ce qui est assez intéressant.
03:33Alors, pour revenir plus précisément peut-être à cette procédure qui opposait la galerie parisienne Carsten Greve,
03:39qui est une galerie d'art contemporain, ça prend place en 2014.
03:43Donc, en 2014, le Royaume-Uni est encore au sein de l'Union Européenne.
03:46C'est vrai.
03:47Et cette galerie vend des œuvres d'un artiste ou d'un peintre britannique qui s'appelle Gideon Rubin.
03:53Et elle n'achète pas les œuvres auprès de l'artiste, mais elle achète les œuvres auprès de la société de droit britannique
04:02qui a été créée par l'artiste et dont il y a également d'autres associés au sein de cette société.
04:07On va revenir après un peu plus en détail sur ce concept de société d'artiste.
04:10Tout à fait. Et l'administration fiscale, la galerie avait appliqué le régime de la TVA sur la marge parce qu'elle considérait avoir acheté auprès de l'artiste.
04:21Et l'administration fiscale dit non.
04:23Vous ne pouvez pas avoir acheté d'œuvres d'art appliqué la TVA sur la marge parce que cette TVA sur la marge ne s'applique que lorsque l'œuvre a été achetée auprès d'un artiste et non pas auprès d'une société.
04:36Et pour cela, en fait, elle lit, et ça c'est une interprétation qui existe depuis une dizaine ou vingtaine d'années,
04:41elle lit la notion d'auteur au sens du droit fiscal avec la définition d'œuvre d'art qui, comme vous l'avez souligné,
04:50oblige le fait que l'auteur ait entièrement exécuté l'œuvre de sa main.
04:54Pour elle, si c'est une société qui crée l'œuvre et qui la vend pour la première fois, ça ne peut pas être une œuvre d'art, ça ne peut pas être une première livraison.
05:01Donc, s'en suit une procédure judiciaire avec différentes décisions, à chaque fois, l'administration fiscale française et les juridictions françaises refusent le bénéfice de cette fiscalité favorable
05:10jusqu'à ce que le Conseil d'État s'en saisisse et le Conseil d'État, en 2024, utilise un mécanisme qui va poser une question à la Cour de justice de l'Union européenne.
05:18C'est-à-dire que pour interpréter certaines règles de l'Union européenne, les juridictions françaises peuvent interroger la Cour de justice de l'Union européenne pour demander comment s'interprète le droit.
05:28Comment est-ce qu'on pourrait trancher ?
05:30Voilà, comment on pourrait trancher ?
05:31Et la question posée par le Conseil d'État auprès de la Cour de justice de l'Union européenne est la suivante.
05:35Est-ce qu'une société peut être considérée comme un auteur au sens du droit fiscal, au sens de la TVA ?
05:44Et dans sa récente décision du 1er août 2025, la Cour de justice de l'Union européenne reformule en quelque sorte sa question en disant
05:51« Ce n'est pas vraiment la question. Ce qui compte, c'est être certain que les œuvres ont bien été créées par l'artiste
05:57et qu'ensuite la première vente a été réalisée par une société créée par l'artiste. »
06:02Parce que c'était un peu étrange de poser la question comme est-ce qu'elle peut être créée par une société ?
06:07Tout à fait.
06:07Ça veut dire quoi, une œuvre d'art créée par une société ?
06:10Ça ne veut pas dire grand-chose.
06:12C'est là où finalement, on avait peut-être un spectre de réflexion assez restreint en droit français
06:17où on se contentait de lier la notion d'auteur avec l'exécution de la main.
06:20En fait, la Cour de justice de l'Union européenne dit « Ce qui compte, c'est est-ce que l'œuvre a bien été exécutée matériellement,
06:27mais les modalités de commercialisation doivent être libres.
06:30Sinon, ça remet en cause le principe de neutralité fiscale. »
06:34Et donc, la Cour de justice de l'Union européenne dit que l'artiste vende directement
06:39ou à travers une société qu'il a fondée à cette fin,
06:44donc aux fins de commercialisation d'une œuvre d'art.
06:47Ça n'a pas d'importance.
06:48Les seules conditions, c'est qu'il faut qu'on soit certain que l'œuvre a été créée par l'artiste.
06:52Donc, il faut que la société ait été fondée à cette fin.
06:56Et aussi, il faut que l'œuvre naisse dans le patrimoine de la société.
06:59Et c'est là aussi quelque chose d'important, c'est que dans cette hypothèse-là,
07:03si l'artiste constitue une société qui souhaite vendre les œuvres au travers de cette société,
07:07il faut que l'œuvre ne soit pas la propriété de l'artiste,
07:10mais l'œuvre soit la propriété de la société.
07:13Finalement, l'œuvre naisse dans le patrimoine de la société.
07:17Donc, on verra, maintenant qu'on a cette réponse, qu'est-ce qui va se passer ?
07:22Le Conseil d'État va rendre la décision dans le litige spécifique concernant la galerie Carstengrève.
07:29Donc, on suivra de façon attentive comment le Conseil d'État va interpréter pour cette décision spécifique.
07:37Qu'est-ce que ça nous permet, finalement, maintenant de dire cette décision ?
07:42Ça permet, en fait, de rassurer les artistes.
07:44Pourquoi ? Parce que, comme je vous l'ai dit, depuis le 1er janvier 2025,
07:48finalement, toutes les ventes d'œuvres d'art sont soumises à un taux de 5,5 %.
07:53Donc, il n'y a plus cette difficulté pour un artiste.
07:55De calculer la marge, etc.
07:57Et surtout, en fait, un artiste, avant, s'il vendait via sa société, c'était un taux de 20 % qui s'appliquait.
08:02Donc, il était obligé de vendre directement son œuvre à 5,5 %.
08:07Alors, pour des artistes qui faisaient des œuvres importantes,
08:10on pense par exemple à Jean-Michel Otoniel ou alors à Xavier Veillant,
08:13ce qu'ils faisaient, c'est qu'ils avaient éventuellement une société de production
08:16et c'est eux qui vendaient leurs œuvres directement en tant que personnes physiques
08:20et il y avait des circuits financiers avec leur société de production
08:22où ils versaient de l'argent pour financer la production des œuvres ou pour payer les employés.
08:27Mais là, ce que ça permet maintenant, c'est qu'en fait,
08:29un artiste peut simplement créer une société et ne plus se soucier de qui doit vendre l'œuvre.
08:33Parce que société d'artiste, ça veut dire quoi exactement, justement ?
08:35Est-ce que c'est pareil qu'un atelier, que tous ces artistes qui ont plusieurs personnes qui travaillent pour eux ?
08:40Qu'est-ce que ça veut dire, société d'artiste ?
08:41Société, c'est vraiment la notion juridique de société.
08:45Ça va être, un artiste va pouvoir créer soit une SAS, soit une SARL ou une société civile éventuellement.
08:51Et ce qui est aussi intéressant et ce qui ressort de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne,
08:55c'est que le Conseil d'État avait aussi demandé si, est-ce que ces sociétés devaient, par exemple,
09:00être détenues de façon majoritaire par l'artiste pour pouvoir vendre les œuvres et bénéficier de ce taux réduit.
09:06Et la Cour de justice de l'Union européenne dit non, on s'en fiche de savoir si l'artiste doit être le gérant,
09:12si l'artiste doit être l'actionnaire majoritaire ou s'il doit percevoir la majorité des revenus provenant de la vente des œuvres.
09:18Ce qui compte, c'est seulement qu'on ait la certitude que les œuvres aient été réalisées par l'artiste,
09:23même si elles sont vendues par la société.
09:23Et les modèles des commercialisations sont libres.
09:27Quel serait l'intérêt pour l'artiste d'avoir une société ?
09:30Alors, déjà, c'est pouvoir choisir.
09:32Et en travaillant régulièrement avec des artistes, au sein du cabinet Fourneau l'Avocat,
09:40il y a beaucoup de personnes qui nous interrogent en disant, est-ce que je peux faire une société ?
09:44Jusqu'à présent, s'ils voulaient vendre des œuvres d'art, ce n'était pas possible.
09:47Parce qu'ils vendaient des œuvres, s'ils faisaient une société, c'était des ventes à 20%.
09:51Là, l'artiste peut choisir, et on peut même imaginer peut-être qu'il fasse rentrer des actionnaires
09:56pour financer les productions de ses œuvres.
09:59Ou alors qu'il sollicite des emprunts, non pas via sa personne physique, mais via sa société.
10:04On peut imaginer plein de nouveaux montages.
10:06On peut imaginer peut-être plusieurs artistes qui vont créer une société ensemble
10:09pour produire leurs œuvres et finalement ensuite vendre leurs œuvres de façon individuelle,
10:16mais à travers cette société.
10:17On verra vraiment, et encore une fois, toutes les réponses n'ont pas été apportées
10:22par cette décision de la Cour de justice de l'Union européenne,
10:24mais ça permet vraiment, finalement, de libéraliser les modalités de commercialisation
10:30des œuvres d'art par les artistes.
10:32Alors, peut-être un risque qui va...
10:35Enfin, deux nouvelles questions qui vont se poser, c'est que jusqu'à présent,
10:37si les œuvres naissaient dans le patrimoine de l'artiste,
10:41c'est-à-dire si c'est lui qui les vendait, il les créait,
10:42eh bien, ces œuvres étaient, lorsqu'on a un artiste marié,
10:45c'est considéré, sauf contrat de mariage, comme un bien commun,
10:48c'est-à-dire que l'époux ou l'épouse est aussi propriétaire de l'œuvre.
10:52Et lorsqu'un artiste décède, c'est dans le patrimoine de l'artiste,
10:54on va calculer, par exemple, la valeur des œuvres
10:57pour ensuite déclarer la succession à l'administration fiscale.
11:00Maintenant, si les œuvres sont dans le patrimoine de la société,
11:03eh bien, en fait, on va calculer la valeur des parts sociales ou des actions
11:06et plus la valeur des œuvres,
11:08parce qu'on va regarder quel est l'actif de la société,
11:10quel est le stock d'œuvres d'art au sein de la société.
11:13Mais c'est aussi des œuvres qui vont pouvoir être saisies
11:15par des créanciers de la société.
11:17Donc, en fait, il va falloir vraiment s'interroger,
11:19lorsqu'on a un artiste, sur quel est l'intérêt,
11:23quelle est ma pratique.
11:24Moi, je vois un intérêt pour des artistes
11:26qui vont faire des sculptures
11:27ou des œuvres avec des financements très importants.
11:31On peut, d'ailleurs, dans votre question,
11:33quel peut être l'intérêt de l'artiste ?
11:35Et aussi, par exemple, sa galerie va prendre des participations
11:38au sein de sa société, éventuellement ?
11:39Oui, mais j'allais demander,
11:40est-ce que, du coup, ça remet en question
11:42le modèle des galeries, du marché de l'art, etc.,
11:43parce que, finalement, l'artiste peut être plus autonome ?
11:46Il a plus de liberté.
11:48Il a plus de liberté.
11:50Est-ce que ça remet en question
11:54le fonctionnement du marché de l'art ?
11:55Je ne sais pas.
11:56Je pense que ce qui se passe actuellement dans le marché de l'art
11:58remet plus en question le fonctionnement du marché de l'art.
12:01Il y a quand même beaucoup de galeries qui ont fermé cet été,
12:03tant en France qu'à l'étranger,
12:04et notamment aux États-Unis.
12:06Mais c'est vrai que ça va permettre, peut-être,
12:07de réfléchir à de nouveaux modèles,
12:10soit, finalement, permettre à des artistes
12:12de s'associer au sein d'une société
12:13pour commercialiser directement leurs œuvres.
12:15Et ça, c'est déjà arrivé ou pas ?
12:17Alors, on a pu, et notamment sous le Covid,
12:21accompagner des artistes qui imaginaient
12:22faire des sortes de coopératives
12:24pour, en fait, répartir le produit de vente
12:26entre ceux qui pouvaient vendre des œuvres plus chères
12:29et qui redistribuaient ou mettaient en commun,
12:31finalement, par exemple, on peut imaginer une société
12:33qui met en commun le comptable, l'avocat,
12:36et c'est la société qui prend en charge
12:38les frais de l'avocat, du comptable.
12:40Et comme il y a plusieurs associés artistes,
12:41eh bien, peut-être que, voilà,
12:43ça permet de diviser les coûts.
12:45Encore une fois, c'est une décision toute récente.
12:47Je pense qu'il y a plein de fils à tirer,
12:48plein de questions à se poser.
12:49Mais en tout cas, le frein qui existait pour les artistes
12:53de créer ou non une société
12:55semble être tombé avec une bonne certitude.
13:00Merci beaucoup, Simon Roland.
13:01Je rappelle que vous êtes avocat auprès des acteurs de la création
13:04et au cabinet à l'Égypte Fournol,
13:06aussi agent d'artistes.
13:07Et merci à vous toutes et tous de nous avoir suivis.
13:09C'était Arrêt Marché.
13:13Sous-titrage Société Radio-Canada

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