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  • il y a 7 semaines
Un artiste qui vend directement une œuvre bénéficie d’un taux de TVA réduit à 5,5 %. Désormais, grâce à une décision de la Cour de justice de l’UE, ce taux s’applique aussi lorsque la vente passe par une société détenue par l’artiste (contre 20% auparavant), à condition que l’œuvre soit réalisée de sa main. Cette évolution ouvre de nouvelles perspectives : diversification des sources de financement, meilleure structuration de l’activité artistique, ou encore optimisation de la gestion financière et juridique. Une piste particulièrement prometteuse pour les artistes en développement.

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Transcription
00:00Un artiste peut vendre une oeuvre d'art via sa société et profiter d'un taux de TVA à 5,5%.
00:09C'est ce que confirme la récente décision de la Cour de justice de l'Union Européenne.
00:19Simon Rollin, vous êtes avocat auprès des acteurs de la création et aussi agent d'artiste.
00:23Vous êtes présent pour nous détailler tout ça. Merci beaucoup.
00:26Merci à vous de me recevoir.
00:27Est-ce que tout d'abord vous pouvez nous résumer en quelques mots l'arrêt récent qui a eu lieu ?
00:32Peut-être l'histoire, parce que c'est l'histoire au départ d'une galerie d'art avec un artiste et la société, cet artiste-là, et l'oeuvre d'art que la galerie a souhaité vendre.
00:42Tout à fait. Alors je vais peut-être juste dans un premier temps rappeler le contexte de la réglementation en matière de taxes sur la valeur ajoutée.
00:49Donc la TVA touche toutes les ventes de biens et l'Union Européenne, parce que c'est une réglementation qui est harmonisée au sein de l'Union Européenne,
00:57afin de favoriser l'entrée sur ce territoire d'oeuvres d'art, lorsqu'elles sont importées ou lorsqu'elles sont nouvellement créées,
01:06prévu des règles spécifiques avec des taux favorables ou des modalités de vente favorables.
01:11Donc on a soit un taux réduit de 5,5% qui, jusqu'au 1er janvier 2025, ne concernait que les ventes par l'artiste ou alors les importations d'oeuvres d'art.
01:20Et on a également ce qu'on appelle la TVA sur la marge, c'est-à-dire que là, ça ne concerne que les galeries d'art ou les marchands.
01:27La TVA sur la marge, c'est qu'on ne va plus calculer la TVA sur le montant total de la vente, mais on va calculer la TVA sur la marge.
01:34C'est-à-dire, par exemple, si une galerie prend 50% de marge, la TVA ne va pas être calculée sur le prix total, mais seulement sur 50%,
01:40ce qui permet finalement de vendre des oeuvres d'art à des prix plus attractifs.
01:45Pour bénéficier de ces deux règles, il faut remplir deux conditions.
01:52Il faut tout d'abord que ce soit une oeuvre d'art au sens du droit fiscal.
01:55Et la définition d'une oeuvre d'art au sens du droit fiscal est très précisément prévue par les règles européennes et par le Code général des impôts.
02:02Il y a sept types d'oeuvres qui sont considérées comme des oeuvres d'art.
02:05Et à chaque fois, on voit, notamment pour les tableaux, que ces oeuvres d'art doivent être créées par l'artiste.
02:12Il doit y avoir une intervention de la main de l'artiste, exactement.
02:16Donc, il faut une oeuvre d'art.
02:17Et ensuite, jusqu'au 1er janvier, pour le taux réduit, seules les ventes par des artistes ou leurs ayants droit des oeuvres pouvaient avoir un taux réduit à 5,5%.
02:29Et les importations d'oeuvres d'art.
02:31Concernant la TVA sur la marche, c'était seulement les importations ou les acquisitions auprès d'artistes.
02:37Donc, il fallait que ce soit un artiste qui vende.
02:39C'est ça.
02:39Il y a eu beaucoup d'échanges entre l'Union européenne, le ministère, etc.
02:44Tout à fait.
02:45Tous les professionnels du marché de l'art ont agi.
02:46Parce que depuis le 1er janvier 2025, maintenant, toutes les ventes d'oeuvres d'art sont assujetties à un taux de 5,5%, ce qui est assez intéressant.
02:54Alors, pour revenir plus précisément peut-être à cette procédure qui opposait la galerie parisienne Karsten Greve, qui est une galerie d'art contemporain, ça prend place en 2014.
03:05Donc, en 2014, le Royaume-Uni est encore au sein de l'Union européenne.
03:08C'est vrai.
03:09Et cette galerie vend des oeuvres d'un artiste ou d'un peintre britannique qui s'appelle Gideon Rubin.
03:16Et elle n'achète pas les oeuvres auprès de l'artiste, mais elle achète les oeuvres auprès de la société de droit britannique qui a été créée par l'artiste et dont il y a également d'autres associés au sein de cette société.
03:29On va revenir après un peu plus en détail sur ce concept de société d'artiste.
03:32Tout à fait.
03:32Et l'administration fiscale, la galerie avait appliqué le régime de la TVA sur la marge parce qu'elle considérait avoir acheté auprès de l'artiste.
03:43Et l'administration fiscale dit non, vous ne pouvez pas avoir acheté d'oeuvres d'art auprès, enfin appliqué la TVA sur la marge parce que cette TVA sur la marge ne s'applique que lorsque l'oeuvre a été achetée auprès d'un artiste et non pas auprès d'une société.
03:58Et pour cela, en fait, elle lit, et ça c'est une interprétation qui existe depuis une dizaine ou vingtaine d'années, elle lit la notion d'auteur au sens du droit fiscal avec la définition d'oeuvre d'art qui, comme vous l'avez souligné, oblige le fait que l'auteur ait entièrement exécuté l'oeuvre de sa main.
04:16Donc pour elle, si c'est une société qui crée l'oeuvre et qui la vend pour la première fois, ça ne peut pas être une oeuvre d'art, ça ne peut pas être une première livraison.
04:23Donc s'en suit une procédure judiciaire avec différentes décisions, à chaque fois l'administration fiscale française et les juridictions françaises refusent le bénéfice de cette fiscalité favorable.
04:32Jusqu'à ce que le Conseil d'État s'en saisisse et le Conseil d'État en 2024 utilise un mécanisme qui va poser une question à la Cour de justice de l'Union européenne.
04:40C'est-à-dire que pour interpréter certaines règles de l'Union européenne, les juridictions françaises peuvent interroger la Cour de justice de l'Union européenne pour demander comment s'interprète le droit.
04:50Comment est-ce qu'on pourrait trancher ?
04:51Voilà, comment on pourrait trancher. Et la question posée par le Conseil d'État auprès de la Cour de justice de l'Union européenne est la suivante.
04:57Est-ce qu'une société peut être considérée comme un auteur au sens du droit fiscal, au sens de la TVA ?
05:06Et dans sa récente décision du 1er août 2025, la Cour de justice de l'Union européenne reformule en quelque sorte sa question en disant que ce n'est pas vraiment la question.
05:15Ce qui compte, c'est être certain que les œuvres ont bien été créées par l'artiste et qu'ensuite la première vente a été réalisée par une société créée par l'artiste.
05:24C'était un peu étrange de poser la question, est-ce qu'elle peut être créée par une société ?
05:29Tout à fait.
05:29Ça veut dire quoi, une œuvre d'art créée par une société ?
05:32Ça ne veut pas dire grand-chose. Et c'est là où finalement, on avait peut-être un spectre de réflexion assez restreint en droit français,
05:38où on se contentait de lier la notion d'auteur avec l'exécution de la main.
05:42En fait, la Cour de justice de l'Union européenne dit, ce qui compte, c'est est-ce que l'œuvre a bien été exécutée matériellement,
05:49mais les modalités de commercialisation doivent être libres.
05:52Sinon, ça remet en cause le principe de neutralité fiscale.
05:55Et donc, la Cour de justice de l'Union européenne dit que l'artiste vende directement ou à travers une société
06:02qu'il a fondée à cette fin, donc aux fins de commercialisation d'une œuvre d'art.
06:08Ça n'a pas d'importance.
06:10Les seules conditions, c'est qu'il faut qu'on soit certain que l'œuvre a été créée par l'artiste.
06:14Donc, il faut que la société ait été fondée à cette fin.
06:18Et aussi, il faut que l'œuvre naisse dans le patrimoine de la société.
06:20Et c'est là aussi quelque chose d'important, c'est que dans cette hypothèse-là,
06:25si l'artiste constitue une société qui souhaite vendre les œuvres au travers de cette société,
06:28il faut que l'œuvre ne soit pas la propriété de l'artiste, mais l'œuvre soit la propriété de la société.
06:35Finalement, l'œuvre naisse dans le patrimoine de la société.
06:38Donc, on verra, maintenant qu'on a cette réponse, qu'est-ce qui va se passer.
06:42Le Conseil d'État va rendre la décision dans le litige spécifique concernant la galerie Carstengrève.
06:51Donc, on suivra de façon attentive comment le Conseil d'État va interpréter pour cette décision spécifique.
06:59Qu'est-ce que ça nous permet, finalement, maintenant de dire cette décision ?
07:04Ça permet de rassurer les artistes. Pourquoi ?
07:07Parce que, comme je vous l'ai dit, depuis le 1er janvier 2025, finalement,
07:11toutes les ventes d'œuvres d'art sont soumises à un taux de 5,5 %.
07:14Donc, il n'y a plus cette difficulté pour un artiste.
07:17De calculer la marge, etc.
07:19Et surtout, un artiste, avant, s'il vendait via sa société, c'était un taux de 20 % qui s'appliquait.
07:24Donc, il était obligé de vendre directement son œuvre à 5,5 %.
07:29Alors, pour des artistes qui faisaient des œuvres importantes,
07:32on pense par exemple à Jean-Michel Otoniel ou alors à Xavier Veillant,
07:35ce qu'ils faisaient, c'est qu'ils avaient éventuellement une société de production
07:37et c'est eux qui vendaient leurs œuvres directement en tant que personnes physiques
07:41et il y avait des circuits financiers avec leur société de production
07:44où ils versaient de l'argent pour financer la production des œuvres ou pour payer les employés.
07:49Mais là, ce que ça permet maintenant, c'est qu'en fait, un artiste peut simplement créer une société
07:52et ne plus se soucier de qui doit vendre l'œuvre.
07:54Parce que société d'artiste, ça veut dire quoi exactement, justement ?
07:56Est-ce que c'est pareil qu'un atelier, que tous ces artistes qui ont plusieurs personnes qui travaillent pour eux,
08:02qu'est-ce que ça veut dire société d'artiste ?
08:03Alors, société, c'est vraiment la notion juridique de société.
08:06Ça va être, un artiste va pouvoir créer soit une SAS, soit une SARL ou une société civile éventuellement.
08:12Et ce qui est aussi intéressant et ce qui ressort de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne,
08:16c'est que le Conseil d'État avait aussi demandé si, est-ce que ces sociétés devaient, par exemple,
08:22être détenus de façon majoritaire par l'artiste pour pouvoir vendre les œuvres et bénéficier de ce taux réduit.
08:28Et la Cour de justice de l'Union européenne dit non, on s'en fiche de savoir si l'artiste doit être le gérant,
08:33si l'artiste doit être l'actionnaire majoritaire,
08:36ou s'il doit percevoir la majorité des revenus provenant de la vente des œuvres.
08:39Ce qui compte, c'est seulement qu'on ait la certitude que les œuvres aient été réalisées par l'artiste,
08:44même si elles sont vendues par la société.
08:46Et finalement, les modalités de commercialisation sont libres.
08:49Quel serait l'intérêt pour l'artiste d'avoir une société ?
08:51Alors, déjà, c'est pouvoir choisir.
08:54Et en travaillant régulièrement avec des artistes, au sein du cabinet Fourneau l'Avocat,
09:02il y a beaucoup de personnes qui nous interrogent en disant, est-ce que je peux faire une société ?
09:05Jusqu'à présent, s'ils voulaient vendre des œuvres d'art, ce n'était pas possible.
09:08En fait, parce qu'ils vendaient des œuvres, enfin, s'ils faisaient une société, c'était des ventes à 20%.
09:12Là, l'artiste peut choisir, et on peut même imaginer peut-être qu'il fasse rentrer des actionnaires pour financer les productions de ses œuvres.
09:21Ou alors qu'il sollicite des emprunts, non pas via sa personne physique, mais via sa société.
09:26On peut imaginer plein de nouveaux montages.
09:28On peut imaginer peut-être plusieurs artistes qui vont créer une société ensemble pour produire leurs œuvres,
09:32et finalement, ensuite, vendre leurs œuvres de façon individuelle, mais à travers cette société.
09:39On verra vraiment, et encore une fois, toutes les réponses n'ont pas été apportées par cette décision de la Cour de justice de l'Union européenne,
09:46mais ça permet vraiment, finalement, de libéraliser les modalités de commercialisation des œuvres d'art par les artistes.
09:54Alors, peut-être un risque qui va... Enfin, deux nouvelles questions qui vont se poser, c'est que, jusqu'à présent,
09:59si les œuvres naissaient dans le patrimoine de l'artiste, c'est-à-dire si c'est lui qui les vendait, il les créait,
10:04eh bien, ces œuvres étaient, lorsqu'on a un artiste marié, c'est considéré, sauf contrat de mariage, comme un bien commun,
10:10c'est-à-dire que l'époux ou l'épouse est aussi propriétaire de l'œuvre.
10:13Et lorsqu'un artiste décède, c'est dans le patrimoine de l'artiste, on va calculer, par exemple, la valeur des œuvres
10:19pour ensuite déclarer la succession à l'administration fiscale.
10:21Maintenant, si les œuvres sont dans le patrimoine de la société, eh bien, en fait, on va calculer la valeur des parts sociales ou des actions,
10:28et plus la valeur des œuvres, parce qu'on va regarder quel est l'actif de la société, quel est le stock d'œuvres d'art au sein de la société.
10:34Mais c'est aussi des œuvres qui vont pouvoir être saisies par des créanciers de la société.
10:39Donc, en fait, il va falloir vraiment s'interroger, lorsqu'on a un artiste, sur quel est l'intérêt, quelle est ma pratique.
10:45Moi, je vois un intérêt pour des artistes qui vont faire des sculptures ou des œuvres avec des financements très importants.
10:52On peut, d'ailleurs, dans votre question, quel peut être l'intérêt de l'artiste, et aussi, par exemple, sa galerie va prendre des participations au sein de sa société, éventuellement.
11:01Oui, mais je l'ai demandé, est-ce que, du coup, ça remet en question le modèle des galeries, du marché de l'art, etc.,
11:05parce que, finalement, l'artiste peut être plus autonome, ou vous pensez pas ?
11:09Il a plus de liberté.
11:10Il a plus de liberté.
11:11Sur, est-ce que ça remet en question le fonctionnement du marché de l'art ?
11:17Je sais pas, je pense que ce qui se passe actuellement dans le marché de l'art remet plus en question le fonctionnement du marché de l'art.
11:22Il y a quand même beaucoup de galeries qui ont fermé cet été, tant en France qu'à l'étranger, notamment aux États-Unis.
11:27Mais c'est vrai que ça va permettre, peut-être, de réfléchir à de nouveaux modèles,
11:32soit, finalement, permettre à des artistes de s'associer au sein d'une société pour commercialiser directement leurs œuvres.
11:37Et ça, c'est déjà arrivé ou pas ?
11:39Alors, on...
11:41On a pu, et notamment, sous le Covid, accompagner des artistes qui imaginaient faire des sortes de coopératives
11:45pour, en fait, répartir le produit de vente entre ceux qui pouvaient vendre des œuvres plus chères
11:51et qui redistribuaient ou mettaient en commun, finalement, par exemple,
11:53on peut imaginer une société qui met en commun le comptable, l'avocat,
11:58et c'est la société qui prend en charge les frais de l'avocat, du comptable.
12:01Et comme il y a plusieurs associés artistes, eh bien, peut-être que, voilà, ça permet de diviser les coûts.
12:06Encore une fois, c'est une décision toute récente.
12:08Je pense qu'il y a plein de fils à tirer, plein de questions à se poser.
12:12Mais en tout cas, le frein qui existait pour les artistes de créer ou non une société
12:17semble être tombé avec une bonne certitude.
12:21Merci beaucoup, Simon Rollin.
12:23Je rappelle que vous êtes avocat auprès des acteurs de la création
12:25et au cabinet Alexis Fournol, aussi agent d'artiste.
12:29Et merci à vous toutes et tous de nous avoir suivis.
12:31C'était Arrêt Marché.
12:32Arrêt Marché.
12:42Sous-titrage Société Radio-Canada
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