- il y a 3 mois
Si des actions sont menées pour faire face au dérèglement climatique, elles ne sont pas suffisantes pour rester en-dessous du réchauffement à 1,5°C recommandés par le GIEC. Pourquoi nous n’arrivons pas à faire plus et comment surmonter les obstacles ? C’est l’objet de ce débat.
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00:00Les conséquences, le coût de l'inaction climatique, voilà le thème de notre débat avec Frédéric Samama.
00:12Bonjour, bienvenue, vous êtes chef du développement stratégique chez Sustainable One, l'entité de SP Global dédiée à la durabilité
00:20et puis vous publiez Archéologie de l'inaction, c'est aux éditions Herman avec une édition en anglais à venir dans quelques semaines.
00:29On est également en duplex avec Daphné Chamart-Terling, bonjour, vous êtes responsable Transition écologique juste au secours catholique Caritas France, bienvenue à vous aussi.
00:40Je voudrais commencer par une question vraiment simple, Frédéric Samama, l'inaction, comment vous définissez l'inaction ?
00:46Parce que je vais être très honnête avec vous, moi j'ai l'impression que ça bouge quand même et que je reçois des entreprises, des représentants d'entreprises ici
00:53qui font évoluer leur modèle et qui ne sont pas dans l'inaction climatique.
00:57Et ils ont raison, ils ont raison, c'est qu'il y a une action, s'il n'y avait pas d'action, on serait sur une trajectoire à 3,5, 4 degrés
01:07et il y avait un rapport qui était sorti qui était que sur cette trajectoire-là, à la fin du siècle, il y avait 4 à 5 milliards de personnes qui étaient en danger de mort.
01:20En gros, les personnes qui étaient en Amérique du Sud, Amérique centrale, Sud des États-Unis, l'Afrique, l'Inde, l'Indonésie, ainsi de suite, 4 à 5 milliards de personnes,
01:33s'il y avait eu une trajectoire, j'allais dire, comme qui reflétait le passé.
01:40Donc ça, on n'y est pas.
01:42Donc oui, il y a une action.
01:45Le problème, c'est que cette action, elle n'est pas du tout suffisante pour atteindre les 1,5 degrés d'augmentation des températures par rapport à l'ère pré-industrielle,
01:55qui est l'objectif du GIEC.
01:56Pour garder cet objectif raisonnable, sachant que déjà les conditions ne seront pas sympathiques, on aura déjà des vagues de chaleur, un manque d'eau, des typhons, et ainsi de suite,
02:10il nous reste actuellement 3 ans de budget carbone au rythme actuel.
02:18Voilà.
02:18Vous me souriez ?
02:19Oui, non, non, mais effectivement, et on va se poser la question des raisons pour lesquelles, c'est ce que vous analysez dans votre livre,
02:25on n'arrive pas collectivement à aller plus vite.
02:28Il y a cette COP30 qui se prépare, qui se tiendra au Brésil, à Belém, à partir du 10 novembre.
02:35Daphné Chamart-Therning, je me tourne vers vous, parce que vous êtes en train de préparer votre participation à cette COP30.
02:42Est-ce que vous y croyez encore ? Vous en attendez quoi ?
02:46Bien sûr, on y croit encore, puisqu'on sait que les États sont aussi capables de prendre des engagements.
02:52La COP30, c'est, on l'espère, un tournant décisif, puisque c'est les 10 ans de l'accord de Paris,
02:58et donc les États sont attendus pour retravailler, pour présenter des copies, justement, qui sont suffisantes.
03:04C'est un peu un test de crédibilité.
03:06Est-ce qu'on va réussir à passer des promesses de l'accord de Paris en plan concret ?
03:11On y croit aussi, parce que c'est aussi l'occasion de travailler sur l'adaptation.
03:17Ça a été dit, bien sûr, malheureusement, les conséquences du changement climatique sont là,
03:21et on observe au Secours catholique qui touche en plus en priorité les plus précaires.
03:25Donc, bien sûr, l'atténuation, c'est la première mesure pour s'adapter,
03:29mais il va falloir aussi qu'on finance l'adaptation au changement climatique,
03:33prendre en compte les pertes pour les personnes les plus vulnérables,
03:37et donc on y croit parce que c'est l'occasion de travailler sur ces sujets-là.
03:40Et puis, rappelons-le, la COP30, vous l'avez dit, elle est à Belém.
03:43Belém, c'est les portes de l'Amazonie, c'est un lieu qui est hautement symbolique,
03:47et donc c'est un lieu aussi où on a une société civile qui est forte,
03:50et des acteurs en présence qui portent ces questions-là,
03:52parce que la déforestation, les conflits sociaux autour des usages de la terre,
03:57et bien sûr, les impacts du changement climatique sont très visibles,
04:00et donc oui, on y croit encore, et il faut, sinon on baisserait un peu tous les bras.
04:05Évidemment, personne ne veut baisser les bras ici.
04:07Vous allez d'ailleurs notamment porter la voix des peuples autochtones amérindiens de Guyane,
04:12je vous demanderais de nous en dire un mot tout à l'heure.
04:15Quelques chiffres donnés par le Boston Consulting Group,
04:18qui nous dit qu'entre 25 et 25%, alors la fourchette elle est large,
04:21des bénéfices des entreprises, d'ici 2050,
04:25sont tout simplement menacées par les risques matériels du changement climatique.
04:29Sans action décisive, le produit intérieur au bout de mondial
04:31pourrait perdre jusqu'à 22% de sa valeur, alors là on va plus loin d'ici 2100.
04:36Et pourtant, Frédéric Samama, c'est ce que vous dites dans votre livre,
04:39on n'agit pas suffisamment, ou en tout cas pas assez vite, pas assez fort.
04:43Pourquoi ? Comment ça s'explique ?
04:45Oui, merci de ces questions, parce que ce livre est parti de cette question.
04:51à laquelle Jean Jouzel fait écho aussi, parce que, comme vous l'avez rappelé,
04:55il a eu la gentillesse de préparer, de faire la préface.
04:58Le livre pose cette question très simple, qui est de dire, sur le climat,
05:04on sait depuis 50 ans, et de façon totalement évidente depuis une dizaine d'années,
05:10aussi bien pour les chefs d'État que pour les êtres humains.
05:13Il n'y a pas un être humain sur la planète qui n'a pas subi une vague de chaleur,
05:18un manque d'eau.
05:19Ok, alors le constat, on le connaît, on l'a déjà fait.
05:21Pourquoi on n'arrive pas, nous, intellectuellement, collectivement, à faire brûler les choses ?
05:24Je réponds, mais...
05:25Mais je veux bien, parce que le temps file vite.
05:26Je vais parler plus vite.
05:28Le constat, c'est une crise qu'on a créée nous-mêmes,
05:34et c'est une crise qui nous menace.
05:35Et donc, en effet, c'est très étrange.
05:37C'est d'autant plus étrange que sur le Covid, on y est arrivé, en deux ans.
05:41Le passage à l'an 2000, on s'en souvient, on nous annonçait les pires catastrophes,
05:44on s'est mis en ordre de marche, on y est arrivé.
05:46La couche d'ozone, on allait tous mourir d'un cancer de la peau, on y est arrivé.
05:50Donc pourquoi sur ce problème-là, on cale, et pas sur les autres ?
05:55C'est une question vraiment intéressante.
05:58Et la théorie du livre, c'est de dire, allons chercher au plus profond des mécanismes des sociétés.
06:06Et pour cela, mobilisons les sciences cognitives les plus récentes,
06:09et les plus récentes disent qu'en gros, on passe notre temps à faire des lois à partir d'observations.
06:17Je ne vais pas être trop long, mais quand vous étiez petit, vous aviez un yaourt,
06:20et puis tout d'un coup, vous avez observé que quand la table était touchée,
06:23hop, le yaourt se mettait en mouvement.
06:25Vous avez observé que c'était la même chose pour la tétine du chien, la balle,
06:28enfin, votre tétine, la balle du chien, et ainsi de suite.
06:30Et donc, vous établissez des lois à partir d'observations.
06:34Vous mettez un rat, je ne vais pas être long, un rat dans un labyrinthe avec un morceau de fromage,
06:38il se perd, il ne sait pas où est le fromage, il écrit sa loi progressivement,
06:45et puis tout d'un coup, il dit, tiens, droite, droite, gauche, il y a toujours du fromage.
06:48Et il devient certain de trouver le fromage à cet endroit.
06:53Et la théorie du livre dit qu'on aurait peut-être eu deux moments fromage dans l'histoire de l'humanité.
07:00Le premier avec l'agriculture et la science moderne, où on accède aux ressources naturelles,
07:07et avec le néolibéralisme et la fin de l'histoire, et ainsi de suite,
07:12où on dit qu'on peut accéder aux ressources humaines, c'est-à-dire le salarié chinois, sans protection sociale.
07:17Et comme les bulles financières, on est dans ces bulles de succès, parce que ça a fonctionné,
07:25mais le propre du succès, c'est comme le rat dans le labyrinthe, on arrête d'explorer,
07:31on arrête de mettre à jour nos modèles.
07:33Donc on reste sur un modèle qui est finalement ancien, qui a fonctionné, mais qui ne fonctionne plus.
07:38Exactement. Il a fonctionné, et le prix à payer, c'est qu'on est dans la surconfiance,
07:44et que là, on a un problème où le signal est encore assez faible,
07:48donc on a du mal à actualiser.
07:50Malgré les événements climatiques extrêmes ?
07:52Oui, parce que, comme la bulle financière, vous savez, dans une bulle financière,
07:55il y a trois siècles, on pouvait, avec une tulipe, acheter deux maisons.
07:58Vous pouviez taper sur l'épaule de la personne et lui dire,
08:01mais non, une tulipe, ça ne vaut pas des maisons.
08:05Il est pris dans sa bulle, il est pris dans sa bulle.
08:07Donc c'est vraiment un phénomène cognitif qui est effectivement intéressant à décrire
08:11et à détailler dans la lecture de votre livre, dont je vais rappeler le titre,
08:16« Archéologie de l'inaction ».
08:18Daphne Chamart-Terling, il y a donc cette voix des peuples autochtones
08:24de l'Amérique de Guyane que vous allez porter.
08:26Au-delà d'eux, le constat, c'est que les conséquences de l'inaction climatique
08:32aggravent les injustices, c'est ce que vous portez comme idée ?
08:36Oui, bien sûr. D'une part, il est important de se rappeler que les plus précaires
08:41sont aujourd'hui ceux qui sont les plus touchés par les conséquences
08:44du dérèglement écologique.
08:46Ce sont eux qui vivent dans les logements mal isolés,
08:49qui se transforment en bouilloire thermique pendant les canicules.
08:51On l'a vu aussi à Mayotte, tous les habitats informels qui ont été dévastés.
08:56On a aussi tous les paysans, que ce soit partout dans le monde,
08:59en Tunisie, au Brésil, qui ne peuvent plus cultiver leur terre à cause de la sécheresse.
09:03Et donc, la pauvreté rend plus vulnérable au changement climatique.
09:07Ce qui fait aussi que même si on est tous concernés,
09:09les plus précaires, eux, auront plus de difficultés à s'adapter.
09:13Et puis, d'un autre côté, c'est un cercle vicieux,
09:16parce qu'on voit que quand il y a un choc climatique,
09:18c'est le cas en Guyane, mais pas que,
09:21les personnes qui étaient sur un fil, qui sont déjà dans la pauvreté, basculent.
09:26Pourquoi ? Parce qu'on l'a vu dans le Pas-de-Calais,
09:29des personnes que nous, on a accompagnées,
09:30qui ont perdu leur maison avec les inondations
09:33et qui n'ont pas les moyens de s'en racheter une,
09:36ou simplement, en fait, après un choc climatique,
09:38ce qu'on observe, c'est une augmentation des prix de la nourriture,
09:42des produits de base, et une explosion des prix
09:45qui fait que les personnes peuvent plus les payer.
09:48Et donc, on est vraiment dans ce cercle vicieux
09:49où, à la fois, les changements climatiques touchent davantage les plus précaires,
09:55et en plus, le changement climatique aggrave
09:57et peut même engendrer des nouvelles formes de précarité.
10:00Et donc, vous publiez, vous êtes en train de préparer un rapport d'entretien
10:03avec, justement, des citoyens d'un peu partout,
10:07qui sont directement touchés par les impacts du dérèglement climatique à travers le monde.
10:13Quel est l'objectif ?
10:14Quel sera l'objectif de ce rapport ?
10:16Pour nous, le premier objectif, c'était déjà de montrer
10:19que le changement climatique, il est déjà là,
10:22et qu'en fait, c'est un impact très concret dans la vie des personnes.
10:26Et que, finalement, qu'on vive dans le Pas-de-Calais ou en Honduras,
10:31eh bien, quand on doit faire face à un choc climatique
10:33et qu'on est plus vulnérable,
10:36eh bien, ce sont forcément des conséquences.
10:39Pas simplement quand on a une inondation ou un cyclone,
10:43mais c'est vraiment des conséquences sur le long terme.
10:45Et c'est ça aussi qu'on veut montrer,
10:47ce besoin, en fait, d'accompagner les personnes,
10:50tant quand il y a l'événement qui se passe,
10:54mais aussi, en fait, quand il s'agit d'accompagner les personnes
10:57dans l'accès au droit, dans essayer de retrouver une vie normale
11:00quand je ne peux plus exploiter la terre,
11:02quand ma maison a été dévastée.
11:04Et puis, ce qu'on cherche aussi à mettre en évidence,
11:06parce qu'au Secours catholique, ce qu'on veut vraiment,
11:08c'est partir de la parole des personnes,
11:09on a interrogé 150 personnes,
11:11donc partout dans le monde et en France.
11:13Et ce qui revient énormément aussi,
11:15c'est l'impact mental des changements climatiques
11:17et des chocs climatiques.
11:18Ça, on a un peu tendance à l'oublier.
11:20Mais quand on subit un cyclone,
11:22mais aussi quand on doit vivre plusieurs semaines
11:26dans des logements en pleine canicule,
11:28eh bien, ça a un impact sur la santé mentale des personnes.
11:31Et ça, il va aussi falloir l'accompagner.
11:33Un dernier mot, Frédéric Salama,
11:35c'est si on esquisse une solution,
11:37évidemment, en 1 minute 30, ça va être difficile,
11:39mais le premier levier à activer, c'est quoi pour vous ?
11:44En 1 minute 30, on a essayé plein de leviers,
11:46on a essayé le message catastrophique,
11:48l'ours sur le banquiste, ça ne marche pas.
11:51On a cherché l'homme d'État providentiel,
11:53on ne l'a pas trouvé.
11:55Ce qui esquisse ce livre, c'est de dire,
11:57essayons un signal,
11:59une représentation qui nous réveillerait,
12:02qui nous sortirait de notre bulle.
12:03Et là, ce qu'on observe,
12:06c'est que les astronautes,
12:07quand ils sont dans l'espace,
12:09et ce n'est pas des gens sélectionnés
12:11pour être des grands poètes,
12:12c'est des gens sélectionnés pour la tête en bas,
12:14sans oxygène, continuer à réagir correctement.
12:18Ils disent tous la même chose
12:20quand ils voient la planète depuis l'espace,
12:24ils disent, elle est belle, fragile et vivante.
12:28Et notamment sur la fragilité
12:30qui activerait un mécanisme de responsabilité
12:34qui est ancré dans notre ADN.
12:37Nous sommes la seule espèce animale
12:39qui a une asymétrie par rapport aux plus vulnérables,
12:42c'est que nous devons nous en occuper.
12:44Parce que le bébé humain n'est prématuré
12:46par rapport au bébé éléphant, girafe, etc.
12:49Et donc, on a codé ça en nous,
12:51nous devons nous occuper du plus fragile.
12:54Et donc, quelqu'un comme Pompidou
12:56disait aussi en 70, quand je vois la planète
12:58depuis l'espace, elle est belle et fragile
13:01et donc, je dois m'en occuper.
13:04Et l'idée, c'est en effet d'activer ça à l'école,
13:08dans des tas de courroies de transmission
13:11pour amener cette responsabilité
13:15et de là, une sociabilisation avec la nature
13:17et avec la sociabilisation avec la nature,
13:19redécouvrir aussi une sociabilisation
13:20entre nous, les êtres humains.
13:22Merci beaucoup.
13:23et merci de vous être adapté au format de ce débat.
13:26Je rappelle le titre de votre livre,
13:28Frédéric Salamard,
13:28« Archéologie de l'inaction »,
13:29c'est aux éditions Hermann.
13:31Merci également à Daphne Chamart-Terling
13:34qui était avec nous en duplex.
13:35À bientôt sur Bsmart.
13:37For Change, on passe tout de suite
13:38à notre grand entretien.
13:40C'est la rubrique « Prêt pour l'impact ».
13:41C'est la rubrique « Prêt pour l'impact ».
13:43C'est la rubrique « Prêt pour l'impact ».
13:44C'est la rubrique « Prêt pour l'impact ».
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