00:00Mécontent de la hausse de la taxe de solidarité sur les billets d'avion,
00:03Ryanair supprime plusieurs dessertes régionales en France pour cet hiver.
00:07Cela n'a pas laissé le gouvernement indifférent.
00:09Il envisage maintenant de revenir sur cette taxe, ou tout du moins de la mettre en pause.
00:14Bonjour Marc Rocher, merci d'être avec nous ce matin en ce 1er août sur BFM Business.
00:19Vous êtes le président d'Aérogestion, ancien patron d'Air Caraïbe et de French Bee.
00:23On a du mal à suivre quand même avec ces va-et-vient sur les taxes,
00:28sur les mesures, sur des choses qui sont mises en place, qui sont détricotées.
00:33Avec cette dernière actualité dont je parlais, Ryanair, qui va suspendre certains vols cet hiver.
00:39Il y a un manque de visibilité sur le secteur ?
00:43En matière d'impôts, de taxes et de redevances, la France a un savoir-faire exceptionnel,
00:49puisque ce pays en est devenu malade, à tel point d'ailleurs qu'il met sa propre économie en péril.
00:57Comme toujours en matière d'impôts et de taxes, on a trois triptyches qui sont utilisées à chaque fois un petit peu de façon mécanique.
01:06Vous avez la morale, ça commence toujours par la morale.
01:09En 2006, Jacques Chirac crée une taxe, cette fameuse taxe sur les billets d'avion,
01:15pour aller aider sur le plan médical les pays africains.
01:19Donc c'est un euro par passager.
01:21Il rencontre d'ailleurs pas un succès international aussi important que ce qu'on en a dit à l'époque.
01:25Il y a une dizaine de pays qui ont suivi cette démarche.
01:29Et puis de la morale, on passe assez vite au cynisme, c'est-à-dire qu'on s'aperçoit du côté évidemment du ministère des Finances.
01:38Tous les gouvernements successifs, les uns et les autres, ayant dans la même, je dirais, recherche de nouveaux fonds publics la même démarche,
01:47on s'aperçoit qu'il y a là de manière évidente une façon de trouver de l'argent public.
01:53Donc on va augmenter cette taxe.
01:55Alors ça s'est passé sur une certaine durée, mais le dernier saut qui remonte à l'année dernière,
02:00c'est qu'on a multiplié la taxe sur les vols, on va dire un court-courrier par trois,
02:05et la taxe sur les billets long-courrier par cinq.
02:08Donc c'est un prélèvement d'argent considérable.
02:10Et pour ça évidemment, on invente une usine à gaz,
02:13parce qu'on va compliquer cette taxe de telle façon qu'elle est lisée.
02:16Et puis on en arrive après au réalisme.
02:18Le réalisme, c'est de s'apercevoir que quand on taxe autant une activité,
02:22trop d'impôts tue l'impôt,
02:24c'est les propos d'un économiste américain bien connu, M. Laffaire,
02:29eh bien forcément on se trouve devant une difficulté.
02:32Et Ryanair, qui est la compagnie la plus importante d'Europe,
02:36la plus performante, pour que nos auditeurs comprennent bien,
02:42Ryanair en termes de capitalisation sur les marchés,
02:45c'est d'IFO Air France, prend la décision d'arrêter certaines routes
02:48et va utiliser ces avions dans de meilleurs endroits.
02:51Alors évidemment du côté du gouvernement,
02:54on l'entend aussi à ce point.
02:55Oui, mais il faut arrêter, il faut revenir en arrière et tout.
02:58Nous verrons bien les décisions dans le budget 2026
03:01qui va être négociée, discutée à l'Assemblée nationale dans quelques semaines.
03:05Je rappelle qu'on parle de la TSBA,
03:07la taxe de solidarité sur les billets d'avion,
03:09vous le disiez, qui a explosé.
03:10Elle est passée de 2,63 euros à 7,40 euros
03:13pour les vols intérieurs ou vers l'Europe.
03:16Est-ce que cette taxe, elle est trop élevée ?
03:18Est-ce que ça touche vraiment la compétitivité des compagnies ?
03:22Qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
03:23Parce que l'État quand même cherche de l'argent.
03:24Est-ce qu'il faut quand même mettre en place une taxe ?
03:26Quel dispositif, quel levier pourrait être mis en place
03:29sans être trop pénalisant pour le secteur ?
03:32Il y a deux aspects dans votre question.
03:35Le premier qui est effectivement celui d'un niveau acceptable des taxes.
03:39Bon, en Europe, vous avez pris l'exemple de la taxe qui est passée à 7,40 euros.
03:44Je rappelle que Jacques Chirac l'avait créée à 1 euro.
03:48Un niveau acceptable aurait été sans doute de faire la moitié du chemin,
03:55la passer à 3 euros ou 4 euros.
03:57On parle de billets d'avion qui, grosso modo, pour le public, valent à peu près 100 euros.
04:03Donc, quand vous taxez quelque chose à hauteur de 3 ou 4 %, c'est déjà significatif.
04:07Et puis, la deuxième question qui se pose derrière,
04:09qui est encore la plus importante pour nos gouvernants
04:12et pour rendre la taxe ou toute forme d'impôt acceptable,
04:15c'est qu'est-ce que l'on fait de cet argent ?
04:17Et là, il n'y a pas d'utilisation prouvée.
04:20Le contrôle aérien français n'est pas le plus performant d'Europe.
04:24On a régulièrement des difficultés majeures avec ce contrôle aérien.
04:28La fourniture de pétrole dit sustainable air fuel pour les avions,
04:34c'est-à-dire de pétrole écologique, on n'est pas en avance là-dessus.
04:37Les compagnies françaises ne sont pas les plus performantes
04:40et pourtant, on leur a donné beaucoup d'argent pendant le Covid.
04:42Beaucoup, beaucoup d'argent.
04:44Pas toutes, pas de la même façon.
04:45Mais quelles sont les contreparties ?
04:47Et l'art de ces gouvernants successifs qui manquent, soyons clairs, de courage,
04:51c'est dire on lève de l'impôt, on lève de la taxe,
04:55mais ça va servir à être plus efficace, plus performant.
04:58Là, c'est un puissant fonds, ça va au budget national
05:00et ça disparaît dans l'énorme déficit que tous les gouvernements
05:04s'accordent à dire qu'ils vont les réduire
05:06et qu'ils les réduisent quasiment à chaque fois d'une façon ridicule
05:10pour ne pas dire qu'ils ne le réduisent pas.
05:12En tout cas, visiblement, vu les débats, cette taxe pourrait être mise sur pause.
05:16Le temps que le gouvernement fasse ses arbitrages sur son projet de loi de finances 2026.
05:22Autre actualité dont on voulait parler avec vous ce matin,
05:24Marc Rocher, dans le secteur aérien,
05:26on a la sensation que c'est quand même de plus en plus fréquent.
05:28Les problèmes dans les aéroports, cette semaine encore,
05:31à Eastrow et Gatwick au Royaume-Uni,
05:33une panne technique qui a perturbé une centaine de vols.
05:36Il y a un problème de moyens, d'investissement, de recrutement ?
05:39C'est quoi le souci ?
05:40Il y a des problèmes tous les ans, pour ne pas dire tous les mois,
05:43dans les aéroports britanniques, mais pas que.
05:45Pas que britanniques, même si, effectivement,
05:50l'Angleterre n'a pas eu beaucoup de chances récemment.
05:53Deux aspects à ce sujet.
05:56Un, les aéroports sont devenus, comme les grandes gares d'ailleurs,
06:01des infrastructures très lourdes, très puissantes,
06:04où des millions et des millions de passagers
06:06ont l'occasion de passer, d'arriver, de partir ou de transiter.
06:11Et ce sont devenus des infrastructures extrêmement complexes.
06:15Et bien entendu, on y a multiplié tous les moyens digitaux possibles
06:19pour reconnaître le parcours des passagers, pour le traiter.
06:22Et donc, de temps en temps, il y a des bugs.
06:25Bon, ça peut arriver.
06:26Le problème, ce n'est pas tant les bugs,
06:28parce qu'on sait que ça va arriver,
06:29et c'est comment sont conçues les procédures de secours.
06:33On a eu, il y a quelques temps,
06:35ça avait été un épisode aussi qui avait marqué les esprits,
06:39une panne très sévère des tapis à bagages
06:41gérés par l'aéroport de Paris à Orly.
06:44Bon, panne de tapis à bagages,
06:46après tout, on est dans un monde réel,
06:48il faut comprendre des choses et ça peut arriver.
06:50Le problème, c'est qu'est-ce qui se passe quand il y a une panne ?
06:53Et c'est là où les aéroports ont des difficultés
06:56à mettre des procédures, on appelle ça d'un anglicif,
06:59de backup, pour pouvoir effectivement assurer un service minimum
07:03et se réorganiser très vite.
07:05À Orly, il avait fallu beaucoup de temps
07:07pour transférer des vols d'un terminal,
07:09il y a quatre terminaux à Orly,
07:10d'un terminal qui était en panne,
07:12des terminaux qui ne l'étaient pas
07:13et qui continuaient à fonctionner.
07:15Il se passe la même chose dans les aéroports britanniques.
07:17Si vous n'avez pas préparé des procédures de secours,
07:20des procédures de remplacement
07:22pour traiter votre panne et déplacer les problèmes,
07:25effectivement, vous débouchez sur des embouteillages massifs.
07:29Mais ce sont des incidents à répétition, Marc Rocher.
07:31Pourquoi ces procédures ne sont pas mises en place
07:33au bout d'un moment quand ça se répète quatre, cinq, six fois ?
07:36Elles le sont et vous avez raison de souligner leur répétition.
07:40Elles le sont, elles ne le sont pas de façon structurée,
07:43de façon stabilisée.
07:45Il y a beaucoup de travail à faire
07:46et je crois d'ailleurs que les aéroports en sont conscients
07:49puisque ça fait partie de leur plan d'amélioration.
07:51il doit y avoir des procédures.
07:53C'est comme en matière de protection routière.
07:56Quand il y a une autoroute qui se ferme,
07:58il faut prévoir des plans de renvoi de la circulation sur d'autres axes.
08:03Ce n'est pas toujours très bien fait.
08:04C'est compliqué.
08:05Mais encore faut-il avoir la volonté de le faire.
08:08Aux États-Unis aussi, l'actualité inquiète quand même.
08:10On a l'impression d'entendre toutes les semaines
08:12des histoires d'accidents à éviter de justesse.
08:14Décidément, il y a quelques jours,
08:16un avion de ligne a évité une collision avec un avion de combat
08:18de l'US Air Force.
08:19Ça se passait dans le Dakota du Nord.
08:22Même question, d'où vient le problème ?
08:24Il y a quelque chose qui n'est pas résolu.
08:25Alors, chaque incident est arrivé, évidemment.
08:31Chaque incident donne lieu à un débriefing.
08:33On essaye d'en trouver les conséquences
08:35et de supprimer les problèmes qui ont été rencontrés.
08:39Manifestement, les États-Unis aujourd'hui ont un problème
08:41dans le mélange du trafic aérien civil,
08:44qui est très important.
08:45Je rappelle que les États-Unis,
08:47c'est le premier marché mondial de l'aviation civile.
08:49Donc, vous avez énormément d'avions en l'air
08:51en permanence autour des grands aéroports comme des petits.
08:54Et puis, le trafic militaire.
08:57Alors, en France, c'est assez bien organisé
09:00grâce au ministère de la Défense.
09:01Ils ont, en quelque sorte, leur zone d'exercice.
09:04Et quand ils sortent de ces zones d'exercice
09:06pour s'aller se poser ou redécoller d'un aéroport,
09:10même militaire ou civil,
09:11ils ont des procédures à suivre
09:13et qui sont celles des procédures civiles.
09:15Bon, aux États-Unis, ce n'est pas clair.
09:17Il va falloir qu'ils le clarifient.
09:19Je pense que, comme souvent, les États-Unis,
09:21ils vont passer à des mesures
09:23plutôt raides et difficiles à accepter,
09:26mais qui vont mettre de l'ordre là-dedans.
09:28Il faut mettre de l'ordre là-dedans.
09:29Avant que l'incident se transforme en accident.
09:32Pour terminer, et en 30 secondes,
09:34Marc Rocher, on revient en France pour conclure,
09:37mais sur le contrôle aérien,
09:38on a parlé des grèves il y a quelques semaines,
09:41des grèves qui sont très coûteuses
09:42et qui sont globalement décriées.
09:44Elles entraînent un bras de fer systématique
09:46avec le gouvernement.
09:47Ça a aussi tendance à agacer en Europe
09:49parce qu'en réalité, ça ne touche pas que la France,
09:52mais ça a un impact sur l'Europe et même au-delà.
09:55Oui, la France est une bonne élève
09:58en matière d'organisation de son contrôle aérien.
10:01Elle est responsable d'environ un tiers
10:03des retards de contrôle aérien de toute l'Europe.
10:06Alors, c'est une zone de passage.
10:08On est au centre de l'Europe.
10:09C'est d'ailleurs une chance économique et sociétale.
10:12Mais on n'est pas bon
10:13parce que les gouvernements, là aussi successifs,
10:16n'ont pas voulu régler le problème.
10:17Comment changer ça ?
10:19Il faut digitaliser cette opération de contrôle aérien
10:23qui suppose de gérer en permanence
10:25des milliers d'informations.
10:27Et il faut des humains responsables,
10:29des gens qui s'engagent dans ces métiers.
10:31Le droit de grève n'est pas acceptable
10:33en tant que tel et tel qu'il est pratiqué
10:35par le contrôle aérien.
10:36Le service minimum doit fonctionner.
10:38Il doit être étendu, il doit être appliqué
10:40et pas les jours de départ en vacances.
10:43C'est ce qui se passe en Italie.
10:44Merci beaucoup, Marc Rocher, d'avoir été avec nous
10:46et d'avoir accepté de traiter tous ces sujets
10:48dans la matinale de BFM Business,
10:50président d'Aérogestion,
10:52ancien patron d'Air Caraïbes et de French Bees.