Trois jours après les violences lors de la victoire du PSG en Ligue des Champions, les comparutions immédiates s’enchaînent avec des sanctions. Des peines jugées insuffisantes par Gérald Darmanin qui propose notamment le retour des peines minimales dès la première condamnation, la suppression du sursis et la fin des aménagements de peine. Ces mesures, soutenues par le Premier ministre, suscitent de vives critiques chez les magistrats, qui dénoncent un risque pour l’individualisation des peines. Par ailleurs, les professionnels rappellent le manque de plus de 20 000 places de prison en France.
00:00Et on va en parler avec la police et avec la justice. Bonjour Ludovic Fria, ancien juge des libertés, président de l'union syndicale des magistrats.
00:12Merci d'être avec nous ce matin. Nous sommes également en direct avec William Maury, délégué national du syndicat de police Alliance,
00:18et Pauline Revena, chef du service police, justice de BFM TV.
00:22On en parle ce matin parce que Gérald Darmanin souhaite depuis hier la suppression des aménagements de peines obligatoires, du sursis et la mise en place d'une condamnation minimum systématique,
00:32les fameuses peines planchées, une fois la culpabilité reconnue des casseurs.
00:36Le garde des Sceaux était très énervé après les premières peines prononcées à l'encontre des casseurs du PSG lundi.
00:41Pauline, une vingtaine d'hommes comparaissaient hier devant le tribunal correctionnel de Paris pour vol et ou à violence contre les policiers.
00:48Est-ce qu'ils ont été condamnés sévèrement ?
00:50Alors ils ont été condamnés, ils ont été condamnés du sursis, il y a eu des peines fermes qui ont été prononcées hier soir avec des mandats de dépôt,
00:57il y a eu également deux relax, donc ça va de trois mois de prison sursis à douze mois sursis avec une partie en ferme et mandat de dépôt,
01:04ça veut dire quand même qu'ils sont partis en prison hier et qu'ils ont dormi en prison, c'est un panel.
01:08Et est-ce que ce sont des peines lourdes ? Moi je dirais que ce sont des peines adaptées,
01:11parce qu'à chaque fois il faut prendre un certain nombre de paramètres en compte.
01:15Il y a des primo-délinquants, il faut tenir compte de l'attitude à l'audience, il faut se tenir compte des capacités de réinsertion,
01:20donc à chaque fois, c'est ce qu'on appelle l'individualisation des peines, on essaye de trouver la peine la plus juste possible, moi je dis qu'elle est adaptée.
01:28Ludovic Friat, ma question est un petit peu peut-être naïve, mais est-ce que les magistrats ont pu être sensibles au coup de gueule de Gérald Darmanin le matin même ?
01:36Les magistrats ont assez mal vécu en réalité le fait que Gérald Darmanin, qui est un excellent communicant,
01:44mais c'est la limite de la communication, disent que les peines prononcées n'étaient pas à la hauteur des faits.
01:50Je pense que ce n'est pas le rôle, le positionnement d'un garde des Sceaux de venir critiquer une décision de justice qui a été rendue.
01:57Son justice, comme a été rappelé à l'instant, le but de la justice c'est de l'humain, et donc de l'humain c'est d'individualiser la peine au dossier qui est présenté.
02:06On l'a vu, il y a eu des relax parce que les dossiers ne tenaient pas, il y a eu effectivement des personnalités qui étaient des primo-délinquants
02:13qui ne sont pas partis tout de suite en prison, et d'autres, sur la gravité des faits ou sur un passé judiciaire, sont partis en prison, et c'est normal.
02:22Mais ce que je veux dire, c'est que des délinquants, ce ne sont pas des barbares, quand les politiques redisent « ce sont des barbares, des barbares »,
02:28on a l'impression d'avoir une masse indistincte de gens qu'il faudrait punir collectivement.
02:32Mais quand il y a des jets de morsier contre les policiers, ce qu'on peut quand même s'étonner, il n'y a pas de peine de prison, systématiquement de peine de prison ferme.
02:39Qu'on le dit comme ça, bien évidemment, ça étonne, mais ni vous, ni moi, ni le garde des Sceaux n'ont été présents aux audiences.
02:47Ils n'ont vu ce qui a été réclamé par le parquet, n'ont entendu les arguments de la défense.
02:53C'est faire un peu peu de cas, de balayer quelque part tout le débat judiciaire et l'importance du débat judiciaire au sens démocratique.
03:01Si effectivement la défense ne peut plus rien dire, si le parquet ne peut plus apporter d'arguments ou d'éléments,
03:06passons-nous du débat judiciaire et on verra ce qu'il en sera à notre société après.
03:10Donc vous dites en substance que le débat autour de l'éventuel retour des peines planchers est un débat qui ne doit pas avoir lieu ?
03:15Non. Alors pour le coup, je ne dis pas ça.
03:17Pour le coup, je dis que le garde des Sceaux est dans son rôle de politique lorsqu'il le veut modifier la loi.
03:23Le juge applique la loi, le juge ne fait pas la loi.
03:25Alors après, dans les propositions qu'il fait, il y en a certains pour lesquels je suis assez proche de penser comme lui.
03:32Par exemple, effectivement, l'automaticité quelque part ou l'obligation d'aménager la peine, oui.
03:38Mais quand il dit par exemple...
03:39Ça, ça me paraît une autre chose. Supprimer le sursis d'un tour de baguette magique, ça me paraît très compliqué.
03:44Mais vous comprenez qu'il y a aussi un message quelque part qui est envoyé dans ses premières auditions en comparution immédiate.
03:51Le message que reçoivent les éventuels futurs casseurs, c'est de se dire qu'on ne reste quand même pas grand-chose.
03:55Mais c'est pas vrai parce que là, il y a eu de la prison ferme hier soir, il y a eu des mandats de dépôt.
03:58Donc les premières peut-être qu'il y a eu du sursis, mais il y a eu du dépôt.
04:01Mais quand il dit par exemple, Gérald Darmanin, quand on touche un policier, ça ne peut pas être moins de trois mois de prison.
04:06Et il faut vraiment faire les trois mois de prison. C'est contestable ?
04:09C'est le choix du politique. Que le politique se situe, fasse une loi.
04:14Mais qu'il fasse une loi, moi ça me va. Enfin, j'ai rien à dire. Je ne suis pas politique, je ne sais pas la loi.
04:17Je vois déjà qu'elle passe.
04:18Mais un, qu'elle passe.
04:20Deux, il y a un point que je voudrais mettre en avant, c'est qu'il ne faut pas faire une loi tous les quatre matins.
04:24Parce que la justice crève des modifications de la loi tous les deux ans, tous les trois ans.
04:29On n'arrive pas à ce moment.
04:29Exactement. Gérald Darmanin, ce qu'il veut, c'est réduire justement le nombre de lois qui s'appliqueraient.
04:33Ils le veulent tous.
04:34Ils le veulent tous, au-delà de la communication.
04:37Et l'autre chose, c'est de dire, on fait une loi, qu'est-ce que ça va me coûter en termes de magistrats, de greffiers, de policiers,
04:44mais aussi de places de prison ou de places en milieu ouvert ?
04:49Le milieu ouvert, c'est tous les gens qui sont suivis en probation par les conseillers pénitentiaires d'institut de probation.
04:53On sait bien actuellement que les prisons, les places de prison, il n'y en a pas assez.
04:56On a un cancer peut-être trop et surtout mal. On n'a pas assez de surveillants pénitentiaires pour les surveiller dans de bonnes conditions et des bonnes conditions de sécurité.
05:04Tout comme on n'a pas assez de conseillers pénitentiaires d'insertion pour suivre réellement les gens qui sont mieux ouverts.
05:08William Maury, vous avez, j'imagine, suivi de loin peut-être les procès des casseurs et les premières peines rendues.
05:14Comment avez-vous réagi ?
05:16Comment j'ai réagi ? Alors nous avons réagi, je vais faire du global parce que je représente l'ensemble de mes collègues.
05:23Effectivement, quand vous avez des individus qui sont relâchés ou du moins qui n'ont pas de peine de prison ferme alors qu'ils ont effectué des tirs de mortier sur les policiers ou sur les pompiers,
05:36que c'est reconnu en audition, c'est-à-dire qu'ils avouent, et que derrière il n'y a pas une peine ferme, forcément c'est compliqué.
05:43C'est compliqué parce que ce qu'il faut savoir, et beaucoup je suis sur le terrain donc je peux vous en parler,
05:48c'est que c'est des gens qu'on va retrouver le lendemain ou le surlendemain grandis de cette décision-là,
05:54parce que quand ils sortent du tribunal, quand les petits copains leur disent alors qu'est-ce qui s'est passé ?
05:58Pas grand-chose, et c'est avec ça qu'on crée des multirécidivistes.
06:04La problématique elle est là.
06:06Il ne faut pas incarcérer pour tout et n'importe quoi, mais à partir du moment où vous touchez un policier,
06:09vous touchez un pompier, vous touchez un médecin, vous avez fait ce choix-là,
06:14vous partez en prison le soir même, il faut qu'ils en soient assurés.
06:18La difficulté elle est là, c'est qu'aujourd'hui j'ai à Rennes un collègue qui est dans le coma
06:24parce qu'il s'est fait tirer dessus à coup de mortier.
06:28La problématique elle est que pendant des années, pour le coup je vous le dis,
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