00:01Oui, je reçois ce matin Stéphane Ribogade, réalisateur de reportages et documentaires.
00:05On se souvient notamment de votre excellente série documentaire Air Cocaïne.
00:09Mais alors ce matin, vous venez nous parler d'un doc sur les services secrets français des GSI.
00:14La maison du secret s'est diffusée ce soir 21h sur Canal+.
00:17Et c'est le résultat d'une immersion de deux ans au sein des services de renseignement français.
00:24Comment ça s'est passé ?
00:25Bien.
00:26Qu'est-ce qui fait qu'ils acceptent d'entre-ouvrir leurs portes ?
00:28C'est ça qui ne m'épate toujours.
00:30Parce que c'est une des premières fois qu'ils font ça.
00:32Je n'ai jamais su à chaque fois qu'on arrive à obtenir une entrée.
00:36Il y a toujours forcément une relation liée à la communication, forcément.
00:41Mais quel est leur intérêt à communiquer ?
00:44Parce que leur travail c'est plutôt le secret justement.
00:47Alors non seulement c'est le secret, ils détestent communiquer forcément.
00:51Donc il faut un peu leur faire violence, c'est vrai.
00:54Et nous on est toujours parti du principe qu'il y a une envie de savoir, pas de comprendre,
01:02mais de savoir si réellement on connaît les noms, on connaît les appellations,
01:08mais on ne sait jamais ce qu'ils y font vraiment.
01:09Et là c'était le moyen de savoir un petit peu, juste en grattant un petit peu,
01:16la nature réelle de leur métier en fait.
01:18Mais vous avez dû prendre j'imagine des engagements aussi,
01:21par exemple évidemment protéger l'anonymat des gens qui travaillent là-bas.
01:24Bien sûr, protéger les sources, protéger les agents, protéger ça c'est la règle d'or.
01:28À partir du moment où cet engagement est respecté, le reste c'est la vie normale.
01:34Et est-ce qu'il y avait des contraintes particulières de tournage aussi avec eux ?
01:38Oui, l'essentiel c'est sécuriser les agents, sécuriser leur image, leur nom, leurs références.
01:49C'est-à-dire d'avoir absolument une bâche de camouflage autour de ces personnages-là.
01:54Donc concrètement comment ça se passe ?
01:56Ça veut dire que par exemple les images que vous tournez sur place, elles restent sur place ?
02:00Oui, on a pu, toutes les images qu'on a tournées avec eux, on les a laissées chez eux,
02:05on a montées ou pré-montées chez eux, ensuite on a, toutes les séquences, on les a foutées chez eux,
02:10et ensuite on pouvait enfin les sortir pour monter chez nous.
02:14Et chez nous on a organisé ce qu'on appelle une salle blanche, avec aucune connexion possible, aucune...
02:20Parce que vous aviez peur qu'on récupère vos images par le biais d'internet ?
02:25Bien sûr, potentiellement oui.
02:26Ah oui, c'est envisageable ça ?
02:28C'est plus qu'envisageable.
02:29D'accord.
02:30C'est même parfois fait.
02:32Ah c'est déjà arrivé ce genre de choses ?
02:34Ça arrive, oui je pense les...
02:35Et c'est vrai qu'on apprend beaucoup de choses sur l'émission de contre-terrorisme, de contre-espionnage mené par ces quelques 5000 agents,
02:44mais la difficulté pour vous sur la réalisation, Stéphane Riboged, c'est que vous devez mettre en image des récits qui sont donc anonymes,
02:52donc en fait vous faites un doc sans avoir le droit de filmer grand chose, parce que par définition tout est secret, donc c'est beaucoup de reconstitution.
03:00Exactement, exactement. Et l'idée étant d'être... c'est plus facile de faire parler des agences sur une opération qu'ils ont déjà faite,
03:09que de leur dire de but en blanc, alors c'est quoi votre métier ?
03:12Oui, ou qu'est-ce que tu fais en ce moment ?
03:14Exactement.
03:14Évidemment, ils ne peuvent pas vous le raconter.
03:15Moins.
03:16Donc le parti pris, c'est de revenir sur trois histoires...
03:19Existantes, connues par la presse pour certaines d'entre elles, et c'est vrai qu'on a pu, à partir d'histoires réelles,
03:30les remettre en forme, remettre en situation, et puis surtout d'avoir les ingrédients mécaniques de comment se passe une telle opération.
03:38Et puis vous avez eu accès à quelques images aussi déclassifiées ?
03:41Oui, bien sûr, bien sûr, et puis aussi à des informations, des informations, des petits points de détail qui font qu'on rentre vite dans un film d'espionnage, en fait.
03:50Et alors dans ce doc, vous revenez sur trois affaires récentes, une opération antiterroriste,
03:54une opération de contre-espionnage menée contre les services secrets russes,
03:59et une opération de surveillance économique, et en fait on se rend compte que c'est un travail de fourmi,
04:05plus que de bulldozer, en fait l'une des principales qualités de tous ces agents, c'est la patience, en fait.
04:10La patience, la discrétion, et puis cette volonté farouche d'atteindre un objectif, même quand ça prend six mois, un an.
04:21Parfois il y a une centaine d'agents qui vont être monopolisés sur une seule et même affaire,
04:26pendant des mois, et des mois, et des mois, et des mois, oui.
04:28A planquer, à attendre, et aussi c'est une difficulté pour vous en tant que réalisateur, parce que c'est du temps long, quoi.
04:33Oui, on a...
04:34C'est pas de l'action en permanence.
04:35Non, et puis il y a des moments d'accélération, et puis des longs moments, comme vous dites, d'attente,
04:40et de patience.
04:41Et il y a tout un mystère autour de ces agents, évidemment, une fascination aussi pour la double vie qu'ils mènent.
04:48Est-ce que vous avez pu échanger avec eux, en dehors des caméras, et aller sur ce terrain plus personnel,
04:53de savoir comment ils vivaient au quotidien ?
04:54Bien sûr, ils vivent d'une manière assez simple, c'est-à-dire qu'ils n'ont aucune communication extérieure,
05:01même vis-à-vis de leurs proches.
05:03Ils ne disent rien ?
05:04Rien.
05:05Rien.
05:05Donc ils ont une couverture en permanence ?
05:07Oui, et puis...
05:08Un autre métier ?
05:09Et puis je pense que c'est un système dans lequel on rentre et on en accepte les règles.
05:15Et ces règles-là font que, pour eux, c'est pas contraignant, finalement, de ne pas dire ce qu'ils font.
05:23Voilà, ils rentrent le soir, comme monsieur tout le monde, madame tout le monde.
05:27Et puis, quand vous en croisez certains, jamais vous n'imaginerez que ces gens-là sont des agents.
05:31Jamais.
05:32C'est vrai.
05:32Ils nous ressemblent vraiment.
05:34Oui, encore plus réels que le réel.
05:36C'est ça.
05:36Et alors, ce doc, il s'intéresse donc à nos services secrets intérieurs, qu'on appelle donc la DGSI.
05:42Est-ce que vous pourriez faire le même doc sur ceux qui bossent à l'extérieur de nos frontières, donc la DGSE ?
05:47Est-ce que vous avez déjà tenté, déjà ?
05:49Non, mais forcément, à partir du moment où on va raconter des histoires qui ont déjà eu lieu pour certaines,
05:55ou qui ont la potentialité d'être déclassifiées pour d'autres,
05:59oui, et puis des histoires d'espionnage, on pourrait remonter loin.
06:05La richesse de notre...
06:07On a un patrimoine historique dans cet univers-là qui est assez riche.
06:12Qui est très riche.
06:12Ça s'appelle DGSI, la maison du secret, réalisée par Stéphane Ribogade,
06:17avec Anna Roque, Jean Chichi Zola, c'est ça ?
06:20Et Christophe Cornevin, c'est à voir ce soir à 21h sur Canal.
06:24On vous le recommande vraiment, c'est à voir également évidemment sur l'application Canal+.
06:28Restez avec nous, Stéphane Ribogade, pour suivre celui qui connaît tous les secrets des médias, Julien Pichnet.
06:34Oui, avec le journal des médias de Julien Pichnet, une triste nouvelle qui vient d'arriver il y a quelques instants.
06:39On vient d'apprendre la mort du journaliste Daniel Bilalian.
06:43Julien Pichnet va nous en parler dans un instant dans le journal des médias sur Europe 1.