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00:00 m'ont arrêtée dans un couloir.
00:01 Elles m'ont fait ça comme geste, elles m'ont dit "t'aurais jamais dû parler,
00:05 maintenant ça va être pire pour toi".
00:06 Et ça a été le cas.
00:07 Je m'appelle Noémia Groen et je suis une ancienne victime de harcèlement.
00:10 Dans mon cas, le harcèlement a commencé dès mon entrée au collège.
00:14 Et donc au départ, je me suis retrouvée, on va dire, en situation d'exclusion, de
00:18 mise à l'écart.
00:19 Et très rapidement, cette situation de mise à l'écart s'est transformée en harcèlement.
00:25 Quand j'avais 7 ans, donc j'habitais encore à ce moment-là en banlieue parisienne,
00:30 j'avais eu un accident.
00:31 Il faisait très chaud et j'avais sorti la tête par la fenêtre et je me suis pris
00:36 le haillon d'un camion dans la tête.
00:38 La conséquence principale que ça a eue, c'est que j'avais à ce moment-là la
00:42 mâchoire légèrement déviée.
00:44 Donc c'est parti effectivement d'un surnom en lien avec cette toute petite particularité
00:50 physique.
00:51 Et ça a commencé par le biais de deux filles dans la classe qui m'ont donné un surnom
00:58 dévalorisant en lien avec le film "Les Grimlins", donc qui date un petit peu.
01:04 Et très rapidement, ce surnom a bien sûr commencé à être répété par d'autres
01:07 élèves de la classe et par la suite a donné lieu à des situations de moqueries, d'humiliation,
01:14 d'insultes qui sont rapidement devenues quotidiennes et qui ont pris de l'ampleur,
01:20 non seulement dans toute la classe, mais également au bout d'un certain temps, même
01:24 dans tout l'établissement.
01:25 Alors c'est vrai que le harcèlement ne se limitait pas qu'à l'aspect scolaire,
01:29 ça se passait aussi à l'extérieur.
01:30 À l'intérieur de l'établissement, bien sûr, il y avait des lieux propices à ces
01:34 situations de harcèlement et notamment par exemple en situation concrète, très souvent
01:39 je me faisais par exemple bousculer dans la cour de récréation ou dans les couloirs.
01:43 Je me rappelle notamment d'un épisode en cours de sport en EPS où une des filles
01:49 de l'autre équipe volontairement m'a fait un croche-pied, donc je me suis retrouvée
01:52 par terre avec toute la classe autour qui rigolait.
01:55 Au départ, quand ces premières agressions ont débuté, j'étais tellement déstabilisée
02:01 que je ne savais pas du tout comment réagir.
02:03 La première stratégie qui me venait au départ, ça a été d'ignorer, parce que je me suis
02:07 dit qu'en ignorant, les autres, s'ils pensent que ça ne me touche pas, ils vont
02:11 à un moment donné finir par se lasser.
02:13 Sauf que je me rendais compte que plus je me taisais, plus je gardais le silence et
02:16 plus le harcèlement continuait.
02:17 Donc je me suis dit que je vais répliquer verbalement.
02:19 Et là, je me rends compte, contre toute attente, que même en répliquant verbalement à cette
02:24 violence, je me rends compte que les autres ont toujours le dessus sur moi.
02:27 Et là, le problème, c'est que je me suis retrouvée complètement démunie.
02:30 C'est-à-dire que je n'ai plus su comment réagir, donc je me suis complètement renfermée
02:32 sur moi-même.
02:33 Et effectivement, mon but principal dans la journée, c'était d'essayer d'échapper
02:38 au maximum à ces agressions.
02:39 Qu'est-ce que tu aurais attendu des adultes ?
02:41 J'ai été convoquée avec ma mère par la CPE, qui a voulu connaître la raison de
02:44 ses absences.
02:45 Je me suis fait partie par craqué, je suis tombée en larmes.
02:47 Et je lui ai expliqué ce qui se passait.
02:48 Donc les deux filles en question ont été convoquées par la CPE, qui les a menacées
02:54 de deux heures de call si ça continuait.
02:56 Deux jours plus tard, ça a été pire.
02:58 C'est-à-dire qu'en gros, elles m'ont arrêtée dans un couloir.
03:00 Elles m'ont fait ça comme geste.
03:02 Elles m'ont dit "t'aurais jamais dû parler, maintenant ça va être pire pour toi".
03:05 Et ça a été le cas.
03:07 Je me rappelle notamment d'une situation qui s'est passée quand j'étais en troisième.
03:11 Une des meneuses en plein cours s'est levée et m'a mis une sorte de pâte à fixe de chewing
03:15 gum dans les cheveux.
03:17 Et là, pareil, tous les autres élèves de la classe ont éclaté de rire.
03:20 C'était devant le professeur qui était de rand devant et qui n'a eu absolument aucune
03:26 réaction.
03:27 Donc en fait, ce silence de l'adulte a non seulement légitimé l'attitude de mes harceleuses
03:31 qui ont pu continuer en tout impunitaire, et a légitimé mon propre sentiment de culpabilité
03:36 et de honte, dans la mesure où je me suis dit "si l'adulte voit et ne réagit pas,
03:40 c'est forcément que j'ai mérité ces violences".
03:43 Est-ce que tu peux nous parler des conséquences à long terme ?
03:46 Derrière, j'ai enchaîné les dépressions, les incapacités à me projeter dans l'avenir.
03:50 Pour moi, l'écriture a été quelque chose qui m'a permis de prendre du recul.
03:55 Et finalement, ça m'a permis de me relever de cette épreuve parce que j'ai pu mettre
04:01 des mots sur ce que j'avais vécu.
04:02 Et ça m'a permis par la suite, ça a été une des parties de ma résilience par la suite.
04:08 Des années après, j'ai eu l'occasion d'avoir un lien avec une ancienne harceleuse.
04:13 Et il se trouve qu'elle s'est excusée, elle s'est remise en question.
04:18 Et ça, pour moi, ça a été aussi des étapes importantes dans ma reconstruction.