Chine, Yiwu, le + grand marché du monde
ييوو، أكبر سوق تجاري في العالم
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00:00 Si vous passez 5 minutes par boutique, il faudrait plus de 3 ans pour faire le tour du marché.
00:07 C'est de la margendise à l'infini en fait.
00:09 Il ne me prend pas les chances.
00:14 Je viens de Qatar.
00:17 Angleterre.
00:18 Roumanie.
00:19 Indie.
00:20 Burkina Faso.
00:21 Combien je gagne ? Je dirais environ 16 millions d'euros de chiffre d'affaires par an.
00:29 Il y a 1246 caméras de vidéosurveillance.
00:33 Le marché de Yiwu est l'endroit le plus sécurisé de toute la Chine.
00:38 C'est marqué sur le contrat.
00:39 J'ai besoin des certificats pour chaque pièce.
00:41 Les certificats c'est des copies.
00:42 Donc on ne peut pas se permettre de rentrer sans l'Europe.
00:45 Bonsoir et bienvenue dans Enquête Exclusive qui vous emmène ce soir en Chine dans le
00:49 plus grand marché du monde.
00:51 Il se situe dans la ville de Yiwu à 250 kilomètres à peine de Shanghai.
00:56 Yiwu, ce sont 4 millions de mètres carrés de commerce de grosse.
01:00 C'est de là que viennent l'essentiel des décorations de Noël qui sont commercialisées
01:04 en ce moment à travers le monde.
01:05 Yiwu est ouvert 24h/24, 7j/7.
01:08 C'est une véritable tour de Babel.
01:10 On y parle toutes les langues.
01:12 On y croise notamment des Irakiens, des Sénégalais, des Roumains et bien sûr des Français.
01:16 Mais derrière cette vitrine alléchante, il y a aussi une foire au marché noir à
01:21 la contrefaçon.
01:22 Et c'est aussi un endroit où l'argent liquide coule à flot.
01:26 Yiwu, le plus grand marché du monde, c'est un document signé Alban Patural et Jacques-Olivier
01:31 Benesse pour Upside TV et Enquête Exclusive.
01:33 Dans la campagne chinoise, une ville champignon sortie de terre en moins de 30 ans.
01:41 Yiwu, au sud-est du pays, dans la province du Zhejiang, un village devenu une métropole
01:49 de 2 millions d'habitants.
01:50 La ville est aujourd'hui la plaque tournante d'un business planétaire.
01:56 Yiwu, c'est le plus grand bazar du monde.
01:59 Les commerçants de tous les continents viennent y acheter des marchandises par containers
02:02 entiers, dans des centres commerciaux gigantesques.
02:06 Yiwu, c'est la ville où faire fortune.
02:09 Un El Dorado pour les ambitieux comme Mario, un Français installé en Chine depuis 10
02:16 ans.
02:17 Mario est exportateur.
02:19 Son métier, débusquer tout ce qui plaira aux Français en prenant une marge au passage.
02:24 Tout ce qui est rideau aussi, c'est beaucoup pour la France.
02:27 Regardez, bon voyage.
02:28 Bon voyage.
02:31 Son terrain de jeu est à l'image de ses allées, démesurées.
02:37 Si vous passez 5 minutes par boutique, il faudrait plus de 3 ans pour faire le tour du
02:41 marché.
02:42 Regardez là-bas à droite, vous voyez pas le bout.
02:44 Le bout là-bas, à droite, à gauche, vous voyez pas le bout des allées.
02:46 C'est de la marchandise à l'infini en fait.
02:49 En France, Mario faisait les marchés d'été et de Noël sur la côte Atlantique.
02:53 A l'époque, sa spécialité, c'était la nappe provençale.
02:56 Il en vendait des centaines.
02:57 Et voilà, vous voyez.
02:58 Bon, voilà, le patin est un peu changé, mais c'est le genre de nappe provençale
03:02 qu'on retrouve en France.
03:03 Comme tous les camelots, Mario achetait cette nappe 5 euros aux grossistes chinois installés
03:09 en France.
03:10 Mais il a vite compris qu'il pouvait gagner beaucoup plus d'argent en se fournissant à
03:13 la source.
03:14 - Ça fait 1,30 euros après la nappe partie de Chine.
03:18 En achetant directement la marchandise à Yiwu, Mario multiplie sa marge par 4.
03:23 C'est pour ça qu'il a fini par s'installer ici.
03:25 Demain, il accueille un groupe de commerçants français.
03:29 Pour eux, il vient dénicher les prochaines tendances de l'été.
03:33 - Bah ça, je pense que ça va être le produit de la saison un peu.
03:35 Et vous verrez que je pense que sur les marchés cet été, on risque de le retrouver sur des
03:38 produits.
03:39 C'est le produit du moment un petit peu.
03:40 Par exemple, des boutiques de ça, il y en a, je sais pas, il y en a au moyen une cinquantaine
03:43 qui ont poussé des fournisseurs qui se sont mis à vendre ce genre de produit.
03:47 Ses porte-clés peluches et autres petits gadgets se vendent en quantité astronomique
03:52 et font la richesse des vendeurs chinois, comme par exemple cette marchande de bouillotte.
03:57 - Et comme ça, c'est étonnant.
03:59 On croyait qu'on se demande comment elle fait pour gagner sa vie, mais vous la voyez sortir
04:02 du marché, elle sort en Mercedes ou en BMW.
04:05 Des petites boutiques, moins de 10 mètres carrés, mais qui valent de l'or.
04:09 En moyenne, une boutique s'échange aux alentours de 500 000 euros, mais selon l'emplacement,
04:15 ça peut vite monter jusqu'à un million d'euros.
04:18 Le marché de Yiwu, c'est tout simplement le plus grand showroom de la planète.
04:22 80 000 boutiques rassemblées dans cinq gigantesques halls, 25 fois plus grands que le plus gros
04:29 centre commercial de France.
04:30 Dans la capitale mondiale des babioles, Made in China, 1 500 containers de marchandises
04:38 en tout genre quittent chaque jour la ville pour inonder la planète.
04:41 En 2017, le chiffre d'affaires du marché a atteint un nouveau record, 24 milliards
04:48 d'euros.
04:49 Ici, on commercialise entre autres 80% des décorations de Noël vendues dans le monde.
04:55 Les deux tiers des jouets, des plus récents aux plus traditionnels, mais aussi la moitié
05:06 du stock mondial de parapluies.
05:08 À Yiwu, on vend de tout, même les produits les plus inattendus.
05:12 Ce temple de la marchandise à bas prix attire les acheteurs du monde entier.
05:21 Et pour que la machine à cash tourne sans accroc, Yiwu possède la plus grosse concentration
05:37 de vidéosurveillance du pays.
05:39 10 000 caméras et un mur G en images.
05:42 Dans les allées, pas moins de 600 vigiles patrouillent toute l'année.
05:46 - Ça, ça sert à repousser les gens, ça permet de les éloigner s'ils sont armés
05:52 d'un couteau, par exemple.
05:53 Attirés par les bonnes affaires, les commerçants africains sont de plus en plus nombreux à
05:58 s'installer à Yiwu.
06:00 Boubacar, ce Sénégalais de 44 ans, y a monté un business florissant et a même fondé
06:05 une famille avec une jeune Chinoise.
06:07 Mais si à Yiwu, les affaires marchent, les mauvaises surprises y sont monnaie courante.
06:13 Pour régler les nombreux conflits commerciaux, la ville a même créé une sorte de tribunal.
06:21 - Vous n'avez pas envie de faire une médiation sincère.
06:26 Je vous méprise.
06:28 Quand on a tort, monsieur, on avoue.
06:30 Yiwu, une ville marchande et multiculturelle, animée de jour comme de nuit.
06:39 Plongée dans le plus grand bazar de la planète.
06:43 Voiture de luxe et dégaine d'acteur, c'est le dress code des nouveaux seigneurs de Yiwu.
06:59 À 30 ans, Su Wong pèse déjà plusieurs millions d'euros.
07:04 - Il y a trop de voitures aujourd'hui, je vais sortir ici.
07:10 Une fortune vite bâtie dans l'une des mines d'or de la ville.
07:16 Le Yiwu Port, un énorme centre logistique où passent toutes les marchandises qui quittent
07:23 la cité.
07:24 Su possède l'une des grandes sociétés de transport de la ville.
07:33 Ce matin, il vient s'assurer que les marchandises de ses clients sont chargées comme il se
07:38 doit.
07:39 - Eh, toi là, tu travailles ici aujourd'hui ? Et toi, là, tu viens de faire du fric ?
07:45 - On est dans mon entrepôt, là.
07:54 Je travaille avec beaucoup de sociétés qui produisent pour l'export.
07:58 Avant d'exporter leurs produits, ils sont stockés ici pendant 2 ou 3 jours.
08:02 Pour écouler tout ça, on doit réaliser chaque jour une dizaine de lignes de chargement.
08:07 Mais je ne sais pas que cet entrepôt, il y en a d'autres.
08:16 Dans ces camions, des milliers de cartons en partance pour les 4 coins de la planète.
08:21 Un business qui lui permet d'employer aujourd'hui à temps plein une trentaine de personnes.
08:28 - Oui, je suis toujours occupé, comme toi, j'imagine.
08:35 On essaie de se rappeler demain ?
08:37 S'il est devenu le patron, c'est à force de travail, car Su vient d'une des régions
08:43 les plus pauvres au nord de la Chine.
08:45 Lorsqu'il est arrivé à Yiwu à l'âge de 20 ans, il ne possédait rien.
08:51 - J'étais comme eux, manutentionnaires.
08:56 Et puis plus tard, grâce aux langues étrangères que j'ai apprises ici, je suis devenu interprète.
09:02 J'ai évolué et ensuite, petit à petit, je suis devenu boss.
09:07 Combien je gagne ? Je dirais environ 16 millions d'euros de chiffre d'affaires par an, grâce
09:20 aux exportations.
09:21 - 2 millions, je crois.
09:22 Si on se considère en exportations...
09:23 Sa fortune aujourd'hui, c'est cette flotte de 150 camions.
09:29 Des poids lourds qui transportent les marchandises vers les ports de la côte chinoise, à 250
09:34 kilomètres de là.
09:35 Des camions qui ont une particularité essentielle à son business.
09:40 Un permis délivré par les autorités chinoises et qui fait toute la différence.
09:44 - Il y a quelque chose de différent, c'est ça ?
09:47 Les camions sont homologués pour accéder à la zone douanière de Yiwu, juste à côté.
09:50 C'est indispensable pour pouvoir sortir les containers de la ville.
09:55 Ils sont donc différents des camions que vous voyez un peu partout.
09:59 C'est pour ça qu'ils sont si chers.
10:02 Chaque camion, avec son droit exclusif d'accès à la douane, vaut 115 000 euros.
10:10 Au total, sa flotte représente plus de 17 millions d'euros.
10:14 Le secret de sa réussite fulgurante, sa maîtrise parfaite de la langue arabe.
10:18 Lorsqu'il a débarqué à Yiwu, Suu a appris à la parler en quatre mois, grâce à une
10:23 formation intensive.
10:24 Un atout qui lui a permis de décrocher de gros contrats avec certains des 200 000 commerçants
10:34 du Maghreb et du Moyen-Orient qui viennent chaque année s'approvisionner à Yiwu.
10:40 C'est le cas avec cet acheteur algérien à la recherche d'articles ménagers.
10:47 - Alim va réserver un billet d'avion pour venir à Yiwu.
10:55 - Alim ? Il vient en Chine ?
10:57 - Ouais, il arrive le 10.
11:01 Il m'a appelé pour me dire qu'il arrivait à 11 heures.
11:05 Grâce à cette maîtrise de la langue, Suu a créé un lien de confiance avec ses clients.
11:09 - Bien sûr, si je ne parlais pas arabe, ses clients ne viendraient pas vers moi.
11:17 Il y en a qui ont vraiment besoin qu'on soit avec eux.
11:25 Pour se démarquer de la concurrence, Suu propose une solution clé en main.
11:31 Plus qu'un simple exportateur, il est aussi acheteur et va jusque dans les boutiques
11:38 négocier les prix pour ses clients.
11:40 Une façon de se rendre incontournable.
11:42 - On va voir cette boutique, là ?
11:45 - Allez, viens, on va voir.
11:48 Vas-y, ne t'inquiète pas, mon frère.
11:49 On va faire du bon business, aujourd'hui.
11:55 - Moi, je cherche des gants en paquet.
11:59 Tu vois ? J'en veux des comme ça.
12:01 Comme ça, mais en noir.
12:05 - Ça coûte 30 yuan.
12:10 - Combien, elle a dit ?
12:12 - Laisse ton veste trop cher.
12:14 Chaque client qui vient en Chine, je l'accompagne pendant un ou deux jours.
12:24 Ça me permet de connaître les prix, le cours des choses, en fait.
12:27 - Je ne peux pas me contenter de rester à l'entrepôt.
12:32 Dans les allées du marché de Yiwu, les commerçants du Moyen-Orient, du Maghreb et d'Afrique
12:39 noire sont de plus en plus nombreux.
12:40 Alors, pour que les affaires continuent, en signe de bienvenue, une mosquée, la plus
12:47 grande de Chine, a été construite à quelques pas du centre commercial.
12:49 Un édifice qui bénéficie d'un dispositif de sécurité digne d'une ambassade.
12:56 Chaque jour, les policiers filtrent les entrées.
13:03 Et notre caméra ne semble pas être du goût des officiers en poste ce jour-là.
13:08 - C'est quoi, ça ? Non, non, non, non, non ! Vous pouvez pas rentrer avec cette caméra.
13:15 Impossible !
13:16 Quelques minutes plus tard, nous pénétrons dans l'enceinte de la mosquée et filmons
13:24 avec un simple téléphone portable.
13:26 À Yiwu, il y a encore 6 ans, les musulmans priaient dans des chambres d'hôtels.
13:32 Aujourd'hui, ils se réunissent dans cette luxueuse mosquée en marbre d'Iran de 10 000
13:37 places.
13:38 10 000 places qui ne suffisent toujours pas à accueillir une population qui ne cesse
13:45 d'augmenter.
13:46 La mosquée est fréquentée à 70 % par des musulmans étrangers.
13:53 Pour la plupart des commerçants de passage en ville.
13:55 Babacar, lui, est originaire du Sénégal.
14:03 - On a une très belle mosquée.
14:09 Les gens arrêtent le travail pour venir prier.
14:15 Les Chinois, les Africains, les Arabes, tout le monde.
14:20 On a l'honneur de pratiquer notre religion.
14:22 Tant qu'on ne dérange pas les autres.
14:25 Cet homme d'affaires s'est lui installé à Yiwu depuis 5 ans.
14:29 Il est l'un des nombreux commerçants venus tenter sa chance ici.
14:32 Au temps d'arriver, qui transforme le visage de la ville.
14:37 Les vieux bâtiments du centre ne résistent pas aux bulldozers.
14:49 Chaque parcelle de terrain est utilisée pour accueillir les nouveaux venus.
14:56 Dans cet immeuble en pleine rénovation, Babacar savoure sa réussite.
15:07 Le Sénégalais qui a quitté son pays sans un sou en poche est aujourd'hui devenu chef
15:12 d'entreprise et exporte un peu de tout vers l'Afrique.
15:15 Quand il a posé ses valises à Yiwu, il y a 5 ans, tous ses amis sénégalais l'ont
15:24 moqué.
15:25 - Bonjour, ça va ?
15:26 - Bonjour, ça va ?
15:27 - Sauf Isabelle.
15:28 - Comment tu vas ?
15:29 - Très bien.
15:30 Cette métisse libano-sénégalaise de 31 ans est arrivée en Chine en même temps que Babacar.
15:33 Ils sont devenus amis et tous 2 se sentent désormais Chinois.
15:37 - OK, je vais vous faire du thé chinois aujourd'hui.
15:41 - Parce que moi, je suis 50% chinois, 50% sénégalais.
15:47 - Moi, je suis 100% chinois.
15:51 Isabelle a fait une grande école de commerce en France.
15:53 Promise à un bel avenir dans l'industrie pharmaceutique, elle a préféré tenter
15:58 sa chance à Yiwu, contre l'avis de sa famille et de ses amis.
16:01 - Les gens ne peuvent pas voir pourquoi on veut être en Chine, pourquoi on veut faire
16:06 notre propre business, pourquoi, en fait, les gens trouvent ça fou de vouloir venir
16:11 en Chine.
16:12 - Comment ça va ?
16:13 - Très bien, merci.
16:14 Babacar, lui, y a même fondé un foyer.
16:17 Très vite après son arrivée, il a trouvé l'amour.
16:21 - Ça m'appelle Rebecca, mame Gara.
16:23 Le jeune couple marié depuis 4 ans a un petit garçon, Ming.
16:30 - Au moment où on s'est rencontrés, sa situation n'était pas très bonne.
16:36 Aujourd'hui, il y a eu un grand changement.
16:38 Il est devenu patron.
16:39 Je suis contente qu'il ait gravi les échelons, étape par étape, jusqu'à aujourd'hui.
16:44 Le jeune entrepreneur a même depuis peu sa propre marque.
16:50 - J'ai créé la marque de téléphone TGS.
16:59 Babacar a vu les choses en grand.
17:02 Il exporte toutes sortes de produits vers son pays d'origine.
17:04 Sa gamme de téléphones, des couches pour bébés, des 4x4 pour les membres du gouvernement
17:09 sénégalais et même un coran électronique.
17:12 - C'est la collection Magalis.
17:16 C'est un livre électronique qui révolutionne l'apprentissage des sciences religieuses.
17:24 - La Chine, c'est une mer d'argent.
17:34 Donc, quand quelqu'un marche en Chine, il marche dans l'argent.
17:39 Si on sait comment exploiter les opportunités de la Chine, on peut devenir rapidement riche.
17:49 Si Babacar s'est installé à Yiwu, c'est parce que dans ce supermarché de la mondialisation,
17:57 la concurrence entre les usines permet aux exportateurs de faire de très bonnes affaires.
18:01 Même s'il faut parfois taper du poing sur la table pour être livré en temps et en
18:08 heure.
18:09 Depuis 3 mois, ses clients sénégalais attendent avec impatience une importante cargaison.
18:17 - C'est ça que j'ai commandé.
18:20 30 tonnes de clous.
18:23 Alors, pour tenter de débloquer la situation, même si Babacar parle parfaitement chinois,
18:30 il a fait appel à Isabelle.
18:32 Débarquer en nombre donne de l'importance à l'homme d'affaires sénégalais.
18:36 Et en Asie, cela peut faire la différence dans les négociations.
18:39 - Mais quand est-ce que les clous partent ?
18:41 Ça fait quand même 3 mois qu'on attend.
18:44 - Comment ça ?
18:45 - Vous n'avez pas encore chargé les containers ?
18:48 - Si, si, on charge aujourd'hui.
18:50 - Je veux avoir des preuves.
18:52 - On vous les envoie dès que c'est fait.
18:54 - C'est parce qu'on est là que vous dites que ça va partir aujourd'hui, hein ?
18:58 - Le 15 février, c'était le nouvel an chinois.
19:03 On a pris un peu de retard.
19:04 On n'a pas chargé à temps.
19:06 C'était très compliqué pour nous pendant cette période.
19:09 - Quand la personne vient toute seule, ça traîne.
19:14 La preuve, quand il était venu précédemment, on lui avait dit le 15, le 15.
19:19 Là, la personne m'a vu venir avec lui et mon assistante, etc.
19:24 Donc, il est là...
19:25 Oui, aujourd'hui, d'accord, aujourd'hui.
19:27 Donc, ça accélère un peu les choses.
19:29 Que la personne en face se dise "OK, je peux pas blaguer avec eux".
19:32 Donc, je vais faire ça vite.
19:33 - OK.
19:34 - Voilà.
19:35 - Ça va ?
19:36 - Ça va.
19:37 - Un petit coup de pression et les 30 tonnes de clous de Babacar devraient bientôt rejoindre
19:43 le Sénégal, dans l'un des 1 000 containers qui transitent chaque jour par la douane de
19:47 Yiwu.
19:48 Un flux constant de camions qui en fait la plus grande zone douanière terrestre de Chine.
19:55 Pourtant, ils ne sont qu'une vingtaine de douaniers à se relayer chaque jour pour passer
20:04 au crible les milliers de tonnes de marchandises.
20:06 Et ça commence comme sur un tapis à bagages d'aéroport, version XXL.
20:12 Cet énorme scanner permet de voir à travers les parois métalliques des containers.
20:16 - J'ai un logiciel qui peut analyser les produits, les matières, les matériaux, les
20:25 matières et les montrer dans différentes couleurs.
20:27 Jaune, c'est pour les matières organiques.
20:31 Jaune clair, c'est pour les textiles.
20:34 Orange et bleu, c'est pour les plastiques ou pour les matières liquides.
20:40 Et puis des fois, on devine presque la forme des produits.
20:45 Mais lorsqu'ils ont un doute, Bo et son équipier Tao vont contrôler eux-mêmes les chargements.
20:58 - Il faut bien regarder.
21:00 Leur but, identifier des marchandises de contrefaçon ou des exportations illégales et surtout,
21:07 nous montrer à quel point les douaniers de Yiwu sont efficaces.
21:10 Ce matin, un container rempli de textiles et de petites électroménagers.
21:17 - Pousse tout ça vers le fond, on veut regarder sur le côté.
21:22 La moitié du chargement est sorti du camion et les cartons, ouverts au hasard.
21:28 - Alors, ces casquettes, c'est bien les mêmes ?
21:38 - Ouais, c'est bon.
21:41 On va passer à l'autre.
21:43 - Ça, c'est une déclaration de douane.
21:49 L'exportateur doit nous fournir les informations sur son chargement.
21:53 Ce qu'il y a dans les cartons doit correspondre à ce qui apparaît sur le formulaire.
21:58 Notre boulot, c'est de vérifier que les déclarations correspondent.
22:04 Et s'il y a un problème, nous pouvons demander des explications à l'exportateur.
22:12 À la douane de Yiwu, le volume est tel que seuls 3% des marchandises peuvent être contrôlées.
22:20 Et pourtant, presque à chaque fois, les douaniers trouvent quelque chose.
22:26 - Alors ça, c'est des plaquettes anti-moustiques.
22:32 - C'est un produit actuellement sous contrôle.
22:36 Il a besoin d'une autorisation pour être exporté.
22:40 Et cette entreprise n'a pas encore obtenu l'autorisation de le faire.
22:46 - Pourtant, en le demandant, il aurait pu l'avoir, ce papier.
22:50 - Oui, tout à fait. Avec, il aurait pu l'exporter.
22:54 Mais comme il ne l'a pas, nous sommes obligés de saisir tous les produits.
23:00 Les plaquettes anti-moustiques vont rester en Chine.
23:04 Même si l'exportateur est en faute, son container, lui, va bien rejoindre sa destination, sans encombre.
23:10 À Yiwu, le business passe avant tout.
23:14 C'est ce qui a permis à cette petite ville de province de devenir en l'espace de 30 ans l'une des plus riches de Chine.
23:22 Mario, l'exportateur français, vit dans un quartier huppé de Yiwu.
23:26 Il est 16 heures, c'est la sortie des classes.
23:30 Mario a fondé une famille avec une chinoise.
23:32 Il a 2 enfants. Et dès qu'il le peut, il vient chercher l'aîné à l'école.
23:36 - L'enfant est très important en Chine, en fait.
23:44 C'est l'enfant unique, c'est l'enfant héroïque. C'est normal.
23:50 Des petits Chinois bichonnés et surprotégés.
23:52 À tel point que des mères de famille, armées de drôles de fourches, surveillent la sortie de l'école toute l'année aux côtés de la police.
23:58 - Ils ont peur pour les enlèvements d'enfants, en fait.
24:04 Donc, chacun à notre tour, c'est un parent d'élève qui doit venir selon les classes, quoi.
24:07 En gros, c'est 2-3 fois dans l'année, on doit venir avec le bâton faire la relève, comme ça.
24:12 Des bâtons qui, de l'aveu même de Mario, ne servent jamais.
24:16 - Allez, donne la main à papa. T'es grand, marche !
24:19 À Yiwu, aucun enlèvement d'enfants n'a jamais été constaté.
24:25 Mario habite à quelques pas de l'école, dans une résidence haut de gamme réservée à la classe supérieure chinoise.
24:31 Originaire de Vendée, Mario est l'unique Français de Yiwu. Il y vit depuis presque 10 ans.
24:40 Si aujourd'hui, il est bien intégré, tout n'a pas toujours été facile.
24:45 Surtout pour sa femme, Lin.
24:47 En Chine, il est très mal vu d'être en couple avec un étranger.
24:53 - C'est pas gratuit ? - Ça, c'est sûr.
24:56 Mes parents ont dit non au début, ils n'étaient pas d'accord.
24:59 Il a fallu attendre au moins 3 ans de relation avant de pouvoir l'annoncer discrètement à ma mère.
25:06 - Popo, toujours au charbon, pour nous préparer les petits... les petits bruits.
25:11 Elle est toujours dans la cuisine, c'est son secteur, Popo, ça.
25:16 La mère de Lin a fini par accepter Mario.
25:19 Pour rester proche de ses petits-enfants, et comme le veut la tradition chinoise,
25:24 la grand-mère a même une chambre dans l'appartement du couple.
25:29 - Souvent, ils gardent des enfants, ils s'occupent de la maison.
25:32 Quand on prend une femme chinoise, on prend la famille avec, c'est comme ça.
25:37 Mario a dû aussi épouser le rythme de travail de Yiwu.
25:40 Pour faire tourner son business, il doit être disponible à tout moment.
25:44 (musique)
25:51 Ce soir, comme souvent, pas de soirée en famille.
25:55 Il s'absente pour accueillir des commerçants français.
26:00 Mario a rendez-vous dans le quartier des hôtels.
26:03 Il y en a 150 à Yiwu.
26:05 Et c'est dans ce palace que ses clients ont réservé leur chambre.
26:10 Pour les accueillir comme il se doit après 24 heures de voyage,
26:14 il leur a préparé une petite surprise.
26:16 - Ah, ché, ché.
26:19 Un bon champagne français de Reims, pour oublier les origines.
26:23 (musique)
26:27 - Hola, pan.
26:29 Ses clients français arrivent tout droit de Montpellier.
26:31 - Vous n'êtes pas trop fatiguée ? - Non, ça va.
26:33 - Hola, pan. - Tant qu'on ne s'est pas vus.
26:35 - Oui.
26:36 Pour eux, Mario a organisé un séjour clé en main.
26:39 Traduction, négociation, achat et transport de la marchandise.
26:43 Il sera pendant 4 jours leur intermédiaire de A à Z.
26:47 - Welcome to China.
26:50 - Ah, bah, toujours, hein.
26:52 Mario connaît bien ses commerçants.
26:54 - On ne change pas une équipe qui gagne.
26:56 Ils viennent depuis plusieurs années déjà.
26:58 Et avec le temps, ils sont devenus amis.
27:01 - Eh, vous pouvez appeler un chauffeur, s'il vous plaît ?
27:04 Il est 23h.
27:06 Les Français veulent profiter de la vie nocturne et manger un morceau.
27:10 À Yiwu, ils n'ont pas trop le choix.
27:12 Il n'y a qu'un seul endroit encore animé à cette heure tardive.
27:15 Et c'est le quartier musulman, à l'autre bout de la ville.
27:19 Pour s'y rendre, il faut prendre la voiture.
27:22 - C'est nous, c'est nous, c'est ici.
27:24 Mais en Chine, on ne plaisante pas avec l'alcool au volant.
27:29 Ici, c'est tolérance zéro.
27:31 Alors Mario va confier les clés de sa voiture
27:33 à cet homme qui vient d'arriver en vélo électrique.
27:36 - En fait, comme j'ai bu un verre de champagne,
27:38 on va mettre la trottinette dedans et on va aller manger.
27:40 C'est un service de taxi, en fait.
27:43 Un service étonnant.
27:45 Des chauffeurs sillonnent la ville à vélo
27:47 et conduisent les fêtards dans leurs propres véhicules.
27:50 - Toujours, ils font ça, mais en Chine, on a un service qui est irréprochable.
27:59 On voit ça que en Chine, ce service.
28:02 (musique)
28:05 Pour moins de 5 euros,
28:07 les Français rejoignent le quartier animé de Yiwu,
28:10 en toute sécurité.
28:12 Dans le quartier musulman,
28:19 on y boit du thé à la menthe en fumant la chicha.
28:22 L'atmosphère est digne du Caire d'Istanbul.
28:30 On y déguste des brochettes halal sur le trottoir
28:33 ou dans l'un des 30 restaurants du quartier,
28:36 tenus pour la plupart par des Chinois musulmans.
28:40 L'endroit est animé de jour comme de nuit.
28:43 Les Français adorent cette ambiance, d'autant plus qu'ici,
28:49 Mario et ses amis peuvent prendre quelques libertés
28:52 avec les coutumes locales.
28:54 - Déjà, quand je suis arrivé, j'ai dit "on peut boire".
28:56 "Oui, oui", il a dit, "sur cette tente-là".
28:57 "C'est sans alcool, c'est musulman, là, c'est avec de l'alcool".
29:00 J'en fais pour tous les goûts.
29:02 A gauche, Stéphane et sa femme,
29:05 Cyril, ont 3 boutiques de téléphonie mobile autour du Cap d'Agde.
29:08 Jonathan et Fanny, eux, ont 6 magasins de maillots de bain
29:14 dans le sud de la France.
29:16 Demain, ils débuteront grâce au contact de Mario
29:20 leurs achats dans le grand centre commercial.
29:25 Pour ce soir, c'est détente.
29:28 - Y a rien sans rien.
29:30 A quelques rues de là, nous retrouvons Babacar,
29:37 lui aussi en pause.
29:39 L'homme d'affaires sénégalais a troqué son costume cravate
29:42 pour un survêtement et une casquette.
29:44 Il vient très souvent sur ce marché de nuit
29:50 pour retrouver un peu l'ambiance du Sénégal.
29:53 Pas de vente en gros, mais de petits étals illuminés
29:56 où l'on commerce jusqu'à 3h du matin.
29:59 On y retrouve entre autres toutes les babioles
30:05 et tous les gadgets vendus dans le grand centre commercial.
30:08 Il est même possible d'y acheter des animaux.
30:14 C'est l'endroit qu'affectionne Babacar pour se détendre
30:19 après une journée de travail.
30:21 - One, two, three, yes, good.
30:24 C'est une cérémonie.
30:26 - On vient ici pour baisser le stress du travail quotidien.
30:37 Depuis 5 ans qu'il vit à Yiwu,
30:43 Babacar a complètement adopté les codes de la ville.
30:46 Ici, même pour un tir à la carabine,
30:50 on peut payer avec son téléphone.
30:52 En deux clics, il règle la note, l'équivalent d'un euro vingt.
31:01 Et il est possible d'acheter absolument tout de cette façon
31:05 dans les rues de Yiwu, même chez les vendeurs ambulants.
31:09 - Ni hao. - Ni hao.
31:11 - Salam alaykum. - Alaykum salam.
31:13 - Ni hao, boss. - Hao jiu bu jian.
31:15 - Hao jiu bu jian.
31:17 - Ça, c'est le dernier iPhone.
31:19 - iPhone X.
31:21 Une copie du dernier iPhone en date.
31:23 Il n'a pas toutes les fonctionnalités du téléphone original,
31:26 mais il n'est pas non plus au même prix.
31:28 - iPhone X.
31:30 - Ça, c'est 80 euros.
31:32 - Et le vrai iPhone, il coûte combien, celui-ci ?
31:35 - 1200 euros, peut-être.
31:38 La contrefaçon est partout en Chine.
31:42 Elle touche tous les secteurs,
31:44 même les plus inattendus et spectaculaires,
31:47 comme celui de l'automobile.
31:49 - Ça, c'est la copie de Range Rover Evoque.
31:56 Cette fausse Land Rover a été rebaptisée pour l'occasion Land Wind.
32:01 - C'est une marque chinoise.
32:04 - Et la qualité, c'est à 80 % pareil.
32:08 Mais il y a encore plus fort avec ce modèle de Porsche.
32:13 - Oui, ça, c'est une Porsche, mais c'est une copie.
32:17 Vous n'allez pas le voir, mais ils ont changé le truc seulement.
32:23 Ils ont changé ça, et au marché, vous pouvez acheter ça directement.
32:27 Une copie jusque dans ses moindres détails.
32:31 Voici donc un bolide toute option à 18 000 euros.
32:34 L'original, lui, se négocie aux alentours de 100 000.
32:37 Mais dans les rues de la ville, ces véhicules contrefaits
32:41 côtoient aussi les vrais modèles des marques les plus mythiques.
32:45 À Yiwu, le marché de l'automobile haut de gamme tourne à plein régime.
32:51 Maserati, Mercedes, Ferrari, Bentley.
32:55 Les concessions des marques de luxe fleurissent partout en ville.
33:00 Chez Maserati, la célèbre marque italienne,
33:03 les conseillers battent chaque mois des records de vente.
33:06 - Alors ça, c'est le modèle qui se vend le mieux.
33:13 Il est parfaitement adapté au marché chinois.
33:17 Il correspond au tout point au goût de nos consommateurs,
33:20 au niveau de la forme ou de l'élégance.
33:23 C'est un véhicule qu'on est fier de montrer partout où l'on va.
33:29 Non seulement ce sont des jeunes, mais surtout des jeunes ambitieux
33:32 qui l'achètent, ceux qui affichent leur réussite.
33:35 À Yiwu, ce sont des gens qui ont une certaine position sociale
33:40 qui achètent Maserati.
33:42 Ces véhicules, qui valent en moyenne 150 000 euros,
33:48 la concession en vend une quarantaine chaque mois.
33:51 Et même les modèles les plus chers, à 250 000 euros, trouvent preneur.
33:57 - Ce modèle, c'est la quintessence de notre marque.
34:00 Il est commercialisé depuis 1963.
34:03 C'est un peu notre voiture emblématique.
34:06 Elle a même été utilisée par le président italien.
34:09 Au niveau du design, c'est une merveille.
34:11 Elle est très recherchée sur le marché d'Yiwu.
34:14 C'est pour les hommes d'affaires, les gens qui réussissent dans le business.
34:17 À Yiwu, on en vend 10 par mois.
34:19 Et c'est justement le modèle qui intéresse ce jeune entrepreneur fortuné.
34:25 - Essayez-la ! Allez, essayez-la !
34:28 Vous allez voir, c'est formidable.
34:30 C'est vraiment un confort incomparable.
34:33 Mettez-vous au volant !
34:35 Ce modèle, c'est ce qu'on fait de mieux chez Maserati.
34:43 - Et le prix, c'est combien ?
34:49 - On peut faire une remise de 18 000 euros, je pense.
34:51 - C'est pas mal.
34:52 - Vous allez l'acheter ?
34:53 - Oui, je pense.
34:54 - Pourquoi vous avez choisi celle-ci ?
34:56 - J'aime beaucoup sa forme.
34:58 - Actuellement, vous avez quoi ?
35:00 - J'ai une BMW.
35:02 Si le marché du luxe se porte bien à Yiwu, c'est qu'ici, l'argent coule à flot.
35:10 Yuan, euro et dollar règnent en maître.
35:16 Les commerçants du monde entier débarquent ici avec de grosses sommes d'argent liquide sur eux.
35:20 Pour échanger leur devise contre de la monnaie locale, à un meilleur taux qu'à la banque, ça se passe sur le trottoir.
35:26 - On fait des petites affaires. On échange de la monnaie étrangère.
35:31 Du change sauvage, juste devant la banque de Chine.
35:38 Des dizaines d'hommes proposent ainsi de l'argent liquide à des taux imbattables.
35:45 Nous filmons en caméra discrète.
35:49 Un groupe de commerçants irakiens venu échanger des dollars nous l'assure.
35:54 C'est normal à Yiwu.
35:56 - Non, non, ne vous inquiétez pas. On a déjà échangé ici. Il n'y a aucun problème.
36:02 - Vraiment, on ne va pas avoir de soucis.
36:05 - Et même si on change beaucoup d'argent ?
36:08 - Même si c'est beaucoup d'argent, c'est sans problème.
36:11 Des échanges qui échappent à tout contrôle.
36:17 - Bonjour, vous voulez quoi ? Des euros ou des dollars ?
36:20 - Je veux des euros.
36:22 - Eh bien, je crois 10, 20, 30 dans les 40 000 euros.
36:27 40 000 euros dans cette petite sacoche.
36:33 Et ce n'est qu'une infime partie des sommes échangées ce matin dans la rue.
36:37 - C'est vrai qu'aujourd'hui, on est saturé d'euros.
36:42 Personne n'en veut, on en a trop.
36:44 Parce qu'il y a quelqu'un qui est venu avec 400 000 euros ce matin.
36:48 Des sommes considérables pour un marché parallèle d'argent liquide qui ne semble avoir aucune limite.
36:56 Dans le hall de la banque de Chine, nous interrogeons un des employés sur le trafic qui a lieu juste à l'extérieur.
37:06 - Bien sûr que c'est illégal, mais vous voulez qu'on fasse quoi, nous, à la banque ?
37:13 On ne peut pas se substituer aux forces de l'ordre.
37:16 Tout ce qu'on peut faire, c'est de les dégager de devant la porte d'entrée.
37:20 Une pratique tolérée, donc, qui semble profiter à tout le monde.
37:25 Les autorités ferment les yeux sur ce marché noir.
37:29 La priorité, c'est que Yiwu reste la plus attractive possible pour les étrangers.
37:38 La petite ville de province affiche fièrement un revenu moyen par habitant dépassant 9 000 euros par an.
37:44 Un record pour le pays et une richesse directement tirée des transactions juteuses effectuées dans les allées du grand marché.
37:52 L'homme chargé de protéger ce coffre-fort, c'est M. Feng Yu.
38:02 Le chef de la sécurité a sous ses ordres plus de 600 vigiles.
38:08 - Fais bien ton travail, remets ton brassard en place.
38:12 Du matin au soir, ces hommes patrouillent et veillent à ce que les affaires se fassent en toute quiétude.
38:20 M. Feng Yu a aussi à sa disposition un réseau tentaculaire de caméras.
38:26 - Il y a 1246 caméras de vidéosurveillance, rien que sur ce site.
38:35 Plus de 10 000 caméras sur les 5 sites que compte le marché.
38:40 Et un mur d'images digne d'une grande métropole.
38:45 La plus grosse concentration de vidéosurveillance du pays.
38:50 - Le marché de Yiwu est l'endroit le plus sécurisé de toute la Chine.
38:58 - Les caméras peuvent tourner sur elles-mêmes à 360 degrés.
39:04 - Je peux faire le point et même zoomer sur une partie de l'image.
39:08 Des moyens démesurés qui ont prouvé leur efficacité.
39:12 Les vols, les infractions sont quasi inexistantes à Yiwu.
39:15 En moyenne, une plainte par mois seulement est déposée sur 80 000 boutiques.
39:20 - Si on fait le calcul, je suis responsable de plusieurs milliards d'euros.
39:25 Le niveau de sécurité et la paix aussi qui règne sur ce marché font ma fierté au quotidien.
39:32 Malgré le très faible taux de criminalité, M.Fingyu ne laisse rien au hasard.
39:37 Ses équipes sont aussi en cas d'une éventuelle menace physique très bien équipées.
39:42 - Ça c'est pour les missions antiterroristes.
39:49 - Nous avons là le bouclier, mais aussi le casque, le gilet pare-balles et la ceinture de défense.
40:00 Des équipements neufs qui n'ont encore jamais servi.
40:04 Plus étonnant encore, pour les missions antiterroristes, cette pince géante.
40:10 - Allez, viens, viens s'il te plaît.
40:15 - Ça c'est un appareil pour bloquer, pour attraper les jambes.
40:20 - Et là, eh ben c'est bloqué.
40:23 - Et là, j'en ai une encore plus grande.
40:28 - Et elle sert à quoi, celle-là ?
40:30 - Elle sert à repousser les agresseurs.
40:33 - Ça permet de les éloigner s'ils sont armés d'un couteau, par exemple.
40:37 Un outil qui semble bien dérisoire face à une potentielle menace terroriste.
40:43 Qu'importe, le principal est de rassurer les vendeurs du marché,
40:48 mais surtout, leurs précieux clients étrangers.
40:52 (Musique)
40:57 Les commerçants du sud de la France, Jonathan et Fanny,
41:01 sont accompagnés ce matin par une employée de Mario.
41:04 Ils ont deux jours pour acheter toute leur collection de maillots de bain.
41:09 Et au marché de Yiwu, ils ont l'embarras du choix.
41:12 Sur un étage, des centaines de boutiques ne vendent que des produits de plage.
41:18 - Vous êtes au milieu de 200 ou 300 shops de maillots de bain,
41:21 qui sont des représentants d'usines.
41:22 C'est à un moment donné, si vous trouvez pas...
41:25 Bon, par contre, il y a des surprises partout.
41:28 Il y a des bons, il y a des mauvais, c'est comme partout.
41:30 Allez, on va là, dans la petite tanière.
41:32 Jonathan a ses habitudes dans cette boutique.
41:34 Elle ne paie pas de mine, semble toute petite.
41:42 Mais en réalité, elle est bien plus grande qu'il n'y paraît.
41:47 - Quand on passe ce rideau-là, là, on arrive un peu dans la tanière secrète,
41:50 où vraiment, vous avez...
41:53 Vous avez là un fabricant chinois qui fabrique...
41:55 Bah, sûrement en Chine ou en Corée.
41:57 Il y a une 3e pièce et même une 4e à l'abri des regards.
42:02 Des milliers de maillots de bain.
42:05 De toutes les formes, de toutes les couleurs et de différentes matières.
42:10 Le paradis pour Fanny.
42:12 - Je vous régale, oui.
42:16 On mettrait, je pense, n'importe quelle femme là-dedans,
42:18 au milieu de, je sais pas, peut-être 10 000 modèles de maillots de bain,
42:22 et on lui demanderait de choisir la forme qu'elle veut,
42:24 avec le tissu qu'elle veut et les couleurs qu'elle veut.
42:26 Je pense que n'importe quelle femme serait heureuse à ma place.
42:28 La jeune femme est ici pour faire réaliser ses propres modèles.
42:33 - Oui, oui, on peut le faire.
42:35 Envoyez-moi la photo, on va le faire.
42:37 On va le coudre avec le bandeau.
42:38 Et si ça vous convient, on vous met votre logo dessus.
42:41 - Comme ça ? - Oui, oui, j'ai reçu la photo.
42:44 Je vois ce que vous voulez.
42:45 Car l'idée, c'est de s'inspirer de maillots existants.
42:48 - Comme ça.
42:50 - Ah, comme ça, oui, oui, je peux le faire.
42:52 - Comme ça, mais en push-up.
42:54 Et ensuite, de les personnaliser pour qu'ils soient au goût des clientes françaises.
42:58 Le problème à Yiwu, et un peu partout en Chine,
43:05 c'est qu'ils ne sont pas vraiment à cheval sur la propriété intellectuelle.
43:08 Toutes les idées de Fanny profitent déjà aux prochains acheteurs.
43:11 - Non, mais c'est vrai, oui.
43:14 J'ai entendu, par exemple, le marin, voyez le marin comme ça, là ?
43:16 Avec les petits flamants roses.
43:18 Ah bah écoutez, je crois que c'est le mien celui-là, en plus.
43:20 Bah voilà, la belle surprise du jour.
43:22 Elle l'a mis.
43:24 Voilà, bah ça, c'est le jeu un peu, hein.
43:26 C'est un peu le jeu, voilà.
43:27 Bah alors, on est en plein dans le...
43:29 Hey, it's my model, hein !
43:32 Ça, voilà, ça, c'est mon modèle qu'on a créé au mois d'octobre.
43:39 Et qu'on a été livré il y a...
43:43 On a été livré déjà, et puis bon, bah voilà, hein.
43:45 Elle le propose à...
43:47 Avec son étiquette, et pas l'étiquette "Why not ?"
43:49 Qui est la nôtre.
43:52 - Ouais, c'est un peu en bêta, parce qu'on peut se dire tout de suite, là,
43:54 nous, on a pris des risques pour le créer, pour investir dessus,
43:57 et puis il y a quelqu'un qui va arriver, comme vous, là,
43:59 par exemple, je vais prendre un exemple d'un Anglais,
44:01 ou d'un Russe, ou... Voilà.
44:03 Puis qui va arriver et qui va dire, bon, bah, mettez-moi celui-là, il est bien.
44:06 Et puis vous, en fait, vous avez tout transpiré.
44:09 Mais aujourd'hui, Jonathan doit faire face à un problème bien plus important.
44:13 - C'est ça, on en parle à la fin.
44:16 Oui, parce qu'ils nous ont fait... Ils nous ont oublié quelque chose sur...
44:19 Énormément de pièces, ils nous ont oublié un doublage ici, là.
44:22 Il a commandé plusieurs milliers de maillots de bain, comme celui-ci.
44:25 Le problème, c'est qu'il y a un défaut de conception.
44:28 Sous la protection hygiénique, il manque une partie essentielle pour un maillot de bain.
44:32 - La doublure, qui a, là, qu'on voit,
44:36 eh bah, elle a été oubliée sur 6 000 pièces, quoi.
44:39 Donc ça met les boules, là, franchement, ouais, c'est...
44:42 On va parler français, ça fait chier.
44:44 Voilà.
44:46 - On est très embêtés si notre produit ne correspond pas à la demande du client.
44:51 Ça nous pose des soucis.
44:53 Si c'est nous qui avons fait l'erreur, on essaye de voir ce qu'on peut faire avec le client.
44:58 Mais de toute façon, en Chine, à chaque commande, c'est difficile d'être à 100% parfait.
45:03 - On essaie d'arriver au moins à 90%.
45:08 Fanny et Jonathan sont prévenus.
45:15 Il y a toujours des surprises en faisant des affaires à Yiwu.
45:18 Et les litiges entre acheteurs et vendeurs sont fréquents.
45:22 À tel point que le marché de Yiwu a dû créer une sorte de tribunal,
45:27 le bureau de médiation.
45:31 Chaque jour, il y a de nombreux conflits à régler.
45:35 Cet après-midi, 2 acheteurs du Burkina Faso ont un litige avec une commerçante chinoise.
45:42 L'objet du conflit, c'est cette paire de chaussures.
45:49 À la place de ces baskets blanches, il a reçu ce modèle rouge.
45:54 Ça ne correspond pas exactement à ce qu'il avait commandé.
45:58 - C'est ça, moi, je dis que c'est pas le même chose.
46:00 Elle veut me forcer de payer. Je veux pas qu'il y ait de différence.
46:03 Elle me dit que non, qu'il n'y aura pas même petite différence, qu'il n'y aura pas de...
46:06 Et puis il y en a une différence. Et puis elle veut me forcer.
46:09 Si la couleur n'est pas bonne, les motifs ne le sont pas non plus.
46:13 La commerçante chinoise ne reconnaît pas ses torts et ne décolère pas.
46:18 - Mais vous comprenez ce que je dis ?
46:22 Pour que ça rende mieux, on a changé les motifs de la chaussure.
46:26 En blanc, ça rendait pas bien.
46:28 C'est pour ça qu'on les a imprimés en rouge.
46:30 Maintenant, c'est un modèle original.
46:32 Et puis regardez, c'est de la très bonne qualité.
46:37 Vous n'y pensez pas, mais moi, ça m'a coûté bien plus cher à imprimer.
46:40 C'est de la très bonne qualité.
46:42 Mais ce n'est pas ce que l'acheteur voulait.
46:46 Un lot de 4 000 chaussures qu'il ne veut pas payer.
46:49 Les litiges comme celui-ci, il y en a chaque jour à Yiwu.
46:53 Et pour les affaires plus importantes, ça se règle dans une salle aux allures de tribunal.
46:57 Ce matin, un acheteur kazakh, en survêtement bleu, accompagné d'un traducteur, vient déposer une plainte.
47:05 L'objet du litige, 640 000 paires de gants.
47:09 Le problème, c'est que son fournisseur chinois, de l'autre côté de la table, lui a livré des gants dépareillés.
47:16 La main gauche est plus petite que la main droite.
47:18 La médiation commence et elle s'annonce laborieuse.
47:22 Je refuse la médiation, je ne suis pas d'accord.
47:24 Ce que je peux vous dire, c'est qu'il refuse la médiation devant nous.
47:28 Ça ne sert à rien de continuer.
47:30 Hier, on a discuté. C'est un étranger.
47:32 Alors j'ai pitié, mais je tiens à souligner que je suis un commerçant honnête.
47:36 Laissez-moi parler, ça vous fera du bien.
47:40 Monsieur refuse la médiation, du coup on ne peut rien faire.
47:45 C'est le principe de la médiation, il faut que tout le monde soit volontaire.
47:51 Ça commence mal et c'est loin d'être terminé.
47:54 Petit à petit, le ton monte.
47:56 Mais deux tailles différentes dans la même paire de gants, c'est pas possible.
48:00 Vous n'avez pas envie de faire une médiation sincère.
48:02 Je vous méprise.
48:04 Quand on a tort, monsieur, on avoue.
48:07 L'empoignade va durer près d'une heure.
48:12 En réalité, c'est plutôt une pièce de théâtre.
48:15 Le fond du problème n'est jamais évoqué.
48:19 Le conflit pas résolu non plus.
48:21 Et au final, c'est le plaignant qui est contre toute attente, invité à faire profil bas.
48:28 L'amabilité vous rend riche, l'harmonie apporte la richesse.
48:34 Soyez honnête, sinon l'usine ne voudra plus travailler avec vous.
48:37 Le commerçant chinois repart finalement sans être inquiété.
48:46 L'acheteur, lui, se retrouve avec 640 000 paires de gants sur les bras.
48:50 Invendable.
48:52 Il n'est pas du tout satisfait du résultat.
48:56 La médiation n'a eu aucun effet.
48:59 Il se sent livré à lui-même, désespéré.
49:03 C'est le premier bureau de ce genre en Chine.
49:07 Et visiblement, il mérite encore quelques perfectionnements.
49:14 Ça arrive parfois les cas où les deux parties s'énervent.
49:17 Mais ici, on a quand même un taux de réussite supérieur à 97%.
49:22 Ça, c'est le chiffre officiel.
49:26 Impossible à vérifier.
49:28 À croire que notre acheteur de gants est tombé le mauvais jour.
49:33 Car toujours selon les données officielles, seul 9 à 10 médiations par an échouent.
49:38 Alors, qu'est-ce que vous allez faire maintenant ?
49:43 Vous allez aller au tribunal ?
49:45 On va réfléchir. On ne sait pas.
49:48 Dans cet eldorado commercial, les déconvenues sont fréquentes.
49:54 Faire du business à Yiwu n'est pas sans risque.
49:57 Mario, l'exportateur français, le sait bien.
50:02 C'est pour cela qu'il prend toujours soin de vérifier la marchandise avant qu'elle ne parte pour l'étranger.
50:11 Cet après-midi, il prend le chemin du Yiwu Port, le grand centre logistique.
50:15 Il veut jeter un oeil sur une cargaison qui prend la mer.
50:20 26 000 maillots de football qui ont failli partir avec un léger souci.
50:24 Ils ont reculé un flocage dessus et bien sûr on a négocié un petit prix.
50:34 On a trouvé un arrangement avec la boutique.
50:37 Parce que comme c'est du pas cher, ça ne se vend pas sur les marchés à pas cher.
50:42 Donc le client a accepté.
50:44 Pour réparer l'erreur, elle a proposé de coller un flocage par-dessus.
50:48 Et vous voyez, ça ne se voit même plus.
50:50 Elle nous a baissé un petit peu le prix.
50:52 Le client a accepté.
50:54 Un couac vite rattrapé. La routine pour Mario.
50:57 Mais parfois, il est confronté à des situations qui peuvent lui faire courir de gros risques.
51:05 Je suis passé trois fois dans ta boutique cette semaine.
51:09 C'est toi qui a dit qu'on n'a plus besoin de certificats pour les 50 pièces.
51:14 Mais non, regarde, c'est marqué sur le contrat.
51:17 J'ai besoin des certificats pour chaque pièce.
51:19 Tout est bien écrit.
51:22 C E, communauté européenne.
51:24 Je ne sais même pas écrire le chinois. C'est toi qui l'as écrit.
51:30 L'objet de la dispute, c'est cette trottinette électrique que Mario veut envoyer en France.
51:34 Ça devrait suffire.
51:37 Problème, la vendeuse n'a aucun certificat.
51:40 La trottinette n'est pas aux normes.
51:42 Elle est potentiellement dangereuse.
51:44 L'effet d'hiver ne manque pas.
51:49 Des hoverboards et des trottinettes sans flammes à cause d'une surchauffe de la batterie.
51:53 Des morts, de nombreux blessés.
51:56 C'est difficile pour Mario de faire rentrer en Europe ce type d'engin s'il n'est pas aux normes.
52:00 Pour ces deux modèles, j'ai les certificats. Je te les montre, si tu veux.
52:07 Eh bien, ils sont où ? T'en as, t'en as, mais ils sont où ? Montre-les-moi.
52:12 Quelques minutes plus tard, la vendeuse produit les certificats de conformité pour l'export en Europe.
52:18 Petit problème encore, ils datent de 2005 et semblent faire référence à un autre produit.
52:25 Je ne sais même pas à quoi ça correspond, parce que si vous regardez les références du produit, c'est ZI018F.
52:31 Et là, on ne le retrouve même pas, ZI018F.
52:34 Effectivement, le numéro du certificat ne correspond pas à celui de la trottinette.
52:39 Alors voilà, vous voyez, l'Europe nous exige le logo CE et la référence du produit.
52:46 Quelle référence pour ce modèle-là ?
52:49 Regarde, si la douane vérifie cette référence, ils vont voir que ça ne correspond pas avec le certificat.
52:54 Écoute, c'est un certificat 100% valable.
52:57 Mais moi aussi, tu veux que le numéro corresponde à celui du produit, je peux te changer l'autocollant sur la trottinette.
53:03 C'est un faux alors. Pourquoi tu ne l'as pas fait proprement avec un vrai certificat ?
53:08 Ça ne passera pas à la douane comme ça.
53:11 Mais si, je vais changer le numéro sur l'autocollant pour que ça corresponde avec le certificat. Je peux faire ça pour toi.
53:17 Incroyable. La vendeuse propose tout simplement de falsifier les références de la marchandise.
53:21 Pour envoyer en Europe des trottinettes sans aucune garantie de sécurité.
53:25 Mario va bien évidemment refuser. Les trottinettes resteront à quai.
53:30 C'est une perte de temps et ce n'est pas une perte d'argent, heureusement, parce qu'on a eu bien des causes.
53:37 Les certificats, c'est des copies, donc on ne peut pas se permettre de rentrer sans Europe.
53:40 Donc elle a bien vu que ce n'était pas son usine, elle a bien vu que ce n'était pas les bons numéros de référence.
53:44 Elle a quand même essayé jusqu'au bout. J'ai été trois fois à son shop cette semaine, ma femme l'a rappelé hier soir, elle a dit non, non.
53:49 Et aujourd'hui, elle essaie de repasser la marchandise.
53:51 Elle est têtue cette femme. Mais c'est comme dans tous les pays, ce n'est pas spécialement. Il y a des gens têtu partout.
53:55 Cette fois-ci, le litige s'est réglé directement entre Mario et son fournisseur.
54:03 Mais c'est loin d'être toujours le cas.
54:06 Dans les allées du plus grand marché de la planète, se côtoie le pire comme le meilleur.
54:12 Mais rien qui le freine, y'est où ?