- il y a 6 jours
une série de documentaires sur la guerre d'Algérie
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00:00C'est fin 1956, après l'arrestation des leaders algériens, que j'y découvre cette photo.
00:08Je crois encore à des bavures, mais je ne comprends pas que nos élites ne sanctionnent pas les officiers responsables de ces atrocités.
00:15Naïf, je n'imagine pas que les autorités couvrent les militaires afin de garder l'Empire français.
00:30Les politiques en France portent une responsabilité première, majeure, pour ne pas dire absolue.
00:42Expliquez-moi un petit peu ça.
00:44Oui, je crois que les décisions qui se prennent quand on engage l'armée qui est faite, qui est le bras un peu séculier de la nation,
00:56quand on engage l'armée à travers des décisions politiques, c'est que cette politique a un sens, a une valeur, a des objectifs.
01:11Je pense que lorsque la guerre d'Algérie, puisqu'on peut l'appeler ainsi maintenant depuis deux ans,
01:22lorsque la guerre d'Algérie a été engagée par les gouvernements de la France,
01:27et maintenue pendant des années par les gouvernements de la France,
01:32cette guerre d'Algérie était déjà inadmissible.
01:35On savait très bien que depuis des décennies, la France passait son temps à mentir en Algérie,
01:44et à mentir aux Algériens.
01:47L'Algérien n'était pas un citoyen français,
01:52et était un sous-produit d'humanité.
01:57Ce n'est pas l'honneur de la France.
01:58La guerre d'Algérie a un peu plus de deux ans,
02:05quand je découvre cette photo à la rédaction du mensuel Réalité,
02:08où je suis un jeune reporter photographe de 18 ans.
02:12Les tortionnaires sont des appelés,
02:15des soldats à peine plus âgés que moi.
02:18La photo ne sera pas publiée.
02:22Autour de moi, je parle de cette photo.
02:26On ne me croit pas.
02:28En France, c'est l'insouciance et la découverte du monde de la consommation.
02:38Rien dans les rues ne laisse imaginer que la France est en guerre en Algérie.
02:43D'ailleurs, on ne dit pas la guerre, mais les événements d'Algérie.
02:49Que se passe-t-il pour que des jeunes gens comme moi
02:51soient livrés seuls à des problèmes de conscience ?
02:54Quelle est cette démocratie qui permet les pires violations des droits de l'homme à l'Algérie ?
03:00Quelle ester dans la guerre, mais les enfants sont des droits de l'homme à l'Algérie.
03:04Quelle est la guerre.
03:05Quelle est ce qui était un funiatique de la France ?
03:06Quelle est la guerre.
03:06Quelle est la guerre.
03:07Quelle est la guerre.
03:08Quelle est la guerre.
04:08Les soins à la population, les efforts de scolarisation vont de pair avec une répression atroce.
04:39Arrestations massives, torture, exécution sommaire.
04:44Les militaires ne veulent pas ruivre l'humiliation de la perte de l'Indochine.
04:49Pour eux, la rébellion algérienne est suscitée par le communisme international.
04:54Ils se doivent de gagner cette guerre à tout prix, jusqu'à saboter des chances de paix.
04:58Pour mettre fin des contacts secrets entre le gouvernement et le FLN, l'armée n'a pas hésité le 22 octobre 1956 à détourner l'avion des leaders algériens et mettre le président du conseil, Guy Mollet, devant le fait accompli.
05:13Guy Mollet, manifestement, il a été estomaqué, il a blémi, il a compris dans quelle situation on le mettait. Il n'était donc pas dans le coup.
05:23Guy Mollet est victime de l'ambiguïté de sa politique.
05:26En 1956, il a fait voter les pouvoirs spéciaux, qui ont permis aux militaires de ne pas s'encombrer des garanties juridiques de liberté individuelle.
05:36Mais il a aussi entrepris des négociations secrètes avec le FLN.
05:39Cette guerre a duré six ans de plus, par an, peut-être, du côté de la France, de l'armée, notamment.
05:47Et aussi de la faiblesse du gouvernement français, des gouvernements français, n'est-ce pas ?
05:56Janvier 1957.
05:58La guerre vient de gagner la ville d'Alger.
06:08Des bombes du FLN explosent dans des lieux publics, en réponse aux exécutions capitales des militants algériens.
06:17Pour éradiquer le terrorisme urbain, le général Massu reçoit tous les pouvoirs de police de Robert Lacoste, du ministre résident.
06:24Cette décision marque l'abandon du pouvoir civil aux militaires et aura de graves conséquences pour toute la guerre.
06:33Commence alors ce qu'on nommera la bataille d'Alger.
06:44Le général Massu donne l'ordre à ses parachutistes de se substituer aux policiers.
06:49Le quadrillage des quartiers, le renseignement et la torture deviennent les armes des paras.
07:02La torture s'officialise.
07:07Seul, parmi les officiers supérieurs, le général Jacques Paris de Bollardière s'oppose publicement aux directives de Massu.
07:15Simon de Bollardière, votre mari, le général de Bollardière, a refusé d'accepter qu'on puisse torturer.
07:27Il l'a fait savoir.
07:29Et dans un premier temps, il a été condamné à 60 jours d'arrêt de fortresse.
07:34Ça s'est passé dans une grande solitude.
07:39On a appris ça.
07:40J'étais chez mon père.
07:41Mon père était d'accord avec ce qui se passait quand on lui a expliqué.
07:45Donc Jacques a été en forteresse.
07:46Pour le voir, je ne suis allée le voir que deux fois avec des permissions.
07:50Maintenant, de soutien de l'armée, non certainement pas.
07:54Aucun.
07:55J'essaie de réfléchir pourquoi, pourquoi tous ces gens qui se prétendent justement des grands catholiques, des bons catholiques,
08:01qui vont à la messe tous les dimanches, qui ne feraient pas de mal à une mouche, qui sont gentils avec leurs petits-enfants.
08:05Pourquoi, pourquoi ils n'ont pas suivi mon mari ?
08:07Et je me dis, c'est la carrière.
08:09S'il y a un mot qui ici n'a jamais été prononcé, c'est moi qui le dis, c'est le mot carrière.
08:14Mon mari ne s'est jamais occupé de sa carrière.
08:16Pour lui, c'était inexistant.
08:19Il vivait.
08:20Voilà.
08:20Il y a 30 ans, j'avais consacré un film au général Jacques Paris de Bollardière,
08:27qui plaçait la morale au-dessus des ordres.
08:32Ce film vu à l'étranger ne sera jamais vu en France,
08:36alors que ce compagnon de la libération incarnait la France à la déclaration des droits de l'homme.
08:47Alors j'ai donc eu un entretien avec Massule, très difficile,
08:49car sa position était inébranlable.
08:52Et dans la passion de cet entretien, je crois que j'ai terminé cette conversation
08:56en lui disant que je méprisais le type d'action qu'il préconisait.
09:00Et j'ai ensuite vu tous les échelons de la hiérarchie,
09:02puis M. Lacoste, qui m'a confirmé qu'on attendait de moi
09:06que je ne fasse pas de complications et que je laisse travailler les parachutistes de Massu.
09:10À ce moment-là, j'ai donc demandé d'être relevé de mon commandement.
09:16Pratiquement, je n'étais qu'un exécutant.
09:18C'est excellent, bon, l'arrière m'a croyant.
09:20À partie, comme si j'étais le promoteur de cette politique,
09:23mais c'est absolument inexact.
09:25N'est-ce pas, je n'étais qu'un exécutant, je n'ai fait qu'exécuter les ordres de mes chefs.
09:28Donc, c'est en réalité le terrorisme, et surtout le terrorisme urbain,
09:32qui nous a amenés à, si vous voulez, à sortir de la légalité,
09:37à sortir même d'employer des procédés que je n'approuve pas du tout,
09:40mais que j'ai considérés à ce moment-là, exceptionnellement,
09:43comme, dans certains cas, nécessaires.
09:46Ça, je le reconnais parfaitement, c'est-à-dire, pour ça, dans mon lieu, je ne m'en suis pas caché.
09:49Mais là, on m'a dit, c'est inadmissible.
09:51Qu'est-ce que vous voulez, de temps en temps, il faut salir les mains.
09:54Nous les sommes salis, sans doute, mais nous avons quand même, je crois,
09:56à éviter nos repulsants, encore.
10:00La ville à Cézigny est un des centres d'interrogatoire, d'humiliation.
10:07Avant la bataille d'Alger, des officiers prenaient l'initiative eux-mêmes de torturer.
10:12Désormais, c'est le ministre résident Robert Lacoste qui l'autorise.
10:18C'est lui qui ordonne au général de Bollardière
10:20de ne pas s'opposer aux pratiques des paras.
10:22Nous sommes là, avec Bollardière, encore une fois un homme respectable,
10:30dans le domaine de la foi, et vous ne m'y ferez pas pénétrer.
10:35Ce n'est pas mon domaine, c'est un domaine que je respecte.
10:39Mais ce n'est pas mon domaine lorsque j'agis comme chargé d'exécuter une politique nationale.
10:50Une jeune avocate qui défend les militants algériens
10:56ne peut croire qu'un ministre socialiste couvre les militaires.
11:02Vous avez pensé qu'il serait bon de rencontrer M. Robert Lacoste ?
11:07Oui, parce que j'avais des illusions.
11:09Et donc je demande à le voir, il m'ençoit tout de suite.
11:12Je lui explique, écoutez, je viens voir, c'était abominable.
11:15Et je lui dis comme si nous étions déjà complices.
11:20C'est abominable ce que fait l'armée.
11:23Au nom de la France, vous vous rendez compte ?
11:24Regardez-les.
11:25Et avant que j'aie fini, il devient, il était assez gros, il faisait très chaud, il était tout rouge, vraiment.
11:36La chemise qui collait de transpiration sur lui, il me dit, quoi cela ?
11:42Mais ça c'est une vermine, ce sont des brigands.
11:46Qu'est-ce que c'est ? C'est une poignée, c'est à cause de vous que ça existe tout ça.
11:49Vous, les intellectuels à Paris, vous, le nouvel observateur, Claude Bourdet, Martinet, c'est vous qui fichez le bordel ici.
11:59Autrement cela, tout de suite, on les éliminerait.
12:02Puis il se lève et il me fait avec son pied, moi je les écraserai tous comme des serpents.
12:09Et je veux dire, j'ai été tellement saisie que je me suis dit, c'est pas possible.
12:14Et je me disais, comment, mais c'était un cauchemar qu'on soit là, quelqu'un qui venait de la gauche, qui était de gauche.
12:22J'ai remballé mes dossiers et je suis partie.
12:27Vouloir écraser les Algériens comme des serpents n'a pas été efficace sur le strict plan militaire.
12:33Pour le commandant Siasdine, le général de Bollardière, qui avait su établir un dialogue avec les villageois,
12:40rendait difficile le ralliement de la population au FLN.
12:43Nous avons considéré déjà à l'époque qu'il était beaucoup plus dangereux que Mbijard, Massu, les Argouts, les Godards et Consorts.
12:58Parce que les autres contribuaient à renforcer nos rangs par la répression.
13:07Par la répression, ils contribuaient à renforcer les rangs de la Hélène du FLN.
13:11Tandis que Paris de Bollardière, avec son intelligence, avec son humanisme ou ça, ou avec les valeurs qu'il cultivait de l'armée française et tout ça,
13:29qui ne faisait pas la torture, il nous faisait du mal.
13:31Il était dangereux pour nous. Il était très, très dangereux pour nous.
13:39Il ne faut pas oublier que c'était un général le plus décoré à l'époque.
13:44Pour moi, du plan moral, c'était absolument inacceptable, car ça nous emmenait exactement à ce que les nazis avaient fait et avaient prétendu faire dans tous les pays qu'ils ont occupés pendant la guerre européenne.
13:55Et ensuite, je pensais d'ailleurs très clairement que ça ne nous mènera à rien, bien entendu, car sortant de la résistance, j'avais chanté moi-même le chant des partisans,
14:06« Ami, quand tu tombes, un autre ami sort de l'ombre à ta place ».
14:10Et je savais très bien qu'on n'arrivait absolument pas à démonter les réseaux terroristes et que nous courions là à un échec et à une prise de conscience de plus en plus grande par tout le peuple algérien
14:19de la nécessité pour lui de se rendre indépendant et de se rallier au FLN.
14:25Comme de Bollardière, Paul Tedgen, le secrétaire général de la préfecture de police, démissionne pendant la bataille d'Alger.
14:34Il a constaté la disparition de plus de 3000 prisonniers.
14:37Cet ancien résistant, torturé et déporté, déclare
14:42« Nous sommes bel et bien engagés dans une systématisation de la torture. Nous avons commis des crimes de guerre. »
14:50La bataille d'Alger et les métaux d'employés inquiètent de plus en plus la communauté internationale.
14:57Le FLN intensifie son action politique et diplomatique en direction de Nehru, Tito et Nasser, leaders du groupe des pays non alignés.
15:07Ainsi, avec leur soutien, l'ONU inscrit à l'ordre du jour le problème algérien pour la troisième année consécutive.
15:16Ceci n'aidant en barra la délégation française.
15:18« Nous n'avons jamais accepté, nous n'acceptons pas et nous n'accepterons jamais la compétence des Nations Unies à l'égard d'un problème que, fort du droit international, nous considérons comme d'ordre essentiellement interne. »
15:38« Une affaire interne ? Si peu de gens se sentent concernés. Je vais de meeting en meeting. Écoutez ce qui se dit sur cette guerre qui se prolonge depuis plus de deux ans. »
15:52« Mes proches me disent, tu ne seras pas envoyé en Algérie, ton père est mort à la guerre. Pour moi, le problème n'est pas là. On ne peut pratiquer des méthodes nazies sur les Algériens. »
16:05« Mais qui est responsable de la répression ? »
16:11Pour Germaine Quillon, chargé de mission auprès du gouvernement général à Alger, la responsabilité première de la répression ne fait pas de doute.
16:21« Il y a eu à Paris un ordre qui a été formulé de la façon suivante. Vous devez obtenir tel résultat et vous êtes couvert. »
16:35« Voilà comment les ordres sont donnés. »
16:37« Par qui alors ? »
16:39« Ils sont donnés par le gouvernement. »
16:41« Mais il y a des hommes, donc, à ces gouvernements. »
16:43« Bon, ces hommes, ce sont, il faut bien le dire, malheureusement, il faut remonter au président du conseil, Guy Mollet. »
16:51« C'est lui. Mais c'est en même temps lui qui a permis à la Commission internationale de visiter toutes les prisons. »
16:58« Ça veut dire qu'il est pris lui-même en face d'une situation qu'il ne maîtrise pas. »
17:08Au plus fort de la bataille d'Alger, Guy Mollet s'adresse aux Français pour couper court aux allégations de torture.
17:14« S'il était vrai qu'il y ait des brutalités organisées par un individu ou deux, le calme rétablit. Dans les deux jours, trois jours qui suivent une arrestation pour faire parler à un coupable, il soit torturé, ce serait incolérable. »
17:34« Il n'y a pas à concevoir, même si ça ne se produit qu'une fois. Il y a des méthodes que les autres emploient, que nos adversaires emploient. Mais même, dans ce cas-là, on n'a pas le droit de la répondre par la même méthode. »
17:43« La France, c'est dans le monde le pays des droits de l'homme. »
17:48« C'est un mensonge, pur et simple. Appeler ça un mensonge. C'est rien d'autre qu'un mensonge. Il a menti, point. »
18:01« Donc, il savait, et non seulement il savait, mais il souhaitait... »
18:05« Non seulement il le savait, mais il avait un plat, placard d'informations qu'il a montré à David Rousset. Et David Rousset me l'a dit à moi. Il m'a dit, quand je suis venu le trouver pour lui demander l'autorisation pour la Commission internationale de visiter les camps et les prisons,
18:24il l'a donnée en disant, mais vous savez, vous ne m'apprenez rien, regardez. Tout ça, ce sont des informations que j'ai reçues et des réclamations sur ce qui se passe actuellement. »
18:35« Donc, il le savait, mais il a craqué, c'est tout. Il s'est trouvé en face d'un problème qui le dépassait, point. »
18:45« Et c'est ça qu'il faut bien comprendre. Il n'a pas été à la hauteur du problème qu'il avait à résoudre. »
18:54« Mais il a engagé la République, la France... »
18:57« Oui, monsieur, parfaitement. Il a engagé la République, la France, et il ne tenait pas les règles du pouvoir. Elle lui échappait des bains. La preuve. »
19:09« Et donc, on est rentré dans cette guerre, on s'est enfonché. »
19:13« Exactement. Par pure faiblesse. »
19:17« Et ceux-ci se sont trouvés plusieurs fois mis devant le fait accompli et obligés de la baliser sous peut-être que ce serait le moindre mal. »
19:27« Vous savez, il y a quelque chose d'extrêmement difficile dans la vie politique. »
19:32« C'est de savoir quel est le moment où on doit dire un non catégorique, et j'ai envie de dire entêté. »
19:43« La vie politique, normalement, dans une démocratie, elle est faite de concessions, de compromis. Pas de compromissions, mais de compromis. Il faut faire vivre les gens ensemble, n'est-ce pas ? »
19:57« Mais il y a des cas où on doit dire non, ça, cela n'est pas possible. »
20:01« Et c'est très difficile de choisir le moment où on doit opposer une espèce de refus obstiné. »
20:09« Dire non, là, il y a une limite qu'on ne franchira pas. »
20:12« En mars 1957, au troisième mois de la bataille d'Alger, le député François Reissult, démocrate chrétien, interpelle Guy Mollet sur la répression. »
20:22« Je vous en supplie qu'on ne puisse pas nous suspecter d'user de procédés odieux contre lesquels nous n'avons cessé de combattre durant la résistance. »
20:31Guy Mollet répond par un nouveau mensonge.
20:34« Deux cent mille rappelés aux soldats du contingent sont rentrés. Ils n'ont pas manqué d'être sollicités de fournir à nos accusateurs des témoignages qu'on aurait voulus accablants.
20:43Pourquoi ne l'ont-ils pas fait, si ce n'est parce qu'ils se sont toujours refusés à mentir ? »
20:52« Il est vrai que la majorité des soldats ne parlent pas de leur guerre. »
20:56« Les matelots vont être démobilisés. Qu'ont-ils vécu ? Qu'ont-ils vu ? Qu'ont-ils su ? Ils éludent les questions. »
21:13Pourtant, certains rappelés comme ces prêtres veulent témoigner, briser le mur de silence.
21:18« Ils sont restés huit jours au soleil pour faire un étang. »
21:26Mais les autorités n'hésitent pas à faire pression sur eux par écrit, pour éviter que l'opinion ne connaisse la réalité.
21:35« J'ai une correspondance de l'Hommelier Militaire, 10e Région Militaire d'Alger, adressée à Messieurs les prêtres, rappelés rentrant en métropole. »
21:45« Quand on est rentré en métropole, c'était en novembre 1956. »
21:51Et à la fin de cette lettre, il est dit ceci.
21:54« La confrontation des forces en présence était suffisamment connue des hommes avertis dès le début de la crise algérienne
22:02pour que l'on ait vivement regretté dans l'armée que tant d'incompétentes se soient mêlées de parler, de juger et de trancher à tort et à travers. »
22:12Alors, c'est sur la fin.
22:13« Les prises de position les plus équilibrées sont celles des gens qui savent se taire quand ils n'ont pu étudier une question avec toute la compétence de bas. »
22:24C'est donc l'Hommelier Militaire qui vous dit « Fermez votre gueule. »
22:29« C'est ça. Oui, c'est écrit. Messieurs les prêtres, rappelés, rentrant en métropole, taisez-vous. Taisez-vous.
22:37Vous n'avez pas suffisamment de recul ou de vision globale des événements pour pouvoir dire quelque chose. »
22:46Dès leur retour, en dépit des recommandations de l'Hommelier Militaire, ils rédigent un document à l'attention de leur hiérarchie.
22:55Des témoignages précis et vérifiables.
22:58« Tiziouzou. »
23:00On torturait des prisonniers tout près de l'infirmerie, pour la plus grande joie des malades d'ailleurs.
23:085 octobre 56.
23:09Un des soldats sort un couteau, coupe l'oreille, l'attend un camarade, qui la met dans son portefeuille.
23:18Octobre 56.
23:20Un lieutenant rencontrait, prêtre lui aussi, affectue en représailles tous les hommes d'un village.
23:27Vous faites un rapport extrêmement rigoureux.
23:32Vous l'adressez à la hiérarchie et vous n'avez pas de réponse.
23:35Non.
23:37Pas de réponse.
23:37Parce que vous demandez même, conseil, vous demandez même, qu'il y ait une réflexion sur morale et guerre.
23:47Évidemment, évidemment.
23:50Ces faits-là appelaient des commentaires de la part de l'autorité épiscopale, certainement.
23:58Et puis des orientations pour ceux qui seraient dans l'avenir affrontés au même problème.
24:04Mais ni le supérieur du séminaire, ni malheureusement l'état-major des professeurs, ni l'évêque, à plus forte raison, n'ont pris en main ce problème-là.
24:19Et ça, c'est vraiment bien dommage.
24:21Pendant la bataille d'Alger, les exécutions capitales se multiplient.
24:30Pour briser le terrible engrenage de la guerre, les Algériens prennent une nouvelle fois l'initiative de parler avec Paris.
24:38Germaine Tillon, choisie en tant qu'ancienne résistante des portaires à Wensbruck, leur semble l'intermédiaire idéal.
24:44Je me trouve seule à l'hôtel.
24:49Et c'est à ce moment-là que je reçois une jeune fille qui vient me trouver en tremblant, vraiment.
24:56Et elle me dit, ils veulent vous voir.
24:58J'ai dit, mais qui c'est ça, ils ?
25:00Germaine Tillon n'hésite pas.
25:08Elle se rend dans la casbah.
25:15C'est le chef de la zone autonome d'Alger, Yassif Saadi, responsable des poseurs de bombes,
25:21qui a pris l'initiative d'un rendez-vous informel.
25:24Il sait que Germaine Tillon représente la conscience de la France, qu'elle connaît et aime les deux communautés.
25:40Sur le canapé, il y avait assis Annie Lapointe, avec sa mitraille sur le genou,
25:46et en face de moi, sur un fauteuil ou une chaise, Yassif Saadi, aussi avec sa mitraillette en travers des joues.
25:57Avec émotion, Yassif me dit, vous voyez que nous ne sommes ni des brigands ni des azores.
26:02Et alors, à ce moment-là, moi j'ai un choc, et avec beaucoup de tristesse, et beaucoup de gravité, et beaucoup d'émotions internes,
26:15je leur dis très gravement, vous êtes des assassins.
26:19Et à ce moment-là, il a un choc, lui aussi.
26:22Et ce à quoi j'ai répondu, exactement, nous sommes des assassins.
26:26Bien malgré nous, nous sommes des assassins.
26:29Quand on pose une bombe, et qu'il y a des amputés, qu'il y a des...
26:34On est automatiquement qualifiés d'assassins.
26:38Et nous le sommes.
26:40C'est les conditions qui...
26:42Les conditions, le vouloir notre indépendance, nous oblige à utiliser tout ce qu'on pouvait utiliser
26:48pour dire aux Français, il y en a marre, laissez-nous en paix, donnez-nous nos...
26:52Enfin, nous voulons notre indépendance, on lutte pour notre indépendance.
26:57Et il me raconte l'attentat de la Casbah.
27:03Attentat de la Casbah qu'il avait lui-même ordonné.
27:08Et qu'il a été ensuite regardé.
27:11Vous croyez que ça me fait plaisir ?
27:13J'ai pleuré dans le casino de la Cordonnée.
27:16Je vous donne ma parole d'honneur que les larmes...
27:19J'avais les larmes en disant, Yacef, regarde-toi, mon Dieu, regarde ce que tu es en train de faire.
27:25Des jeunes filles de...
27:27Est-ce que j'aurais accepté que ma fille ait une jambe coupée ? Jamais.
27:31Et je l'ai fait pour l'autre.
27:33Alors, j'ai pleuré.
27:34Je me suis dit, je ne recommencerai plus.
27:36Je ne ferai plus de bon...
27:37Au fond, moi-même, je me haïssais.
27:41Et il y avait, dans l'attentat en question, il y avait un jeune homme qui était un de ses camarades, pieds noirs, qui avait été tué.
27:51Et la fiancée de ce jeune homme qui avait eu une jambe arrachée.
27:57Alors, il l'a vue et il me dit, j'ai pleuré.
28:03J'ai dit, bon, arrêtez ça !
28:05J'ai dit, si on arrête, on cesse de torturer les Angéliens et on les condamne pas.
28:13Moi, je vous donne tout de suite mes bombes.
28:16Toutes mes bombes, je vais vous les donner.
28:18Elle m'a dit, oh, Dieu, vous me donnez, qu'est-ce que je vais en foutre avec vos bombes ?
28:23Je ne les ai pas besoin.
28:24J'ai dit, non, les bombes, on va les utiliser, mais pas contre les civils.
28:27Je lui ai dit, mais s'il y a encore des exécutions capitales ?
28:32Il me dit, dans ce cas-là, je ne peux rien promettre.
28:36Alors, moi, je le quitte en me disant, en réalité, si nous arrêtons les exécutions capitales
28:44et qu'eux arrêtent les attentats, on va pouvoir négocier.
28:51Et au fond, c'est tout ce qu'il y a à faire.
28:53Négocier.
28:57Alger est calme.
29:00Il n'y a plus d'attentant.
29:03De fait, c'est une trêve.
29:05Germain Tillon est devenu un intermédiaire officieux du gouvernement français.
29:10De même, Yassif Saadi rencontre à Tunis auprès des dirigeants algériens.
29:14Mais l'armée a appelé ses contacts.
29:20L'arrestation de Yassif Saadi et de son adjointe est présentée comme une victoire sur le terrorisme.
29:25En fait, les militaires ont voulu casser, encore une fois, toute possibilité d'accord avec le FLM,
29:32comme ils l'ont fait en détournant l'avion des libéraires algériens des mois plus tôt.
29:37L'armée veut signifier au gouvernement qu'elle n'acceptera qu'une solution militaire.
29:41Mon arrestation a complètement bousillé le contact entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire algérien.
29:56Mon arrestation a tout mis, foutu en l'air.
29:59Il n'y avait plus Yassif, il n'y avait plus rien.
30:01L'arrestation, c'était la continuation de la guerre.
30:04Et c'est enfin le défilé triomphal de nos paras et des arcas sous une véritable marée d'applaudissements.
30:12A leur retour en Afrique du Nord, tous pourront dire à leurs camarades
30:22que jamais depuis les heures glorieuses de la libération,
30:26la population parisienne, venue en foule au magnifique défilé des Champs-Élysées,
30:30avait accueilli et acclamé avec une telle chaleur les représentants de son armée d'Algérie.
30:34Les accents lyriques de la propagande magnifient les paras.
30:43Là-bas, loin de la foule qui applaudit, la répression s'accentue encore.
30:47J'ai été sollicité comme chef de peloton d'exécution.
30:52Je me suis enfui.
30:54Je me suis enfui.
30:55Je me vois encore lorsque j'ai été invité à aller chercher mon armement
31:00et mon équipement pour organiser le peloton d'exécution.
31:04Je me suis enfui.
31:06On campait sous des tentes.
31:08Et j'ai été retrouvé par les gendarmes dans Colomb-Béchard.
31:14Et comme j'en ai déjà témoigné, ma prison était le djebel.
31:22Mais j'ai eu ce réflexe humain incontrôlé chez moi
31:27en me disant que ce n'est pas possible.
31:29Je vais être chef de peloton d'exécution.
31:31C'est aussi une gradation dans la prise de conscience
31:35à partir de l'horreur de ce qu'on nous a fait.
31:38Et là, je me suis dit non, ce n'est pas possible.
31:40Donc, j'ai été dégradé une nouvelle fois.
31:45Vous avez été dégradé parce que vous avez refusé d'exécuter un prisonnier qui avait été torturé.
31:52Oui, au prétexte qu'il était chef Félaga et que je devais accepter son exécution.
31:59Je l'ai aussi été pour avoir connu viol collectif, etc. et dénoncé.
32:06Mais par deux fois, j'ai retrouvé les galons au combat et obtenu la médaille militaire
32:13et envoyé défiler à Paris devant le président de la République, René Coty, le 14 juillet 1957.
32:21Dénoncer la répression en 1957, c'est salir l'armée.
32:29Pourtant, après la guerre, le colonel Largoût, officier d'action psychologique,
32:34n'hésitera pourtant pas à revendiquer ses pratiques pour garder l'Algérie française.
32:37Ces élections capitales, je les faisais publiques précisément pour obtenir le maximum de rentabilité de la mort d'un homme.
32:47Contrairement à beaucoup de mes camarades qui, si vous voulez, pour obtenir la même efficacité,
32:52un homme exécuté publiquement chez les Arabes a autant d'efficacité que dix hommes exécutés dans la clandestinité ou derrière les murs d'une prison.
33:02Et je faisais, je pratiquais la même chose, c'est-à-dire que d'autres ont temps de les exécuter publiquement.
33:07Eh bien, je laissais leur cadavre exposé sur la place publique.
33:11J'apprends que face à la violence d'État, des intellectuels essaient d'alerter l'opinion.
33:17Parmi eux, Lanzadelle Basto, François Mauriac, Robert Barat, Laurent Schwartz, Pierre-Vilane Laquet et bien d'autres.
33:27Le mythe de l'armée de pacification est ébranlé début 1958 avec la parution de la question.
33:33Ce livre qui touche des consciences est vite interdit.
33:36Henri Allègue y évoque les tortures qu'il a subies lorsqu'il fut arrêté comme directeur du journal Algiers Républicain.
33:43Il raconte comment ses tortionnaires se comparaient à la Gestapo et souhaitaient foutre en l'air la putain de République.
33:49L'instabilité gouvernementale va favoriser les voeux de l'armée.
33:55Le problème algérien a fait chuter trois gouvernements en un an.
34:00Guy Mollet est remplacé par Bourgesse Monnourie, lequel est remplacé par Félix Gaillard, qui tombe à son tour.
34:07La vacance du pouvoir dure un mois.
34:11En mai 1958, Pierre Fimelin est pressenti comme nouveau président du Conseil.
34:16À Algiers, on ne veut pas de Pierre Fimelin, suspecté de vouloir braver l'Algérie.
34:24Une foule composite de partisans de l'Algérie française et de groupes favorables à un retour du général de Gaulle s'empare du gouvernement général.
34:31Le 13 mai, se forme un comité de salut public, présidé par le général Massu.
34:40Leur plan prévoit des parachutages sur Paris pour prendre le pouvoir.
34:47Deux jours plus tard, le général de Gaulle, qui s'était retiré du pouvoir en 1946, déclare
34:52« Je me tiens prêt à assumer les pouvoirs de la République. »
35:01Dans ma ville, un prêtre est enlevé, goudronné, recouvert de plumes avec une inscription
35:09« Avertissement aux amis du FLM. »
35:18Le général de Gaulle, nommé président du Conseil, sera en Algérie et serre la main du général Massu.
35:26Je crois à une complicité de factieux et à une république en danger mortel.
35:31De Gaulle ne vient-il pas conforter les partisans de l'Algérie française et le rôle de l'armée ?
35:46De son discours, je ne retiens qu'une formule, adressée aux partisans de l'Algérie française.
35:53Je vous ai compris !
35:56Mais je ne remarque pas une phrase riche d'espoir pour les Algériens.
36:02Cela signifie qu'il faut reconnaître la dignité de ceux à qui on la contestait.
36:13Vive la République !
36:21Vive la France !
36:25Vive le général de Gaulle !
36:31Vive le général de Gaulle !
36:33Vive le général de Gaulle !
36:35Vive le général de Gaulle !
36:37Vive le général de Gaulle !
36:42En fait, le général de Gaulle a eu connaissance d'un rapport du Conseil d'État.
36:48Pour les auteurs, la finalité de la politique française ne doit être ni de maintenir à tout prix la souveraineté de la France, ni de reconnaître à n'importe quel prix l'indépendance algérienne.
37:01Il s'agit de sauvegarder ce qui est indispensable pour la France, comme en témoignent des futurs intermédiaires de De Gaulle avec les leaders algériens.
37:09Je pense que quand De Gaulle est arrivé au pouvoir, il avait pris conscience qu'il n'y aurait pas de solution de type Algérie française en Algérie.
37:20Il pouvait le regretter, c'est possible, mais il pensait que ce n'était pas possible, donc il fallait trouver les voies et moyens de trouver un modus vivendi avec les Algériens pour cesser ce conflit.
37:34C'était ça. Mais évidemment, il sortait à ce moment-là à des noyaux d'hommes qui l'avaient appelés et qui avaient participé à sa prise de pouvoir, qui n'étaient pas du tout de cet avis.
37:52La guerre d'Algérie vient de faire tomber la Quatrième République. Charles De Gaulle, premier président de la Cinquième République, élabore une constitution à sa mesure.
38:04Les pouvoirs du président de la République sont renforcés et le rôle du Parlement considérablement réduit.
38:12En cas d'événement grave, l'article 16 permet au président de la République de disposer des pleins pouvoirs.
38:20La Quatrième République a été faible. La Cinquième se doit d'être forte face au gouvernement provisoire de la République algérienne, qui s'est constituée en septembre 1958.
38:34Le GPRA, présidé par Ferrat Abbas, longtemps considéré comme un modéré ami de la France, est très vite reconnu de facto par plusieurs pays.
38:45Mais pour la France, les combattants algériens restent des rebelles.
38:52Arrêtés, ils n'ont pas le statut de prisonniers de guerre et sont traduits devant la justice militaire, composés aussi d'appelés non-magistrats.
39:01Ça m'est arrivé une fois de plaider devant un tribunal militaire en plein maquis.
39:10On avait instauré une espèce de justice itinérante, les tribunaux militaires au sein même du maquis algérien, pour porter en quelque sorte l'exemple.
39:19Et ce jour-là, on a attendu un moment parce qu'il manquait deux juges.
39:26Et les deux juges, on les a recrutés, on les a pris.
39:30Ils venaient de terminer dans la nuit le maintien de l'ordre dans un djebel, le même djebel.
39:39On leur avait dit en quelque sorte inutile de vous changer ou à peine.
39:44J'allais dire idéalement inutile même de poser votre mitraillette.
39:48Ça sera un autre genre de mitraillette.
39:51Mais vous allez siéger.
39:53Donc ils prêtaient serment le matin.
39:56Ils avaient été pris parmi les forces de l'ordre et ils jugeaient.
40:03Je vais être appelé.
40:06Comment puis-je me satisfaire du slogan creux de la gauche, Péanadjéri ?
40:12Comment obéir à mon église qui demande de ne pas se soustraire au devoir militaire ?
40:18Je cherche ma voie.
40:21C'est le non-violent Lars Adel Vasto, ami de Moriac, qui m'apprend qu'il est possible de refuser de porter les armes en acceptant d'être infirmiers parachutistes.
40:31J'apprends aussi qu'une soixantaine de jeunes, surtout des communistes, refusent de combattre en Algérie.
40:38Un refus qui se paie par la prison et même par le bagne dans le désert saharien.
40:42Arrivé à Tillefouchi, on est matraqué, on vous fait faire la pelote.
40:51Et puis, on est au milieu de 80 ou 100 disciplinaires, parmi lesquels j'ai retrouvé 5 camarades qui étaient à la sélection spéciale pour les mêmes raisons,
41:06pour avoir refusé de continuer à combattre en Algérie.
41:08Je me voyais inquiète, tout simplement parce que 15 jours avant, il y avait deux détenus qui s'étaient échappés et qui ont été rattrapés et assassinés par le capitaine.
41:31Vous savez qu'on se levait le matin, on n'était pas sûrs, effectivement, de se coucher le soir.
41:36L'armée me convoque pour les trois jours de présélection militaire à la fin de l'année 58.
41:55C'est un moment difficile.
42:01Marqué par la photo de torture, mais effrayé du sort des militants comme Clavel, l'heure est arrivée de prendre position.
42:09À l'officier orienté en surpris, j'indique que je refuse de porter les armes.
42:14Ce n'est pas l'uniforme que je refuse.
42:17C'est cette guerre où l'on torture, où l'on assassine des civils, où l'on viole des consciences.
42:23Vu mon métier de reporter-photographe, il me propose le service photo-cinéma de l'armée.
42:28Je refuse.
42:31Je serai donc infirmier dans les parachutistes.
42:34À la fin de l'été 59, à l'insu de Michel Debray, premier ministre favorable à l'Algérie française,
42:44Gaston Gostin est chargé par De Gaulle de rencontrer les dirigeants algériens emprisonnés.
42:50Il pensait, n'est-ce pas, qu'avant de prononcer une déclaration solennelle sur l'autodétermination,
42:57il voulait avoir l'avis des gens que la France détnait,
43:00c'est-à-dire qui étaient les chefs de la rébellion, comme il disait, algérienne,
43:06qui étaient les gens de l'avion qui avaient été arraisonnés par la coste,
43:10et qu'on avait mis en prison à la santé pendant plusieurs années,
43:13je crois, je m'en rappelle plus, 56, 57, 58, oui,
43:16et que De Gaulle voulait qu'on remette ailleurs, qu'on l'installe, disait-il, dans un château.
43:24J'avais donc été les voir là-bas pour leur dire que De Gaulle allait prononcer probablement un discours
43:30proposant l'autodétermination à l'Algérie, et on voulait avoir leurs sentiments.
43:36Alors, bon, ils étaient tous d'accord, sauf peut-être Haït Ahmed qui avait commencé à discuter un peu,
43:42qui voulait entamer la discussion avec moi sur le fond, mais moi je n'étais pas qualifié pour la mener.
43:47Mais Benbella, Kidère, tous ces gens étaient enthousiastes,
43:51et alors, on est revenu à Paris, et j'ai dit, c'est d'accord,
43:55et De Gaulle a prononcé après, je ne me rappelle plus combien de temps après,
43:58mais 15 jours après, a prononcé son discours.
44:00Mais ce que je voulais dire, n'est-ce pas, c'est qu'entre-temps,
44:03il y avait une question de sécurité tout à fait importante,
44:07c'est qu'il ne fallait pas que le camp adverse, c'est-à-dire les partisans,
44:10les guerriers françaises, apprennent qu'il y avait ces conversations
44:13avec des gens qui étaient pour eux des rebelles.
44:20Compte tenu de toutes les données algériennes, nationales, internationales du problème,
44:28je considère comme nécessaire que ce recours à l'autodétermination soit proclamé aujourd'hui.
44:36Le sort des Algériens appartient aux Algériens.
44:44Moins d'un mois après la déclaration de De Gaulle sur l'autodétermination,
44:48un tout autre discours est tenu par le premier ministre, Michel Debray,
44:52favorable à l'Algérie française.
44:54Nous savons quel drame ce serait si jamais l'Algérie se séparait de la France.
44:59Nous savons que le maintien de la plus étroite union
45:01est une nécessité pour les citoyens de la métropole,
45:04comme elle est une nécessité pour les citoyens chrétiens, musulmans ou juifs d'Algérie.
45:14Sur le terrain, la répression continue, malgré les consignes du général De Gaulle.
45:20Mgr Feltin, responsable de l'homenerie militaire, rend visite à l'armée en Algérie.
45:26En acceptant l'hommage du général Massu, il apporte la caution de l'église à la répression.
45:31Je suis indigné, mais non étonné.
45:35Lors de la bataille d'Alger, Mgr Feltin a refusé de s'associer à d'autres évêques pour condamner la torture.
45:42Jamais, en ces temps de guerre, le mensuel interne de l'homenerie n'abordera cette question.
45:48Je pense que l'homenerie militaire en Algérie a manqué d'une qualité qui est fondamentale chez le militaire.
45:56Elle a manqué de courage.
45:58Et pourquoi ils ne l'ont pas fait ?
46:00Pourquoi ils ne l'ont pas fait ?
46:04Je ne veux pas interpréter, je dirais, le fonctionnement d'une institution ou autre.
46:13Mais je pense que l'homenerie militaire, en ne prenant pas la parole, a essayé de s'auto-protéger.
46:22Je suis incorporé par un chuitiste à Pau, début 1959.
46:36Lors de mon stage de saut, un capitaine me dit, par la torture, on obtient des renseignements pour sauver des vies humaines.
46:44Mais pire, l'homener que j'interroge me répond, il faut rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César.
46:52Et il ajoute, tu ne dois pas faire de politique à l'armée, tu dois obéir.
46:59Je découvre que je suis seul face à ce monde clou, où les paras ne cessent de répéter qu'en 1958, ils auraient dû sauter sur Paris pour prendre le Parlement.
47:09Et ils ironisent sur les instructions de De Gaulle contre la torture.
47:11Après l'arrivée du général De Gaulle, est-ce que par rapport à la répression, ça se modifie ?
47:25Oui. Le général De Gaulle a fait une commission, une commission d'enquête pour arrêter les dégâts.
47:34Et il les a un peu arrêtés. Je dis un peu, parce que ce n'est pas total. Ce n'est pas total tout de suite, en tout cas.
47:44Mais il a en tout cas donné des ordres pour que ça change. Mais ça n'a pas changé tout de suite.
47:53Parce que vous savez, on n'arrête pas. On n'arrête pas des phénomènes comme ceux-là aussi facilement.
48:01Ne croyez pas que ça soit facile à faire.
48:05Pour vous, anciens résistants, de savoir que certains officiers tolèrent ou ordonnent la torture, quel choc ça a été pour vous ?
48:15Parce que vous l'avez vécu vous-même en Algérie. Vous étiez en Algérie un moment.
48:18Oui, j'ai été en Algérie. Enfin, j'ai été peu de temps comme militaire en Algérie. Mais j'ai été surtout ministre des armées au moment où la guerre d'Algérie finissait de 1960 à 1962.
48:33Pour moi, dans un premier temps, ça a été incompréhensible.
48:37La torture a été incompréhensible.
48:39Non, que des officiers français pratiquent la torture, pour moi, c'était incompréhensible.
48:45Et dans un premier temps, j'ai d'ailleurs été sceptique.
48:50Mais j'ai bien été obligé de constater que mon scepticisme n'était pas fondé et qu'un certain nombre d'officiers, un certain nombre d'officiles aussi, pratiquaient des méthodes absolument intolérables.
49:09L'étonnement en 1960 du ministre des armées peut surprendre.
49:12À sa décharge, les dénonciations apparaissaient aux yeux de beaucoup, comme de la propagande communiste.
49:22Jusqu'à la fin de la guerre, l'atrocité va se perpétuer, comme en témoigne un commando de chasse démobilisé en automne 1960.
49:34Je le souviens, je le cite, d'un sous-lieutenant qui avait égorgé un prisonnier, qui est revenu en essuance au couteau et qui a dit « Lui, il a de la chance, je lui ai tourné la tête vers la Mecque ».
49:46Voilà, c'était le type d'humour qu'on pratiquait.
49:49Alors vous imaginez un môme de 20 ans, soit il craque, soit il devient dur comme la pierre.
49:54Non, la vie d'un homme ne comptait pas là-bas, ça n'existait pas un arabe égorgé, c'était un accident de parcours, même pas un accident, ça faisait partie du...
50:05Moi j'ai vu, je l'ai dit et redit, j'ai eu, je crois, pas loin une centaine d'égorgements en un an de commando.
50:10Donc c'était une pratique plus que courante.
50:15Souvent, les égorgements commis par l'armée française étaient camouflés, enfin camouflés, on mettait une pancarte autour du cou, traître au FLN, pour faire endosser le crime par le FLN.
50:32Après avoir obtenu mon brevet de Sopara, je suis muté dans le service de santé pour un stage d'infirmier.
50:40Nous subissons toujours l'endocrinement de l'action psychologique de l'armée, qui persiste à voir dans le combat des Algériens, la main de Moscou.
50:53On continue à nous projeter les films Algérie-Française.
50:59La France est ici.
51:03Algérie calme et heureuse.
51:10Ici, avec sa vocation millénaire.
51:14Deux communautés fraternellement unies.
51:22La France est ici.
51:24Pour toujours.
51:31Ici, avec son armée.
51:33Avec son armée qui souffre et lutte chaque jour.
51:49L'action psychologique se veut l'arme essentielle de la guerre antésubversive.
51:52Sa suppression, par le ministère des armées en 1960, est un signe fort pour ses inspirateurs qui ont fait la guerre d'Indochine.
52:02De Gaulle est devenu un traître à l'Algérie française.
52:06Une faction importante de l'armée pense à la nécessité de prendre le pouvoir.
52:12Et certains activistes mettent en place l'embryon d'une organisation terroriste.
52:16Pour les Algériens, les atrocités continuent.
52:22Pour moi, le jour décisif vient en août 1960, lorsque je reçois une lettre d'un ami déjà infirmier en Algérie.
52:30Je dois donner des soins aux torturés.
52:33Le faire permet une autre séance.
52:35Ne pas le faire, c'est peut-être laisser mourir en Algérien.
52:40Réfléchis, André.
52:42Réfléchis.
52:44Je décide de désirer.
52:45Alors que je suis réfugié en Suisse, le mouvement contre la guerre s'amplifie.
52:54121 personnalités françaises s'ignent manifeste sur le droit à l'insoumission.
53:00Ils estiment justifier le refus de prendre les armes contre le peuple algérien, dont la cause est la cause de tous les hommes libres.
53:07De plus, ils mettent en garde contre l'esprit factieux de l'armée.
53:10Ces craintes se concrétisent en avril 61, quand quatre généraux s'emparent du pouvoir à Alger.
53:17Français et Françaises, de toutes origines et de toutes confessions, l'armée vous parle.
53:28Vous avez devant vous les généraux Châles, Jouot et Zéler.
53:33Le 13 mai, l'armée française avait fait le serment solennel de garder l'Algérie dans la souveraineté française.
53:44Ce serment.
53:45Nous voulons aujourd'hui, au nom de l'armée, vous le renouveler.
53:58En Algérie, il y a un problème qui va se poser au gouvernement.
54:03C'est celui du respect par les militaires de la politique du gouvernement, de la politique du général de Gaulle.
54:10Ce qui n'était pas évident, l'expérience l'a prouvé, en particulier avec l'affaire des généraux.
54:20L'affaire des généraux qui est une tentative de putsch en Algérie.
54:25Un mot que le général de Gaulle n'a jamais employé.
54:29Il préférait dire que c'était une tentative de pronunciamento.
54:33Ce qui faisait moins sérieux, si je peux dire.
54:36Le putsch a un caractère militaire allemand, germanique,
54:40alors que le pronunciamento a un petit caractère folklorique sud-américain.
54:46Les putschistes veulent empêcher les négociations annoncées entre la France et les représentants algériens.
54:53Parallèlement, l'OAS, organisation terroriste, vient d'assassiner le maire d'Evian, ville des négociations.
54:59Je comprends que la guerre devient franco-française et j'envisage de revenir en France, combattre les factieux.
55:08Mais les appelés, partout s'opposent aux putschistes.
55:12Lorsque de Gaulle lance l'appel à la résistance, ils entrent massivement en rébellion.
55:17Le putsch échoue.
55:18La voie de la paix est ouverte.
55:20Il n'y avait que deux issues à la colonisation.
55:22D'une part, l'assimilation complète, c'est ce qui a été fait avec les départements d'Outre-mer,
55:29et je dois le dire avec un certain succès, ou bien l'indépendance.
55:35Ce qui a été le cas en particulier pour l'Algérie.
55:39Mais avant l'Algérie, il y avait eu l'Indochine,
55:42et avant l'Algérie, il y avait aussi l'indépendance des territoires d'Outre-mer, au sud du Sahara,
55:49qui avait acquis l'indépendance en 1960.
55:53Et pour moi, c'était véritable, pour moi qui était colonial, qui avait été gouverneur,
55:58c'était vraiment la seule issue possible à la guerre d'Algérie.
56:05Une guerre d'indépendance se gagne sur le plan diplomatique,
56:09quel que soit le sort des armes.
56:10En mars 1962, les anciens rebelles devenus enfin interlocuteurs
56:16négocient avec le gouvernement français à Évion.
56:20Le général de Gaulle tient à préserver les richesses pétrolières du Sahara
56:24et les sites nucléaires.
56:27Parallèlement, Benbella, encore prisonnier,
56:30insiste auprès de ses collègues sur l'importance du Sahara algérien pour l'avenir du pays.
56:34Les Algériens font quelques concessions sur ce point
56:38en acceptant un statut limité dans le temps.
56:43L'Algérie est indépendante
56:45et retrouve sa souveraineté
56:47perdue en 1830
56:49lors du débarquement français.
56:50J'ai quitté l'Algérie
56:57pour embarquement à Philippeville.
57:00Nous étions 800.
57:03Avant d'embarquer
57:04sur le paquebot El Jézaïr,
57:08un capitaine
57:09de nous dire
57:10« Quand vous rentrerez en France,
57:13ne dites pas que vous avez fait la guerre
57:15mais la pacification. »
57:17Ça, c'était le dernier
57:19choc insupportable.
57:20À ce moment-là, une rumeur
57:21parmi les rangs
57:23parmi les rangs
57:24des libérés
57:24et le capitaine
57:26d'hurler
57:27« Que ceux qui ne sont pas d'accord
57:30fassent un pas. »
57:32800 pas
57:33se sont faits.
57:35Le capitaine n'était pas
57:36breveté par un.
57:38Il s'est eu.
57:39Nous avons tous,
57:40nous sommes tous montés dans le paquebot.
57:43Ça, c'était
57:43le dernier instant
57:45en Algérie
57:46pour nous.
57:47Ce n'est pas pour autant
57:49que tout ce qu'on avait vécu
57:50était resté là.
57:57À l'heure où les Algériens
57:59retrouvent leur dignité,
58:01la minorité européenne
58:02connaît un tragique exode.
58:04Les harkis,
58:06supplétifs algériens,
58:07eux,
58:08sont abandonnés
58:09à la vengeance populaire.
58:11Pourtant,
58:12les occasions n'ont pas manqué
58:13au cours des premières années
58:15de guerre pour parvenir
58:16à une décolonisation acceptable
58:18par les deux communautés.
58:20Les gouvernements successifs,
58:22par manque de courage
58:23et de lucidité,
58:24n'ont pas seulement ignoré
58:25la force du mouvement
58:26de décolonisation,
58:28mais ont sacrifié
58:29une génération.
58:30La France ne reconnaîtra
58:31qu'en 1999
58:33qu'il agissait bien
58:34d'une guerre.
58:35Les politiques,
58:39l'armée
58:40et si la responsabilité
58:41était plus large.
58:43Après ma désertion,
58:45j'avais écrit
58:45à 60 amis et connaissances
58:47pour leur expliquer
58:48les raisons de mon acte.
58:49Un seul m'a parlé plus tard
58:50de cette lettre.
58:52Les autres n'ont jamais évoqué
58:53cette période.
58:55Pour eux,
58:56la guerre d'Algérie
58:57a-t-elle existé ?
58:58Il y a 40 ans,
59:03bientôt,
59:04le cessez-le-feu
59:05conclut la veille
59:05lors de la signature
59:06des accords déviants
59:07en traite en vigueur
59:09et mettait fin,
59:10je cite,
59:11aux opérations militaires
59:12et à la lutte armée
59:13sur l'ensemble
59:13du territoire algérien.
59:15En 2002,
59:16le Parlement français
59:17décide de commémorer
59:18chaque année
59:19la fin de la guerre d'Algérie.
59:21Mais les députés
59:22n'ont ouvert aucun débat
59:24sur la responsabilité
59:25des gouvernements d'alors
59:26quant aux horreurs
59:27de cette guerre.
59:28dans les tensions d'aujourd'hui.
59:29Les appelés,
59:30les victimes,
59:31les nouvelles générations
59:32devront se contenter
59:33d'une simple date d'histoire,
59:351954-1962,
59:39guerre d'Algérie.
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