Vendredi 15 septembre 2023, ART ET MARCHÉ reçoit Arnaud Manas (directeur du service du patrimoine historique et des archives, Banque de France) et Aude Louis Carves (cofondatrice, Galerie Louis & Sack)
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00:00 Bonjour à toutes et à tous, ravie de vous retrouver dans Art & Marché, votre rendez-vous
00:12 hebdomadaire consacré au marché de l'art.
00:15 Pour l'actualité de la semaine, on parle des journées du patrimoine qui vont lieu
00:19 ce week-end 16 et 17 septembre.
00:22 Nous avons la chance de nous rendre à la Galerie Dorée de la Banque de France, située
00:26 dans l'hôtel de Toulouse, Arnaud Manas, qui est directeur du service patrimoine historique
00:30 et des archives de la Banque de France, nous fait la visite.
00:33 Et puis, après avoir parlé du patrimoine français, nous irons en Corée pour l'interview
00:37 de la semaine.
00:38 Les foires Frize, Séoul et KIAF, Korea International Art Fair, viennent de se terminer.
00:44 Séoul est-elle en train de devenir la première place de l'art contemporain en Asie ? Nous
00:48 poserons la question à Aude-Louis Carvesse, co-fondatrice de la galerie Louis-Essac, spécialisée
00:53 dans l'art coréen contemporain.
00:56 Tout de suite, c'est Arrêt Marché.
00:57 Pour les journées du patrimoine, Bismarck est allé à la rencontre d'Arnaud Manas,
01:06 le directeur du service patrimoine historique et des archives de la Banque de France.
01:11 Il nous ouvre les portes de la Galerie Dorée, un espace unique en plein cœur de Paris.
01:16 Cette galerie est absolument remarquable et hors du commun.
01:38 C'est une des plus belles, si ce n'est la plus belle galerie d'époque régence en
01:43 France.
01:44 Elle a été classée monument historique, en tout cas les boiseries ont été classées
01:50 monument historique.
01:51 Elle a été faite pour le comte de Toulouse, qui était le fils illégitime de Louis XIV.
01:56 Et il a voulu dans un premier temps son petit Versailles dans Paris.
02:00 Il va dépasser la galerie très Louis XIVienne, très stricte, très austère, et pour faire
02:06 quelque chose de beaucoup plus créatif, beaucoup plus imaginatif.
02:10 C'est les boiseries qui sont absolument extraordinaires, puisque le comte de Toulouse était grand
02:15 amiral de la marine et il avait remarqué et repéré à Toulon, dans l'arsenal de Toulon,
02:20 un jeune et talentueux sculpteur.
02:23 Il lui a demandé de venir faire sa galerie.
02:25 C'était François-Antoine Vassé.
02:27 Il a taillé dans la masse.
02:28 Il n'y a ni vis, ni cheville, ni clous, ni pièces rapportées.
02:33 Tout est d'un seul tenant.
02:34 Cette galerie, cette technique et cette inventivité ont donné lieu à l'invention du style Régence
02:42 et qui est devenu le style Roccaille et Rococo qu'on trouve dans l'Europe entière.
02:47 La Banque de France, par les hasards de l'histoire, s'est retrouvée propriétaire dès le début
02:53 du XIXe siècle, dès sa création de cet hôtel de Toulouse.
02:57 Et l'hôtel de Toulouse, avec ce joyau de la Régence, plus d'autres tableaux, la Banque
03:07 de France, à sa nationalisation, s'est trouvée gardienne et dépositaire de ce trésor-là
03:13 pour le Comte des Français.
03:14 Et donc c'est notre devoir, notre souci principal, c'est de le préserver pour l'ensemble de
03:21 la nation et pour les générations futures.
03:23 Il y a d'autres œuvres.
03:24 Nous avons quelques tableaux.
03:26 La fête à Saint-Cloud de Fragonard, on a deux bouchées, la tapisserie des Triomphe
03:32 Marins qui sont visibles lors des journées du patrimoine.
03:35 Ensuite, la Banque de France possède un patrimoine fiduciaire et numismatique.
03:39 Puisque nous imprimons nos billets depuis presque 225 ans, il se trouve qu'on a une
03:45 des plus belles, si ce n'est la plus belle collection de billets au monde.
03:48 Et donc ça veut dire l'entretenir, c'est la conserver, tout ce qu'il y a, les travaux
03:55 qu'on trouve de conservation dans un musée.
03:57 Et de même pour les toiles, pour nos archives, puisque nous avons nos propres archives.
04:06 Donc voilà, c'est toutes ces missions de conservation habituelles.
04:10 Habituelles pour une institution muséale, moins pour une banque centrale.
04:14 Et c'était un reportage réalisé avec Alexis Mathieu.
04:18 Tout de suite, c'est l'interview de la semaine.
04:20 Et pour l'interview de la semaine, nous nous intéressons à Séoul en tant que place de
04:29 l'art contemporain.
04:30 Et nous recevons en Skype Aude-Louis Carvez qui est cofondatrice de la galerie Louis-Essac,
04:36 galerie spécialisée dans l'art coréen contemporain.
04:39 Aude-Louis Carvez, merci beaucoup d'être avec nous.
04:42 Est-ce que vous pouvez tout de suite nous dire, alors que la deuxième édition de Frize
04:46 et l'édition de KIAF viennent de se terminer, quel est votre ressenti après cette semaine ?
04:52 Bonjour Sybille, merci de me recevoir.
04:55 Alors en effet, les deux foires viennent de se terminer.
04:59 Cette année, les deux foires étaient regroupées au même endroit et ont pu combiner les énergies
05:06 pour faire de cet événement un événement majeur et très dynamique à Séoul et peut-être
05:11 en Corée plus généralement.
05:13 On a vu des acheteurs très jeunes, asiatiques.
05:17 Environ 80% des ventes ont été attribuées à des collectionneurs de moins de 50 ans
05:22 et beaucoup de galeries asiatiques, je crois, plus de 40%.
05:26 Donc ça montre bien un marché local puissant et exponentiel, malgré peut-être un réajustement
05:34 par rapport à l'année dernière, 2022, où c'était la première édition de Frize
05:39 à Séoul.
05:40 Et donc cette année, on a vu peut-être des prix un petit peu plus modérés.
05:45 L'ajustement, ça s'est manifesté comment ?
05:51 Alors peut-être moins de rapidité dans les transactions.
05:56 Les collectionneurs sont pointus, très sophistiqués.
06:01 Ils sont connus pour ça en Corée.
06:03 Donc ils ont peut-être pris le temps de comprendre l'oeuvre d'un artiste dans son ensemble avant
06:09 de se décider.
06:10 Donc peut-être plus une lenteur dans les transactions et des montants peut-être moins
06:15 élevés.
06:16 Je crois que la transaction la plus élevée est autour des 3 millions de dollars.
06:20 Donc voilà, un petit réajustement, mais qui est toujours sain pour le marché.
06:24 Et le fait que Frize se soit installé à Séoul, c'est un marqueur très important.
06:30 Ça projette tout de suite la ville comme une place pour l'art contemporain importante ?
06:34 Définitivement, oui.
06:37 Séoul est une place majeure dans le marché de l'art mondial.
06:42 Frize s'installant à Séoul, ça confirme cela.
06:46 Il y a une vraie confiance dans ce marché, due aussi à une économie florissante.
06:53 L'économie de la Corée se situe juste après la Chine, avant le Japon.
06:57 Donc une stabilité politique aussi, beaucoup d'indicateurs qui font que Séoul est très
07:05 dynamique.
07:06 Il y a des galeries importantes, dont des galeries françaises, Pérotin, Tadéos-Repas,
07:11 qui se sont installées là-bas.
07:12 Et pour cause.
07:13 Vous parlez d'économie de la Corée, je pense que c'est un terrain assez favorable fiscalement
07:18 pour les œuvres d'art ?
07:19 Il y a des avantages.
07:22 En effet, comparable à l'homologue chinoise Hong Kong, qui offre une exonération de taxes
07:30 à l'import, notamment, et puis aussi une exonération de taxes à la vente pour les
07:35 artistes contemporains, les artistes vivants, pour des valeurs en dessous de 50 000 dollars.
07:41 Donc oui, en effet, c'est très attirant pour nombre de galeries, de collectionneurs particulièrement.
07:47 Est-ce qu'on a vu des tendances se déceler à travers ces deux foires ? Qu'est-ce qu'on
07:51 pourrait dire de l'art contemporain coréen ?
07:55 Alors, l'art contemporain coréen, c'est une partie qui se mélange aussi aux artistes
08:06 de renommée internationale bien connues, qui ont déjà des quotes très solides.
08:12 Je pense à Damien Hirst, Liu Fan, Daniel Richter.
08:17 Et ces artistes de très haute volée se mélangent aux artistes coréens.
08:22 Et je pense aux artistes du mouvement d'Ansegva, mouvement des années 70, comme Park Saebo,
08:28 Ah Choon-Yoon, Chung So-Mua, qui ont peut-être des prix, des quotes équivalentes à certains
08:36 grands artistes occidentaux.
08:37 Et vous avez un peu parlé justement des jeunes acheteurs là-bas.
08:41 Qu'est-ce qui fait le dynamisme de Séoul pour les collectionneurs ? Est-ce que c'est
08:46 plutôt des jeunes locaux qui achètent ? Ou alors il y a aussi des collectionneurs
08:51 internationaux qui se rendent sur place et qui participent à ce dynamisme ?
08:54 Il y a les deux.
08:57 Les très jeunes collectionneurs coréens ont vraiment fait leur apparition depuis quelques
09:01 années.
09:02 Ils sont rapides, ils sont friands d'investissement.
09:05 Alors souvent, c'est une façon d'investir, tout comme dans l'immobilier.
09:12 Et ils ont peut-être des goûts différents d'autres collectionneurs un peu plus âgés
09:17 coréens.
09:18 Donc voilà, il y a un mélange de très jeunes collectionneurs avec en effet une classe moyenne
09:24 très développée en Corée.
09:26 Donc tout ça rend le marché très dynamique.
09:29 Quand vous parlez des goûts différents, est-ce que c'est un peu préparé qu'en Chine,
09:34 les jeunes acheteurs chinois vont plutôt se tourner vers l'art produit par des artistes
09:40 chinois, et tandis que les acheteurs internationaux vont peut-être se tourner vers d'autres artistes
09:45 ?
09:46 Est-ce que c'est un peu préparé à Séoul où les jeunes collectionneurs vont se tourner
09:49 vers la production locale ?
09:50 Oui, beaucoup.
09:51 C'est ce qu'on appelle l'ultra contemporain.
09:56 Il y a des choses assez étonnantes, très hautes en couleurs.
09:59 Et on a vu la semaine dernière à Séoul des acteurs de la K-pop, notamment, ou de très
10:08 jeunes acteurs liés aux jeux vidéo qui sont venus faire le tour de la foire et acheter
10:14 des œuvres ultra contemporaines sur des médiums comme la photographie, l'NFT surtout, et
10:20 installations.
10:21 Donc oui, c'est très dynamique.
10:24 Et en France, quelle est la réception de cet art ? Qui sont les collectionneurs français
10:29 qui achètent l'art contemporain coréen ? Par quoi est-ce qu'ils sont intéressés
10:33 plus spécifiquement ?
10:34 En France, je crois qu'il y a toujours une tradition de collectionner l'art asiatique,
10:39 que ce soit l'art chinois, l'art japonais, à une certaine période.
10:43 Et l'art coréen, c'est une sorte de troisième proposition.
10:48 C'est un intérêt qui se développe au fur et à mesure des expositions dans les musées,
10:54 je pense au musée Guimet et au musée Cernowski à Paris, qui sont très actifs dans le domaine
11:00 de l'art coréen.
11:01 Les galeries aussi, il y a deux galeries coréennes qui se sont installées à Paris, Mugi et
11:09 313 Project, des grosses enseignes.
11:11 Et puis les foires d'art, on pense à Asianao qui aura lieu le mois prochain, foire à laquelle
11:18 nous participons d'ailleurs, avec quatre artistes coréens vivants, travaillant et vivant
11:23 en France.
11:24 Donc oui, il y a un intérêt très prononcé et une curiosité surtout.
11:28 Et là pour le coup, les collectionneurs, ce sont plutôt des collectionneurs aguerris
11:32 qui veulent étendre leur collection ?
11:35 Les deux.
11:36 On a des collectionneurs aguerris qui collectionnent l'art coréen depuis longtemps, bien avant
11:41 que ce soit à la mode, entre guillemets.
11:43 Et puis d'autres jeunes collectionneurs européens qui trouvent leur compte et qui
11:52 sont intéressés par cet art très singulier, très méditatif aussi, avec des supports
11:57 comme le papier qui sont d'une grande douceur.
12:01 Et c'est un art qui plaît beaucoup.
12:03 Vous pourriez nous donner quelques noms d'artistes ? Vous avez parlé de quelques endroits, mais
12:09 quelques lieux justement qui pourraient nourrir la curiosité de ces collectionneurs ?
12:14 Oui, alors dans les lieux parisiens, il y a le Centre culturel coréen qui est très
12:22 actif.
12:23 Et voilà, on a quelques galeries aussi parisiennes.
12:27 Et puis encore une fois, les musées Sernowski, guillemets.
12:32 Il y a d'ailleurs une exposition en cours au musée Sernowski sur la peinture coréenne
12:37 avec une petite exposition de quelques artistes assez intéressants.
12:42 Quand on cherche, on trouve de quoi assouvir sa soif d'art coréen à Paris.
12:48 Et pour conclure, finir cette interview, est-ce que vous pourriez nous dire, du coup, pour
12:53 vous, la Corée devient une des nouvelles places fortes de l'art contemporain aujourd'hui ?
12:58 Oui, elle l'est depuis quelques années.
13:02 C'est pas nouveau ?
13:03 Un peu après les années 2000.
13:05 Et là, ça se consolide, ça se conforte vraiment.
13:08 C'est très intéressant ce qui se passe là-bas, même pas que à Séoul.
13:11 Je pense à la ville de Busan, dans le sud du pays, qui est extrêmement active, avec
13:16 énormément de fondations et de musées privés.
13:19 C'est un des pays au monde où il y a le plus de ce genre de structures.
13:23 Donc oui, c'est un pays à visiter et un art à découvrir de toute urgence.
13:29 Parce que les musées, juste pour finir, les musées privés, c'est aussi ça qui va tirer
13:34 ce dynamisme ? C'est aussi un investissement local, fort ?
13:38 Oui, tout à fait.
13:40 C'est des moyens autres, assez puissants.
13:44 Beaucoup d'architectes, de collecteurs se font construire des très beaux musées avec
13:48 des architectes de renom.
13:49 Et ça permet un relais, tout comme le mécénat d'entreprise aussi très fort en Corée.
13:56 Donc c'est un relais indispensable aux développeurs, en effet.
14:01 Merci beaucoup pour votre intervention, de nous avoir donné tous ces détails.
14:05 Aude-Louis Carvesse, je rappelle que vous êtes cofondatrice de la galerie Louis & Sac,
14:08 spécialisée dans l'art coréen contemporain.
14:11 Et c'est la fin de cette émission, Art & Marché.
14:13 Merci beaucoup de nous avoir suivis et je vous retrouve la semaine prochaine pour un
14:17 nouveau numéro.
14:17 [Musique]